Research studies

Tourisme et réorganisation de l’espace du massif des Bni-Znassen : quelques réflexions

 

Prepared by the researcher : Zerouali Sanae . Chercheur en Langue et Communication

Democratic Arab Center

Journal of Strategic and Military Studies : Eighteenth Issue – March 2023

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
 ISSN  2626-093X
Journal of Strategic and Military Studies

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Résumé

Les changements climatiques et la dégradation des ressources territoriales du massif des Béni-Znassen ont nécessité la pratique d’autres activités et une autre forme d’organisation de l’espace qui a fonctionné depuis fort longtemps comme un espace organisé autour des activités traditionnelles (agriculture et élevage). Ainsi, le développement de l’activité du tourisme se présente comme un secteur complémentaire aux activités existantes, surtout le massif dispose de nombreuses potentialités touristiques qu’il faut mettre en valeur. Cette réflexion et cette prospection nécessitent la mobilisation de tous les patrimoines paysagers naturels ainsi que la valorisation des autres formes du patrimoine culturel dont jouit énormément notre massif.

L’orientation vers une nouvelle économie organisée autour du tourisme, nécessite l’adaptation de la population locale à une politique de reconversion d’un système à dominance productive agricole, vers un nouveau système caractérisé par la production des loisirs et des services.

L’analyse de cet état des lieux, permettra certainement le rapprochement de tous les intervenants, en qui concerne la gouvernance du territoire, pour en faire une zone génératrice de revenus et assurer un développement efficace et durable, en proposant quelques pistes de réflexion, afin de surmonter les obstacles entravant le développement local.

Introduction

Dans cet article, nous essayerons d’établir un diagnostic sur les potentialités touristiques et de vérifier les corrélations existantes, ou qui doivent exister, entre ces diverses ressources territoriales et le tourisme, qui doivent être convergents pour créer un certain assemblage entre les différentes composantes de l’espace Znassni. Nous analyserons aussi les stratégies et les processus de valorisation de ressources territoriales spécifiques, pour une participation à un développement local et durable. Les réflexions que nous proposons, visent la création d’un climat d’entente et participative, pour l’émergence d’un tourisme créatif centré sur les pratiques récréatives et culturelles. La recherche que nous menons, vise aussi la valorisation des contraintes, qui se posent en termes de conception et de gestion des stations et aires touristiques montagnardes, dans un contexte marqué par de multiples injonctions paradoxales, dont celle de l’attractivité et de la durabilité.

  1. Potentialités touristiques non encore mises au service du développement local

Vu la constitution géologique du massif des Bni-Znassen, caractérisée par la prédominance du calcaire et dolomies jurassiques, qui surgissent dans le paysage sous forme de monts atteignant des épaisseurs de plusieurs centaines de mètres, et qui finissent par s’ennoyer vers le nord sous les dépôts tertiaires et quaternaires de la plaine de Trifa. Cette zone regorge de phénomènes géomorphologiques impressionnants comme les falaises, les pentes abruptes, les vallées encaissées et les grottes, qui forment des cavités karstiques, dont l’une d’elles est très connue dans la littérature mondiale et classée Patrimoine mondial de l’humanité depuis 1985 (grotte des pigeons). « L’érosion différentielle a permis la formation de reliefs imposants qui donnent l’impression de hautes altitudes, alors que ces dernières ne dépassent que rarement les 1500 m (Jbel Foughal : 1535 m). La présence de grandes falaises abruptes, avec parfois des ruptures de pente, offre des édifices remarquables qui donnent plus de valeur aux paysages, qui méritent une attention particulière, pour les mettre en valeur, afin de les rendre plus attractifs en termes touristiques »[1].

Vu sa valeur scientifique, le patrimoine géologique, mérite une grande attention pour être protégé au même titre que les autres ressources naturelles, pour sa contribution au développement durable, en mettant l’accent sur la nécessité de sensibiliser à la fois les décideurs, les intervenants et le grand public à la valorisation et à la préservation de ce patrimoine.

