Développement financier, transmission monétaire et canal du prêt bancaire : une revue de littérature
Financial development, monetary transmission, bank-lending channel: an overview

Prepared by the researche : Kholoud OUYADINE – Docteure chercheuse en sciences économiques et gestion
Democratic Arabic Center
International Journal of Economic Studies : Thirty-second Issue – February 2025
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin
:To download the pdf version of the research papers, please visit the following link
Abstract
One of the key factors in the successful transmission of monetary policy depends first and foremost on the effectiveness and compatibility of the transmission channels with the specific features of the countries’ appropriate financial systems in order to steer the economy in the desired direction. As part of its crucial role in the process of economic growth and financial development, and its considerable function in stimulating the economy and investment, the financial system is a fundamental aspect of a sustainable economy. This article uses an empirical approach to explain the effects of the development of the various aspects of financial development on the effectiveness of the transmission of monetary impulses to the real economy. Our literature review aims to identify the main findings of rigorous studies on the link between financial development and monetary policy transmission. By analyzing the various contributions, we seek to understand the mechanisms by which the various indicators of financial development influence the sensitivity of bank credit activity to monetary impulses.
Résumé
L’un des facteurs clés de la réussite de la transmission de la politique monétaire dépend avant tout de l’efficacité et de la compatibilité des canaux de transmission avec les spécificités des systèmes financiers appropriés des pays afin d’orienter l’économie dans la direction souhaitée. Dans le cadre de son rôle crucial dans le processus de la croissance économique et du développement financier ainsi que sa fonction considérable dans la stimulation de l’économie et l’investissement, le système financier constitue un aspect fondamental d’une économie durable. Cet article propose, à travers une lecture empirique, une explication des effets du développement des différents aspects du développement financier sur l’efficacité de la transmission des impulsions monétaires à la sphère réelle. Notre revue de la littérature vise à identifier les principales conclusions des études rigoureuses sur le lien entre le développement financier et la transmission de la politique monétaire. En analysant les différentes contributions, nous cherchons à comprendre les mécanismes par lesquels les différents indicateurs du développement financier influencent la sensibilité de l’activité du crédit bancaire aux impulsions monétaires.
- Introduction
Le système financier est l’un des principaux facteurs intervenants dans la transmission de la politique monétaire à la sphère réelle. En outre, la conduite de la politique monétaire dépend, en grande partie, des caractéristiques de la réaction des mécanismes de la transmission monétaire aux changements des structures des systèmes financiers. Ceci pourrait justifier la contribution marquante du développement financier dans l’analyse de l’efficacité de la politique monétaire. Etant donnée des changements considérables qui ont subi les systèmes financiers dans les économies émergentes, plusieurs travaux ont mis en évidence les implications théoriques et empiriques de la relation entre le niveau du développement financier et l’efficacité de la politique monétaire pour de nombreuses économies.
Le débat concernant le fonctionnement du système financier et son rôle crucial dans l’économie a été souvent examiné à travers l’analyse de la contribution du système bancaire à la croissance économique. Seuls quelques travaux empiriques se sont consacrés au rôle du système bancaire dans le circuit monétaire en atténuant l’ampleur des effets du développement financier dans la conduite de la politique monétaire.
Cet article se veut une synthèse des recherches théoriques et empiriques qui ont exploré l’impact du développement financier sur l’efficacité de la transmission de la politique monétaire.
En réalité, l’évolution de la politique monétaire au cours de ces dernières années est probablement expliquée par les différentes caractéristiques relevant du comportement des mécanismes de transmission de la politique monétaire vis-à-vis les changements des structures des systèmes financiers. Ces changements sont liés à l’évolution du contexte financier et économique international. S’agissant, en particulier, du développement et libéralisation des marchés financiers, de la déréglementation du système financier et de l’émergence des innovations financières
Cette revue de littérature vise à identifier les principales conclusions des travaux dûment établis sur l’effet du développement financier sur la transmission de la politique monétaire via le canal du crédit bancaire. En interrogeons la littérature, nous tentons de comprendre comment les différents aspects du développement financier influencent-ils la sensibilité de l’activité de l’offre du crédit aux orientations de la politique monétaire.
