Accord d’association Maroc – Union Européenne: Portée de la coopération et impact sur l’économie marocaine
Prepared by the researcher
- Pr Hindou BADDIH : Université Ibn Tofail – Maroc
- Pr Fatima Zohra AZIZI: Université Med 5- Maroc
- Pr Mohamed ELASSIMI: Université Ibn Tofail – Maroc
Democratic Arabic Center
Journal of Strategic and Military Studies : Twenty-First – December 2023
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin
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Résumé
L’accord d’association Maroc-UE, a permis au Maroc l’accès libre à l’un des plus grands marchés au monde, ce qui a favorisé le développement du pays et fourni une impulsion pour relancer les réformes sociales, institutionnelles, administratives, réglementaires, permettant d’assurer l’indispensable « mise à niveau » et de favoriser l’émergence économique du royaume marocain en contribuant à enclencher une dynamique permanente de renforcement de la compétitivité, de promotion des investissements et de modernisation.
Introduction :
La compétition mondiale incite les États à chercher à se doter des programmes les plus efficaces, et les processus d’intégration régionale tendent à harmoniser les politiques des États entre eux au travers de traités ou encore de conventions à caractère contraignant ; Ces facteurs se trouvent renforcés par la révolution des technologies de l’information et de la communication qui mène à accroître considérablement l’offre des modèles au sein de la sphère publique globale (Delpeuch, 2008).
Le Maroc n’échappe pas à ce constat. Il s’est engagé depuis le début des années 80, dans un programme de libéralisation et d’ajustement structurel tendant à établir les mécanismes de marché, la liberté du commerce intérieur et extérieur et à encourager l’initiative privée. Ainsi l’orientation vers une intégration progressive dans l’économie mondiale, avec l’adhésion du Maroc à l’OMC et avec les accords de libre-échange conclu par le Maroc en matière de commerce et d’investissement avec l’Union Européenne, les Etats Unies et la Turquie, est considérée comme irréversible.
Ces accords sont perçus comme un moyen d’adapter l’économie nationale aux mutations de l’environnement international et de l’arrimer à la dynamique mondiale. Cet état de fait ne passe pas sans soulever des interrogations quant aux conditions de sa faisabilité et à ses retombés sur le tissu productif national. En effet, l’interdépendance croissante des économies, la rapidité des mutations technologiques, ajoutées au choix volontariste du Maroc de s’ouvrir sur l’espace économique international, offrent certainement de réelles possibilités de développement à l’économie marocaine mais lui imposent en même temps d’être au niveau des concurrents et d’être en conséquence hautement compétitive.
L’ancrage dans un espace économique plus développé, la confrontation à la concurrence internationale et les effets potentiels de synergie et d’émulation, auront à terme un effet d’entraînement et nécessiteront une plus grande efficience économique, que le Maroc espère obtenir à travers la mise à niveau de son économie. De ce fait, le Maroc n’échappe pas à cette interrogation fondamentale et aux séries de questions dérivées que se posent les décideurs des politiques industrielles dans le monde :
Comment construire les fondements d’une croissance industrielle durable?
Comment mettre à niveau une économie à capacité compétitive longuement paralysée par une protection, tarifaire et non tarifaire, conçue pour le seul objectif de protéger le marché intérieur ?
Quelles mesures prendre pour gérer ce processus de modernisation du tissu industriel ?
L’accord d’association Maroc-UE, qui a permis au Maroc l’accès libre à l’un des plus grands marchés au monde, a favorisé le développement du pays et a fourni une impulsion pour relancer les réformes sociales, institutionnelles, administratives, réglementaires, permettant d’assurer l’indispensable « mise à niveau » et de favoriser l’émergence économique du royaume marocain en contribuant à enclencher une dynamique permanente de renforcement de la compétitivité, de promotion des investissements et de modernisation. Les changements structurels, que l’agriculture marocaine a dû subir du fait du choc de l’ouverture, pourraient conduire le pays à tirer meilleur profit de ses avantages comparatifs.