Malheureusement, ces richesses restent de nos jours, méconnues par la majorité des marocains, même pour ceux qui visitent la région. Ceci nécessite une prise en compte de la part des géologues, qui doivent établir des guides sous formes d’inventaires, qui doivent être remis aux visiteurs lors de leur séjour.

L’étude du milieu géologique et géomorphologique, nous permettra de mettre en relation les structures géologiques et l’activité touristique, ou ce qu’on appelle le tourisme géologique, ou géotourisme, qui ne constitue pas encore un concept en émergence.

Quant aux grottes, elles sont très nombreuses (carte 1), mais les plus célèbres sont la grotte des pigeons et celle du chameau appelée aussi Tassarrakout, ainsi que celle d’« El kaf » d’Ain Sfa. Dans cette zone karstique, peut se développer l’activité spéléologique, qui consiste en l’étude des phénomènes souterrains naturels ou anthropiques, dans un objectif scientifique, sportif, technique et contemplatif. Avec une bonne gestion de ce patrimoine naturel, la spéléologie peut être transmise en une activité touristique et servir comme une ressource complémentaire aux autres activités exercées par la population locale. La valorisation de ce patrimoine culturel, ou sa mise en tourisme, peut développer un écotourisme communautaire et solidaire dans cette zone montagneuse, avec la création d’écogîtes et de campings censés favoriser un tourisme restreint mais rémunérateur, pour la population locale et un outil pour la valorisation du patrimoine naturel. Malheureusement, ce potentiel touristique (carte1), qui doit constituer un levier pour le développement économique et social à travers le développement de l’activité touristique, est laissé à l’abandon.

Un autre patrimoine à prendre en considération dans les projets du développement touristique, est l’espace forestier, qui lui aussi, n’est pas encore mis au service du développement local. En effet, le massif est caractérisé par un écosystème précieux, abritant une riche biodiversité, qui peut constituer une ressource pour la population locale à travers la valorisation de ses potentialités forestières. Cette richesse est caractérisée par une variété faunistique et floristique de grande capacité d’adaptation, ce qui lui permet de se développer et de se reproduire au sein des changements climatiques, qui ont affecté tout le territoire Znassni. Cette adaptabilité explique en quelque sorte la cohabitation des espèces qu’on trouve parfois mélangées, sous forme d’ilots, dans le même espace, chose qui ne peut s’expliquer que par les bouleversements climatiques, géologiques, édaphiques et floristiques du passé, comme le souligne Chaverri-Polini « lorsque les populations végétales, qui devaient cohabiter sur un même territoire, se sont retrouvées divisées en îlots continentaux…. Cette séparation a permis aux populations de la même espèce, tout au long des périodes géologiques, de se développer et de survivre en s’adaptant à l’environnement, puis de se différencier et de créer de nouvelles espèces »[2].

Le patrimoine forestier des Bni-Znassen peut être plus attractif, par la présence de l’arganier (l’arbre le plus original du Maroc), localisé spécialement dans la commune de Chouihiya, ce qui donnera plus de valeur à la forêt de ce massif. Aujourd’hui la protection de cet arbre rustique est indéniable, en tant que patrimoine écologique et comme source génératrice de revenu, à cause de son huile très recherchée, grâce à son délicieux goût de noisette, ses qualités nutritionnelles et ses effets positifs reconnus sur la santé. Toutes ces qualités doivent motiver les visiteurs à la découverte de cet arbre, qui assure un revenu initial pour la coopérative féminine (Najah Mahjouba), soutenue par l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), qui a mis à sa disposition le bâti et tout le matériel nécessaire pour l’extraction et la mise en bouteille. Malheureusement, cet arbre rustique « nécessite une politique de réhabilitation pour pouvoir lui donner une chance de succès et permettre aux usagers de bénéficier des bienfaits de l’arbre et de son huile aux intérêts médicaux et thérapeutiques »[3].

