La libéralisation des télécommunications au Maroc est-elle une réussite
Prepared by the researcher : Dr. Younes Echmrah, Mohammed V University, Rabat, Morocco
Democratic Arabic Center
Journal of Human Resources Development for Studies and Research : Sixteenth Issue – April 2022
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin.
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Résumé
Les réseaux des télécommunications constituent aujourd’hui un élément de l’infrastructure d’un pays au même titre que les autres infrastructures de base, mais aussi un indice de développement, ils contribuent également à la croissance de l’économie de manière importante.
Dans le passé, le secteur était soumis au monopole de l’Etat dans de nombreux pays. Cette forme de gestion correspond à une époque où l’Etat jouait le rôle moteur de l’économie, mais aussi à une période où l’évolution est relativement très lente en matière de progrès technologique.
Cette orientation fut abandonnée au début des années 80 en raison de l’abandonce de l’offre technologique sur le marché international, au profit d’une vague globale de déréglementation de l’économie mondiale dans laquelle s’insère celle des télécommunications. Ce nouveau contexte de déréglementation qui a débuté en Occident et qui a touché des secteurs importants comme les banques et les transports aériens, a été étendu à certains pays en développement, dans le cadre des politiques d’ajustements structurels visant à rétablir les grands équilibres macroéconomiques.
Introduction
Le secteur des télécommunications marocain a connu des transformations à la fois successives et rapides sous l’effet de plusieurs facteurs depuis 1984. Cette évolution s’est également accompagnée d’un ensemble de réformes institutionnelles et de restructurations, notamment la libéralisation du secteur de télécommunication. Ces transformations inspirées des expériences étrangères se sont accélérées avec l’adoption de la célèbre loi de libéralisation des télécommunications en août1997.
En effet, le Maroc, comme la plupart des pays en développement, n’est plus loin de ce qui se passe ailleurs sur la scène internationale. En 1983, le Maroc signe un accord avec le Fonds Monétaire International (FMI) prévoyant l’application d’une politique d’ajustement de son économie.
En fait, l’une des recommandations essentielles édictées par l’organisme international était la privatisation d’un certain nombre de secteurs de l’économie marocaine.
La métamorphose du secteur des télécommunications marocain fera l’objet par la suite d’un certain nombre de réformes et de restructurations qui sont le fruit des politiques du FMI[1].
La restructuration du secteur des télécommunications marocain a concerné d’abord la réduction du monopole de l’Etat dans ce domaine. A l’instar de la plupart des activités qui se sont soumises à la libéralisation et à la concurrence, le vent de la déréglementation a soufflé aussi sur le secteur des télécommunications. Le 15 février 1997, 68 pays membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ont procédé à la signature du texte prévoyant la libéralisation des télécommunications à partir de l’an 1998.
Ce phénomène n’est pas l’apanage des seuls pays développés puisqu’il concerne bon nombre de ceux qui sont en voie de développement, en raison essentiellement de la mondialisation et de la diffusion rapide de la technologie. Le Maroc faisait partie de ce processus puisqu’on va assister à des opérations de cessions à des opérateurs privés étrangers. (La 2èmelicence du GSM[2] et l’ouverture du capital du Maroc Telecom à la participation privée locale et étrangère).
La libéralisation du secteur des télécommunications au Maroc s’est imposée comme une nécessité et non plus comme un choix idéologique, consistant à soumettre toute une activité importante dans l’économie marocaine à un nouveau mode de gestion.
En effet, depuis l’apparition des premiers systèmes de télécommunications (téléphone, télégraphe, etc.) au Maroc, l’Etat avait détenu le secteur des télécommunications se chargeant de toutes les fonctions, depuis la construction d’infrastructures jusqu’à la commercialisation des services. En 1984, l’Etat procéda à une réforme sectorielle concrétisée par la création de l’ONPT (Office National des Postes et Télécommunications). Ce changement était le premier pas du développement du secteur, qui fut renforcé par la suite en 1991 par un autre énorme projet de réforme sectorielle soutenu par la Banque Mondiale. Les investissements furent élargis afin d’atteindre des objectifs de qualité et de couverture meilleures.
En 1997, une nouvelle réforme du secteur fut introduite par la nouvelle loi relative à la poste et aux télécommunications (loi 24-96), envisageant un nouvel environnement pour les télécommunications, libéralisé, déréglementé et régulé.
Pour mieux cerner la réussite de la déréglementation du secteur au Maroc, il est nécessaire de focaliser l’analyse sur l’évolution du processus de la libéralisation des télécommunications depuis l’adoption de la loi 24-96 et son impact sur l’état des lieux des principaux segments du secteur, ce sera l’objet de cet article.
Afin d’élaborer notre étude, on a adopté une méthodologie descriptive et analytique consistant à décrire la libéralisation comme un nouveau phénomène de la gestion du secteur des télécommunications, et ce, en passant par le cadre institutionnel qui régit cette nouvelle donne, tout en incluant les différentes réformes adoptées par le gouvernement depuis plus de vingt ans pour bâtir une société nouvelle basée sur le numérique et l’usage massif des NTIC dans toute la sphère de la vie économique et sociale. La recherche sera élargie à l’analyse de l’état des lieux et la situation actuelle de l’avancement de ce processus considéré comme vital pour le social, l’entreprise et l’administration mais aussi pour la croissance de l’économie marocaine en général.
La déréglementation, une autre vision à partir de 1980
L’avènement des années 80 constitue une période des grands bouleversements institutionnels et de révision des concepts qui régissaient jusque-là l’économie dans les pays développés. Suite aux échecs des monopoles de l’Etat, surgit la nécessité d’une nouvelle forme de gestion de l’économie avec des règles plus souples et moins rigides. C’est dans ce cadre de la remise en cause des concepts et des politiques en vigueur que la déréglementation a fait son apparition.
