Research studies

Design as a new domain specialized translation

Le design en tant que nouveau domaine de la traduction spécialisée

 

Prepared by the researcher : Héla Oueslati – Higher Institute of Arts and Crafts of Kairouan, Tunisia

Democratic Arab Center

Arabic journal for Translation studies : Fourth Issue – July 2023

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN 2750-6142
Arabic journal for translation studies

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Abstract

This article explores the emerging field of specialized translation in the field of design, which integrates knowledge and practices from different disciplines. The interdisciplinary complexity of design poses challenges for translation, not least because of the subjectivity and constant evolution of the field. Translators face the challenge of faithfully rendering design concepts and terms, working in close collaboration with designers and engineers. The use of computer-aided translation (CAT) tools and specialized resources, such as glossaries and style guides, is essential to ensure terminological accuracy. In this study, we examine both the origins of translation and research in translatology, as well as the future of this emerging field. In addition, we focus on design as a little-explored field in specialized translation, emphasizing spatial design as a specific domain. We focus on the epistemological problems associated with this field, in particular the challenges of translating concepts related to architectural projects, which are distinguished by their exceptional interdisciplinary complexity.

Résumé

Cet article explore le domaine émergent de la traduction spécialisée dans le domaine design, qui intègre des connaissances et des pratiques de différentes disciplines. La complexité interdisciplinaire du design pose des défis pour la traduction, notamment en raison de la subjectivité et de l’évolution constante du domaine. Les traducteurs doivent relever le défi de rendre fidèlement les concepts et les termes du design, en travaillant en collaboration étroite avec les designers et les ingénieurs. L’utilisation d’outils de traduction assistée par ordinateur (TAO) et de ressources spécialisées, tels que les glossaires et les guides de style, est essentielle pour garantir la précision terminologique. Dans cette étude, nous examinons à la fois les origines de la traduction et de la recherche en traductologie, ainsi que l’avenir de ce domaine émergent. De plus, nous nous concentrons sur le design en tant que domaine peu exploré dans la traduction spécialisée, mettant l’accent sur le design spatial en tant que domaine spécifique. Nous nous attardons sur les problèmes épistémologiques liés à ce domaine, en particulier les défis de traduction des concepts liés aux projets architecturaux, qui se distinguent par leur complexité interdisciplinaire exceptionnelle.

Introduction

Le monde de la traduction spécialisée a connu de profonds changements ces dernières décennies, notamment avec l’avènement de nouvelles technologies et l’expansion des échanges internationaux. Parmi ces évolutions, un domaine émergent a suscité un intérêt croissant : le champ du design en tant que nouveau domaine en constante évolution, qui intègre des connaissances et des pratiques issues de nombreuses disciplines, notamment l’art, l’ingénierie, l’architecture, la psychologie, le marketing, la sociologie et bien d’autres encore. En raison de cette complexité interdisciplinaire, la traduction spécialisée dans le domaine du design peut être un défi. Bien que la traduction de la documentation technique pour les produits de design (tels que les manuels d’utilisation et les fiches techniques) soit souvent traitée par les traducteurs techniques, la traduction de la terminologie spécifique du design et la communication de ses concepts peuvent nécessiter une expertise supplémentaire. Les faiblesses épistémologiques de la traductologie et des théories du design peuvent rendre la traduction de notions fondamentales du design difficile, voire quelques fois impossible.

Il n’est donc pas surprenant de constater qu’il n’existe pas encore de théorie de traduction clairement établie pour les textes fondateurs du design. Ces difficultés de traductions peuvent être expliquées ; en premier lieu, par les limites épistémologiques floues du domaine du design.  En effet, le design présente une variété d’approches, selon les contextes culturels, les objectifs du projet, les publics visés, etc. La diversité présente peut rendre complexe la précision de la définition des concepts et des termes employés dans ce domaine. Entre autres, la subjectivité de ce domaine qui est lié généralement à la créativité et à l’expression personnelle de l’artiste ou du concepteur. Cette subjectivité peut rendre difficile la transmission fidèle de l’intention originale du créateur lors de la traduction. En plus de la nature évolutive du design qu’est un domaine en constante évolution, avec de nouvelles tendances, technologies et pratiques qui apparaissent régulièrement et qui peut rendre difficile la définition précise des termes et des concepts, ainsi que la traduction des nouvelles notions.  En raison de ces facteurs, cerner les limites épistémologiques du design serait difficile et rend par la suite l’acte de traduire des textes spécialisés en design ambivalents et complexes.

En deuxième lieu vient son caractère projectile. En effet, le design est une discipline professionnelle qui implique l’utilisation de compétences et de connaissances spécialisées pour résoudre des problèmes de conception dans divers domaines, tels que l’architecture, la communication visuelle, la mode, le design industriel, le design d’intérieur et bien d’autres encore. Les designers professionnels travaillent souvent en équipe pour créer des produits, des espaces et des expériences qui sont à la fois fonctionnels et esthétiquement plaisants.

Il s’agit donc, d’un domaine interdisciplinaire qui implique la collaboration de plusieurs domaines pour créer des solutions adaptées aux besoins des utilisateurs, tout en prenant en compte les considérations sociales, économiques et environnementales. L’interdisciplinarité du design peut avoir un impact sur le processus de traduction en imposant des exigences spécifiques en termes de connaissances techniques et de compréhension des concepts clés. Les traducteurs travaillant sur des documents de conception doivent être en mesure d’appréhender les termes techniques propres à ce domaine et de collaborer étroitement avec les designers ou les ingénieurs pour garantir une traduction fidèle au sens et à l’intention du texte original.

Dans cette optique, ce travail aborde à la fois les origines de la traduction et de la recherche en traductologie, ainsi que l’avenir de ce domaine relativement jeune. Par ailleurs, nous nous penchons sur le design en tant que domaine peu exploré dans le domaine de la traduction spécialisée. Nous nous intéressons aux problèmes épistémologiques liés à ce domaine, en mettant l’accent sur le design spatial en tant que domaine spécifique du design. Nous abordons notamment les difficultés de traduction relatives aux concepts liés au projet architectural, qui se caractérisent par leur complexité interdisciplinaire remarquable.

Alors, comment la traduction contribue-t-elle à la transmission efficace des idées et des intentions du design dans le domaine de l’architecture et du design en général ? Cette réflexion soulève des interrogations sur les difficultés rencontrées lors de la traduction de concepts clés du design, et met en évidence l’importance de trouver des équivalences linguistiques et culturelles appropriées.