Dans la perspective du développement du tourisme en milieu naturel, il parait intéressant d’intégrer le patrimoine forestier parmi toutes les composantes, et l’exploiter d’une manière économique, afin qu’il contribue au développement de l’activité touristique, pour le profit de la population locale. Cette perception nécessite une politique de marketing, pour améliorer et développer le mode de gestion des richesses naturelles de cet espace montagneux, ce qui pourra permettre de soutenir une activité d’écotourisme durable et responsable.

En plus de toutes ces potentialités, le massif des Bni-Znassen dispose d’un patrimoine ancestral (le folklore), que les Znassni s’efforcent de pérenniser, du fait qu’il est considéré comme « une vitrine colorée et dynamique où les traditions ancestrales, les croyances religieuses, les superstitions, les figures locales au caractère typé reflètent l’attachement profond à un terroir »[4]. Malgré tous les changements, ce patrimoine continue à s’exercer tout en s’ouvrant sur d’autres formes modernes.

Le massif des Bni-Znassen, vu sa situation géographique et topographique, et vu ses richesses patrimoniales, peut constituer un exemple intéressant pour la pratique du tourisme, surtout il présente beaucoup d’avantages touristiques, mais en réalité il est encore en retard. La valorisation de toutes ces particularités culturelles, ne peut être que bénéfiques pour l’activité touristique, car elle fournit une image de marque de cette destination qui est le massif des Bni-Znassen. Ces spécificités peuvent déclencher un nouvel intérêt chez les touristes et chez la population locale, qui peut en profiter pour tirer des revenus additionnels.

Carte 1 : Potentialités touristiques dans le massif des Bni-Znassen et ses environs

Source : Zerouali Adnane. Potentialités territoriales et développement durable du massif des Bni-Znassen, p. 145

  1. Impacts de l’infrastructure de base sur l’activité agricole et sur le tourisme

Le développement du réseau routier impactera certainement les potentialités locales en rendant leur accessibilité plus facile. Il augmentera le volume des flux, et peut-être même, il résoudra le problème de la saisonnalité des déplacements des excursionnistes, qui sont actuellement limités en printemps et en été. Malheureusement, les installations d’accueil et des services sont encore embryonnaires. La précarité de l’infrastructure de base montre l’incapacité des collectivités territoriales à remettre en état le réseau routier, pour répondre aux attentes des usagers.

Le réseau routier et la rapidité des transports sont souvent contraignants, aussi bien pour les producteurs que pour les visiteurs, d’où une faible liberté dans le choix des marchés et des itinéraires. Ainsi, la circulation des produits et des visiteurs se concentre sur quelques lieux ou sites bien déterminés, c’est-à-dire ceux qui se situent le long des routes, alors que de nombreux sites touristiques restent méconnus à l’intérieur du territoire.

Pour le massif des Bni-Znassen, l’écoulement des produits se fait simplement sur les souks hebdomadaires, qui constituent des moyens essentiels pour la vente des produits, puisqu’ils présentent un avantage considérable en ce qui concerne le volume des flux des clients (consommateurs), et leur concentration dans le temps. Pour les visiteurs, les lieux les plus fréquentés sont ceux situés dans des sites accessibles, et qui sont souvent liés par des routes anciennes en dégradation. Pour dépasser ces handicaps, le massif s’ouvre de plus en plus aujourd’hui, suite aux aménagements survenus ces dernières années, d’où la possibilité de l’élargissement des champs de commercialisation des produits et la mise en tourisme des sites reculés à l’intérieur du massif. C’est sur ces nouveaux axes aménagés, que l’influence des mouvements des visiteurs sur l’organisation de l’espace est particulièrement sensible. Mais, pour rendre le massif touristique, il faut créer des équipements d’accueil et de service le long des routes et des douars traversés (boutiques, cafés, restaurants, maisons d’hôtes…). De cette manière, on peut augmenter le flux des visiteurs et des touristes, et par conséquent, on assistera à une nouvelle organisation de l’espace, qui doit changer ses modes de productions pour la satisfaction des demandes de ces nouveaux consommateurs.