En effet, le phénomène de la déréglementation (la dérégulation) est né aux USA dès la fin des années 70 sous la présidence de Carter et s’est accentué avec l’arrivée du Reagan. Cette nouvelle vision qui a pris une dimension mondiale dans les années 80 est généralement étudiée au travers de ses enjeux économiques, stratégiques, politiques ou sociaux pour les pays qui ont à la mettre en œuvre. Ces enjeux sont aujourd’hui clairement bien connus.
C’est un nouveau concept et en même temps une nouvelle méthode de la gestion de l’économie qui se veut un type de fonctionnement autre que celui de l’Etat. Aux USA, pays d’origine, ce phénomène se traduit par une réduction de l’activité normative des agences indépendantes, voire la mise en veilleuse ou la suppression pure et simple de certaines d’entre elles, telles l’Environmental Protection Agency (EPA) ou le Civil Aeraunotics Board (CAB).
Cette situation va connaitre par la suite une transition d’un état d’organisation et de fonctionnement ancien à un autre relativement moderne s’effectuait dans le cadre des mutations à la fois économiques et technologiques sur le plan international, liées essentiellement à l’accroissement du mouvement de la mondialisation des échanges.
La mondialisation considérée comme une propre invention américaine exige une autre manière d’envisager les conditions du marché en mettant en place des règles et des moyens juridiques universelles, car le marché mondial ne peut pas fonctionner uniquement avec l’ajustement de l’offre et de la demande.
La croissance économique en Occident durant les Trente Glorieuses a conduit les économies développées par se retrouver dans une situation de déficits publics et de dettes successifs.
Les pouvoirs publics se sont efforcés à réduire la situation. Cet effort de réduction des déficits publics et de la dette milite en faveur du désengagement des institutions de l’Etat des activités économiques. Ce processus qui fut l’un des traits marquants de la mondialisation se traduit par la possibilité d’offrir à des partenaires privés la perspective de participer à travers la bourse et les alliances stratégiques à la gestion de l’économie.
La déréglementation, ce nouveau concept a obligé donc les pouvoirs publics à mettre en place des règles souples, efficaces et transparentes afin de donner confiance à ces partenaires potentiels. Rapidement, ce phénomène s’est propagé à l’ensemble des pays développés et a touché plusieurs secteurs de l’économie.
La question qui se pose dans ce sens : comment et dans quel contexte la déréglementation des télécommunications fut-elle imposée ?
En effet, dans le secteur des télécommunications, la déréglementation s’est imposée comme une nécessité économique, mais aussi comme le fruit d’un long processus d’évolution technologique. Si la forme antérieure d’organisation des télécommunications à la déréglementation était la forme de monopole, c’est parce que ce mode de gestion était beaucoup plus approprié et convenable à l’époque du service public mais aussi à l’époque ou le progrès technologique évolue de façon relativement très lente. Cette situation durera longtemps jusqu’au début des années 80 ou la métamorphose du secteur des télécommunications mondial commence à se concrétiser véritablement. Avec l’avènement des années 80, le secteur des télécommunications se voit donc évoluer du monde protégé des monopoles à celui de la concurrence, d’une offre monoproduit à une offre multiservices, d’une stabilité technique et commerciale à une concurrence basée sur l’innovation, etc. Ces mutations trouvent leur origine dans de nombreuses innovations technologiques liées aux progrès dans les secteurs connexes de l’électronique et de l’informatique. Mais l’évolution du secteur des télécommunications dépend également de l’évolution du cadre institutionnel et de celle du jeu concurrentiel. Dans cette vague de mutations, il était impératif de mettre en place au sein des entreprises qui opéraient dans une situation de monopole d’un management adéquat pour mieux maîtriser l’évolution technologique. La crise des années 70 (choc pétrolier, déficits publics.) avait également contraint les pouvoirs publics à remettre en cause les systèmes de gestion en vigueur de l’activité économique dans le but d’assurer la relance de la croissance économique ayant été affectée par la crise mais aussi par l’arrivée sur le marché international des quatre dragons asiatiques (Taiwan, Singapore, Corée du Sud et Hong Kong). Dans cette mouvance, les pouvoirs publics des grands pays industrialisés ont entamé la déréglementation d’un grand nombre de secteurs de l’économie tels que les banques, les transports aériens et les télécommunications.
Le but apparent de ce processus consiste à instaurer une concurrence visant la maîtrise des coûts et des prix en vue de concilier en permanence l’exigence de la rentabilité financière et l’impératif du service public. En somme, sous l’effet conjugué de ces pressions technologiques et économiques, la déréglementation s’est développée, et le modèle ancien des réseaux de télécommunications ne semble pas convenu à l’Occident. La réforme du réseau public s’impose de plus en plus depuis deux décennies.
Concrètement, la déréglementation des télécommunications a commencé par les terminaux, elle s’est appliquée ensuite à la téléphonie cellulaire et aux services pour gagner enfin les infrastructures. Dans ce mouvement de libéralisation, la mise en cause des monopoles de télécommunications semble avoir été facilitée par deux facteurs majeurs : l’interpénétration avec l’informatique et la croissance du marché.
Le premier facteur : selon le sentiment général, les prix des services de télécommunications étaient élevés, pour des services dont la qualité était loin d’être satisfaisante. La revendication des grands clients professionnels tourne autour de la baisse des coûts qu’ils jugent élevés des liaisons de télétransmission intégrées dans leur système d’information. La part des services non téléphoniques (transferts de données) a fortement augmenté dans le budget de télécommunication des grandes entreprises. Une telle revendication est puissamment encouragée par les industriels de l’informatique qui sont déjà en concurrence avec les opérateurs, car l’informatique et les télécommunications s’interpénètrent. Les systèmes d’information des grandes entreprises se structurent en réseaux ; d’abord développés autour de grands ordinateurs puissants, ceux-ci se complexifient avec des ordinateurs régionaux, eux-mêmes reliés à des terminaux ou à des microordinateurs. L’intérêt des constructeurs informatiques est de faire baisser les coûts des réseaux, qui pèsent d’un poids de plus en plus important dans le bilan de coût des systèmes d’information, et d’obtenir des prix plus raisonnables des opérateurs, qui abusent manifestement de leur monopole.