Afin d’approfondir l’analyse de l’effet du développement financier sur la transmission monétaire à l’économie réelle, ce papier se structure en deux parties distinctes. Premièrement, nous explorerons les différentes études qui se sont concentrées sur le lien entre le développement financier et la transmission de la transmission monétaire. Nous mettrons en lumière les méthodologies employées par ces recherches et les conclusions qu’elles ont dégagées. Dans un second temps, nous nous pencherons sur les travaux qui se sont concentrés sur l’hypothèse d’une sensibilité asymétrique du crédit bancaire comme un canal de transmission de la politique monétaire aux indicateurs du développement financier. Nous analyserons les différentes conclusions dégagées de cette hypothèse.
2. Transmission monétaire et développement financier
Le système financier est un facteur clé dans la transmission des orientations de la politique monétaire. La réussite de la transmission monétaire à la sphère réelle dépend, en grande partie, des caractéristiques et de la compatibilité des mécanismes de la politique monétaire aux différentes structures des systèmes financiers. Ceci remet en question le rôle des structures financières dans l’analyse de l’efficacité de la politique monétaire. Compte tenu des récentes évolutions qui ont subi les systèmes financiers dans l’économie mondiale, plusieurs investigations ont reconsidérés les déterminants de la politique monétaire voire son efficacité.
Assenmacher & Gerlach (2008) affirment, dans leur travail, que la flexibilité du marché financier accroit la sensibilité des prix immobiliers résidentiels et le PIB réel aux chocs monétaires. Dans la littérature des déterminants financiers des effets de la politique monétaire sur la croissance économique. Ma (2018) montre que la croissance est impactée encore plus, par les impulsions monétaires, dans les pays où la structure financière est plus axée sur le marché. Pour Naraidoo et Raputsoane (2015), l’accent est mis sur les effets de l’incertitude des conditions des marchés financiers sur transmission de la politique monétaire. En particulier, les deux auteurs montrent le comportement du taux d’intérêt face aux incertitudes des marchés financiers ce qui assure une conduite plus prudente de la politique monétaire. Dans le cadre d’une politique monétaire non conventionnelle, Wang (2016) compare la mise en place d’un assouplissement quantitatif (Quantitative Easing) dans un système financier basé sur les banques et celui dans lequel prédomine le marché et conclue que ce mécanisme non conventionnelle de la politique monétaire est limité par la structure des systèmes financiers.
Les études consacrées à la clarification du rôle de la structure financière dans le processus de la transmission de la politique monétaire restent largement inexplorées dans les économies émergentes et en voie de développement. Plusieurs travaux ont mis en évidence les problèmes relatifs aux structures des systèmes financiers dans ces économies, en expliquant leur contribution au dysfonctionnement de quelques canaux de transmission. Il s’agit notamment des problèmes liés au fonctionnement des marchés des titres, des actions et des immobiliers, la grande intervention des autorités monétaires dans le marché des changes et la relation limitée avec les marchés des capitaux internationales (Mishra et al. 2012). En effet, la concentration élevée des marchés financiers de ces pays peut être expliqué par l’inadaptation du cadre réglementaire. L’existence d’un tel système freine le taux d’intermédiation et empêchera l’accès des entreprises aux marchés financiers en tant que particuliers de crédit en raison de l’inefficacité des systèmes d’enregistrements des garanties. De plus, dans un marché financier considérablement concentré, une politique monétaire restrictive aura un impact considérable sur les dépôts bancaires à travers le canal du crédit bancaire puisque les banques n’ayant pas assez d’instruments pour se protéger contre les chocs monétaires et du fait que les dépôts constituent la principale source de financement pour ces banques (Adams et Amel, 2005).