À l’inverse, la crainte était souvent affirmée que le Maroc ne soit pas vraiment en mesure de tirer parti des opportunités que lui ouvre cet accord, en raison des problèmes dont souffre l’économie marocaine. L’inquiétude la plus fréquemment exprimée était que le choc de l’ouverture ne crée des effets destructeurs en déstabilisant brutalement le monde rural et en fragilisant le tissu social rural (destructions d’emplois, appauvrissement de la population rurale, remise en cause des pratiques agropastorales, accroissement de la dépendance alimentaire du pays, pression accrue sur les ressources naturelles, exode rural, etc.) ; et même des effets négatifs sur l’industrie marocaine. Il ne fait guère de doute que lorsque cet accord est entré en application, il a soumis l’économie marocaine à une concurrence accrue au niveau des prix et de la qualité pour un certain nombre de produits.
Comment donc s’est opérée cette inflexion dans les faits ? Quel a été le rôle de ce cadre de coopération (les accords d’association) en tant qu’élaborateur de règles et point de référence dans des politiques de développement de plus en plus étendu ?
Comment les accords d’association ont-ils traité les ambiguïtés résultant à la fois les différents intérêts et perspectives de multiples acteurs, et des dynamiques géopolitiques et de développement réelles qui jouent dans un monde profondément incertain ?
La coopération Maroc- UE doit trouver toute son importance dans le cadre de mutation que connaît le Maroc et dans les stratégies de développement du pays qui cherche à offrir un avenir prospère à sa population et qui doit viser la mise en place de partenariat win-win.
Un proverbe africain dit : « on n’est pas orphelin de père ou de mère, mais on est orphelin d’espoir ». Cet espoir de réaliser un avenir prospère de notre pays est aujourd’hui plus que permis dans le cadre d’une coopération nord-sud réfléchie et bien maîtrisée.
Pour saisir l’importance de cette coopération et de ses finalités surtout économiques, il est bien utile d’invoquer, auparavant certains éléments de l’histoire de cette coopération et de scruter les différents secteurs de prédilection de ce partenariat.
Ensuite, on analysera les enjeux stratégiques de cette coopération et son impact sur la croissance économique et le développement à long terme du Maroc.
- Partenariat Maroc – L’UE : Des alliances de progrès et de développement partagé
Les efforts d’intégration de l’Union européenne (UE) trouvent leur pleine compréhension au Maroc. Malgré la rhétorique officielle sur la politique étrangère multi-vectorielle et diversifiée du royaume, force est de constater que la poursuite du rapprochement avec l’UE est un choix stratégique pour le pays. Le renforcement de la coopération avec l’UE est facilité par de nombreux facteurs, dont le plus important est économique. Ainsi, la part de l’UE dans le commerce extérieur du Maroc est d’environ 70%, et environ 60% des investissements étrangers sont d’origine européenne. L’UE est la principale source d’aide financière, de prêts gouvernementaux et commerciaux.
En 1996, le Maroc et l’UE ont conclu l’Accord euro-méditerranéen, qui a établi l’association entre le Maroc et l’UE (Accord d’association), qui est entré en vigueur en 2000 et est toujours en vigueur.
Depuis le début des négociations, l’accord a suscité à la fois espoirs et appréhensions.
Par son contenu, ce document est extrêmement similaire aux accords signés par l’UE avec les sept autres partenaires méditerranéens. Cet accord était particulièrement ambitieux, puisqu’il a couvert presque tous les secteurs commerciaux des deux pays. Il prévoit une coopération sur un large éventail de questions, principalement économiques. Ainsi, la tâche la plus importante de l’association est d’assurer la libre circulation des biens, des services et des capitaux.
- Les Champs d’application de l’accord de l’association entre le Maroc et l’UE :
Les champs d’application de cet accord ont couvert plusieurs domaines en l’occurrence[1] :
le dialogue politique, la libre circulation des marchandises, la coopération économique la coopération sociale et culturelle, la coopération financière, les règles institutionnelles et générales.
L’Accord sur le plan commercial a visé à:
- établir une zone de libre-échange industrielle «ZLE »
- approfondir la libéralisation du commerce des produits agricoles et de la pêche,
- libéraliser les échanges de services,
- renforcer l’intégration commerciale à travers la mise en œuvre du protocole Pan-Euromed[2] sur les règles d’origine.
Depuis 2004, le Maroc est couvert par la politique européenne de voisinage (PEV)[3]. L’objectif de cette politique est « d’aller au-delà des relations existantes pour approfondir les liens politiques et l’intégration économique».