Quels sont alors les enjeux spécifiques liés à la traduction des concepts fondamentaux du design architectural ? Comment la traduction peut-elle rendre compte de manière précise des éléments esthétiques, des intentions créatives et des exigences techniques inhérents aux projets architecturaux ? Ces questionnements mettent en lumière les défis particuliers auxquels sont confrontés les traducteurs spécialisés dans le domaine du design architectural, et soulignent l’importance d’une compréhension approfondie des concepts spécifiques à cette discipline pour assurer une traduction fidèle et pertinente.

En explorant ces aspects, nous chercherons à comprendre comment la traduction joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre et la communication efficace des projets de design, en particulier dans le domaine de l’architecture. Nous analyserons les difficultés spécifiques auxquelles sont confrontés les traducteurs lorsqu’ils doivent rendre compte des nuances conceptuelles et des éléments esthétiques propres au design. De plus, nous examinerons comment la traduction peut influencer la manière dont les projets architecturaux sont perçus et interprétés dans différentes cultures et contextes linguistiques.

En utilisant l’exemple de l’architecture comme domaine d’étude, cet article explorera les liens complexes entre la traduction et le design, mettant en évidence l’importance de la traduction dans la réalisation concrète et la compréhension des projets de design. En examinant les enjeux et les implications de cette relation, nous pourrons mieux appréhender la façon dont la traduction et le design se complètent mutuellement, contribuant ainsi à une meilleure communication et à une appréciation plus globale du design architectural à travers le prisme de la traduction spécialisée.

  1. Traduction, interdisciplinarité et textes spécialisés

Dans son ouvrage “La traduction dans tous ses états” (Bellos, 2011), David Bellos met en évidence l’importance de l’étymologie dans la question de la traduction. Le terme “traduction” trouve son origine dans le bas latin “traducere“, qui signifie littéralement “faire passer d’un lieu à un autre“, puis, à partir du XIVe siècle, “faire passer d’une langue à une autre” (Bellos, 2011). Concernant le domaine de la traduction, il souligne qu’en sumérien, le terme désignant le “traducteur” se traduit plutôt par “tourneur de langage“. Ainsi, dans cette langue, la traduction est davantage perçue comme une forme de “transmutation” que de “transport” (Bellos, 2011)

Cependant, les étymologies renseignent sur l’histoire des mots, et ne disent pas grand-chose des pratiques ou de la chose elle-même. L’étymologie ne peut pas à elle seule être capable de cerner tout le champ de la traduction, pour cela un rapide survol autour des mouvements clés de ce concepts nous amène à aborder les différents idées des penseurs qui ont influencé durablement la réflexion sur la traduction. Parmi les principaux penseurs du XXe siècle, qui se sont intéressés à ce concept ; on va évoquer dans le cadre de cet article cinq auteurs que nous considérons comme les pionniers de la traductologie entant que discipline qui sont ; Walter Benjamin (le philosophe), Antoine Berman (le romantique), George Steiner (le polyglotte), Henri Meschonnic (le traducteur de la parole sacrée) et Jean-René Ladmiral (le pédagogue).

La traduction telle que Benjamin la soutient ne doit pas consister en une reproduction des mots d’une langue à l’autre mais « doit bien plutôt, amoureusement et jusque dans le détail, adopter dans sa propre langue le mode de visée de l’original» (Walter, 2000, p. 245). La traduction doit donc conserver, vis-à-vis de la langue visée, la trace de l’autre. Traduire serait ce processus qui permet de garantir au mieux le respect de l’original, en évitant la reproduction aveugle, c’est en fait la transformation nécessaire à la survie du texte. La même approche est empruntée par le philosophe Pierre-Damien Huyghe au XXIe siècle lorsqu’il énonce que « toute traduction éclaire une possibilité de ce qu’elle traduit » (Huyghe, 2009, p. 42). La traduction « rend attentif8 » au sens de l’original et le révèle sous un angle nouveau.

La revisite des travaux d’Antoine Berman sur la traduction nous permet de saisir sa contribution majeure à l’émergence de la “traductologie” en tant que domaine de connaissance. Selon Berman, la traductologie engendre une “révolution copernicienne” dans le champ du savoir, car la tâche de pensée est désormais une tâche de traduction. À travers une critique et une analyse de la traduction, visant à établir un dialogue entre la langue source et la langue cible dans le contexte de la traduction, Berman cherche à mettre en évidence la nécessité intrinsèque d’une dimension éthique. Toutefois, son projet d’une éthique de la traduction oscille entre l’injonction de reconnaître l’Autre en tant qu’Autre et la volonté de traduire au plus près du jeu des signifiants, ce qui devient une obligation éthique ultérieurement

Selon George Steiner, la traductologie n’appartient pas tant à une théorie scientifique qu’à des “descriptions raisonnées de démarches”, une technique, voire un “art exact”. Les énoncés produits ne sont ni prédictifs ni falsifiables, par conséquent, la réflexion théorique portant principalement sur la traduction de textes religieux, littéraires ou philosophiques, et l’universalité des principes forgés sont sujets à remise en question. La traductologie se concentre alors sur les opérations complexes (Rastier, 2010) qui permettent de passer d’une langue à une autre et d’un monde à un autre (Olohan (dir.), 2000). Les textes opératifs possèdent une valeur incitative considérable et ciblent un destinataire spécifique ainsi qu’un objectif marqué par les effets recherchés des textes sources traduits. Cependant, la traduction des textes, en raison de sa gestion d’un “déficit“, ne parvient pas à rendre compte du sens initial véhiculé par les mots d’origine (Mejri, 2005), d’autant plus qu’un processus de décontextualisation suivi d’une recontextualisation s’impose lors de la traduction (Venuti, 2006).

Lors de la publication de son essai “Éthique et politique du traduire” (2007), Henri Meschonnic aborde les questions esthétiques et poétiques de la traduction, considérant qu’elle constitue un terrain privilégié pour comprendre ce que le langage accomplit. Selon lui, une bonne traduction nécessite une réflexion approfondie sur le langage. L’auteur affirme que la pratique et la théorie de la traduction s’influencent mutuellement, se critiquent et s’enrichissent constamment. Le livre repose sur cet échange et cette tension. Ainsi, il compare fréquemment le traducteur à un “passeur“, mais souligne que l’important n’est pas seulement de faire passer quelque chose, mais dans quel état cela arrive de l’autre côté.