La topographie accidentée a constitué toujours un handicap pour l’aménagement de l’espace en ce qui concerne les terres arables, qui sont souvent de petites tailles gagnées sur des versants par la construction des terrasses, qu’il faut toujours entretenir. Cette topographie handicape aussi les déplacements des visiteurs, qui n’arrivent pas à explorer toutes les richesses territoriales les plus reculées dans le massif.

Très mal désenclavé, le massif ne peut espérer un grand essor touristique sans de meilleures communications. Les petits chemins parfois goudronnés, mais dans des états médiocres, et dont certains tronçons en dégradation, n’étaient pas en mesure de répondre aux flux des voitures qui viennent des villes environnantes. C’est pour cette raison, et pour d’autres, que les excursionnistes ne visitent que les sites situés tout près des chemins, alors que plusieurs sites restent méconnus malgré leur importance naturelle et culturelle. Pour profiter de sa position entre deux grandes villes de l’oriental marocain, qui sont Oujda et Berkame, et amener leurs habitants à la pratique du tourisme, il faut que cet espace montagneux soit bien relié par un réseau routier qui déclenchera un grand mouvement de la population citadine. N’oublions pas que l’aménagement du territoire passe d’abord par un bon aménagement routier, qui sera par la suite responsable des mutations économiques et démographiques et des disparités spatiales.

La disposition du réseau routier, en montagne, est souvent calquée sur celle du relief. Les axes de la circulation empruntent les vallées et les cols, qui sont moins couteux pour la construction des routes. L’artère maitresse (double voie), est la route de Tafoghalt qui traverse longitudinalement le massif reliant le couloir Taourirt-Oujda, au Sud et la plaine des Trifa au Nard. Sur ce secteur longitudinal se branche, à l’Ouest un axe sinueux et dérisoire reliant Tafoghalt et le synclinal perché d’Ouled Yahya. A partir de cette dépression, un axe continue son chemin, toujours du côté Ouest, vers Mechraa Hammadi, mais son état est très dégradé. Un autre axe draine le bassin pour le relier à la plaine des Trifa. Son aménagement en 2019, a facilité la circulation vers Berkane, ce qui a encouragé les agriculteurs à s’occuper de plus en plus de leurs terres pour augmenter la productivité et en tirer profit de l’accessibilité de leurs produits, qui seront écoulés à Berkane (grand marché citadin). Toujours, à partir de Tafoghalt, un autre axe suit la vallée du Zegzel, en passant par les célèbres grottes du massif (grotte des Pigeons et grotte du chameau), avant d’atteindre la ville de Berkane. Pour faciliter la circulation et augmenter le flux des mouvements de la population et des visiteurs, cet axe connait un grand aménagement, au moins pour le tronçon reliant les deux grottes.

Carte 2 : Réseau routier dans le massif des Bni-Znassen et ses zones limitrophes

Source : Zerouali Ad. 2021. Op. Cit., p. 219

Dans la partie Orientale du massif, seule une route semble le traverser, qui prend son départ, un peu à l’Ouest d’Ain Sfa pour rejoindre le site de Tinissen à Ras Foughal (1535 m). A partir de là, et jusqu’à Berkane, cette route devient très difficile, car elle est très étroite, dégradée et très sinueuse.

Telles sont les articulations majeures, qui écoulent le trafic du massif, qui sont qualitativement et quantitativement très insuffisantes pour le déclenchement de l’activité du tourisme. En plus de leur ancienneté, leurs tracés comportent souvent des secteurs à forte pente (absence de paravalanches)*, des chaussées étroites et de virages qui nécessitent une grande attention et parfois beaucoup de manœuvre en cas du croisement d’un autre véhicule. Si ce réseau a pu suffire à une époque de moindre déplacement, il n’en est plus de même pour drainer une population qui bouge et pour assurer la desserte des passages intercommunaux et les liaisons interprovinciales. Pour ces raisons, des projets routiers ont vu le jour depuis 2019. Ils permettront certainement de grandes transformations spatiales et économiques, au moins pour les lieux désenclavés.

