Research studies

Social Representations of air Pollution Risks in Bouchemma and El-Zarat (Gabès) A Sociological Study within the Framework of Risk Society Theory

 

Prepared by the researche 

  • Dr: KAMEL B.ABDESSLEM KHLIFI – Higher Institute of Human Sciences of Medenine – Tunisia
  •  – Les représentations sociales des risques de la pollution atmosphérique à Bouchemma et El-Zarat (Gabès) – Étude sociologique dans le cadre de la théorie de la société du risque
  • Dr: KAMEL B.ABDESSLEM KHLIFI – Institut Supérieur des Sciences Humaines de Médenine – Tunisie

DAC Democratic Arabic Center GmbH

Journal index of exploratory studies : Nineteenth Issue – September 2025

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN 2701-9233
Journal index of exploratory studies

:To download the pdf version of the research papers, please visit the following link

https://democraticac.de/wp-content/uploads/2025/09/%D9%85%D8%AC%D9%84%D8%A9-%D9%85%D8%A4%D8%B4%D8%B1-%D9%84%D9%84%D8%AF%D8%B1%D8%A7%D8%B3%D8%A7%D8%AA-%D8%A7%D9%84%D8%A7%D8%B3%D8%AA%D8%B7%D9%84%D8%A7%D8%B9%D9%8A%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%B9%D8%AF%D8%AF-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D8%A7%D8%B3%D8%B9-%D8%B9%D8%B4%D8%B1-%D8%A3%D9%8A%D9%84%D9%88%D9%84-%E2%80%93-%D8%B3%D8%A8%D8%AA%D9%85%D8%A8%D8%B1-2025.pdf

Abstract

This sociological study aims to explore the social representations of environmental pollution in two industrial localities in southern Tunisia: Bouchemma and El-Zarat, located in the governorate of Gabès. The main objective is to understand how local populations perceive, interpret, and respond to environmental risks linked to air pollution and toxic waste discharges in their daily surroundings. The analysis is grounded in Ulrich Beck’s Risk Society Theory, which emphasizes how modern societies generate systemic risks beyond traditional governance frameworks. The quantitative survey is based on a questionnaire administered to a sample of residents of both regions. Findings reveal an increasing awareness of health and ecological threats, accompanied by a strong sense of environmental injustice and social marginalization. These representations reflect an ambivalent relationship marked by resignation, symbolic resistance, and expectations for environmental justice. The study concludes with a call to rethink local public policies by integrating lay knowledge and the voices of exposed populations.

Résumé

Cette étude sociologique se propose d’explorer les représentations sociales de la pollution environnementale dans deux localités du sud tunisien : Bouchemma et El-Zarat, situées dans le gouvernorat de Gabès. L’objectif est de comprendre comment les populations locales perçoivent, interprètent et réagissent face aux risques environnementaux liés à la pollution atmosphérique,  et aux rejets toxiques dans leur environnement quotidien. L’analyse mobilise le cadre théorique de la théorie de la société du risque développée par Ulrich Beck, cela met en évidence la manière dont les sociétés modernes produisent des risques systémiques dépassant les cadres traditionnels de gestion. L’enquête quantitative repose sur un questionnaire administré à un échantillon de résidents des deux régions. Les résultats montrent une prise de conscience croissante des dangers sanitaires et écologiques, mais également un sentiment d’injustice environnementale et de marginalisation sociale. Ces représentations traduisent un rapport ambivalent entre résignation, résistance symbolique et attentes d’une justice environnementale. L’étude conclut à la nécessité de repenser les politiques publiques locales en intégrant les savoirs profanes et les voix des populations exposées..

  1. Introduction et problématique

La région de Gabès, située au sud-est de la Tunisie, représente l’un des foyers industriels les plus controversés du pays en raison de l’installation d’un complexe chimique depuis les années 1970. Ce dernier est accusé d’avoir profondément bouleversé l’équilibre écologique et de menacer la santé des populations locales, en particulier dans les localités de Bouchemma et El-Zarat. Face à ce contexte de pollution chronique, les réactions des habitants oscillent entre résignation, inquiétude et mobilisation sociale.

Dans cette étude, nous nous interrogeons sur la manière dont les habitants perçoivent les risques liés à cette pollution atmosphérique: comment interprètent-ils les dangers qui les entourent ? Quels récits, croyances ou stratégies discursives mobilisent-ils pour donner sens à leur quotidien environnementalement dégradé? Et surtout, dans quelle mesure leurs représentations sociales traduisent-elles une prise de conscience du risque, une forme de résistance ou une soumission silencieuse aux logiques productivistes de l’État et des industriels ?