De son côté J.-R. Ladmiral, basant sa théorie sur le postulat de l’interdisciplinarité de la traduction, il considère la traduction plus qu’une poétique, il vise une théorie plurielle et inachevée des théorèmes pour traduire tirant de la pratique une réflexion qui oriente la pratique même. Théorie et pratique sont bien séparées, mais il est possible d’établir une relation dialectique entre ces deux pôles opposés de l’antinomie de base de la traductologie. Il dépasse la dichotomie qui oppose depuis toujours, en matière de traduction, « théoriciens » et « praticiens » ainsi que ce qu’il définit comme « l’objection préjudicielle », c’est à-dire le fait même de se poser la question si la traduction – en certains cas- est possible.

Selon divers auteurs, aborder la traduction de cette manière implique de la considérer comme un processus, un espace de discussion visant à atteindre un résultat. Bien que le texte traduit soit souvent perçu comme le point final, l’objectif du parcours, ce qui nous intéresse davantage est le chemin parcouru et les conditions mises en place pour y parvenir. Il s’agit d’un processus de négociation qui ne se limite pas seulement à la relation entre le texte source et sa traduction, ni à la confrontation de deux langues différentes, mais également à la négociation du traducteur avec un réseau englobant une multitude d’acteurs.

1.1 L’interdisciplinarité dans la traduction

En se basant sur la théorie de J.-R. Ladmiral qui insiste sur le concept de l’interdisciplinarité de la traduction -que nous considérons fondamental- nous pouvons, dans ce contexte distinguer trois types de relations entre la traductologie et les différentes autres disciplines : pluridisciplinarité, interdisciplinarité et transdisciplinarité. Les spécificités de ces termes signalent étymologiquement les préfixes qui forment les termes correspondants (Meynard & Lebarbé, 2011). Dans cette article nous allons nous intéresser seulement au principe de l’interdisciplinarité, vu son influence directe sur le concept de la traduction, ses différents types, sa finalité et ses nécessités.

L’interdisciplinarité, avec son préfixe sémantique inter- qui signifie “entre”, peut être interprétée de deux manières. La première interprétation met en évidence l’interaction entre plusieurs disciplines, allant au-delà de leur simple coexistence dans le cadre de la pluridisciplinarité. Cette interaction nécessite un dialogue entre les disciplines, la création d’un espace commun. Par conséquent, les frontières disciplinaires deviennent floues et il n’y a plus de “territoire” disciplinaire distinct, mais plutôt un continuum interdisciplinaire.

La traductologie s’est développée dès ses débuts en étroite interaction avec des domaines connexes tels que la grammatologie comparée, la philosophie et la linguistique. Elle a toujours été conçue comme un domaine scientifique ouvert, où la nature même de la traduction est considérée comme inhérente (Tymoczko, 2005). En raison de sa connectivité croissante avec un nombre croissant de disciplines, en plus des études littéraires et linguistiques (sciences politiques, sociologie, études culturelles, sciences de la communication, sémiotique, études cinématographiques, neurosciences, linguistique computationnelle, etc.), plusieurs théoriciens ont introduit de nouveaux concepts et classifications. Ces concepts sont progressivement intégrés dans son noyau de recherche.

En suivant de près les tendances de la recherche interdisciplinaire académique, la traductologie occupe une position entre l’interdisciplinarité, qui repose sur une connaissance de structure arborescente, et la transdisciplinarité, qui représente une forme de synergie interdisciplinaire basée sur une connaissance de structure en constante évolution (Blumczynski, 2016). Ces approches entraînent des changements radicaux dans la perception même de la traductologie en tant que domaine interdisciplinaire, à tel point qu’elle est aujourd’hui qualifiée de post-traductologie : “nous imaginons une sorte de nouvelle ère qui pourrait être qualifiée de post-traductologie, où la traduction est considérée comme fondamentalement transdisciplinaire, mobile et ouverte” (Arduini & Nergaard, 2011, p.17).Haut du formulaire
Lorsque nous abordons la traduction en tant qu’échange interdisciplinaire, nous reconnaissons qu’elle repose sur ce fondement même. Son principe essentiel réside dans la mise en contact et l’établissement d’un dialogue entre les domaines (de spécialité) concernés. La traduction spécialisée constitue un vaste domaine, maintenant dominant au moins quantitativement, mais qui relève d’appellations multiples : traduction « technique », traduction professionnelle, traduction « pragmatique » ou fonctionnelle. La formation des traducteurs en appelle à une interdisciplinarité méthodologique fondamentale, de la terminologie.

Il y a deux perspectives possibles pour envisager cela, correspondant à deux interprétations de l’interdisciplinarité. La première est de nature méthodologique, où la traduction est une activité spécifique qui utilise des outils fournis par d’autres disciplines pour élaborer, en se basant sur leur référentiel conceptuel, méthodologique et empirique, un cadre analytique adapté aux besoins d’un cas de traduction spécifique. En revanche, la seconde perspective est proprement liée aux domaines, et elle concerne la rencontre de domaines appartenant à une même spécialité mais opérant dans deux cultures distinctes.

Dans tous les cas, il s’agit d’une relation d’échange entre différentes disciplines qui doivent être mises en contact afin d’aboutir à une communication de qualité. L’interdisciplinarité dans le domaine de la traduction renvoie à la nécessité pour les traducteurs de travailler avec des textes spécialisés provenant de divers domaines et disciplines. Les traducteurs peuvent être amenés à travailler sur des textes issus de la médecine, de la finance, de l’ingénierie, de la technologie, du droit, de l’environnement, de la politique, de la culture, et bien d’autres encore. Chaque domaine possède ses propres conventions, terminologies spécifiques, styles et exigences de qualité. Les traducteurs doivent donc avoir une connaissance approfondie des domaines dans lesquels ils travaillent, ainsi que de solides compétences linguistiques, afin d’assurer une traduction précise et cohérente.

L’interdisciplinarité en traduction est, donc, un aspect important de la traduction spécialisée, qui nécessite des compétences linguistiques et techniques solides, une connaissance approfondie des domaines spécifiques, ainsi que des compétences de recherche et de communication efficaces pour assurer une traduction précise et de haute qualité.