Ainsi, le “statut avancé” dans les relations du royaume avec l’UE a des prérequis politiques et économiques historiques et modernes évidents. C’est une réalisation incontestable du pays sur la voie de l’intégration dans l’UE. L’espace économique, réaffirmant le rôle important du taux stable et modéré du Maroc dans la mise en œuvre de l’idée d’un partenariat euro-méditerranéen en Méditerranée occidentale. La pleine utilisation de la nouvelle position du royaume dépendra de la manière dont il pourra remplir ses obligations antérieures envers les Européens et dans quelle mesure Bruxelles sera en mesure sur le plan financier et organisationnel d’assurer la mise en œuvre effective de nouveaux projets communs entre le Maroc et la UE.
Dates importantes du partenariat[4] :
2000 : L’entrée en vigueur de l’accord euro-méditerranéen d’association Maroc-UE.
2003 : La politique européenne de voisinage est venue compléter et renforcer ce partenariat, en rendant le dialogue entre les deux parties permanent et mieux structuré.
2008 : La signature de la feuille de route sur le statut avancé a notamment permis de renforcer le dialogue et la coopération sur les plans politique et sécuritaire ; l’intégration progressive du Maroc dans le marché intérieur de l’UE via la convergence législative et réglementaire ; et l’élargissement du partenariat à de nouveaux acteurs, dont le Parlement, le Conseil économique social et environnemental, ainsi que la société civile.
2013 : La déclaration conjointe pour un partenariat pour la mobilité.
2015 : plan d’action pour la mise en œuvre du statut avancé
2019 : La déclaration conjointe pour un partenariat euro-marocain de prospérité partagée est le point culminant de cette relation. Ce partenariat s’articule autour de quatre espaces structurants, à savoir:
- un Espace de convergence des Valeurs,
- un Espace de convergence Économique et de Cohésion sociale,
- un Espace de Connaissances Partagées et
- un Espace de concertation politique et de Coopération accrue en matière de Sécurité,
Deux axes fondamentaux à caractère horizontal font aussi l’objet d’actions opérationnelles spécifiques, à savoir:
- Une coopération en matière d’environnement et de Lutte contre le Changement climatique et
- une coopération en matière de mobilité et de migration, qui se renforceront mutuellement.
2021 : Enfin, le nouvel agenda pour la Méditerranée adopté par l’UE, reprend l’ensemble des priorités que le Maroc et l’UE avaient déjà identifiées, à savoir :
- Assurer une transition écologique en luttant contre le changement climatique, en protégeant les ressources naturelles, et en promouvant la croissance verte. L’UE et le Maroc ont lancé en octobre 2022 le premier partenariat vert entre l’UE et un pays partenaire qui détaille leur action commune sur le climat, l’environnement et l’économie verte.
- Le développement humain, la bonne gouvernance et l’état de droit.
- La résilience, la prospérité et la transition numérique.
- Faire face ensemble aux défis de la migration, et encourager la mobilité légale et sûre.
- Un plan économique et d’investissement qui identifie certains programmes phares.
2022 : Le Royaume du Maroc et l’UE ont consolidé en octobre 2022 leur coopération en matière de protection de l’environnement, de conservation de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique avec le lancement du Partenariat vert, le premier partenariat vert que l’UE signe avec un pays partenaire pour faire progresser la dimension extérieure du Pacte vert pour l’Europe et l’un des partenariats phares du Plan d’investissement européen pour les voisins du sud.
Accord de Pêche et Protocole 2019-2023 :
L’accord établit les principes généraux du partenariat de la pêche, tels que la durabilité de l’exploitation, la transparence des activités, la non-discrimination entre flottes opérant dans la zone de pêche, le respect des droits de l’homme et des valeurs démocratiques, et la délimitation de la zone de pêche dans laquelle les navires de l’UE pourront opérer.
Le protocole de mise en œuvre définit les possibilités de pêche octroyées aux navires de l’UE et la contrepartie financière de 208 millions d’euros, versée par l’UE.
Cet appui, de plus de 200 millions d’euros au total sur 4 ans (2019-2023), vise à soutenir la Stratégie Halieutis[5] et celle qui lui succèdera, en termes de développement de la pêche artisanale, renforcement de la commercialisation des produits de la pêche, développement de l’aquaculture, renforcement de la recherche halieutique et appuis à l’initiative Ceinture Bleue.