Le deuxième facteur qui a contribué à renforcer la mise en cause des monopoles, c’est le marché des télécommunications lui-même qui était en expansion régulière. Il s’est fortement dilaté tout au long des Trente Glorieuses et continue d’être en expansion permanente. Les deux chocs pétroliers de 1973-1974 et 1979- 1980 ont peu affecté sa croissance. Aussi le monopole des opérateurs est-il de plus en plus controversé. Le marché qui est en expansion régulière, peut et doit laisser place à de nouveaux compétiteurs.
Le processus de la libéralisation recouvre des situations diverses selon les pays. Cette diversité s’explique en partie par la variété des contextes nationaux, ceci n’exclut pas un certain nombre de caractéristiques communes.
Premièrement, l’interpénétration entre technologies de traitement de l’information et des télécommunications pose dans tous les pays des problèmes voisins d’organisation industrielle. Ainsi, la position des opérateurs publics sur les nouveaux services de traitement de l’information supportés par des réseaux de télécommunications se trouve-t-elle remise en question. La démarcation entre un domaine concurrentiel et un domaine réglementé des télécommunications semble de plus en plus difficile.
L’expérience américaine montre que l’évolution technologique voue à l’échec toute tentative pour fixer une frontière réglementaire entre les deux domaines.
Deuxièmement : le processus de libéralisation présente lui-même certaines similitudes d’un pays à l’autre. On commence dans un premier temps par la libéralisation des terminaux, puis intervient une libéralisation progressive des services, dont la transmission de données informatiques figure en premier lieu, puis les services d’information, enfin on s’attaque à la téléphonie mobile. En Europe, la libéralisation des services s’accompagne d’une ouverture du marché des équipements de télécommunications publiques. Dans les pays où le secteur des télécommunications était géré par l’Etat, on sépare le contrôle du secteur de sa gestion. Dans une dernière étape, on libéralise les infrastructures et le service téléphonique dans son ensemble.
Troisièmement : l’efficacité du système antérieur est contestée, qu’il s’agisse des modalités de contrôle des opérateurs en monopole ou de la capacité des opérateurs publics à satisfaire la demande. Le mouvement de libéralisation, initié aux Etats-Unis avec l’administration Reagan, et au Royaume-Uni, avec le gouvernement Thatcher, au début de la décennie 80, s’est étendu rapidement au Japon puis à l’Union européenne, et à d’autres pays de l’OCDE, comme l’Australie et la Nouvelle Zélande. Ce mouvement est enfin relayé par des privatisations, et par l’ouverture d’un certain nombre de marchés dans des pays en développement et dans les pays de l’ancien bloc soviétique.
L’argumentation néo-libérale discute la capacité des monopoles publics à assurer la qualité et la pluralité des services offerts aux consommateurs. Elle critique aussi le manque d’incitation des administrations à minimiser leurs coûts, la pesanteur des mécanismes budgétaires, la rigidité de gestion d’un personnel fonctionnaire ainsi que les principes de la tarification.
Le cadre juridique de la libéralisation des télécommunications au Maroc (la loi 24-96)
Dans le contexte de l’échec de la gestion monopolistique de l’Etat au Maroc et ailleurs, il était donc devenu impératif de refondre le secteur des télécommunications dans un cadre juridique et réglementaire plus libéral et moins contraignant en parfaite harmonie avec les engagements internationaux du Maroc, capable d’encourager les initiatives privées pour étendre les réseaux et services de la poste et des télécommunications à l’ensemble des régions marocaines et à toutes les couches sociales d’une part, et de mettre les opérateurs économiques en position favorable dans les situations concurrentielles prévalant dans les communications internationales d’autre part.
L’objet institutionnel est de définir un cadre juridique précisant le nouveau paysage du secteur de la poste et des télécommunications, notamment celui des réseaux des télécommunications qui pourront être exploités par des personnes privées détentrices d’une licence qui sera accordée par décret délibéré conformément à l’article 66 de la Constitution, sachant que l’Etat fixe les orientations générales du secteur de la poste et des télécommunications, et l’autorité gouvernementale compétente veille à leur respect et à leur application.
Ainsi est née la loi (24-96) relative au projet de la libéralisation du secteur des postes et des télécommunications le 14 octobre 1997. En général, ce processus de la libéralisation adopté par l’Etat vient s’inscrire dans une logique de désengagement progressif de l’Etat des fonctions de production des biens et services en faveur de l’ouverture au privé et de ses initiatives.
En adoptant cette nouvelle loi, l’O.N.P. T devrait cesser son activité en matière de télécommunications au profit d’Itissalat Al Maghrib (IAM). Ce dernier ne sera plus comme son prédécesseur à la fois juge et partie prenante dans le fonctionnement du marché. Au contraire, il conservera le monopole d’exploitation des liaisons fixes pendant une période transitoire. Après, le marché marocain des télécommunications sera ouvert à tout opérateur désireux d’investir dans le secteur.
La loi 24-96 s’est appuyée sur les trois principaux axes suivants :
La séparation des branches « Postes » et « Télécommunications » ;
La séparation des fonctions de réglementation et de contrôle de la fonction d’exploitation ;
La libéralisation de l’exploitation des services et son partage entre Itissalat Al Maghrib et les opérateurs privés (nationaux ou étrangers).