L’approche empirique basée sur le modèle VAR structurel a été utilisée par Elbourne et De Haan (2006) pour examiner le lien la structure financière et la transmission monétaire dans les nouveaux pays membres de l’Union Européen[1].
Ils ont regroupés les différents indicateurs de la structure financière en trois grandes catégories, à savoir des indicateurs liés à la taille et la concentration du secteur bancaire, des indicateurs relevant l’importance du financement externe et bancaire et les mesures relatives à la santé du secteur bancaire. Selon leurs résultats, les différentes voies de transmission monétaire dans la zone euro ne semblent pas être en cause des différentes structures financières des pays. Ils ne trouvent également aucune preuve empirique indiquant que les indicateurs du secteur financier soient associés à des orientations de la politique monétaire.
Outre que les économies sous développées ont des secteurs financiers largement concentrés, la taille du secteur financier formel dans ces pays affecte également le processus de transmission de la politique monétaire. En effet, la décomposition de ce processus peut être exposé en deux phases : des actions de la banque centrale aux variables financiers et ce celles-ci à la demande globale. La taille restreinte du secteur formel remette ses interactions avec l’économie toujours faible par rapport au poids de l’économie, ce qui réduit l’impact de la politique monétaire sur les variables financiers et par la suite sur la demande globale.
Certaines spécificités relatives aux structures financières ont contribués à limiter l’efficacité du canal du taux d’intérêt. Celui-ci joue un rôle crucial dans le maintien de l’inflation alors qu’il est limité dans la croissance économique. Cependant, dans les économies émergentes et en développement, l’économie informelle occupe une place très importante, ce qui permet de diminuer à court terme les effets de la demande globale sur l’inflation aboutissant à un affaiblissement du canal de taux d’intérêt à court terme (Wulandari, 2012).
Selon Demirguc-Kunt et Levine (2008), le développement financier est conditionné par le développement des marchés, des intermédiaires, des secteurs et des instruments financiers. En effet, il se reflète effectivement d’une part dans l’efficacité du secteur financier notamment une meilleure mobilisation et utilisation des ressources ainsi que la productivité, et d’autre part dans l’approfondissement de ce secteur. Singh et al., (2008) définissent le développement financier en tant que le processus de développement des marchés financiers, qui comprend à la fois l’innovation, la concurrence, l’approfondissement et la libéralisation financière.
Bussière et al., (2013) stipulent que le processus de déréglementation des marchés et du secteur financier est déterminé par la libéralisation financière. D’une part, la déréglementation ou la libéralisation des taux d’intérêt, plus particulièrement l’abandon du plafond des taux d’intérêt, s’inscrit en général dans le processus de la libéralisation financière en mettant l’accent sur les taux de dépôts, l’assouplissement des prêts bancaires et d’autres contrôles des taux d’intérêt. D’autre part, le processus de la libéralisation financière est entrainée par la libéralisation des comptes de capital qui comprend la déréglementation du contrôle des capitaux étrangers et nationaux, l’atténuation des resserrements sur les emprunts offshore des établissements financiers et sur les sorties et entrées des capitaux ainsi qu’une limitation des taxes relatives aux transactions (Johnston, 1998 ; Arestis et Caner, 2004). Par ailleurs, d’autres perspectives de libéralisation financière se situent principalement par la déréglementation des opérations boursières, l’assouplissement des politiques monétaires, la suppression des atténuations sur les portefeuilles des banques, la privatisation des institutions financières, libéralisation du contrôle des changes et l’assouplissement du crédit (Arestis et Caner, 2004 ; Schmukler, 2003).