On peut citer quelques exemples de projets que l’appui vise :
- Acquisition de matériel de sécurité pour la pêche artisanale,
- Appui aux projets aquacoles de jeunes entrepreneurs dans plusieurs régions,
- Construction d’ateliers de réparation de barques artisanales,
- Organisation de campagnes de prospection scientifique en mer,
- Appui aux associations socioprofessionnelles de la pêche maritime,
- Construction d’unités médicales mobiles dans des points de débarquements, etc.
- Les programmes visant le développement durable :
De nouveaux engagements signés le 2 mars 2023 comprennent cinq programmes[6] qui ont pour objectifs l’instauration des piliers du développent durable et les principes de la bonne gouvernance :
- Appui au Renforcement de la protection sociale : Ce programme appuiera des actions spécifiques visant à garantir un accès équitable à la couverture sanitaire universelle, aux allocations familiales, à l’assurance chômage et aux pensions de la population marocaine.
- Appui à la transition verte : dans le cadre des engagements du Partenariat vert UE-Maroc, le programme « Terre Verte », vise à soutenir les aspects verts, inclusifs et innovants de deux stratégies nationales, en agriculture avec « Génération verte » et en foresterie avec «Forêts du Maroc», ainsi que l’amélioration de l’emploi décent, de l’entrepreneuriat «vert» et de la couverture sociale des travailleurs en zone rurale.
- Appui à la réforme de l’administration publique : Un programme qui renforcera l’accès et la qualité des services publics pour les citoyens et les entreprises, en simplifiant et en numérisant les procédures administratives, en renforçant la transparence et le suivi de la qualité de la prestation des services publics.
- Appui à la gestion des migrations[7]: Ce programme soutiendra des actions dans les domaines de la lutte contre les réseaux de passeurs et la protection des réfugiés et des migrants, ainsi que du retour volontaire et de la réintégration des migrants dans leur pays d’origine, conformément aux normes internationales en matière de droits de l’homme.
- Appui au Renforcement de l’inclusion financière : Un programme qui appuiera la Stratégie nationale marocaine pour l’inclusion financière. Cette stratégie vise à accroître l’accès au financement pour les TPME et les start-ups et cible en particulier les populations vulnérables telles que les jeunes, les femmes et les personnes qui vivent dans les zones rurales.
Une autre priorité pour l’UE – qui a été reflétée dans la déclaration conjointe – est la relance des négociations sur un accord de libre-échange approfondi et complet (ALECA)[8], permettant l’intégration progressive du Maroc dans le marché unique européen. Les négociations, qui ont débuté en 2013, ont également été suspendues par le Maroc en 2014 afin de réaliser une étude d’impact en raison de préoccupations concernant les effets que l’ALECA aurait sur certains secteurs et même sur l’économie au sens large. (Tévan, 2019)
- L’« Accord d’Association » Maroc – UE : un levier au service du développement du Maroc
La coopération Europe -Afrique est souvent perçue de manière négative. La plupart des études parviennent à des conclusions généralement négatives lorsqu’elles évaluent les performances commerciales des pays africains surtout les pays nord-africains.
Des études constatent que le volume actuel des échanges est bien inférieur à son potentiel, compte tenu de la taille relative des pays (Cestepe et al, 2015). Ils constatent également que le degré d’intégration intra – régionale est faible, reflétant des structures de production non complémentaires et de nombreuses barrières non tarifaires. Ce constat s’accompagne d’une faible intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Les études montrent également que les exportations de la région sont peu diversifiées, tant sur le plan des produits que sur le plan géographique.
La plupart de ces études, qui comparent l’effet des ALE (Accord de libre-échange) sur le commerce à celui des relations sans lien de dépendance, sont soumises à la critique selon laquelle les ALE sont conclus entre des parties qui ont déjà de fortes relations commerciales, de sorte que les tentatives d’estimation des effets des accords commerciaux sur les volumes d’échanges sont biaisées à la baisse (Baier et Bergstrand, 2007).