Ces interrogations s’inscrivent dans le cadre de la théorie de la société du risque, développée par Ulrich Beck, qui considère que les sociétés modernes ne sont plus définies uniquement par la production de richesses, mais également – et de manière croissante – par la production de risques systémiques échappant souvent à tout contrôle démocratique (Beck, 2001, p. 12).

  1. Objectifs de la recherche

L’objectif principal de cette recherche est de comprendre les représentations sociales des risques de pollution atmosphérique chez les habitants de Bouchemma et El-Zarat, dans le gouvernorat de Gabès. Plus spécifiquement, cette étude vise à :

– Identifier les perceptions et les interprétations locales des effets de la pollution sur la santé, l’environnement et la vie quotidienne.

– Analyser les discours, récits et attitudes à travers lesquels les habitants expriment leur vécu face aux nuisances industrielles.

– Explorer les formes de résistances symboliques ou d’adaptation sociale face à une situation de risque chronique.

– Examiner dans quelle mesure ces représentations sociales traduisent une conscience du risque et une demande implicite ou explicite de justice environnementale.

  1. Hypothèses de travail

H1 : Les habitants de Bouchemma et El-Zarat perçoivent la pollution atmosphérique comme une menace directe à leur santé et à leur cadre de vie.

H2: Les représentations sociales de la pollution sont structurées par des dimensions émotionnelles (peur, colère), cognitives (savoirs locaux), et culturelles (rapport à la nature, au développement).

H3: Ces représentations révèlent une tension entre soumission au discours technocratique dominant et émergence d’un discours critique orienté vers la justice environnementale.

H4: Les inégalités socio-spatiales jouent un rôle dans la variation des perceptions et des formes de mobilisation symbolique face aux risques.

4. Cadre théorique: La société du risque et les inégalités environnementales

Ulrich Beck conceptualise la société contemporaine comme une « société du risque », caractérisée par l’émergence de nouveaux dangers liés aux progrès technologiques et industriels (Beck, 1992, p. 45). Ces risques sont souvent globaux, invisibles et difficiles à maîtriser, générant une incertitude et une anxiété sociale accrues.

Dans ce contexte, la pollution atmosphérique est un exemple paradigmatique de risque « manufacturé » par la société moderne. Selon Beck, ces risques ne se distribuent pas de manière égale au sein de la population. Au contraire, ils aggravent les inégalités existantes, notamment par le biais d’une injustice environnementale : les groupes sociaux défavorisés sont plus exposés et plus vulnérables aux effets néfastes de la pollution (Faburel, 2008, p. 33). Ainsi, l’analyse sociologique de la pollution à Gabès doit tenir compte non seulement des caractéristiques objectives des zones affectées (proximité des industries, conditions météorologiques), mais aussi des perceptions subjectives des populations concernées, qui façonnent leurs comportements, stratégies d’adaptation, et revendications.

La préoccupation humaine pour son environnement remonte à des temps anciens, permettant la protection de nombreuses composantes environnementales. Aujourd’hui, parallèlement à l’industrialisation, le monde connaît une croissance démographique rapide suivie d’une urbanisation accélérée, entraînant la dégradation de l’environnement (OMS, 2018, p. 4).

L’émission de polluants atmosphériques par les activités humaines existe depuis l’Antiquité, mais les quantités étaient relativement faibles comparées à l’intensification post-révolution industrielle, qui a engendré des effets néfastes pour la santé humaine et l’environnement. La loi sur l’air de 1996 définit la pollution atmosphérique comme « l’introduction directe ou indirecte par l’Homme dans l’atmosphère ou dans des espaces clos de substances susceptibles de porter atteinte à la santé humaine, aux ressources biologiques, aux écosystèmes ou d’influencer les changements climatiques » (Albouy, 2010, p. 14).

De nombreuses études ont été menées pour comprendre les phénomènes à l’origine de la dégradation environnementale. Récemment, les recherches se sont orientées vers la gestion des risques, un domaine qui s’est structuré surtout dans les années 1990 (Beucher et al., 2004, p. 18). Pour évaluer un risque, on utilise l’équation suivante : Risque = Aléa × Vulnérabilité.

Le niveau de menace dépend de l’aléa, caractérisé par l’intensité, la fréquence, la durée et l’étendue spatiale du phénomène (Dauphiné, 2001, p. 23). La vulnérabilité représente la capacité réduite d’un enjeu à faire face à une menace ou l’ampleur des dommages qu’il peut subir (Atlas des risques en France, 2013, p. 36). La perception sociale de la pollution atmosphérique influence la vulnérabilité : une bonne identification des polluants et la conscience des dangers encouragent la mobilisation citoyenne et l’intervention des autorités publiques. La perception intègre ainsi la population dans une approche participative de la gestion des risques. Toutefois, cette perception est filtrée par des facteurs sensoriels et culturels ; selon Lévy et Lussault (1989, p. 49), « elle constitue un système tri-relationnel impliquant simultanément le vécu lié à l’affect culturel et social, les sens individuels, et la conscience personnelle ».