Beck et al. (1999) affirment que la performance du système financier et l’efficacité du marché financier ainsi que sa structure sont expliqués également par la concurrence financière. Cette dernière fait référence à la concurrence des instituions financières et sur les marches financiers en permettant un accroissement en matière d’instruments des marchés financiers et du nombre d’institutions financières tout en rendant possible aux consommateurs d’accéder aux plusieurs produis et services financiers (Fonds monétaire international, 2005). Une concurrence financière importante contribue fortement à l’augmentation de l’efficacité du marché financier et donc à un niveau élevé de développement financier. En effet, une baisse des couts des services et produits financiers résultant par le niveau élevé de la concurrence sur le marché financier augmente l’efficacité et le développement du secteur financier. Singh et al. (2008) postulent que le processus de la libéralisation financière stimule la concurrence financière au niveau de l’atténuation des obstacles relatifs à l’entrée des institutions financières et la déréglementation des resserrements géographiques, ce qui permet de rendre compte de la concurrence financière comme un composant important du développement financier.
L’approfondissement financier constitue également une condition préalable pour le développement des instituions et marchés financières tout en renforçant le développement financier. Shaw (1973) affirme que l’approfondissement financier s’inscrit dans un premier point dans l’augmentation de la qualité et la quantité d’investissements et les produits sur les marchés financiers et dans un deuxième point dans l’accroissement des fonctions et des activités des intermédiaires financiers. En outre, Il s’appuie sur la désintermédiation financière de sorte que les investisseurs et les emprunteurs peuvent recourir à d’autres sources de financement pour se financer telles que les marchés de capitaux[2] sans avoir solliciter l’intermédiation du secteur bancaire en tant qu’une source de financement (Singh et al. 2008).
Apanisile et Osinubi (2020) examinent l’impact du développement financier sur l’efficacité des de transmission de la politique monétaire sur des données trimestrielles couvrant la période 2004-2016 au Nigeria. Ils trouvent que le développement financier influence positivement tous les canaux de transmission monétaire. A l’aide d’un modèle d’équilibre général dynamique stochastique (DSGE), ils montrent que le canal du crédit présente l’effet le plus élevé de la répercussion du niveau de développement financier sur les canaux de transmission, suivi par le taux de change et le taux d’intérêt. Sur un échantillon international, MA et Lin (2016) indiquent qu’il existe une corrélation négative et significative entre la réaction de l’inflation et la production aux impulsions monétaires et le développement financier. Sur un panel de 41 économies observées trimestriellement de 2005 à 2011, les auteurs prouvent qu’un niveau de développement financier élevé pourrait nuire à l’efficacité de la politique monétaire. Leurs résultats s’avèrent valides pour toutes les méthodes d’estimation, à savoir la méthode des effets fixes, des effets aléatoires et la méthode des moindre carrée ainsi que les différentes spécifications utilisées dans le travail.
Dans une étude empirique à caractère exploratoire, Carranza et al. (2010) relie le niveau du développement financier à l’efficacité de la politique monétaire dans 53 pays pour la période 1986-2005. Afin de déterminer le niveau du développement financier, les auteurs utilisent la taille globale et la profondeur des intermédiaires financiers, ainsi que la taille de la banque centrale et le niveau d’activité sur le marché boursier comme indicateurs du développement financier. Angelopoulou et al. (2014) étudient le cas des pays situés dans l’union européen pour la période 2003-2011. A l’aide de l’analyse en composantes principales (ACP), les auteurs ont recours au principe de l’indice des conditions monétaires et financières (ICMF) en combinant plusieurs variables tels que le taux d’intérêt, les « spreads » de taux d’intérêt et la quantité de crédit en un seul indicateur qui symbolise la situation financière de l’union européen. Ils ont ressort qu’après les crises financières mondiales, l’impact de l’indice de la situation financière a signé une grande divergence dans la zone euro.