L’aménagement du réseau routier valorisera certainement ce massif aux multiples potentialités territoriales non encore mis au service du développement et dont l’intérêt dépassera le cadre local. Ces réalisations, même partielles, sortirons le massif de son isolement et lui donneront une nouvelle dynamique à plusieurs échelles. Jusqu’à présent, le massif n’occupe qu’un angle mort dans la région de l’Oriental, alors qu’il regorge de potentialités encore à l’état brut. Leur valorisation et la multiplication des axes routiers sont d’un intérêt très remarquable et sont impératives pour le développement touristique, et pour le développement territorial dans sa globalité.

  1. Développement du tourisme et réorganisation de l’espace Znassni

L’activité touristique est avant tout un déplacement de personnes de leur espace quotidien vers un espace inhabituel pour un temps dépassant les 24 heures. On se référant à cette définition, cette activité n’existe pas encore dans notre zone d’étude, du fait que la majorité écrasante des visiteurs est formée par les excursionnistes, suite au manque d’infrastructures d’accueil.

La mise en tourisme nécessite :

  • la délimitation ou la détermination des stations de tourisme en définissant leurs potentialités et leurs capacités à créer du tourisme ;
  • La diversité des formes de tourisme pour encourager le touriste à prendre telle ou telle station comme cible touristique. Et puisque, nous sommes en montagne, nous pouvons proposer des randonnées à pied ou à bicyclettes, de l’équitation, des visites des fermes chez les paysans ;
  • La création d’auberges ou de gites en pleine nature permettra certainement l’allongement du séjour des touristes ;
  • La création d’un besoin de développer une “culture du tourisme de montagne” chez la population locale pour stimuler les activités traditionnelles dans ce massif et encourager les entrepreneurs à investir dans le tourisme de montagne ;
  • L’exploration des tendances actuelles et futures concernant les comportements des visiteurs de la montagne et les possibilités de développer des marchés de niche via des expériences et des produits innovants.

Toutefois, pour le massif des Bni-Znassen, la mise en tourisme de ses sites naturels et culturels nécessite la vérification de la constitution de toute une série de systèmes :

  • Comment la société urbaine (d’où viennent les visiteurs) perçoit-elle l’espace naturel et culturel et la qualifie-t-il en espace touristique afin qu’il soit apte à recevoir les touristes ?
  • Comment les acteurs locaux perçoivent l’équipement et l’aménagement des espaces touristiques, qui doivent être convertis en espaces de détente et de loisirs, pour participer ensemble au développement local et régional ?
  • Comment la population locale, et surtout les producteurs, vont accompagner ces changements, qui vont transformer leur territoire, et comment s’adaptent-ils aux règles nouvelles de son aménagement ?

La création d’un site touristique ou d’une station de tourisme, a certainement des impacts sur de nombreux services, qui sont en relation direct ou indirect avec le tourisme. Ainsi, se développent plusieurs types de contacts, qui ont impacté tout le système de distribution (transport, circulation des marchandises et des capitaux, mouvement de la main d’œuvre…), pas seulement à l’échelle locale, mais à l’échelle régionale ou peut-être même à l’échelle nationale. D’un autre côté, le tourisme peut déclencher un mouvement d’intégration de l’espace mis en tourisme dans la société marchande. A ce titre, nous avons enregistré de nombreuses transformations chez les paysans Znassnis, qui ne se contentent plus de l’agriculture des céréales, comme c’était toujours le cas. Ils s’adonnent aujourd’hui, aux cultures maraichères et à l’arboriculture, qui sont bien demandées sur le marché par les consommateurs (visiteurs et touristes).