Les études sociologiques des risques environnementaux à différentes échelles révèlent une disparité spatiale importante : la présence d’unités industrielles polluantes tend à diminuer la valeur foncière des terrains environnants, attirant souvent les populations les plus défavorisées et marginalisées (Dahech & Bouaziz, 2016, p. 57). Ainsi, une injustice environnementale s’installe entre les détenteurs des sources de pollution (usines, véhicules) et les populations exposées, qui ne participent pas aux émissions mais en subissent les conséquences (Mitchell & Dorling, 2003, p. 61). Faburel (2008, p. 35) souligne que « les inégalités environnementales en milieu urbain reflètent souvent des inégalités sociales et territoriales dans les capacités des populations et des pouvoirs publics locaux à agir pour améliorer leur cadre de vie ».

Sur le plan sanitaire, les études épidémiologiques démontrent que la pollution atmosphérique cause environ 3 millions de décès par an (JRC Technical Reports, 2015, p. 2). L’exposition à l’air pollué est liée à des maladies chroniques, notamment respiratoires et cardiovasculaires, affectant particulièrement les populations vulnérables. L’urbanisation accrue sans mesures préventives a renforcé cette vulnérabilité, comme en témoigne l’épisode de smog à Londres en 1952, responsable de la mort de près de 4000 personnes (Kalhori & Weber, 2008, p. 20). La qualité de l’air au sein d’une ville varie selon la proximité des sources de pollution et les conditions météorologiques (Azri et al., 2011, p. 74). Les études environnementales sont essentielles non seulement pour informer la population, mais aussi pour élaborer des politiques de gestion des risques. La réduction de la consommation énergétique dans les zones urbaines diminue les émissions polluantes et l’exposition des populations. Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de privilégier des aménagements ciblés dans les zones à fortes émissions et les espaces abritant des populations sensibles.

L’intérêt des acteurs pour la pollution atmosphérique s’est accru notamment à partir du Sommet de la Terre de Rio en 1992. Depuis, de nombreuses études ont été conduites, surtout dans les pays développés, comme en France où l’agglomération parisienne présente des variations spatio-temporelles des concentrations en dioxyde d’azote liées aux phénomènes de brise urbaine (Dahech, 2012, p. 64).

Une étude élaborée par Azri (2000) a révélé que la région est soumise à des incidences de la pollution particulaire d’origines différentes. La localisation de la ville près de la mer l’expose au phénomène de la brise de mer pendant la journée et celle de terre au cours de la nuit, en effet les pics de la pollution sont enregistrés durant le renversement de la brise ; ils dépassent parfois les valeurs guide définies par l’OMS (Dahech & Bouaziz, 2012, p. 90). La vulnérabilité de cette ville est approfondie par le phénomène de vent de sable, malgré sa rareté, il entraîne des impacts sanitaires et environnementaux (Dahech & Béltrando, 2012, p. 66).

Parmi les villes côtières les plus polluées nous citons celle de Gabès. Elle est munie d’un paysage écologique typique caractérisé le plus souvent par une mixité des espaces verts (palmeraies) et des espaces bâtis. Ses oasis ont joué un grand rôle tant économique qu’environnemental, depuis longtemps. Au début de l’époque romaine Pline, l’ancien dans son livre « l’histoire naturelle » avait décrit l’importance de cette oasis. Gabès est considérée comme la petite Damas, la porte de désert et le paradis du monde (Marzouki, 1962, p. 10).

  1. Cadre méthodologique de la recherche

Dans la perspective de mieux comprendre la perception et la vulnérabilité des populations face à la pollution atmosphérique à Gabès, nous avons adopté une approche méthodologique mixte combinant enquête quantitative et entretiens qualitatifs.

5.1. Délimitation et stratification de l’espace urbain

Conformément à la démarche sociologique attentive à l’hétérogénéité sociale et spatiale (Lussault, 1998, p. 51), l’espace urbain de Bouchemma et d’Ezzarat a été découpé en îlots selon des critères urbains précis : densité du bâti, organisation spatiale, proximité des sources de pollution, et caractéristiques socio-économiques des quartiers.

Ce découpage, fondé sur l’analyse géographique (via ArcMap), permet d’identifier différentes typologies urbaines : zones organisées, non organisées, moyennement organisées, zones à proximité routière, zones oasiennes, dispersées et isolées. Cette typologie vise à rendre compte des disparités socio-spatiales et des formes différenciées d’exposition aux risques environnementaux, conformément à la notion de risque différencié chez Beck (1992, p. 50).