Krause et Rioja (2006) apportent des preuves de la contribution des marchés financiers aussi bien des pays industrialisés que des pays en voie de développement dans la stabilisation à court terme. En utilisant des donnés de panel de 37 pays, les auteurs montrent l’impact décisif de la taille et la profondeur du secteur bancaire et du marché des capitaux sur la performance de la politique monétaire. Ils concluent que le niveau du développement financier contribue significativement à une mise en ouvre d’une politique monétaire plus efficace. En se basant sur des nouvelles données des trois pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (l’ASEAN), Abdulkarim et al. (2021) révèlent que le rôle du développement financier dans l’efficacité de la politique monétaire se diffère d’un pays à l’autre. A l’aide des deux modèles autorégressifs structurel et distribué, les auteurs trouvent que le développement du marché financier a tendance à affaiblir l’efficacité de la politique monétaire sur la production en Malaisie alors que le résultat relatif au pays Singapour montre que l’indicateur du développement financier utilisé (capitalisation boursière) affecte positivement l’efficacité de la politique monétaire sur la production. Quant aux philippines, les résultats montrent que la relation entre le niveau du développement financier et la politique monétaire dépend principalement au taux d’intérêt du marché monétaire.
Dans le contexte africain, Effiong et al. (2017) observent si le développement financier influence l’efficacité de la politique monétaire sur la production et l’inflation en Afrique pour la période 1990-2015. Sur un panel représentatif de 39 pays, les auteurs précisent que la relation entre le développement financier et l’efficacité de la politique monétaire est faible, de même qu’il n’existe aucune preuve statistique de la relation pour la production et la croissance, mais plutôt un lien négatif dans le cas de l’inflation aux niveaux contemporains. Sena et al. (2021) Etudient le cas du Ghana en utilisant la méthode ARDL (AutoRegressive Distributed Lag) pour la période 1980-2016. Leurs résultats ont révélé que le développement financier renforce les effets de la politique monétaire sur la croissance économique.
Batuo et Mlambo (2012) utilisent plusieurs méthodes d’estimations afin d’examiner le lien entre le développement financier et la politique monétaire de 53 pays africains pour la période 1985 à 2010. Il s’agit des estimations de l’effet de traitement, la méthode à deux étapes et l’analyse par la méthode Probit sur panel. En prenons compte la libéralisation financière comme un indicateur du développement du secteur financier, les auteurs concluent que les crises bancaires affecte défavorablement la croissance économique tandis que la libéralisation financière semble réduire la probabilité des crises bancaires.
A coté des études citées auparavant, un autre volet de recherche lié au développement financier numérique a été mis en évidence dans la littérature empirique relative aux pays émergents. Jiang et al. (2021), dans son travail, teste empiriquement l’effet de la finance numérique sur l’efficacité de la politique monétaire et son hétérogénéité en Chine.
En utilisant un modèle économétrique spatial, les auteurs indiquent une interaction significativement positive entre la politique monétaire et le développement financier numérique de sorte que ce dernier est capable d’augmenter la masse monétaire dans une certaine mesure. Cela aura des retombés sur la régulation du système bancaire par la supervision de la banque centrale de même que l’effet de la politique monétaire sera confronté à une situation d’incertitude. Zhang et Clovis (2009) montrent que le développement financier résultant de l’expansion du marché financier modifie la transmission des canaux traditionnels de la politique monétaire en Chine. Ils prouvent de façon claire le rôle primordial du secteur financier dans la transmission de la politique monétaire.
3. L’hypothèse de la sensibilité de l’activité de l’offre du crédit bancaire aux différents aspects du développement financier
Plusieurs investigations empiriques sur la relation entre le développement financier et l’efficacité de la politique monétaire ont montré l’existence des faits marquants entre le niveau du développement financier et le canal du crédit bancaire.
Gunji et al. (2009) confirment à l’aide des données bancaires américaines que la concurrence financière impact défavorablement le canal du prêt bancaire. Dans une autre étude sur des données des Etats-Unis, Aysun et Hepp (2011) prouvent l’effet du développement du marché des capitaux sur le canal du prêt bancaire suivant la liquidité bancaire et les échanges de titres. De même, Ferreira (2010) étudie le même cas à travers des estimations en GMM. En utilisant deux indicateurs relatives au développement du secteur bancaire (dépôts bancaires/ PIB, actifs étrangers / PIB) et un indicateur du développement du marché des capitaux (obligations et instrument du marché monétaire/ PIB), l’auteur constate qu’un affaiblissement du canal du prêt bancaire est dépendant fortement de la sensibilité de la taille des banques aux effets du développement du marché obligataire et des instruments du marché monétaire.