La séparation des branches des postes et des télécommunications d’une part, et des fonctions de réglementation et de contrôle de celle d’exploitation d’autre part, a donné naissance à trois nouveaux acteurs, qui sont Itissalat Al Mghrib (I.A.M), l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (A.N.R.T) et BaridAl Maghrib (B.A.M).
L’O.N.P.T fut donc séparé en trois entités distinctes. Il s’agit de :
IAM (Itissalat Al Maghrib): Société anonyme publique (nommée aujourd’hui Maroc Telecom) représentant l’opérateur historique de télécommunications au Maroc.
Barid Al Maghrib (BAM) : Etablissement public monopolisant les services de la poste au Maroc. Il s’agit également d’un organisme public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière.
Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT) : Etablissement public institué auprès du Premier Ministre dont la mission essentielle est de réglementer, de contrôler et d’arbitrer le secteur des télécommunications au Maroc.
La séparation des branches des « postes » et des « télécommunications »
Cette séparation a été prévue par la loi sur deux plans institutionnels et réglementaires. Les raisons à la base de cette disposition sont évidentes. Historiquement, ces deux activités ont été exercées par une même entité pour des raisons de sécurité d’Etat et la souveraineté nationale ainsi que les impératifs économiques ayant trait aux économies d’échelle, il était courant de voir ces deux activités confiées à une seule institution. Avec l’avancée du progrès technologique, le fossé devient très profond entre les deux activités de la poste et les télécommunications à tel point qu’il est devenu ingérable. La séparation définitive apparaissait comme une issue inéluctable.
A l’issue de cette séparation qui a été amorcée dans le cadre même de l’O.N.P.T à partir de 1992 au niveau de la gestion, les comptes de la comptabilité et les ressources humaines, on arrive finalement à un divorce entre les deux institutions. Ainsi, Itissalat Al Maghrib a hérité la branche des télécommunications. Sa forme juridique est celle d’une société anonyme. La loi, dans son article 39, stipule que :
« Il est créé sous la dénomination d’Itissalat Al Maghrib une société anonyme régie par la législation et la réglementation applicables aux sociétés anonymes et par les dispositions de la présente loi ».
Son capital étant donc ouvert aux opérateurs privés (étrangers ou nationaux).
Cette entreprise est chargée, concurremment avec les opérateurs privés qui auront obtenu une licence à cet effet, d’assurer le service universel, d’établir et/ou d’exploiter un ou plusieurs réseaux publics de télécommunications.
En ce qui concerne Barid Al Maghrib, il était chargé en tant qu’établissement public classique de la gestion de la poste et les services financiers postaux. Mais, en fait, la poste n’a pas connu de changement notable dans le cadre de la restructuration. Le secteur postal obéit toujours aux mêmes règles de gestion qu’il a connu au sein de l’ex O.N.P.T. Les deux seules innovations sont l’incorporation de la Caisse d’Epargne Nationale en tant que prestation de Barid Al Maghrib et la codification de la concurrence en matière de courrier international.
A part cela, Barid Al Maghrib assure la lourde responsabilité de doter le pays d’une poste au service du développement économique et du citoyen.
Séparation des fonctions de réglementation et celles d’exploitation
La création de l’ANRT a pour objectif de prendre en charge des questions réglementaires devant régir l’activité des télécommunications au Maroc. Ainsi selon les termes de l’article 27 de la loi 24-96 «il est institué auprès du Premier Ministre un établissement public dénommé : Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT), doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Cette agence est soumise à la tutelle de l’Etat, laquelle a pour objet de faire respecter les dispositions de la présente loi par les organes compétents de l’agence, notamment pour tout ce qui est relatif aux missions qui lui sont imparties à ce titre ». L’ANRT est aussi soumise au contrôle financier de l’Etat conformément à la législation en vigueur.
L’ANRT est chargée d’élaborer et de participer à l’application du cadre juridique en vue de faire respecter :
La garantie du libre jeu de la concurrence.
Le renforcement de la transparence.
La protection des intervenants et usagers contre les risques de comportements illégaux ou illicites.
L’égalité de traitement des usagers en matière de tarification afférente à l’abonnement et aux communications. Les tarifs doivent être établis de manière à éviter toute discrimination fondée sur la localisation géographique.
La garantie de la neutralité des services, de la sécurité des communications, de la confidentialité des informations, du respect des dispositions universelles relatives aux télécommunications, de la contribution aux missions générales de l’Etat, de la contribution des exploitants à l’aménagement du territoire et à la protection de l’environnement et de la continuité des services.
La garantie du respect, par les exploitants, des objectifs d’aménagement du territoire et d’urbanisme. La garantie de la contribution des exploitants aux missions et charges du service universel.
Pour ce faire, l’ANRT est investie de plusieurs missions dont notamment une mission de réglementation, une mission de contrôle, une mission de coercition et de sanction et une mission de suivi du développement des technologies de l’information.
Les dispositions réglementaires relatives à la libéralisation du secteur
Le troisième axe de la réforme est celui du principe de la libéralisation du secteur, de son ouverture à la concurrence (internationale et locale) et les conditions d’entrée sur le marché.
Le cadre juridique régissant l’ouverture des télécommunications aux opérateurs publics et privés résulte des principes généraux posés par le chapitre 2 de la loi qui distingue les situations suivantes :
L’exploitation et l’établissement de réseaux publics de télécommunications, empruntant le domaine public ou utilisant le spectre des fréquences radioélectriques, nécessitent l’obtention d’une licence (art.10).
En revanche, une simple autorisation est exigée pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau indépendant, c’est-à-dire d’un réseau à usage privé ou à usage partagé, par exemple, au sein d’un groupe commercial (maison mère et succursale (art 14).