Freund et Portugal-Perez (2013) ont tenté de corriger ce problème. Ils ont utilisé des données de panel couvrant la période 1994-2009 et ont contrôlé les effets fixes des pays importateurs et exportateurs. Leurs résultats indiquent que les accords commerciaux signés entre l’UE et les pays d’Afrique du Nord au cours de cette période n’ont pas conduit à de meilleurs résultats selon diverses mesures. Ils ont conclu que les accords devaient être approfondis.
Le Maroc n’échappe pas à ce constat. Elbehri et Hertel (2006), ont utilisé un modèle d’équilibre général appliqué avec oligopole et économies d’échelle, basé sur des données détaillées au niveau des usines, pour comparer les impacts de l’ALE Maroc-UE à la libéralisation multilatérale du commerce sur l’économie du Maroc.
Les résultats de la simulation montrent que l’ALE est susceptible d’avoir des effets négatifs sur le Maroc en raison de :
- la détérioration des termes de l’échange,
- la réduction de la production par entreprise dans les industries dominées par les économies d’échelle,
- le détournement des importations des fournisseurs non européens, et
- des effets potentiellement négatifs sur la demande globale de main-d’œuvre.
D’une manière générale, la croissance économique au Maroc a été bien en deçà de ce qui est nécessaire pour réduire le sous-emploi chronique, en particulier chez les jeunes. L’accord commercial avec l’UE pourraient générer des avantages importants s’il menait directement à des réformes à l’intérieur du pays, ou du moins s’il l’encourageait à devenir plus compétitif sur les marchés internationaux.
Une littérature abondante a montré qu’il n’y a pas de convergence automatique (“inconditionnelle”) des niveaux de revenus entre les pays riches et les pays pauvres, même lorsque le commerce entre eux est libéralisé- ce qui souligne l’importance des conditions et des réformes nationales (Sachs et al, 1995 ; Rodrik, 2011).
Bien que ces réformes relèvent de la responsabilité des gouvernements des pays du sud, l’UE pourrait fournir des incitations plus fortes pour améliorer l’environnement des entreprises. Par ailleurs, si les pays du sud étaient en mesure de concurrencer l’UE sur un pied d’égalité, la part de l’agriculture dans la valeur ajoutée nationale serait presque certainement beaucoup plus importante et la pauvreté rurale serait par conséquent plus faible qu’aujourd’hui. (Dadush et Myachenkova, 2018)
- Les échanges commerciaux et IDE : quel bilan ?
Suite à une diversification lente dans un contexte de faible compétitivité et d’environnement international difficile, les exportations du Maroc sont restées trop concentrées sur l’UE et ont été relativement peu diversifiées. Ces exportations comprennent beaucoup moins de types de produits et sont moins diversifiées que celles des 10 pays qui ont rejoint l’UE en 2004.
Les exportations marocaines vers l’UE se caractérisent par une diversification modeste, qui s’est amélioré ces dernières années. Le Maroc exporte principalement vers l’UE des équipements et des machines de transport, des fruits et des légumes. Le Maroc a amélioré sa part de marché dans l’UE dans les années 1990. De 2008 à 2016, les exportations marocaines de matériels de transport ont connu une forte progression. Le taux de croissance moyen des exportations de certains biens a été de près de 40%, alors que la croissance des importations totale de ces mêmes biens de l’UE a été légèrement négative.
Le déficit commercial bilatéral du Maroc avec l’UE a augmenté en grande partie en raison de l’évolution des échanges commerciaux du Maroc dans le domaine des produits primaires, à savoir les exportations de phosphates et d’engrais et les importations de pétrole….
Il est parfois avancé que le creusement des déficits commerciaux bilatéraux en Afrique du Nord par rapport à l’UE reflète simplement le rendement plus élevé des capitaux en tans que pays en développement et que ces entrées de capitaux sont un effet bénéfique des accords commerciaux. Il est prouvé que dans les premières années qui ont suivi l’entrée en vigueur des accords, il y a eu un afflux d’IDE dans la région. (Dadush et Myachenkova 2018)
En effet, on peut constater qu’après la signature de l’accord d’association, les flux des IDE se sont accélérés. Le montant des IDE qui était autour de 6,8 milliards Dh en 2002, a dépassé les 21 Mds d’Euro en 2021.