A l’aide de la technique d’estimation des moindres carrées généralisés et la méthode classique des effets fixes, Li (2009) examine l’effet du développement du secteur financier sur le canal du prêt bancaire dans les économies d’Asie et d’Amérique latine. Il trouve un effet positif du coefficient d’interaction de l’indicateur de concurrence (H-statistique de Panzar et Rosse) et le taux d’intérêt directeur sur le canal du crédit. Son résultat explique que l’évolution de l’offre du crédit est liée fortement de la concurrence financière du fait que dans un marché très concurrentiel, les clients peuvent profiter de nombreuses sources de financement alternative ce qui affaiblit le canal du crédit bancaire. Dans le même contexte, Perera et al. (2014) évalue l’impact du développement du secteur bancaire sur le canal du prêt au niveau de structure de financement dans les d’Asie du Sud. Il montre que la croissance des activités hors bilan impacte négativement la répercussion du taux d’intérêt directeur sur le canal du crédit bancaire. Cela du encore au recours des banques à plusieurs sources de financement.
En prélude à l’innovation financière, Altunbas et al. (2009b) montrent que la titrisation affaiblit l’influence des impulsions monétaires sur l’offre de prêts bancaires. En considérant la titrisation
comme un modèle d’intermédiation selon lequel les banques transforment et vendent leurs prêts aux marchés financiers, les auteurs constatent que ce modèle basé sur la titrisation conduit à une augmentation de la liquidité bancaire et de la détention des titres dans un cadre d’augmentations de capital, ce qui permet à affaiblir la répercussion du taux d’intérêt directeur à partir le canal du crédit bancaire. Ces résultats sont similaires à ceux de Loutsinka et Strahan (2009), ces derniers ajoutent qu’en période d’expansion du marché hypothécaire secondaire, les effets de la politique monétaire sur l’économie réelle se sont atténués, tendant à limiter le processus du canal du crédit.
Lerskullawat (2016) montre dans une étude de cas des pays de l’ANASE que le développement du marché des capitaux et le développement du secteur bancaire en termes d’activités affaiblit les effets de la politique monétaire sur l’offre des prêts bancaires tandis que le développement des banques en termes de taille accentue le canal du prêt bancaire. Sanfilippo-Azafora et al. (2018), dans leur article, ont analysé la manière dont le développement financier affecte-il le canal du crédit bancaire dans les pays en développement. Ils ont conclu que les impulsions de la politique monétaire n’affectent pas l’offre de prêts bancaires dans les pays dotés des systèmes financiers peu développés. Cependant, le canal du crédit bancaire est plus efficace dans les pays dotés de systèmes financiers plus développés, mais seulement après la crise financière.
Dans le contexte des économies émergentes, Amidou et Wolfe (2013) étudient la répercussion des différents niveaux de la concurrence bancaire sur la transmission de la politique monétaire dans 55 pays sur des données de panels de 978 banques de la période de 2000 à 2007. Ils ont recours à l’indice de Lerner comme indicateur de la concurrence dans le secteur bancaire. Selon leurs résultats, une augmentation de la concurrence dans le secteur bancaire contribue à la baisse d’efficacité de la politique monétaire sur le crédit bancaire.
Plus récemment, Zhan et al. (2021) analysent l’impact du développement du marché monétaire sur la transmission du canal du prêt bancaire au Chine en utilisant des données de bilan des grandes et moyennes banques commerciales durant la période 2010-2018. Les auteurs obtiennent que tant au niveau théorique qu’empirique, le développement financier affecte d’une manière totalement opposée la capacité des banques au niveau d’ajustement de la structure du passif et de l’actif de leurs bilans. En effet, le développement financier peut renforcer le canal du crédit bancaire en réduisant les fonds prêtables des banques de même qu’il peut l’affaiblir en améliorant la fonction du financement externe du marché interbancaire.