Enfin, dans certains cas, une simple déclaration est requise, tel est le cas de l’exploitation commerciale de messagerie vocale et tous autres services dont la liste est fixée par voie réglementaire (art. 17). Il faut ajouter qu’un mécanisme d’agrément est mis en place afin de garantir, dans l’intérêt général, la sécurité des usagers et les qualités techniques des matériels et équipements terminaux lorsque ceux-ci sont destinés à être connectés à un réseau public (art15 et 16).
L’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence
Le climat favorable de la libéralisation du secteur des télécommunications au Maroc et les changements institutionnels qui y sont liés et adoptés par la législation marocaine ( loi 24-96), notamment la séparation entre le secteur des postes et celui des télécommunications ont nourri de grands espoirs chez les professionnels qui y ont perçu des opportunités d’investissement et de gains de productivité potentiels entraînés par l’adoption de nouvelles technologies, mais aussi chez les autorités publiques qui voyaient que l’argent rapporté par le processus de libéralisation du secteur est de nature à dynamiser la croissance de l’économie marocaine. L’amélioration de la qualité des services de télécommunications, la baisse des prix et l’augmentation de l’offre de services qui seraient la résultante inéluctable de l’introduction d’une compétition entre l’ensemble des intervenants dans le secteur, auront des retombées positives sur le tissu économique national, notamment sur la compétitivité des entreprises marocaines.
Dans ce cadre, vient l’expérience de la deuxième licence du GSM pour confirmer les orientations générales de l’économie marocaine vers une politique d’ouverture et de développement de la contribution du secteur privé. L’ouverture à la concurrence en matière de télécommunications a concerné, notamment la mise en place de réseaux publics de télécommunications fixes ou mobiles et ce en application de l’article 9 de la loi 24-96.
L’expérience de Médi Télécom
L’expérience de Méditel (Orange actuellement), constitue, en effet, la première application de la loi de la libéralisation. Elle concernait l’opération d’attribution d’une licence pour l’établissement et l’exploitation d’un deuxième réseau public de téléphonie cellulaire, à côté de celui de l’opérateur national IAM (Itissalat AlMaghrib). Cette opération marque de manière effective l’avènement de la concurrence dans ce secteur traditionnellement protégé. Cette opération s’est déroulée en plusieurs étapes.
L’ANRT, réuni le 4 juin 1998, a lancé le processus d’attribution d’une licence pour l’établissement et l’exploitation d’un deuxième réseau public de téléphonie cellulaire de norme GSM.
Cette deuxième licence GSM a été attribuée par décret adopté en conseil des Ministres le 2 août 1999, après avis de l’ANRT rendu public le 5 juillet 1999 ; et à la suite d’une procédure qui, après les travaux préliminaires, a comporté un appel à expression d’intérêt puis un appel à la concurrence en deux phases.
L’appel à expression d’intérêt, lancé le 16 novembre 1998 par voie d’annonce, dans la presse nationale et internationale aux opérateurs de télécommunications d’exprimer leur intérêt pour l’opération, représentait un signal du démarrage officiel de la procédure. Il permettait également de savoir qui étaient les opérateurs intéressés, ainsi que de finaliser et d’optimiser le contenu du cahier des charges par une concertation à même de mieux cerner les contraintes et les attentes des opérateurs. Pour cet appel, 15 réponses ont été remises.
L’appel à la concurrence comportait deux phases : une phase de pré qualification et une phase d’offres.
La phase de pré qualification, sur la base de critères techniques et financiers, initiait un processus de filtrage/regroupement des candidats conduisant à la constitution de consortiums autour d’un noyau dur formé d’un ou plusieurs opérateurs qualifiés et ouverts vers la participation d’autres investisseurs, et notamment les investisseurs marocains. A la date du 22 mars 1999, 8 opérateurs ou consortiums (regroupant la plupart des 15 opérateurs précédemment intéressés) ont déposé un dossier de pré qualification. Sept candidats retenus ont remis des offres, le 22 juin 1999. Ce sont les opérateurs suivants : Vodafone Maroc (Vodafone) ; Marphone (Vivendi) ; Orange Communications Maroc (Orange) ; Technologie Innovation Mobilité Maroc (Telecom Italia Mobile) ; Maghreb Cell (GTE) ; Badil Communication (France Telecom) ; Médi Telecom (Telefonica avec Portugal Telecom).
Après un processus d’évaluation des dossiers des différents candidats, Méditel s’est vu attribué la deuxième licence du GSM.
Médi Télécom est un consortium composé de deux opérateurs de télécommunications à savoir : Telefonica d’Espagne et Portugal Telecom, deux institutions financières marocaines de premier plan : BMCE-Bank[3] et CDG[4] et un opérateur marocain dans l’industrie pétrolière : groupe Afriquia.
Après dix ans de sa présence sur le marché marocain en tant qu’opérateur de la téléphonie mobile, Médi Télécom connait une recomposition de son actionnariat avec de grands groupes nationaux : FinanceCom[5] et la Caisse de Dépôt et de gestion(CDG).
Ainsi, les deux groupes ont conclu lundi 31 août 2009 un accord définitif relatif à l’acquisition de 64,36% du capital de Médi Télécom, représentant la totalité des participations de Telefonica et de Portugal Telecom dans l’entreprise. Les deux groupes détiendront à la réalisation de la transaction, chacun à parité, la totalité du capital de Médi Télécom. Avec cette opération, Médi Télécom devient un opérateur totalement marocain, un opérateur de télécommunications de référence au Maroc et détenteur de trois licences de téléphonie fixe et mobile.
L’opération d’ouverture du capital d’Itissalat Al Maghrib
La libéralisation des télécommunications au Maroc n’est qu’à des débuts. C’est un processus en construction graduelle qui se concrétisera davantage avec l’ouverture du capital de l’opérateur historique national à la participation privé (nationale et internationale). En effet, une étape nouvelle de la libéralisation est franchie une année après l’opération de la deuxième licence GSM, cette nouvelle application de la loi 24-96 s’est traduite cette fois-ci par l’ouverture de 35% du capital d’Itissalat AlMaghrib devant la participation du secteur privé local et étranger.