Tableau n° 1 et 2. Nombre d’enquêtés dans chaque zone d’Ezzarat et de Bouchemma

Zones bâti quota %
Oasienne N 233 25 8.33
Oasienne S 197 21 7
organisée1N 182 19 6.33
moyennementorganisée1Ne 115 12 4
moyennementorganisée2 165 17 5.67
nonorganisée1 31 3 1
nonorganisée2 101 11 3.67
moyennementorganisée3 162 17 5.67
moyennementorganisée4 141 15 5
moyennementorganisée5 436 46 15.33
moyennementorganisée6 167 18 6
organisée2NO 425 45 15
Proximité routière NE 279 29 9.67
Proximité routière N 104 11 3.67
Proximité routière SE 108 11 3.67
Total 2846 300 100%

                    Bouchemma                                                                            El Zarat

Zones bâti quota %
isolée SO 61 7 3.5
organisée1 102 11 5.5
organisée2 307 34 17
organisée3 163 18 6
organisée4 95 10 5
Dispersée N 60 7 3.5
Dispersée S 30 3 1.5
nonorganisée1 121 13 6.5
nonorganisée2 165 18 9
nonorganisée3 233 25 12.5
nonorganisée4 96 11 5.5
Dispersée NE 131 14 7
Oasienne 80 9 4.5
Proximité routière 180 20 10
Total 1794 200 100%

5.2. Échantillonnage et collecte des données

Sur la base des tableaux 1 et 2, nous avons adopté un échantillon représentatif composé de 500 enquêtés a été constitué, réparti entre 300 enquêtés à Bouchemma et 200 à Ezzarat, proportionnellement à la densité de bâti dans chaque zone. La méthode probabiliste a été privilégiée pour assurer la validité statistique des résultats.

Le questionnaire, rédigé en arabe pour faciliter l’accès aux populations locales, comportait des questions fermées (notamment dichotomiques) et ouvertes afin de capter à la fois des données quantitatives précises et des perceptions plus nuancées. L’objectif était d’appréhender la vulnérabilité des habitants selon des variables socio-économiques (âge, revenu, état de santé), les stratégies d’adaptation face à la pollution (habitat, mobilité, habillement), ainsi que leurs représentations des nuisances et des sources de pollution.

Parallèlement, des entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès d’agents publics (municipalité, CRDA, API, AFI), afin de croiser les données sociales avec les aspects institutionnels et techniques de la gestion environnementale.6. Le cadre appliqué de la recherche

6.1. Introduction

L’analyse des données collectées met en évidence des disparités spatiales et sociales dans la perception de la pollution atmosphérique et de ses impacts dans les régions de Bouchemma et Ezzarat. Ces résultats s’inscrivent pleinement dans le cadre théorique de la « société du risque » d’Ulrich Beck (1992), qui souligne la production sociale inégale des risques dans les sociétés modernes.

6.2. Délimitation spatiale du terrain d’enquête

Le cadre spatial de cette étude sociologique sur les représentations sociales de la pollution industrielle est constitué de deux zones précises situées dans le gouvernorat de Gabès : Bouchemma et Ezzarat. Ces deux localités, bien que proches géographiquement, présentent des caractéristiques socio-spatiales contrastées qui permettent une analyse comparative enrichissante.

Figure 1. Les secteurs d’enquête à Bouchemma (élaboration, personnelle)

La Figure 1, illustre les secteurs d’enquête à Bouchemma, répartis entre des zones organisées (ex. : « organisé 1 N », « organisé 2 NO »), moyennement organisées (de 1 à 6), non organisées (1 et 2), des zones oasiennes (N et S) et des secteurs en proximité routière. Cette diversité spatiale reflète des formes d’urbanisation différenciées, susceptibles d’influencer les perceptions des risques environnementaux.

Figure 2. Les secteurs d’enquête à Ezzarat (élaboration, personnelle)

La Figure 2, montre quant à elle les secteurs d’enquête à Ezzarat, également caractérisés par une pluralité de formes d’habitat : zones organisées (de 1 à 4), non organisées (de 1 à 4), zones dispersées (N, NE et S), un secteur isolé (SO), ainsi qu’une zone oasienne centrale. La présence d’une route principale traversant la localité a également été prise en compte dans la structuration du terrain.

Ces deux cartes, élaborées à partir d’observations de terrain et de données locales, servent de base à la construction de l’échantillon et à la répartition des enquêtes dans les secteurs les plus représentatifs.