Ceci nous permet de dire que l’agriculture locale passe de l’autosuffisance ou de la consommation locale à l’agriculture marchande. Le développement des cultures légumières s’inscrit dans ce contexte, en étant l’une des plus dynamiques dans son évolution. La filière légumière commence à occuper une place de choix au niveau de l’augmentation des surfaces cultivées en bio (non-utilisation d’intrants chimiques). Malheureusement, la topographie accidentée ne permet la pratique de cette culture, que sur des exploitations de petites tailles, qui écoulent leurs produits en circuit court. Aujourd’hui, avec le développement de l’infrastructure de base, qui a permis le décloisonnement des espaces reculés, les choses vont beaucoup changer. On assistera donc, à une grande diversité des produits maraichers biologiques et à une autre forme de l’organisation des espaces cultivés. Cette production diversifiée permet la mise en place de rotations et d’associations de culture pouvant lutter contre les pathogènes*. Du point de vue économique, une production diversifiée permet une sécurité au niveau des revenus, alors répartis sur plusieurs espèces et saisons. Chose que nous avons remarquée dans le synclinal perché d’Ouled Yahya (commune Rislane), qui connait de grandes transformations à l’échelle spatiale comme à l’échelle économique. De nombreuses petites parcelles sont cultivées par le haricot, les courgettes, les pommes de terre, les piments, les navets, les carottes, tout en suivant une conduite technique visant une augmentation de la productivité, puisque le désenclavement permet l’écoulement de la production rapidement en circuit long. A ces produits, s’ajoute l’arboriculture qui commence à prendre de l’importance dans le nouveau contexte commercial. Parmi les arbres fruitiers les plus réputés dans ce synclinal, nous citons les figuiers, les pruniers et les orangers.

Cette réorientation de l’agriculture de montagne ne fera qu’encourager les déplacements des visiteurs et des touristes. Ces derniers espèrent consommer des produits de terroir (produits locaux et bio), qui répondent à leurs besoins, et ne sont pas prêt à consommer des produits qui viennent des grands marchés urbains ou d’autres régions, surtout des régions utilisant des engrais chimiques pour l’augmentation de la productivité.

Nous dirons donc, que le tourisme est un acteur de transformation spatiale, économique et sociale. Il déclenche tout un mouvement et une dynamique des activités économiques, qui auront un impact positif sur la société qui profitera de ses changements. Ce profit se traduira par la multiplication des mouvements de la population urbaine (hebdomadaire, saisonnier), ainsi que par la circulation des produits de terroir considérés par les visiteurs et les producteurs comme produits bio. Malheureusement, pour ce qui est des potentialités touristiques et du tourisme, nous constatons jusqu’aujourd’hui un manque de corrélation entre ces deux variables. Car la valorisation des premières ne peut se faire que si l’espace est désenclavé et que les acteurs prennent en considération le tourisme comme vecteur du développement, et que la population réceptrice croit en la capacité de l’activité touristique à transformer et l’espace et la société. « On ne peut trouver de cohérence spatiale que lorsque d’énormes collectivités locales sont à la fois l’expression complète de la société globale et le lien d’une intégration économique assez poussée, ce qui permet de recevoir des touristes en grand nombre sans que cela conduise à des transformations radicales »[5].

Pour ce qui est de la création des emplois par le tourisme, il parait que nous sommes encore loin de cette hypothèse, au moins pour notre zone d’étude, qui n’est pas encore intégrée dans les circuits touristiques de la région de l’oriental marocain. D’une part, la zone soufrait, jusqu’en 2019 d’une grande carence en termes d’infrastructure routière, d’autre part, les richesses patrimoniales ne sont pas encore mises en tourisme, et la population n’est pas encore intégrée dans le nouveau contexte économique basé sur le tourisme.

Conclusion

Vu l’état médiocre des activités traditionnelles et la richesse du massif en potentialités touristiques, les acteurs du développement se trouvent véritablement face à un choix stratégique pour le développement de l’espace montagnard Znassni. Faut-il admettre que la polarisation de l’espace et des activités (tourisme de montagne) doit être le principe de développement, c’est-à-dire celui qui garantit le maintien des populations et le développement des activités des services. Dans ce cas, la mise en tourisme des ressources territoriales, doit constituer le moteur du développement autour duquel le reste de l’activité montagnarde s’organise (valorisation des patrimoines, agriculture de qualité…).