Enfin, cette revue de littérature nous a fourni un cadre solide pour la possibilité de tester l’effet des différents aspects du développement financier sur l’efficacité de la transmission de la politique monétaire et plus précisément sur le canal du crédit bancaire comme un moyen de transmission de la politique monétaire à l’économie réelle. A partir cette revue, nous sommes parvenus à sélectionner des variables pertinentes pour construire un modèle économétrique qui porte sur l’étude de l’incidence du développement financier sur la transmission de la politique monétaire via le canal du prêt bancaire. Ainsi, le schéma ci-dessous vise à fournir une représentation visuelle de l’effet du développement financier sur la réaction de l’activité des banques en matière de l’offre du crédit aux impulsions monétaires.
- Conclusion
Nous avons essayé dans ce présent travail d’analyser le lien entre le développement du secteur financier et l’efficacité de la politique monétaire. La conduite de la politique monétaire en présence des frictions financières dépendent fortement de la pertinence des intermédiaires financières dans la transmission des décisions de la politique monétaire à l’économie réelle. En particulier, la position cruciale du système bancaire dans le processus de la création monétaire, de même que sa fonction considérable dans le développement économique et financier explique son rôle d’amplificateur dans la politique monétaire.
Généralement, les limitations à la transmission de la politique monétaire liées aux réseaux financiers dans les économies en voie de développement se situent en premier lieu au niveau du manque et étroitesse des marchés financiers. Ensuite, l’insuffisance de la concurrence entre les banques dans ces économies d’une part limite l’ajustement des taux débiteurs et créditeurs à l’évolution des conditions du marché et les orientations de la politique monétaire, et d’autre part la forte présence du secteur financier non structuré dans les dites économies ainsi que la fragmentation des marchés ont éventuellement une incidence sur la mise en œuvre de la politique monétaire ainsi que son effectivité.
L’existence d’une relation étroite entre le développement financier et la politique monétaire n’a pas été largement démontrée par les études antérieures. D’un côté, nous pourrons affirmer que l’efficacité
de la politique monétaire est négativement influencée par le développement financier. Dans le cadre de l’innovation financière, la création de nouveaux instruments implique que les banques soient bien s’assurer contre les changements inattendus des orientations de la politique monétaire ce qui peut entraver l’efficacité de celle-ci.
En somme, Il ressort de ce survol de littérature que le développement financier exerce une incidence significative sur la transmission de la politique monétaire et que l’activité de l’offre du crédit bancaire est un canal de transmission essentiel pour expliquer cette la sensibilité la politique monétaire aux différents aspects du développement financier.
Bibliographique
Abdul Karim, Zulkefly ; Kamal Basa, Danie Eirieswanty ; Abdul Karim, Bakri ;(2021), “The relationship between financial development and effectiveness of monetary policy: new evidence from ASEAN-3 countries” Journal of Financial Economic Policy, Volume 13, Number 6, 2021, pp. 665-685(21).
A.Elbourne and J. de Haan, (2006) “Financial structure and monetary policy transmission in transition countries”. Journal of Comparative Economics, vol. 34. No. 1, pp. 1-23.
Angelopoulou E., Balfousia H., Gibson H., (2014) “Building a financial conditions index for the euro area and selected euro area countries: What does it tell us about the crisis?”, Economic Modelling 38, PP: 392–403.
Anil Perera, Deborah Ralston, J. Wickramanayake, (2014), “Impact of off-balance sheet banking on the bank lending channel of monetary transmission: Evidence from South Asia”, journal of International Financial Markets, Institutions and Money, Volume 29,Pages 195-216, ISSN 1042-4431,
Altunbas, Y., Gambacorta, L., Marques-Ibanez, D., (2009b). “Securitisation and the bank lending channel” European Economic Review. Vol. 53,pp. 996-1009.