  1. Impacts de la pollution atmosphérique perçue par la population

A l’échelle annuelle et horaire, les dépassements des valeurs guides des concentrations de gaz et des particules fines sont fréquents, engendrant des répercussions néfastes sur la population, nous consacrons une partie de l’enquête pour savoir la disparité spatiale des impacts de l’air pollué sur la santé des habitants même si nous sommes conscient de la grande part de subjectivité des répondant face à cette question très sensible

7.1. Bouchemma plus affecté par les maladies qu’Ezzarat

L’augmentation du nombre des malades représentent des facteurs favorables pour stimuler la conscience de la population envers les répercussions sanitaires de l’air pollué surtout pour l’endommagement de l’appareil respiratoire. Le graphique ci-dessous nous montre que 27.3 % des interrogés à Bouchemma déclarent qu’eux ou les uns des membres de leurs familles soufrent de problèmes de l’asthme provoqués par les aérocontaminants. A Ezzarat, plus éloignée des sources de nuisance, le taux baisse à 10.5%. Les facteurs de l’exposition que nous avons illustrés dans la deuxième partie de ce travail expliquent la disparité pathologique entre les deux secteurs.

Figure 03. Taux des questionnés déclarant qu’eux ou les uns de leurs familles soufrent de problèmes de l’asthme provoqués par la pollution atmosphérique

7.2.  Répartition des impacts sanitaires au sein de chaque secteur

La disparité est importante dans les deux zones

  1. Bouchemma : la partie Est de la ville est plus touchée par les maladies respiratoires

Les problèmes pathologiques sont nettement remarquables dans la partie Est de la ville. En effet, la carte ci-dessous révèle que plus de 28 % des répondants déclarent qu’eux ou qu’un membre de leurs familles ont de l’asthme engendré par la pollution atmosphérique résident dans des divisions de l’Est. Nous remarquons aussi une élévation du pourcentage pour la zone moyennement organisée 5 à l’ouest de Bouchemma. La perception des impacts est probablement expliquée par le vent provenant de l’ouest qui achemine les particules d’origine terrigène et de la cimenterie. Par conséquent, presque un tiers de la population de cette partie a résidé auparavant hors de la ville de Bouchemma dans un quartier pauvre nommé Dabdaba (au limitrophe de GCT) plus exposé aux gaz toxiques (Hayder, 1980). Afin d’élargir la zone industrielle, l’autorité publique a implanté de nouveau ce quartier à l’Ouest de la ville de ce fait l’importance de la perception des impacts sanitaires provoqués par l’air pollué est en relation avec tout ce qui est vécu. Par contre, les zones de l’Est sont les plus exposées à la brise marine véhiculant les aérocontaminant de la zone industrielle de Gannouche.

Vu leur éloignement des sources de nuisances et leur proximité de la palmeraie, les divisions méridionales enregistrent des taux de déclaration des répercussions asthmatiques inférieures à 19 %. Dans les zones où la population est plus touchée par les maladies, les enquêtés déclarent qu’ils souffrent énormément d’autres problèmes pathologiques variés.

Figure 04. Taux des questionnés déclarant qu’eux ou les uns de leurs familles soufrent de problèmes de l’asthme provoqués par la pollution atmosphérique dans les différentes zones

b-Ezzarat sont les moins affectées par les répercussions

L’importance de l’aléa surtout le vent de sable a engendré une augmentation du taux de la perception des impacts sanitaires à Ezzarat dans la plupart des divisions. Selon le sondage effectué dans ce secteur les phénomènes pathologiques comme l’allergie oculaire et respiratoire (figure 5) sont très répandues dans le Sud-ouest de la ville (la majorité de la population est pauvre ; 33%). Les zones de Sud Est où l’air ambiant est plus saint enregistrent des taux moins de 11 %.

Figure 05. L’allergie respiratoire et oculaire dues à la pollution de l’air telle que perçues par les questionnés d’Ezzarat

Généralement, les problèmes sanitaires sont remarquables à Bouchemma plus qu’Ezzarat dans ce dernier l’allergie est légèrement plus élevée mais au niveau de la variété des maladies Bouchemma occupe le premier rang.

  1. Etude de cas : Pic du dioxyde de soufre à Bouchemma le 6 mai 2017

La confrontation de Bouchemma à un pic de pollution atmosphérique représente un cas typique pour mettre en exergue l’inégalité environnementale à Gabès. Le 6 mai 2017, la population et ses biens ont été exposés à une concentration élevée. En effet, un pic remarquable de SO2, soit l’un des principaux polluant atmosphérique émis par le GCT, a été enregistré au quartier de Chentech, à 4 km de Bouchemma par un une station mobile de l’ANPE (figure 06). Bien que, localement dans d’autres territoires en voisinage des sources émettrices, ni la sensation du pic ni ses effets ne sont de la même ampleur. Dans ce contexte, nous montrons d’une part les aspects et les facteurs de cette concentration et d’autre part les répercussions et les mesures pour sauver la population affectée.