  • Les problèmes terminologiques dans la traduction des textes spécialisés

 « On appelle texte spécialisé la totalité des productions discursives de caractère spécialisé » (Cabre, 2002, p.14). Les explications deviennent plus précises quand il est question des particularités de ce genre de textes : « Une des caractéristiques les plus remarquables d’un texte spécialisé est la présence des unités terminologiques. Plus le niveau de spécialisation d’un texte est élevé, plus sa densité terminologique est grande.» (Cabre, 2002, p.21)

D’un point de vue épistémologique, une science ou une discipline se caractérise généralement par au moins deux exigences fondamentales : la délimitation d’un objet d’étude spécifique et la construction méthodologique qui lui est associée. Tout discours relevant d’une discipline particulière implique l’utilisation appropriée des termes consacrés par les spécialistes à travers la production scientifique dans le domaine concerné. Ainsi, la traduction se présente comme une nécessité répondant à des besoins spécifiques, car il est fréquent de traduire des textes spécialisés pour combler un manque dans le domaine cible. Cette dissymétrie initiale engendre une complexité considérable dans les problématiques liées à la dimension terminologique. Indépendamment de cette dissymétrie entre les deux langues, il est rare que les mêmes référentiels terminologiques soient disponibles des deux côtés, en raison de divers facteurs tels que l’écart dans le développement de la recherche entre les langues respectives, les différences dans les classifications effectuées dans chaque langue et l’équilibre structurel des terminologies, pour n’en citer que quelques-uns.

S’agissant du premier aspect, il faut rappeler que la dynamique terminologique est l’aboutissement logique de la dynamique de la recherche : plus les travaux menés dans un domaine sont importants, plus l’espace terminologique est grand. Comme la recherche linguistique est tributaire des langues décrites, le référentiel terminologique en dépend nécessairement, même si on sait par ailleurs que les langues ne sont pas forcément décrites avec leurs propres métalangues.

La deuxième zone met en évidence la présence des différentes théories linguistiques et révèle si tous les domaines sont couverts par la production scientifique. Sur le plan terminologique, deux indices permettent de les identifier aisément : les terminologies clairement marquées, même si elles sont bien acceptées par ailleurs, et les paradigmes terminologiques propres à certaines approches. La troisième partie est la moins stable, car elle fait l’objet d’analyses contradictoires et n’a pas encore bénéficié de l’assise nécessaire pour une intégration totale. Elle comprend soit des innovations d’auteurs qui n’ont jamais été adoptées par d’autres spécialistes, soit des termes périphériques. Dans le cas des innovations, la terminologie proposée reste attachée au texte dans lequel elle a été créée.

Quant aux termes périphériques, ils sont soit partagés avec d’autres disciplines sans être spécifiquement rattachés aux sciences du langage, soit utilisés dans le discours sans être accompagnés d’éléments définitoires suffisamment solides pour leur attribuer une stabilité. En ce qui concerne les catégorisations effectuées dans chaque langue, il est important de rappeler que le référentiel terminologique reflète les catégorisations élaborées dans les sciences du langage.

Lorsque l’écart entre la langue source et la langue cible est important, on se heurte à la difficulté de l’innovation ou de l’adaptation terminologique. Étant donné que la terminologie est indissociable des contenus conceptuels véhiculés par les termes, nous avons mentionné précédemment plusieurs problèmes liés aux enjeux terminologiques. Cependant, dans le cadre de la traduction, qui implique le transfert de contenus indissociables des terminologies disponibles ou potentielles, une grande partie des contenus conceptuels doit être négociée par le traducteur en ce qui concerne l’objet décrit, le point de vue adopté et la cohérence conceptuelle dans les deux textes.

  1. Traduction, projet de design et les problèmes terminologiques

Les théories présentées par les penseurs mentionnés précédemment mettent en évidence le fait que la traduction n’est pas simplement un transfert d’une langue à une autre, mais plutôt la création d’une troisième langue qui n’est ni totalement identique à la langue source, ni tout à fait similaire à la langue cible, mais qui est enrichie par les deux (Weismann, 2014). Les termes “traduction” et “design” partagent une ambiguïté sémantique similaire, capturant l’engagement dynamique de l’acte de “traduire” en tant que production créative de sens. À la fois dans l’activité de traduction et dans celle du design, ils semblent tous deux chercher à établir un lien entre ce qui a précédé et le présent, en offrant une version communicable au milieu dans lequel ils seront reçus.

Nous considérons que tant l’activité de traduction que celle du design relèvent de la création et partagent ainsi le statut fondamental de la traduction, tel que décrit par Benjamin : “celle-ci s’ancre et se matérialise dans les langages des choses” (Weismann, 2014, p.16). Les langages des choses se réfèrent donc à des langages sensibles et non verbaux, où le designer travaille avec ces langages sans nécessairement les formuler dans des langages verbaux. Il revient à la traduction de les transposer en langage verbal tout en prenant en compte le langage sensible du créateur.

  • Terminologie et difficultés de traduction du concept de design 

La compréhension de la recherche en design est intrinsèquement liée à l’interprétation du terme “design”. L’étymologie du mot “design” se compose de deux éléments : “de-” et “sign”. Le préfixe “de-” signifie “ôter” et renvoie à l’action de retirer momentanément, de déplacer et de réorganiser des signes. Ainsi, le design utilise des signes décalés par rapport à leur origine. Le mot “signe”, dérivé du latin signum, signo, are et designo, are, a évolué en “sine” et “signe” en français (cf. Gaffiot, p. 1440). L’origine du mot “design”, d’abord latin, est devenue français à travers des traductions telles que “signe”, “dessein”, “dessin”, et anglais sous la forme particulière de l’anglophone “sign” devenu “design”. En français, le terme anglais “design” était traduit par les expressions “esthétique industrielle” ou “art décoratif”.

Le terme “design”, comme le suggère son étymologie, trouve sa place à la convergence de l’anglo-saxon, du français et du latin, voire de leur racine commune indo-européenne. Il incarne l’interculturalité et soulève de multiples interrogations quant aux dialogues entre les cultures, ce qui englobe des aspects de traductologie.