Le Maroc doit saisir ses chances par un ancrage de plus en plus important vers l’UE, afin de profiter des externalités technologiques transmises par le biais du commerce et des investissements étrangers. Profiter de ces externalités augmenterait la productivité industrielle du pays et favoriserait sa croissance économique. (Bouoiyour, 2008)
Le ministère d’économie et des finances marocain a précisé dans un rapport sur les relations du Maroc avec l’Union européenne[9] que sur le volet économique, des avancées substantielles ont été accomplies, tant sur le front d’amélioration du profil de la croissance et de réduction de la pauvreté que sur le plan du renforcement de la compétitivité et de l’attractivité des investissements étrangers. De plus, des efforts indéniables ont été déployés en matière de libéralisation économique. Cette tendance devrait culminer avec l’accélération de la libéralisation du commerce des services et celui portant sur les produits agricoles et de la pêche.
Source : Délégation de l’UE au Maroc (2021), https://www.eeas.europa.eu
- Forces et Faiblesses des accords commerciaux actuels:
Compte tenu de la nature asymétrique de la libéralisation commerciale requise par les accords, il est surprenant que les pays d’Afrique du Nord n’aient pas reçu davantage en contrepartie de l’autorisation accordée à l’UE d’accéder sans restriction à leurs marchés pour les produits manufacturés. Cela aurait pu se faire dans quatre domaines principaux : l’agriculture, les règles d’origine libérales, la mobilité de la main-d’œuvre et une assistance et des incitations accrues pour renforcer la compétitivité. En fait, s’il y a eu réciprocité dans chacun de ces domaines, les engagements pris par l’UE ont été inférieurs à ce qui aurait pu être attendu. Depuis la conclusion des accords initiaux, les accords ont été améliorés dans certains domaines, en particulier dans l’agriculture avec le Maroc et l’Égypte et en ce qui concerne les règles d’origine dans l’ensemble de la région. L’aide financière au Maroc et à la Tunisie a augmenté après le printemps arabe, mais reste modeste par rapport à la taille de ces économies.
Dadush et Myachenkova (2018) voient que des études attribuent les avantages inégaux des accords commerciaux bilatéraux à trois facteurs principaux :
- Premièrement, les pays d’Afrique du Nord étaient déjà confrontés aux faibles tarifs de l’UE avant même les accords.
- Deuxièmement, la libéralisation limitée de l’agriculture dans l’UE, alors que l’agriculture est considérée comme un secteur faisant partie de l’avantage comparatif de l’Afrique du Nord.
- Troisièmement, les accords commerciaux entre l’UE et l’Afrique du Nord sont généralement considérés comme « superficiels », c’est-à-dire faibles en matière de libéralisation des services, d’investissement et de traitement des barrières non tarifaires et de divers obstacles « derrière la frontière » au commerce.
- Impact positif de la coopération Maroc – UE :
La coopération Maroc – UE reste controversée parce qu’il était assorti de grandes attentes, mais les performances économiques du Maroc ont été décevantes et son déficit commercial avec l’UE a connu une hausse marquée. L’accord a été le plus souvent mal perçu dans la littérature. Certaines études, contrairement à l’opinion des critiques, soutiennent le fait que le Maroc a tiré des avantages considérables de l’ALE UE-Maroc, malgré les limites évidentes de l’accord et l’inadéquation des réformes menées au niveau national (Berahab et Dadush, 2020).
Les études ex post approfondies sur les effets de l’ALE UE-Maroc font étonnamment défaut, mais des études ex ante aident à cadrer l’analyse et que des analyses ad hoc partielles sur des sujets spécifiques liés à l’accord aient été réalisées, il n’y a pas eu d’évaluation systématique ex-post de l’accord.
La première étude, réalisée par Rutherford et al (1997), a utilisé un modèle d’équilibre général (EGC) à 39 secteurs pour examiner les avantages en termes de bien-être que le Maroc tire de l’accord UE-Maroc dans l’hypothèse d’une concurrence parfaite. Les auteurs ont noté que la libéralisation du Maroc a précédé de loin l’ALE UE-Maroc. Le royaume chérifien a libéralisé son commerce dès le début des années 1980, en réduisant considérablement les licences et droits de douane, qui dépassaient 100 %.