Ce processus d’ouverture qui a démarré au mois de septembre 1998 est passé par de nombreuses étapes et a été initié par le Ministère du Secteur Public et de la Privatisation(MSPP) : élaboration de la stratégie de privatisation, audit de l’entreprise, évaluation de l’entreprise, fixation du schéma de transfert et des conditions de cession, mise en œuvre de la cession des actions. Ensuite, ce même ministère chargé de la privatisation a lancé un appel à expression d’intérêt en avril 2000 pour collecter des informations, commentaires et observations auprès des candidats potentiels au partenariat stratégique.
Dans le contexte de cette opération et durant le premier trimestre 2000, le gouvernement a fixé le calendrier de libéralisation des télécommunications, en particulier en ce qui concerne la téléphonie fixe, en vue d’une libéralisation totale en 2002. Il a également procédé à la révision du cahier des charges d’IAM[6], afin d’avoir des exigences équilibrées entre IAM et les nouveaux opérateurs, et de préciser notamment la contribution à la recherche et à la formation, ou encore les obligations de service universel et d’aménagement du territoire dévolues à IAM.
Le 3 octobre 2000, l’appel d’offres pour le choix du partenaire stratégique d’Itissalat Al Maghrib a été lancé par le gouvernement marocain. Cette opération visait la vente de 35 % du capital de l’entreprise publique (Itissalat Al Maghrib) à un opérateur global de télécommunications, ou à un consortium conduit par un opérateur global. Le prix minimum fixé par l’organisme d’évaluation était de 20,3 milliards de dirhams.
Quatre opérateurs ont exprimé un intérêt soutenu pour l’opération : Vivendi Universal, France Telecom, Telenor, ItaliaTelecom. Parmi eux, seuls les trois premiers ont retiré le dossier d’appel d’offres ; Telecom Italia a continué à suivre l’opération sans faire acte officiel de candidature. Seul le groupe Vivendi Universal a déposé une offre le 20 décembre 2000, avec un montant de 23,345 milliards de dirhams.
Le 21 décembre 2000, le groupe Vivendi était déclaré l’adjudicataire de l’appel d’offres portant sur l’acquisition de 35% de Maroc Telecom pour une somme de 23,345 milliards de dirhams, soit une hausse de 15% sur le prix minimum fixé par le gouvernement marocain. Cette opération de vente d’une part du capital d’une entreprise publique traduit la volonté des autorités marocaines de poursuivre la politique de la libéralisation des télécommunications en se fondant sur la réussite de la deuxième licence de la téléphonie mobile. C’est aussi une décision souveraine qui confirme le respect des autorités marocaines de ses engagements internationaux dans le cadre du processus de la mondialisation et l’Organisation Mondiale du Commerce.
Vivendi est l’un des premiers grands groupes privés industriels en France de renommée mondiale, crée en 1853 sous le nom de Générale des eaux. C’est un leader mondial aussi bien dans les métiers relatifs à l’eau, l’environnement et l’assainissement au service des collectivités locales que dans les métiers de la communication.
Grâce à sa grande expertise dans le secteur des télécommunications, Vivendi gagnera la confiance des autorités marocaines et leur alliance se confirme et se renforce encore. Ainsi, le 18 novembre 2004, le gouvernement marocain et Vivendi Universal ont conclu un accord portant sur la vente de 16% du capital de Maroc Telecom. Cet accord a permis à Vivendi de porter sa participation de 35% à 51% et de pérenniser sa prise de contrôle. En décembre 2007, au terme d’un échange d’actions avec la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) du Maroc, Vivendi a acquis 2% supplémentaires, portant ainsi sa participation à 53%.
En mai 2014, Vivendi a eu recours à la vente de ses parts dans le capital d’Itissalat Al Maghrib à l’entreprise émiratie Etisalat. La vente de 53% des parts est estimée à un montant de 4,138 milliards d’euros.
La phase de relance de la libéralisation (la loi 55-01)
Le secteur des télécommunications au Maroc a connu un tournant important et ne cesse d’évoluer progressivement grâce à la libéralisation. En effet, la première phase de la libéralisation en 1999 a permis au Maroc de faire un grand pas en avant en matière de démocratisation des nouvelles technologies de l’information. La réussite de la libéralisation de la téléphonie mobile au Maroc a constitué un premier pas qui sera poursuivi, à partir de l’année 2005, par une seconde phase de libéralisation de l’ensemble des services fixes. Plusieurs actions ont été entreprises par le gouvernement afin de permettre la réussite de cette seconde phase qui vise essentiellement le développement des services Internet et l’amélioration des offres destinées aux professionnels et aux entreprises.
Cette seconde étape de la libéralisation des télécommunications a débuté avec la révision du cadre législatif et réglementaire. Il s’agit de l’adoption de la loi 55-01 qui a posé le cadre général pour relancer le processus de libéralisation du secteur des télécommunications.
C’est ainsi que l’année 2005 a été principalement marquée par l’attribution de deux licences fixes, dont une licence nouvelle génération pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de boucle locale, d’un réseau de transport interurbain et d’un réseau international et une autre licence nouvelle génération pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de télécommunications fixes, incluant les services de mobilité restreinte, de transport interurbain et international. L’entreprise MédiTélécom, déjà présente sur marché du segment mobile, renforce son positionnement en obtenant une licence nouvelle génération pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de boucle locale, d’un réseau de transport interurbain et d’un réseau international.