Selon John Heskett (2009), la difficulté initiale du terme “design” réside dans le mot lui-même qui, lorsqu’il est utilisé comme un nom, englobe à la fois un concept général dans un domaine, une proposition en cours de réalisation, ainsi qu’un produit fini. Il souligne également que lorsqu’on utilise le mot “design” en tant que verbe, cela marque une action ou un processus (Heskett, 2009, p.3). Le design lui-même est un terme qui mériterait une exploration approfondie en termes de traduction, tout aussi complexe que celle que nous avons tenté de présenter ici. Plusieurs auteurs ont noté dès les années 1990 son caractère ambigu, le manque de contextualisation critique de ses objets et la tendance à réduire les travaux historiques réalisés dans ce domaine (Necdet, 1996).

Il est important de noter dès à présent que l’idée d’une équivalence stricte entre deux langues est dénuée de sens, et qu’une recherche d’équivalence ne peut en aucun cas être considérée comme la “mission” de la traduction. Il est donc nécessaire d’accepter une certaine dissolution du sens de l’original dans le processus de traduction. Cependant, cette dissolution doit être transparente et mettre en évidence l’écart entre les deux langues.

Par conséquent, il est évident que le concept de design, tel qu’il est compris dans sa version anglo-saxonne, est considéré comme la science de la conception, et ses applications semblent illimitées. Dans cette perspective, le design se répand, souvent en suivant les avancées technologiques et scientifiques, vers de nouveaux domaines. De nature prospective, ses implications consistent à développer des théories de la conception dans des disciplines émergentes, comme si le design, en tant que science de la conception, pouvait naturellement s’étendre à de nombreux domaines.

La situation de la recherche en design dans les pays francophones peut donner l’impression initiale d’être en retard par rapport à la situation anglo-saxonne et américaine. Cependant, les réflexions du chercheur Alain Findeli sur l’épistémologie du design remettent en question la primauté de la recherche anglo-saxonne, la qualifiant de théorie “faible” en raison de son confinement dans la méthodologie (Findeli, 2006). Il est important de souligner que les anglo-saxons et les francophones partagent un corpus épistémologique relativement similaire. Néanmoins, les théories développées diffèrent. Alain Findeli souligne que le design ne se résume pas à une simple méthode visant à relier logiquement la théorie et la pratique. Selon lui, le design demeure un travail d’interprétation, de contextualisation, de compréhension et d’évaluation.

Il est indéniable que dans le domaine du design, la faiblesse conceptuelle est une caractéristique largement répandue parmi les textes qui sont pourtant considérés comme fondamentaux. Cette situation est telle qu’il est devenu courant d’utiliser des néologismes pour éviter la généralité, l’imprécision et la variabilité présentes dans le texte original.

Les difficultés de traduction des concepts de design sont nombreuses en raison de la nature multidisciplinaire et contextuelle du design. Les designers utilisent souvent des termes spécifiques à leur discipline, qui peuvent varier selon les langues et les cultures. Dans le cadre de cet article on va citer quelques exemples de concepts de design qui peuvent être difficiles à traduire tels que : “le Design Thinking” qui est  un concept d’origine anglo-saxonne et qui se définit comme une méthode de résolution de problèmes centrée sur l’utilisateur impliquant une approche collaborative et créative pour trouver des solutions innovantes. Ce concept présente des difficultés de traduction que ce soit en langue française ou en langue Arabe en raison de son caractère multidisciplinaire et de la nature des mots utilisés. En français, le terme “Design Thinking” peut être traduit de différentes manières, notamment “pensée design“, “pensée créative“, “pensée centrée sur l’utilisateur” ou encore “approche de conception“. Chacune de ces traductions peut avoir une connotation légèrement différente et ne peut pas toujours refléter la signification précise de l’original en anglais.

En arabe, le concept de “Design Thinking” peut être traduit par “تفكير التصميم” (Tafkeer Al Tasmeem) ou “تصميم الافكار” (Tasmeem Al Afkar). Cependant, ces traductions peuvent ne pas être facilement compréhensibles pour les locuteurs natifs, car le concept de “Design Thinking” est encore relativement nouveau dans le monde arabe. En outre, il peut y avoir des différences subtiles dans la signification de chaque traduction, qui peuvent ne pas transmettre la signification exacte de l’original en anglais. Ainsi, les traducteurs doivent être conscients des différentes traductions possibles et de la signification précise derrière chaque traduction pour fournir une traduction précise et pertinente.

Un autre concept « le responsive design » qui présente une ambiguïté de traduction et qui souligne les difficultés auxquelles sont confrontés les traducteurs lorsqu’ils doivent rendre précisément une idée dans une autre langue, en particulier en français et en arabe. Comme le mentionne l’expert en traduction, Sibylle Gruber (2007), la traduction du terme ‘responsive design‘ en français peut varier entre ‘conception adaptable‘ et ‘conception réactive’, en fonction du contexte et de la terminologie utilisée. De même, en arabe, l’ambiguïté persiste, et il peut être traduit de manière similaire avec des termes tels que “التصميم المستجيب” qui signifie à la fois “conception adaptable” et “conception réactive“. Cette ambiguïté reflète la complexité de transmettre des concepts techniques avec précision dans différentes langues et souligne la nécessité d’une expertise linguistique et d’une compréhension approfondie du domaine pour rendre fidèlement le sens du concept dans chaque langue.

La “Gestalt” est un autre concept de design d’origine allemande qui présente aussi une difficulté de traduction. Ce concept se concentre sur la perception visuelle et la façon dont les éléments visuels sont perçus en tant qu’ensemble. La “Gestalt” peut être difficile à traduire de manière précise en français et en anglais en raison de sa nature abstraite et complexe. En anglais, ce terme est souvent utilisé pour décrire une théorie de la psychologie de la perception, qui suggère que l’esprit humain perçoit les objets comme des formes complètes et cohérentes plutôt que comme des éléments individuels. En français, le terme “Gestalt” est souvent traduit par “forme” ou “structure globale“, mais ces traductions ne capturent pas pleinement l’idée de la configuration globale et de la perception holistique véhiculées par ce concept. De même, en arabe, l’absence d’un terme équivalent rend la traduction du concept encore plus difficile ce qui pose des défis significatifs en raison de la richesse sémantique et de la complexité de ce terme. La traduction du concept ‘Gestalt’ en arabe est un défi, car il n’existe pas de mot unique qui englobe toutes ses nuances. Cependant, on peut utiliser des termes tels que ‘الهيئة’ ou ‘التشكيل الشامل’ pour tenter de transmettre l’idée de la perception globale et holistique. Il est clair que la traduction de “Gestalt” dans ces langues nécessite une réflexion approfondie et une adaptation contextuelle pour restituer au mieux la signification complexe et subtile du concept dans chaque langue.