Figure 06. L’importance du pic de SO2 (µg/m3) par apport aux autres gaz

8.1. Aspects et facteurs explicatifs du pic

Surconcentration du 6 mai : Intensité et disparité spatiale

A partir des différents documents nous constatons une variation spatiotemporelle du pic

  1. Pic matinal senti différemment

La déclaration concernant les odeurs des gaz, bien qu’elle soit subjective nous donne une idée sur l’horaire de la surconcentration, la figure 07 réalisée à partir de l’enquête nous montre l’importance de la sensation du SO2 entre 8h et 9h 30 par 68 % des enquêtés, cette perception se rapproche de la réalité puisque la plupart des interventions d’urgence se sont effectuées durant cette période.

Figure 07. Variation temporelle de sensation du SO2 par les interrogés à Bouchemma

Malgré la superficie réduite de la ville, nous remarquons (carte ci-dessous) une disparité spatiale au niveau de la sensation du SO2. En effet, les urbains installés dans le nord ont senti l’odeur de dioxyde de souffre plus que ceux du Sud. Plus que 70 % des questionnés de la partie nord ont senti SO2 (bakhara suivant l’appellation locale) Généralement, nous remarquons un recul du taux de sensation de ce gaz par les répondants dans la partie méridionale. Cette disparité de la perception est en relation avec la direction du vent, car l’espace du nord et du centre de la ville sont les plus exposés à la brise de mer qui achemine les polluants. Il est évident de noter que la population qui réside dans  la zone à proximité routière sud SE (route El Hamma dans la figure 08) malgré son éloignement de la mer et des sources de pollution, enregistre une forte perception de l’aléa étudié.

  • Figure 08. Disparité spatiale du taux des enquêtés percevant l’odeur du gaz
  • b- Type de gaz et son intensité

La totalité des enquêtés qui ont senti l’odeur du gaz estime que son origine est industrielle, La concentration élevée de ce gaz est insupportable, de ce fait, 72 % des questionnés considèrent que son odeur est inhabituelle. Le graphique ci-dessous nous montre que 63 % des enquêtés estiment que l’odeur est intense malgré que cette sensation relève beaucoup des facteurs subjectifs (vécu, lieu de travail, état de santé…).

Figure 9. L’intensité du gaz perçu par les répondants à Bouchemma

 

8.2. Facteurs explicatifs de l’intensité de ce gaz

Les facteurs de cette intensité élevée sont multiples à savoir le rôle de l’Homme et les données physiques

  • Interventions inadéquates

Dans la gestion des risques parfois, les mesures d’aménagement appliquées provoquent des nuisances. Pour baisser l’exposition de la ville de Gabès à l’air pollué du groupe chimique, les techniciens ont augmenté la hauteur des cheminées des émissions du gaz passant de 50 m à 70 m en 1994, (GCT). Cette méthode peut être une arme à double tranchant : d’une part, elle permet de protéger relativement les territoires environnant la source et d’autre part elle expose des sites plus éloignés à l’air pollué.

8.3. Répercussions du pic et les interventions pour sauver les victimes

Les excès de dioxyde de souffre ont provoqué des impacts profonds suivis par des interventions urgentes.

Impacts selon les enquêtés

Selon les réponses des participants à l’enquête, 50% des enquêtés ou un des membres de leurs familles ont eu des irritations respiratoires (figure 11), 40 % ont été exposé à des perturbations au niveau de l’appareil respiratoire et asphyxie dont cinq élève sont été victimes selon l’administration de l’école (Abd Elmajid Elbouchammaoui) au Nord Est du Bouchemma entre la route nationale et quartier El Waha (la zone oasienne Nord). Simultanément cette surconcentration de SO2 a engendré l’asthénie qui était sentie par 10 % des interrogés.

Figure 10. Les impacts sanitaires engendrés par la surconcentration de SO2

Les répercussions sanitaires se répartissent différemment dans la ville, la figure 11 nous montre que la population de la zone nord est la plus touchée, cependant les zones à proximité de palmeraie sud abritent des habitants moins affectés sauf ceux de la zone à proximité routière sud. Si les impacts sanitaires sont amplifiés par les données météorologiques dans la façade Est de celle-ci, dans la partie centrale nord de la ville de Bouchemma l’endommagement de la santé par le gaz de dioxyde de soufre est expliqué probablement par l’augmentation du taux des personnes âgées. Il est nécessaire de noter que la population qui réside dans le quartier à l’extrême nord Est de Bouchemma (oasienne nord sur la carte) est aussi caractérisée par un indice d’endommagement remarquable provoqué d’une part par les effets des terrains dont la densité des plantations de la palmeraie (culture en strate) freine l’écoulement de l’air. Ainsi en fonction de sa localisation périphérique cette zone est le premier récepteur de panache connu par sa forte concentration. Les facteurs socio- économiques, à leur tours, jouent un grand rôle dans la sensibilité, les habitants de cette région sont caractérisés par des taux de chômeurs et des journaliers très élevés ce qui influe le plus souvent sur le niveau de salaire qui est pratiquement faible ; de ce fait les dépenses sanitaires s’amenuisent augmentant la vulnérabilité.