La même année, Maroc Connect a été déclarée attributaire d’une « licence nouvelle génération » pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de télécommunications fixes incluant les services de mobilité restreinte[7], de transport interurbain et international.
L’entrée de deux nouveaux acteurs, MédiTelecom et MarocConnect, crée une nouvelle dynamique concurrentielle du marché autour des services fixes et de mobilité restreinte et prépare un nouveau paysage du secteur des télécommunications au Maroc, et ce, conformément aux orientations générales du gouvernement marocain pour la libéralisation du secteur.
Naissance d’un troisième opérateur de télécommunications au Maroc (Wana)
Après l’obtention de ces licences par Maroc Connect, l’année 2007 va connaitre la création de Wana (devenu aujourd’hui Inwi), comme nouvel opérateur de télécommunications au Maroc. Wana devient ainsi la nouvelle dénomination de l’ancien fournisseur d’accès Internet (Maroc Connect) qui, en décrochant des licences des services fixes et mobiles, devient aujourd’hui un opérateur global de télécommunications.
Avec un investissement de 6,5 milliards de dirhams, que se partagent l’ONA (Omnium Nord Africa) et la SNI (Société Nationale de l’Investissement), les deux principaux actionnaires de Wana. L’entreprise se positionne désormais en opérateur global de télécommunications incluant les services de téléphonie fixe, Internet et mobile.
Depuis 2007 et jusqu’ à l’heure actuelle, la présence de trois opérateurs sur le marché marocain de télécommunications a créé un véritable environnement concurrentiel très vif sur les trois segments du secteur : le fixe, le mobile et l’Internet.
Des performances majeures des télécommunications sous l’effet de la libéralisation
Depuis la mise en place du processus de la libéralisation dans le secteur de télécommunications, la description de la situation du Maroc en matière de téléphonie mobile, téléphonie fixe, marché de l’Internet et de technologies de l’information, pour l’ensemble des intervenants sur les marchés : opérateurs et fournisseurs de services devient inévitable permettant de tracer l’évolution des indicateurs relatifs à l’équipement, à l’accès et à l’usage des TIC par les individus, ménages et entreprises.
En effet, le secteur des télécommunications est devenu, aujourd’hui, plus que jamais un vecteur de la croissance économique. La contribution de l’opération de la deuxième licence GSM, la privatisation de Maroc Telecom et la libéralisation des services fixes de télécommunications ont déclenché une concurrence très acharnée entre trois opérateurs de télécommunications en faveur du consommateur marocain traduite par la baisse des prix, la multiplicité des produits et l’amélioration de la qualité des services d’une part, et par la création d’une dynamique économique dans le secteur en particulier et dans l’économie marocaine en général d’autre part.
Le marché de la téléphonie mobile
Depuis l’entrée en vigueur de la libéralisation, La croissance du marché national des télécommunications est supportée principalement par la téléphonie mobile. En effet, l’ouverture à la concurrence du marché de la téléphonie mobile qui visait le consommateur a conduit à une des croissances les plus importantes au monde. On a assisté à l’élargissement de la gamme des produits et services offerts, à la compétition sur le plan des tarifs, mais également à une accentuation des efforts commerciaux, marketing et de communication des trois opérateurs en place depuis le déclenchement du processus de la libéralisation, Itissalat Al Maghrib, Médi Telecom (Orange actuellement) et Wana (Inwi).
L’évolution réelle du nombre d’abonnés a dépassé toutes les prévisions. En effet, le parc d’abonnés n’a cessé d’augmenter au fil des années depuis le début de la libéralisation et jusqu’à l’heure actuelle. Ainsi, au 31 décembre 2001, le nombre d’abonnés était de l’ordre de 3 663000 pour Itissalat Al Maghrib et de 1112592 pour Médi Telecom. Aujourd’hui, à la fin 2020, le parc a atteint 49,42 millions d’abonnés avec un taux de pénétration de l’ordre de 137,5%.
Le tableau suivant nous permet de dégager l’évolution du nombre d’abonnés à la téléphonie mobile au Maroc depuis l’entrée en vigueur de la libéralisation des télécommunications il y a vingt ans.
Evolution du nombre d’abonnés à la téléphonie mobile (en milliers)
Année | 2001 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 |
IAM | 3 663 000 | 18 503 | 19 033 | 20 029 | 19,472 |
Méditel | 1 112 592 | 15 277 | 15 457 | 15 895 | 17,072 |
Wana | 10 136 | 10 248 | 10 743 | 12,878 | |
Total | 4 775 592 | 43 916 | 44 738 | 46,667 | 49,422 |
Source : Rapport annuel 2020, ANRT
L’évolution du nombre des abonnés à la téléphonie mobile au Maroc depuis la mise en place de la libéralisation révèle la prédominance de l’opérateur historique marocain sur le marché. En dépit de cette domination, on constate le recul de part de marché toujours en faveur d’Itissalat Al Maghrib au fil du temps. Ainsi, au 31 décembre 2020, IAM détient 39,40% de part de marché mobile avec 19,472 millions abonnés, suivi de Médi Telecom qui détient 34.54% avec 17,072 millions abonnés et en dernière position, Wana détient 26.06% de part de marché mobile avec 12,878 millions abonnés.
Le marché de la téléphonie fixe
Depuis la promulgation de la loi 24-96 sur la libéralisation des télécommunications au Maroc et jusqu’à 2001, le marché fixe reste toujours sous le monopole d’Itissalat Al Maghrib. Les deux tableaux suivants montrent l’évolution du parc d’abonnés et le taux de pénétration du téléphone fixe au Maroc durant la période 2000-2020.
Le parc du fixe a atteint 2,3 millions d’abonnés avec un taux de pénétration de l’ordre de 6,56% à la fin de 2020.