Ces exemples illustrent les difficultés de traduction des concepts de design, qui peuvent varier selon la discipline spécifique et le contexte culturel. Les traducteurs doivent être conscients de ces difficultés et avoir une connaissance approfondie des concepts de design pour fournir une traduction précise et cohérente.

  • Traduction et design espace : le projet architectural

L’épistémologie du design se distingue des épistémologies des sciences en ce qu’elle n’est pas une “théorie de la connaissance“, mais plutôt une “théorie de la pratique” ou, plus précisément, une “théorie des savoirs pratiques”. Ainsi, l’épistémologie du design est essentiellement une “épistémologie du projet“. Dans cet article, nous abordons le projet selon une perspective épistémologique qui nous amène aux “disciplines du projet” telles qu’elles englobent les métiers et les professions en tant que cultures techniques de la conception. Nous examinons donc le projet en tant que logique projectuelle dans le cadre du domaine professionnel. L’un des principaux niveaux d’interprétation du terme “design” se situe au niveau de la discipline professionnelle.

Il est crucial de comprendre que l’exercice du design dans ses différentes dimensions (la construction d’un bâtiment, la fabrication d’un objet industriel, l’élaboration d’un service, d’une interface, d’un dispositif de communication, etc.) est tout simplement impossible sans recourir à la méthodologie du projet, c’est-à-dire une approche méthodique de la conception et de la réalisation. Le projet est intrinsèquement lié au design, quelle que soit l’époque de l’histoire. En fait, “design” et “projet” pourraient être considérés comme synonymes, comme le suggère la littérature la plus avancée sur le sujet (Findeli, 2006).

Chaque projet de design évolue ainsi du besoin initial identifié par le client à la formulation de la commande, puis à la compréhension conceptuelle par le designer. Ensuite, l’expertise du designer se matérialise à travers les représentations des artefacts (Fig.1). Ce processus, qui n’est pas linéaire, s’inscrit dans une dynamique de communication en réseau, au sein d’une activité globale (Bleton & Pons & Rey, 2018). Cette séquence d’étapes définit le design comme une manifestation unique de la conception (Alexander, 2004) : une pratique qui combine des gestes créatifs, techniques et instrumentaux (Bonnardel, 2006) dans le but de modéliser différentes versions d’un artefact. Ces gestes s’adressent à divers interlocuteurs (y compris les clients eux-mêmes ainsi que les collaborateurs, spécialistes ou non de la conception (Lebahar, 2007). Ils prennent la forme d’images ou de textes opérationnels qui fournissent des informations sur l’artefact (Tortochot & Moineau, 2019).

Figure.1 : Les différentes phases de l’élaboration dans projet en design. Source: Auteur

   La traduction d’un projet de design nécessite du traducteur une combinaison de compétences relevant à la fois de l’interdisciplinarité technique et de l’interdisciplinarité sectorielle. Dans cet article, nous nous concentrons sur une forme spécifique de design liée à l’espace, plus précisément sur l’approche architecturale en tant que manifestation remarquable de la complexité interdisciplinaire du design. En effet, la préparation et la réalisation d’un projet architectural s’inscrivent dans un processus qui implique de nombreux acteurs. Si la conception, la coordination et la réalisation du projet relèvent de la responsabilité de l’architecte, la complexité et la spécialisation technique du projet exigent l’implication d’une équipe composée d’ingénieurs et d’experts techniques ponctuels. Par nature, tout projet architectural est une entreprise complexe qui reflète la complexité interdisciplinaire du bâtiment qu’il engendre. C’est dans cette optique que la traduction peut jouer un rôle essentiel dans la manière dont un projet architectural est élaboré, en particulier dans le contexte de projets internationaux ou multilingues.

Tout d’abord, la traduction peut aider les architectes à comprendre les règlementations et les normes en vigueur dans un pays ou une région donnée, puisqu’ils sont amenés à se conformer à des codes de construction et à des normes spécifiques des pays où le projet va s’établir. Les traducteurs spécialisés peuvent aider les architectes à comprendre ces exigences et à les intégrer dans leur projet. En outre, la traduction peut aider les architectes à communiquer avec des clients, des entrepreneurs et des fournisseurs dans des langues différentes. En travaillant sur des projets internationaux les concepteurs peuvent avoir besoin de communiquer avec des partenaires dans plusieurs pays, ce qui nécessite souvent la traduction de documents et de communications.

Enfin, la traduction peut aider à faciliter la collaboration entre les membres de l’équipe de conception. Dans une équipe de conception multilingue, les traducteurs peuvent aider à s’assurer que toutes les parties comprennent les concepts et la terminologie utilisés, réduisant ainsi les risques de malentendus et d’erreurs de conception.

Toutefois, la traduction des projets d’architecture présente un défi complexe à deux égards. Premièrement, comme précédemment souligné, la langue utilisée dans ces projets englobe tous les aspects techniques et administratifs de la construction, rassemblant ainsi divers domaines de spécialité au sein d’un même dessin. Pour un traducteur non spécialiste, cela pose initialement un problème d’identification disciplinaire. En effet, il peut parfois être difficile de déterminer précisément le sens d’un terme technique polysémique. Lorsqu’on n’est pas familiarisé avec la lecture des schémas techniques, la compréhension et la traduction de ces termes selon l’intention de l’auteur original peuvent s’avérer extrêmement délicates, voire impossibles. De plus, s’ajoute à cela une forme de polylexie résultant des différentes dénominations commerciales utilisées pour certains éléments techniques. Par exemple, malgré un degré de standardisation terminologique internationale assez poussé, un même type de câble peut être désigné par deux acronymes différents.