En 1991, bien avant l’entrée en vigueur de l’ALE UE-Maroc, aucun organisme de délivrance de licences ou office d’exportation n’entravait les échanges commerciaux marocains. Les droits de douane ont été réduits de manière draconienne à environ 30 %, bien qu’avec de nombreuses exemptions, les recettes tarifaires sont restées élevées, à concurrence de 19 % des importations. Les auteurs ont néanmoins estimé que le Maroc a tiré un avantage important de l’ALE UE-Maroc, se chiffrant à un gain de 1,5 % du PIB chaque année. Les gains seraient encore plus importants, à hauteur de 2,5 % du PIB chaque année, si le Maroc libéralisait ses échanges avec le reste du monde. Ces constats, pris ensemble, impliquaient que la réorientation des échanges induite par l’ALE UE-Maroc, liée à des fournisseurs plus compétitifs que l’UE, représenterait un coût pour le Maroc, mais pas assez important pour contrebalancer les avantages de l’accord.
La deuxième étude (Elbehri et Hertel, 2006) a utilisé un modèle CGE moins détaillé, mais a intégré des économies d’échelle croissantes qui ont donné lieu à une concurrence imparfaite. Contrairement aux constats de Rutherford et al (1997), Elbehri et Hertel (2006) ont conclu que l’ALE UE-Maroc réduirait probablement le bien-être au Maroc de manière significative et que le Maroc serait bien mieux loti dans un scénario de libéralisation du commerce multilatéral, comme cela était alors prévu dans le cadre des négociations de Doha.
La troisième étude a été menée par des chercheurs du Fonds monétaire international (Alonso-Gamo et al, 1997) et a adopté une approche éclectique et heuristique, qui ne reposait pas sur un modèle unique. L’étude a conclu que les gains potentiels de l’ALE étaient importants, et plus importants que ce qui pouvait être évalué en se concentrant uniquement sur les tarifs.
Conclusion:
L’accord est souvent perçu de manière négative. Dans cet article, nous soutenons que, contrairement à l’opinion des critiques, le Maroc a tiré des avantages considérables de l’ALE UE-Maroc, malgré les limites évidentes de l’accord et l’inadéquation des réformes menées au niveau national.
Le succès de l’accord d’association Maroc – UE dépend de la situation politique des pays membres de l’UE et des facteurs structurels, économiques et sociaux du Maroc.
Dans ce cas, il est important pour la réussite de ce partenariat que les politiques menées par le royaume soient élaborées autour d’un plan bilatéral qui reflète les réalités du pays et réponde à ses besoins.
L’une des principales critiques adressées à cet accord d’association est que, sans la perspective d’une adhésion à part entière à l’UE, le Maroc n’aura pas la motivation suffisante pour mener à bien les réformes nécessaires.
D’un autre côté, en analysant les effets de la PEV sur les économies des pays voisins, des résultats importants ont été observés. Selon les données de l’IDH (Indice de Développent Humain), qui est un important indicateur de développement, on observe que l’IDH de ces pays a augmenté entre 2005, lorsque les traités sont entrés en vigueur, et 2012. Cela montre qu’il y a de bons développements dans ces pays en termes de revenu par habitant ainsi qu’en matière d’éducation et de santé. De même, les investissements directs étrangers ont augmenté dans la plupart des pays voisins au cours de cette période ; Les niveaux d’exportation et d’importation avec les pays de l’UE ont été réalisés à des taux élevés. Cela montre que la PEV développe les relations économiques entre les pays voisins et les pays de l’UE et que ces pays passent à un niveau supérieur tant dans le domaine économique qu’en termes de qualité de vie, (Ballı et Pehlivan, 2013).
Le Maroc est devenu beaucoup plus pragmatique quant à la manière d’obtenir ce dont il a besoin du partenariat, tout en construisant une politique étrangère plus multilatérale. La combinaison du niveau élevé des échanges marocains avec l’UE, le potentiel d’une assistance technique et d’un soutien budgétaire accrus de l’UE et l’ampleur de la diaspora marocaine en Europe signifient que le Maroc continuera probablement à investir dans cette relation pendant de nombreuses années à venir, ( Tévan 2019).