Figure 11. Disparité spatiale d’indice de répercussion sanitaire de surconcentration de dioxyde de soufre

Le bilan des impacts s’alourdit avec l’endommagement des biens de la population, en effet, le secteur oasien nord a enregistré la perte de six moutons (GDP de Bouchemma) ainsi nous avons constaté pendant notre visite du terrain, le lendemain de l’évènement, des brûlures au niveau des plantes herbacées et des feuilles des arbres dans plusieurs jardins.

8.4. Intervention pour protéger la population

Selon l’enquête, 8.3 % ont eu des interventions médicales et paramédicales ; l’état de 17 personnes a demandé des secours et des hospitalisations d’urgence dont cinq élèves dans un établissement primaire déjà évoqué et 8 victimes tardivement ont visité les cabinets médicaux.

Généralement nous constatons une augmentation des pourcentages et des indices des répercussions sanitaires liées à l’air pollué, bien qu’il nous montre une inégalité de spatialisation de la question. La nature de cette perception est liée d’une part au panic des effets de cet aléa, et d’autre part aux points de vues de la population sont basés sur une enquête élaborée dans une période où l’environnement social caractérisé par des insatisfactions et des mécontentements dans le cadre des protestations à partir de 2011. D’ailleurs, les différents types de manifestations ont persisté plusieurs jours à Bouchemma après la surconcentration de 6 Mai 2017.

9- Conclusion générale

L’analyse des perceptions et des impacts de la pollution atmosphérique dans les secteurs de Bouchemma et Ezzarat illustre clairement la réalité des inégalités environnementales qui structurent l’espace urbain de Gabès. En s’appuyant sur la théorie du « risque manufacturé » d’Ulrich Beck, cette étude met en lumière la double face du progrès industriel : source de richesse mais aussi génératrice de nouveaux risques, souvent invisibles et difficiles à contrôler, et qui se répartissent de manière inégale selon les positions sociales et spatiales des populations.

Premièrement, la vulnérabilité des habitants de Bouchemma, exposés aux émissions du Groupe Chimique, se manifeste par une prévalence accrue des maladies respiratoires et une perception aiguë des nuisances, accentuée par des facteurs socio-économiques défavorables. Cette situation traduit ce que Beck appelle la « modernité réflexive », où les risques engendrés par le développement technologique appellent à une prise de conscience collective, mais aussi à des conflits sociaux autour de la gestion de ces risques.

Deuxièmement, Ezzarat, bien que plus éloigné des sources directes de pollution, n’est pas exempt de risques, notamment liés aux aléas naturels tels que le vent de sable, qui accentuent la fragilité des populations marginalisées en périphérie urbaine. Cette disparité socio-spatiale souligne l’importance d’une approche intégrée prenant en compte à la fois les risques anthropiques et naturels, ainsi que leurs dimensions sociales.

Enfin, la gestion des crises environnementales, comme le pic de dioxyde de soufre du 6 mai 2017, révèle les limites des politiques publiques actuelles, notamment en matière de prévention, de planification urbaine et de participation citoyenne. Les interventions d’urgence, bien qu’indispensables, ne sauraient suffire à compenser l’absence d’une gouvernance environnementale inclusive et anticipative.

Ainsi, cette recherche confirme que les inégalités environnementales sont un enjeu majeur des sociétés contemporaines, impliquant des dynamiques complexes entre science, politique, société et espace. Pour dépasser la vulnérabilité des populations, il est impératif d’intégrer les savoirs locaux, de renforcer la transparence des institutions, et de promouvoir une justice environnementale qui soit aussi sociale et territoriale.

10- Recommandations

 -Renforcement de la gouvernance environnementale locale

Il est essentiel de mettre en place des mécanismes de gouvernance participative impliquant les populations locales, les autorités publiques, les acteurs industriels et les associations civiles. Cette collaboration permettra d’améliorer la transparence des données sur la qualité de l’air et d’adapter les mesures de prévention aux réalités du terrain.

 -Intégration des approches interdisciplinaires

La gestion des risques environnementaux nécessite une approche croisant les sciences naturelles, les sciences sociales et les savoirs locaux. Une meilleure collaboration entre chercheurs, techniciens, sociologues et habitants peut favoriser une compréhension globale des risques et des stratégies adaptées pour les réduire.

 -Planification urbaine sensible aux risques

L’aménagement du territoire doit prendre en compte la localisation des populations vulnérables en relation avec les sources de pollution. Des politiques d’urbanisme doivent viser à réduire l’exposition aux nuisances, notamment par la création de zones tampons, le renforcement des espaces verts, et la régulation des activités industrielles à proximité des quartiers résidentiels.