Donc afin de construire un dispositif (Geneviève & Monnoyer (dir.), 1999). capable de mobiliser des acteurs hétérogènes pour mettre en valeur des processus créatifs dans le domaine de la traduction qui pourraient bien, faire du « traduire » une activité facile de l’épistémologie du design en tant que projet. Le traducteur spécialisé du domaine du design doit nécessairement posséder une parfaite compréhension de l’architecture, de l’urbanisme et de la construction, qu’il s’agisse de ses enjeux techniques, sociologiques ou spatiaux. Il doit être capable à adapter son registre linguistique à la nature du document traduit, et connaître parfaitement les terminologies propres au secteur. Qu’il s’agisse d’un document technique pour un chantier, d’un échange interne à un groupement de maîtrise d’œuvre ou bien encore d’une publication pour une audience plus large, la palette du traducteur doit couvrir le besoin.

En effet, la communication implique l’existence d’un code commun aux interlocuteurs. Mais le langage n’est pas le seul à accomplir cette fonction. Il existe aussi des « rituels d’interaction » qui contribuent à faciliter et à réguler les rapports sociaux dans une même discipline, ceux-ci peuvent épouser différentes formes du syntagme, ou d’abréviation. On va citer quelques exemples de mots techniques utilisés ou « rituels d’interaction » dans le domaine architectural dans les différentes phases du projet en donnant leur signification. (Tab.1).

Tableau.1 : Terminologies utilisées dans les différentes phases du projet architectural. Source: Auteur

Phases Éléments constitutifs Descriptif Acteurs concernés
APS (Avant-Projet Sommaire)

 

·         PAZ (plan d’aménagement de zone.)

·         PC (permis de construire)

·         Cadastre[1]

 

 

 

Étude technique et économique préalable d’un projet donnant lieu à un dossier constitué de pièces écrites (devis descriptif en particulier) et de documents graphiques.

 

Maitres d’œuvre (ME), Urbanistes, Administrations/branches techniques liées au bâtiment, Maitre d’ouvrage(MO)

APD (Avant-Projet Détaillé) ·         Arrêter en plans

·         coupes et façades l’aspect et les dimensions de l’ouvrage

·         Les matériaux et installations techniques

·         Estimation définitive

 

ingénierie sanitaire, ingénierie électrique, etc.

DEO (Dossier d’exécution des ouvrages) Plans d’exécution des ouvrages. Pièces graphiques de tous les détails techniques de l’ouvrage

 

 

 

Concepteurs, Bureau de contrôle (BC), administrations
DAO (Dossier d’appel d’offre) CCAP(le cahier des clauses administratives particulières)

CCTG (le cahier du des clauses techniques générales)

CCTP (le cahier des clauses techniques particulières)

 

 

 

Pièces écrites énumérant de façon détaillée les prix des divers articles proposés pour un compte ou un marché* de travaux.

 

 

 

Concepteurs, Bureau de contrôle, administrations, entreprises, BET (bureau d’études techniques)

CGT (contrôle général des travaux) DCE : dossier de consultation des entreprises.

DCC : dossier* de consultation des concepteurs.

 

Concepteurs, Bureau de contrôle, administrations, entreprises, BET (bureau d’études techniques)

Tout comme le traducteur, le designer, lorsqu’il crée un artefact, prend en compte de nombreux aspects d’analyse. Il examine attentivement les caractéristiques techniques et cognitives des ressources dont il dispose, ainsi que la manière dont elles peuvent être perçues et comprises. Il est d’ailleurs courant de décrire le design en utilisant des concepts issus de disciplines connexes. Le designer se préoccupe de la combinaison harmonieuse de ces différentes dimensions pour donner vie à un artefact significatif et fonctionnel. En somme, le design embrasse une approche multidimensionnelle et interdisciplinaire pour créer des produits qui répondent aux besoins esthétiques, pratiques et conceptuels. Comme le souligne Edgar Morin, chaque science possède sa langue propre, et celle-ci a été créée avec une intention spécifique et suppose une mise en perspective particulière.

  1. Stratégies et outils pour la traduction spécialisée dans le domaine de design

Comme on a vu précédemment, les traducteurs spécialisés dans le domaine du design font face à des défis spécifiques qui nécessitent l’utilisation de stratégies et d’outils adaptés. Pour surmonter les obstacles liés à la complexité interdisciplinaire du design, son caractère projectile ainsi que son dynamisme évolutif, ces traducteurs doivent acquérir une connaissance approfondie des concepts clés et des terminologies propres à ce domaine. En combinant des stratégies et des outils efficaces, les traducteurs spécialisés dans le domaine du design sont en mesure de relever les défis de la traduction et de contribuer à une communication efficace des idées et des intentions du projet l’architectural et du design en général.

Ces traducteurs mettent en œuvre une gamme d’approches et de techniques afin de surmonter les difficultés inhérentes à leur travail. L’une de ces approches consiste à adopter une perspective holistique et pluridisciplinaire lors de la traduction des textes design. Comme l’explique Janet Ann DeCesaris, traductrice et chercheuse spécialisée dans la traduction design, “les traducteurs doivent non seulement maîtriser la langue cible, mais aussi comprendre les principes du design et les concepts culturels sous-jacents aux textes design“(DeCesaris,1999). Cette approche leur permet d’appréhender la signification profonde des termes et des concepts, en tenant compte de leur contexte culturel et de leur intention artistique ou technique.

Une autre technique utilisée par les traducteurs spécialisés en ce domaine est l’établissement de partenariats étroits avec les concepteurs et les professionnels du domaine. La collaboration active avec les experts du design leur permet d’accéder à des informations précieuses, d’obtenir des clarifications sur les concepts et de comprendre les intentions derrière les créations artistiques ou les projets techniques. Cette approche de travail en équipe favorise une traduction plus fidèle et pertinente, en garantissant que le sens original soit préservé et que les nuances esthétiques soient correctement transmises.

Parallèlement, l’adaptation culturelle joue un rôle crucial dans la traduction spécialisée dans le domaine du design. Les traducteurs doivent prendre en compte les spécificités culturelles et linguistiques de la langue cible, en veillant à ce que les éléments esthétiques, les références culturelles et les connotations soient transmis de manière appropriée. Comme le précise Helene Wiedemann, traductrice spécialisée en design, “la traduction design nécessite une sensibilité accrue à la culture cible et aux attentes des utilisateurs finaux“. Cette attention portée à l’adaptation culturelle contribue à une traduction qui résonne avec le public cible et qui conserve l’essence et l’intention créative des projets design.