Le Maroc dénonce aujourd’hui la logique de l’aide et de l’assistanat dans ces relations avec l’UE et se prononce pour une logique du partenariat et de la coopération comme base de l’interdépendance avec l’indépendance. En effet, le Maroc n’a pas encore considérablement réduit sa dépendance économique vis-à-vis de l’UE et il opte pour un nouveau partenariat qui offre des investissements supplémentaires de l’UE, de coopération au service de développement et de partage des connaissances.
« Un accord plus approfondi avec l’UE, à condition qu’il soit structuré de manière adéquate, combiné à des réformes politiques au Maroc qui remédient à certaines faiblesses bien connues, pourrait contribuer de manière significative à améliorer les perspectives de développement du Maroc.» (Berahab et Dadush, 2020).
La coopération Nord-Sud est plus que vitale pour les pays du sud en vue de lutter contre le sous-développement, la pauvreté et la précarité de leurs populations. Toutefois cette coopération ne peut atteindre les objectifs qu’elle s’est assignée que si les différents acteurs respectent les principes de la bonne gouvernance, s’approprient l’approche de l’évaluation d’impact des politiques et des programmes et procèdent à la mise en place des mécanismes de pilotage. Toutefois, il ne faut pas omettre la coopération sud-sud qui, si elle est bien maitrisée, peut constituer un levier indéniable au service du développement de ces pays.
Bibliographie :
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[1] Le service diplomatique de l’Union européenne (2021): « Politique européenne de voisinage », 29.07.2021, https://www.eeas.europa.eu/eeas/european-neighbourhood-policy_en#top
[2] La convention paneuro-méditerranéenne (PEM) sur les règles d’origine préférentielles vise à établir des règles d’origine communes et un cumul entre les parties contractantes au PEM (États de l’AELE, Türkiye, pays signataires de la déclaration de Barcelone, Balkans occidentaux, Îles Féroé, République de Moldavie, Géorgie et Ukraine) et l’UE afin de faciliter les échanges et d’intégrer les chaînes d’approvisionnement au sein de la zone.
[3] La politique de voisinage, qui a été formée par l’UE afin d’améliorer les relations avec ses voisins dans le cadre de ses frontières en expansion, apparaît comme un nouvel outil de politique étrangère. Avec l’élargissement, les différences de niveau de vie entre les pays des deux côtés des frontières, les inégalités dans des facteurs tels que le retard économique, la démocratie, le développement des droits de l’homme, l’immigration clandestine, le trafic d’êtres humains, le crime organisé peuvent créer des problèmes dans l’UE. Le service diplomatique de l’Union européenne (2021): « Politique européenne de voisinage », 29.07.2021, https://www.eeas.europa.eu/eeas/european-neighbourhood-policy_en#top
[4] Délégation de l’UE au Maroc (2021) : “Le partenariat Union européenne-Maroc : une relation stratégique historique, multidimensionnelle et privilégiée », L’UE et le Maroc, 03.08.2021, https://www.eeas.europa.eu/maroc/lunion-europeenne-et-le-maroc_fr?s=204#top
[5] La Stratégie de développement et de compétitivité du secteur halieutique, dite « Halieutis » a pour objectif global de construire une pêche durable et compétitive, qui valorise le patrimoine halieutique du pays et qui fait du secteur un véritable moteur de croissance de l’économie marocaine.
[6] Délégation de l’UE au Maroc (2023) : “Partenariat Maroc – Union Européenne Lancement de plusieurs nouveaux programmes pour appuyer les grands chantiers de réforme du Royaume », 02.03.2023, Équipe de presse et information de la Délégation de l’UE au Royaume du Maroc, https://www.eeas.europa.eu/delegations/morocco/partenariat-maroc-union-europ%C3%A9enne-lancement-de-plusieurs-nouveaux-programmes_fr
[7] L’UE a établi un partenariat étroit avec le Maroc en matière de migration et de gestion des frontières depuis 2004. Cela s’est encore accru en 2013 avec le Partenariat pour la mobilité et en 2018 avec le soutien européen à la mise en œuvre de la Stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA).
[8] Le service diplomatique de l’Union européenne (2021): « Politique européenne de voisinage », 29.07.2021, https://www.eeas.europa.eu/eeas/european-neighbourhood-policy_en#top
[9] Ministère d’économie et des finances (2017) : « Les relations du Maroc avec l’Union européenne : du partenariat au statut avancé », Nov 2017, Maroc.