Aussi bien pour les décideurs que pour les habitants locaux, l’avenir du massif se situe à la croisée des chemins. Ce qui semble évident, c’est que les prochaines politiques concernant l’espace montagnard devront clairement poser la question du choix de développement. Faut-il opter pour l’activité touristique avec ses contraintes et ses surcoûts, ou faut-il redynamiser les activités traditionnelles tout en prenant en compte les impératifs comme les changements climatiques, le vieillissement de la population paysanne et le désintéressement des jeunes à s’adonner à de telles activités ?

Dans un espace aussi fragile que le nôtre, où les ressources sont à gérer avec prudence, une politique publique de la montagne devra se prononcer sur une certaine complémentarité de nombreuses activités, qui doivent former ensemble un formidable vecteur de développement durable.

Bibliographie

Barbaza Y. Trois types d’intervention du tourisme dans l’organisation de l’espace littoral. Annales de Géographie, 1970 N°.434, pp. 446-469

Chaverri-Polini A. Montagnes, biodiversité et conservation. 1997. Unasylva, revue internationale des forêts et des industries forestières.

Office du tourisme de Comines-Wameton. Patrimoine folklorique. 2019. Document consulté le 6 Septembre 2019. Disponible sur : https:/www.visitcomines-warniton.be.decouvrir-la-ville. Patrimoine-fol…

 Préau P. Tourisme et emploi en montagne : quelques réflexions. Revue de Géographie Alpine. N°- 61-4  1973, pp. 565-570

Santarelli L. Tourisme et équipement routier dans une région de montagne : la province de Sondrio. In : Revue de géographie alpine, tome 62, n°2, 1974. pp. 219-240. DOI :https://doi.org/10.3406/rga.1974.1370 www.persee.fr/doc/rga_0035-

Zerouali Ad. Gouvernance territoriale et mise en tourisme du massif des Béni-Znassen. Actes du colloque « gouvernance territoriale et outils de gestion ».Publications de la faculté des Lettres. Oujda 2019, pp. 87-95

Zerouali Adnane. Potentialités touristiques et tourisme : un couple divorcé (cas du massif des Bni-Znassen). 2021. Librairie Ettalib. Oujda.

Zerouali Adnane. Potentialités territoriales et développement durables du massif des Bni-Znassen. Thèse de Doctorat. Faculté des Lettres. Sais-Fès, 2021.

[1] – Zerouali Ad. Gouvernance territoriale et mise en tourisme du massif des Béni-Znassen. Actes du colloque « gouvernance territoriale et outils de gestion ».Publications de la faculté des Lettres. Oujda 2019, p. 88.

[2] – Chaverri-Polini A. Montagnes, biodiversité et conservation. 1997. Unasylva, revue internationale des forêts et des industries forestières

[3] – Zerouali Ad. Potentialités touristiques et tourisme : un couple divorcé (cas du massif des Bni-Znassen). 2021. Librairie Ettalib. Oujda, p. 70

[4] – Office du tourisme de Comines-Wameton. Patrimoine folklorique. 2019. Document consulté le 6 Septembre 2019. Disponible sur : https:/www.visitcomines-warniton.be.decouvrir-la-ville. Patrimoine-fol…

* – Un paravalanche est un ouvrage de protection paravalanche placé dans un couloir d’avalanches afin d’empêcher l’avalanche de produire des dommages humains et/ou matériels en aval. Ici, on fait référence à avalanche du décrochement des blocs de pierres des versants perchés.

* – Un agent pathogène est un facteur capable d’engendrer une lésion ou de causer une maladie chez les animaux ou chez les plantes.

[5] Préau P. Tourisme et emploi en montagne : quelques réflexions. Revue de Géographie Alpine. N°- 61-4  1973, p. 569

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