Aussi, l’utilisation d’outils de traduction assistée par ordinateur (TAO) et de ressources spécialisées joue un rôle crucial dans le travail des traducteurs spécialisés dans le domaine du design. Ces outils technologiques offrent un soutien précieux en permettant aux traducteurs de gérer de vastes volumes de texte, d’assurer la cohérence terminologique et de faciliter le processus de traduction. Comme le souligne Michael Farrell, traducteur professionnel et chercheur en traduction spécialisée, “les TAO sont devenus des compagnons indispensables pour les traducteurs spécialisés, leur fournissant des outils automatisés pour l’organisation, la recherche terminologique et la gestion de projets complexes”. (Farrell, 2023).

Les logiciels de TAO, tels que SDL Trados, memoQ ou OmegaT, permettent aux traducteurs de créer des bases de données terminologiques personnalisées, où ils peuvent stocker et gérer des termes spécifiques au domaine du design. Ces bases de données facilitent la recherche et l’extraction de termes techniques, garantissant ainsi la cohérence terminologique tout au long du projet de traduction. De plus, les TAO offrent également des fonctionnalités telles que la mémoire de traduction, qui permettent de réutiliser des segments de texte traduits précédemment, accélérant ainsi le processus de traduction et améliorant la productivité des traducteurs.

En plus des outils de TAO, les traducteurs peuvent utiliser également des ressources spécialisées pour soutenir leur travail. Ces ressources comprennent des glossaires spécifiques au design, des guides de style, des manuels de référence et des publications spécialisées. Les glossaires spécialisés rassemblent les termes techniques et les concepts propres au design, offrant ainsi aux traducteurs une référence précieuse pour assurer la précision terminologique dans leurs traductions. Les guides de style spécifiques au design fournissent des lignes directrices sur les choix stylistiques, les normes de présentation et les conventions propres au domaine. En utilisant ces ressources spécialisées, les traducteurs peuvent s’assurer de fournir des traductions fidèles et adaptées au domaine du design.

Cependant, malgré l’utilisation d’outils technologiques avancés et de ressources spécialisées, il est important de souligner que l’expertise humaine et la compréhension approfondie du design comme discipline qui se base sur l’expérience sensible de l’être humain, restent indispensables dans le processus de traduction spécialisée. “Les TAO ne sont pas des machines à traduire, mais plutôt des outils d’assistance à la traduction qui nécessitent une expertise humaine pour prendre des décisions éclairées”(Farrell, 2023). Les traducteurs spécialisés doivent toujours analyser et interpréter les textes design, en tenant compte des aspects esthétiques, culturels et conceptuels pour fournir une traduction fidèle à l’intention originale.

Ainsi, l’utilisation d’outils de traduction assistée par ordinateur et de ressources spécialisées constitue une composante essentielle du travail des traducteurs spécialisés dans le design. Ces outils technologiques offrent une assistance précieuse en termes de gestion de projet, de cohérence terminologique et de productivité. Les ressources spécialisées, quant à elles, fournissent des références et des lignes directrices pour assurer une traduction adaptée au domaine du design. Toutefois, il est important de souligner que ces outils et ressources ne remplacent pas l’expertise humaine des traducteurs, qui reste indispensable pour comprendre les nuances esthétiques et conceptuelles du design et fournir des traductions de qualité. Comme le rappelle Michael Farrell, “les TAO sont des outils qui accompagnent et soutiennent les traducteurs, mais c’est l’expertise humaine qui guide le processus de traduction”(Farrell, 2023).

En conclusion, les traducteurs spécialisés dans le domaine du design déploient des approches et des techniques variées pour surmonter les difficultés liées à la traduction de textes design. En adoptant une perspective pluridisciplinaire, en collaborant avec les professionnels du design, en utilisant des outils technologiques avancés et en mettant en œuvre une adaptation culturelle précise, ils parviennent à rendre compte fidèlement des éléments esthétiques, des intentions créatives et des exigences techniques inhérents aux projets de design, contribuant ainsi à une communication transfrontalière réussie et à une appréciation globale du projet design . Comme le souligne Janet Ann DeCesaris, “la traduction design est un équilibre subtil entre précision technique et créativité linguistique“(DeCesaris,1999).

Conclusion 

Le design joue un rôle de médiateur entre l’art et la technique, ce qui explique pourquoi il est souvent associé à la créativité et à la recherche de solutions. Il adopte une approche humaniste en plaçant l’humain au centre de son processus (Lebœuf, 2015). L’enjeu de la traduction dans le domaine du design, tout comme dans toute rédaction professionnelle, réside dans la nécessité de développer un vocabulaire spécifique qui contribue à construire une identité professionnelle et à reconnaître un savoir-faire. Les termes utilisés actuellement ne sont pas suffisamment précis et témoignent d’une méconnaissance du métier. Emprunter des notions provenant de différentes disciplines sans tenir compte de la manière dont les modèles théoriques sous-jacents doivent être intégrés aboutit à un discours qui entrave une compréhension adéquate de la réalité. Il est donc primordial pour un traducteur d’apprendre à considérer les concepts à la lumière des cadres de référence qu’ils impliquent, et de positionner ces cadres les uns par rapport aux autres afin de discerner clairement les différents aspects d’une même discipline.

La traduction dans le domaine du design repose sur un principe fondamental : une approche communicationnelle qui associe un objet (tant matériel qu’immatériel) à un concept ou une notion, permettant ainsi de le désigner verbalement. Nommer les différents composants et phases de la création d’un artefact revient à présenter, à travers le langage, des éléments contextuels dont la pertinence est renforcée. La distinction entre une traduction spécialisée et une traduction non spécialisée réside dans le fait que la communication professionnelle ne peut être convaincante que si les liens entre les dimensions techniques et cognitives des images produites sont solides et clairs. Ainsi, la terminologie doit englober à la fois l’interprétation sémantique des mots et les termes techniques du processus permettant la transition des images mentales aux images opérationnelles. Par conséquent, la traduction peut constituer un paradigme dans le domaine du design. Son analyse permettrait de mieux comprendre les processus à l’œuvre au sein de la dynamique conceptuelle, ouvrant ainsi un champ de recherche prometteur à l’intersection des sciences, en particulier entre les humanités et les sciences sociales. Alors que les travaux de recherche en traductologie se sont longtemps concentrés sur les domaines économiques, juridiques et littéraires, il est temps d’étendre l’efficacité de la traduction aux domaines de création et de conception, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives enrichissantes pour la recherche dans ces disciplines.

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