Evolution du nombre d’abonnés au téléphone fixe (en milliers)
Année | 2000 | 2001 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 |
Nombre d’abonnés | 1472 | 1190 | 2 046 390 | 2 199 140 | 2 054 545 | 2 357 286 |
Source : Tableaux de bord, marché de la téléphonie fixe au Maroc 2000- 2020, ANRT
Nombre de lignes pour cent habitants (Taux de pénétration du fixe en %)
Année | 2000 | 2001 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 |
Le taux de pénétration du fixe en % | 5,05 | 3,91 | 5,87 | 5.77 | 5.77 | 6.56 |
Source : Tableau de bord, marché de la téléphonie fixe au Maroc 2000-2020, ANRT
Le marché de l’Internet
A fin décembre 2020, le parc global des abonnements à Internet s’élève à 29,80 millions d’abonnés, portant le taux de pénétration à 82,90% (soit + 4,4 millions d’abonnement par rapport à l’année 2019).
Evolution du parc Internet global (en milliers)
Année | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 |
Le parc global des abonnements à Internet | 22 192 | 22 782 | 25 385 | 29 803 |
Source : Tableau de bord, marché de l’Internet au Maroc 2017-2020, ANRT
En termes de parts de marché de chaque opérateur, l’opérateur historique Itissalat Al Maghrib domine toujours le marché de l’Internet au fil des années suivi de Médi Télécom et de Wana. En 2020, l’opérateur historique détient 42,94% contre 52,64% en 2019, arrive en deuxième position Médi Télécom avec 25,29% contre 22,09% en 2019 et en dernière position, Wana détient 31,8% contre 25,28% en 2019.
L’analyse de l’état des lieux des télécommunications au Maroc depuis l’ouverture du secteur à la concurrence et à la libéralisation révèle une remarquable réussite à tous niveaux. En effet, la réussite du schéma de la libéralisation démontre que l’ouverture par les autorités marocaines des télécommunications depuis plus de vingt ans était une ouverture mesurée qui devrait servir l’économie et la société marocaine et non satisfaire uniquement des capitaux attirés par des profits réalisables à court terme sans engagements crédibles de long terme. Cette première manifestation de ce vaste programme (la 2ème licence du GSM) a initié par la suite une politique dynamique, active et structurée de libéralisation concurrentielle des télécommunications incluant l’ensemble des services télécoms et non pas uniquement la téléphonie mobile. L’objectif fondamental était de passer d’une situation caractérisée par le monopole à une situation où la concurrence devient la règle. Cette mutation représente un processus d’évolution des services de télécommunications monopolistiques vers des services concurrentiels permettant notamment des prix compétitifs, une meilleure qualité, une diversification, une adaptation dynamique aux besoins des utilisateurs et une mise en œuvre plus rapide des innovations technologiques. La Loi 24-96 constitue le premier pas dans cette transformation. Cette évolution sera poursuivie en 2004, par la promulgation de la loi 55-01. L’extension rapide de la libéralisation et la concurrence a permis de baisser les prix du matériel, rendue possible par conséquent par la baisse des coûts, ce qui a fait de la téléphonie et des télécommunications un produit de consommation de masse et un outil banalisé largement généralisé et accessible à la population marocaine.
Conclusion
Le constat le plus édifiant qu’on peut évoquer à l’issue de l’étude du processus de la déréglementation dans le secteur des télécommunications au Maroc est celui relatif au nouveau rôle de l’Etat. D’un producteur direct des services, l’Etat s’est vu abandonner ce champ d’action au profit du secteur privé. C’est d’une nouvelle mission qu’il est investi. Celle de la définition et la fixation des règles des jeux et la veille à leur respect avec la transparence souhaitée.
La concurrence est le meilleur moyen pour le développement du secteur des télécommunications. Elle permet réellement une approche orientée en premier lieu vers le client et le consommateur. Dans le passé, la concurrence était inexistante dans le domaine de télécommunications, situation qui a empêchée pendant longtemps son développement et qui a été marqué par la présence forte de l’Etat, le monopole était alors la règle. Avec l’arrivée des années 90 et les transformations économiques liées à la mondialisation, la concurrence devient la règle première dans le domaine des télécommunications. Grâce à la promotion de la concurrence, les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication seront offertes sur la base de la compétitivité et la diversité au profit des utilisateurs de l’économie et de la société. L’évolution de la concurrence est désormais assurée par l’Etat qui devrait jouer le rôle d’arbitre et de régulateur veillant au respect des règles du jeu entre différents opérateurs disposant de leur pleine autonomie.
La déréglementation apparaît comme une politique alternative qui vise de dépasser l’ancien modèle de développement du secteur des télécommunications. Son succès se mesure en fonction de l’amélioration de la densité téléphonique, la généralisation de l’accès aux Nouvelles Technologies de I ’information et de la Communication et la promotion d’une véritable activité de services basée sur le développement des applications numériques et la technologie de l’information. Une telle activité est considérée comme une chance indéniable pour le Maroc pour améliorer la compétitivité de son économie et sa capacité d’exportation.
Liste des marges
1- Fonds Monétaire International.
2- Global System for Mobile communications.
3- Banque Marocaine du Commerce Extérieur.
4– Groupe financier dédié au développement économique et social au Maroc. Il est un acteur de référence dans la gestion de fonds institutionnels, les métiers bancaires et financiers et le développement territorial.
5- Groupe privé marocain présent dans les services financiers (groupe BMCE bank), les assurances (RMA Watanya) et les télécommunications (Médi Télécom).
6– Itissalat Al Maghreb.
7– La mobilité restreinte est définie comme un service de télécommunications permettant à l’abonné d’un opérateur d’accéder aux services de télécommunications offerts par celui-ci sur une zone géographique d’un diamètre maximum de trente-cinq (35) km, en dehors de laquelle cet abonné n’aura la possibilité ni d’émettre ni de recevoir des communications
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