 -Renforcement des capacités d’alerte et de réponse rapide

La mise en place de systèmes de surveillance en temps réel de la pollution atmosphérique et de protocoles d’alerte à la population sont indispensables pour limiter les impacts sanitaires des pics de pollution comme celui du 6 mai 2017.

 -Promotion de la justice environnementale

Il est crucial d’intégrer les principes de justice environnementale afin que les populations marginalisées ne soient pas disproportionnellement exposées aux risques industriels. Ceci nécessite des mesures compensatoires, des politiques sociales et économiques ciblées, ainsi qu’une meilleure reconnaissance des droits des habitants.

 -Sensibilisation et éducation environnementale

Des campagnes continues d’information sur les risques liés à la pollution atmosphérique doivent être menées auprès des habitants, en utilisant des langues et des supports accessibles, afin d’accroître la conscience collective et les capacités d’adaptation.

11- Liste bibliographique

-Albouy, L. (2010). Pollution atmosphérique et santé. Staff de santé publique, université de Poitiers,  50 p. http:// medphar. univ- poitiers. fr/ santepub/ images/ staff_ 2010/0217_ AIR.pdf

  • -Atlas de risques en France,( 2013).
  • -Azri, C. (2000). Contribution à l’étude de la pollution atmosphérique dans la région de Gabès  [Thèse de doctorat, Université Tunis El Manar].
  • -Beck, U. (1992). La société du risque : Sur la voie d’une autre modernité  (trad. L. Bernardi). Paris : Aubier.
  • -Beck, U. (2001). La société du risque : Sur la voie d’une autre modernité  (trad. L. Bernardi). Paris : Aubier.
  • -Beucher, S., Rebotier, J., & Reghezza, M. (2004). Géographie des risques . Paris : Armand Colin.
  • -Dahech, S. (2012). Pollution atmosphérique et dynamique urbaine dans la région de Tunis. Revue Tunisienne de Géographie , 7, 45–61.
  • -Dahech, S., & Béltrando, G. (2012). Apport de la télédétection à l’étude des vents de sable dans le sud-est tunisien. Revue de Géographie du Maghreb , 31, 63–78.
  • -Dahech, S., & Bouaziz, S. (2012). Analyse spatio-temporelle de la pollution atmosphérique à Gabès. Revue Méditerranéenne de l’Environnement , 5(2), 87–98.
  • -Dahech, S., & Bouaziz, S. (2016). Inégalités environnementales et vulnérabilité sociale à Gabès. Revue Tunisienne de Sociologie , 18(1), 125–140.
  • -Dauphiné, A. (2001). Risques et catastrophes : Observer, spatialiser, comprendre, gérer . Paris : Armand Colin.
  • -Faburel, G. (2008). Les inégalités environnementales . Paris : La Documentation Française.
  • Hayder A., (1980). L’industrialisation à Gabès et ses conséquences : étude de géographie humaine et économique (thèse de troisième cycle). Université de Tunis, 231 p.
  • -Jodelet, D. (1989). Les représentations sociales . PUF.
  • -JRC Technical Reports. (2015). Air Quality in Europe – 2015 Report . European Commission.
  • -Kalhori, H., & Weber, R. (2008). The Great Smog of London 1952. Environmental Pollution History Review , 12(3), 211–223.
  • Khlifi K., (2012). Migration interne et développement: étude comparative entre deux secteurs Bouchemma et Teboulbou. Mémoire de Master, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines 9 Avril, Tunis.
  • -Lévy, J., & Lussault, M. (1989). La perception de l’environnement urbain. Revue de Géographie , 122(3), 201–215.
  • -Lussault, M. (1998). L’Homme spatial. La construction sociale de l’espace humain . Paris : Seuil.
  • -Marzouki, A. (1962). Gabès à travers les âges : Contribution à l’histoire de la ville . Tunis : Imprimerie Officielle.
  • -Mitchell, G., & Dorling, D. (2003). An environmental justice analysis of British air quality. Environment and Planning A , 35(5), 909–929.
  • -Organisation mondiale de la santé (OMS). (2018). La pollution de l’air : Un risque majeur pour la santé publique . Genève : OMS.
5/5 - (2 صوتين)

المركز الديمقراطي العربي

مؤسسة بحثية مستقلة تعمل فى إطار البحث العلمي الأكاديمي، وتعنى بنشر البحوث والدراسات في مجالات العلوم الاجتماعية والإنسانية والعلوم التطبيقية، وذلك من خلال منافذ رصينة كالمجلات المحكمة والمؤتمرات العلمية ومشاريع الكتب الجماعية.

مقالات ذات صلة

زر الذهاب إلى الأعلى