Apanisile, O. T., & Osinubi, T. T. (2020) “Financial Development and the Effectiveness of Monetary Policy Channels in Nigeria : A DSGE Approach”, Journal of African Business, 21(2), 193‑214.
Arestis, P., Caner, A. (2005) “Financial Liberalization and Poverty: Channels of Influence. International Papers in Political Economy Series. Palgrave Macmillan, London.
Aysun, Uluc & Hepp, Ralf, (2011). “Securitization and the balance sheet channel of monetary transmission,” Journal of Banking & Finance, Elsevier, vol. 35(8), pages 2111-2122, August.
Batuo Enowbi, Michael & Kupukile, Mlambo, (2012)”Financial instability, financial openness and economic growth in african countries“, MPRA Paper 43340, University Library of Munich, Germany.
Beck, U. (1999). World Risk Society. Cambridge: Polity Press.
Bussière, Matthieu, Jean Imbs, Robert Kollmann, and Romain Rancière. 2013. “The Financial Crisis: Lessons for International Macroeconomics.” American Economic Journal: Macroeconomics, 5 (3): 75–84.
Carranza, Jose L., Galdon-Sanchez J., Gomez-Biscarri, 2010 « Understanding the Relationship between Financial develpmnent and monetary policy”, Review of international economic, Vol 18, Issue 5, PP 849-864, November.
Demirguc-Kunt, A. and Levine, R. “Finance, Financial Sector Policies, and Long-Run
Growth”. The World Bank Policy Research Working Paper Serie, 2008.
Elbourne, Adam & de Haan, Jakob, 2006. “Financial structure and monetary policy transmission in transition countries,” Journal of Comparative Economics, Elsevier, vol. 34(1), pages 1-23, March.
Effiong E., Esu G., et Chuku C. (2017) “Financial development and monetary policy effectiveness in Africa”, MPRA Paper N 79732.
Fonds Monétaire International,“Chapter 2 Indicators of Financial Structure, Development, and Soundness, Banque mondiale, 29 Sep 2005.
Hiroshi Gunji, Yuan Yuan, (2010), Bank profitability and the bank lending channel: Evidence from China, Journal of Asian Economics, Volume 21, Issue 2, Pages 129-141, ISSN 1049-0078,
Jiang X., Wang, Jia Ren X., Xie Z., (2021) “The nexus between digital Finance and Economic development : Evidence from China”, Sustainability 2021, 13, 7289
Johnston, R.B. (1998) “Sequencing capital account liberalizations and financial sector reform”. IMF Working Paper.
Krause, S., & Rioja, F.K., (2006) “Financial Development and Monetary Policy Efficiency”, Emory Economics.
Lerskullawat, A. (2016). Effects of banking sector and capital market development on the bank lending channel of monetary policy: An ASEAN country case study. Kasetsart Journal of Social Sciences, 38(1), 9–17
Loutskina, E. and Strahan, P. (2009), “Securitization and the Declining Impact of Bank Finance on Loan Supply: Evidence from Mortgage Originations”, Journal of Finance, 64, 861-889.
- Wang, (2016) “ Unconventional monetary policy and aggregate bank lending : Does financial structure matter? ” Journal of Policy Modeling, Vol. 38, No. 6, pp 1060‑1077.
Ma, Y. (2018). Financial Development, Financial Structure, and the Growth Effect of Monetary Policy: International Evidence. Global Economic Review, 47(4), 395–418.
Ma, Y., & Lin, X. (2016) “Financial development and the effectiveness of monetary policy”, Journal of Banking & Finance, 68, 1‑11.
Mohammed Amidu and Simon Wolfe, (2013), The effect of banking market structure on the lending channel: Evidence from emerging markets, Review of Financial Economics, 22, (4), 146-157
- Mishra and P. Montiel, (2012) “How Effective Is Monetary Transmission in Low-Income Countries ? A Survey of the Empirical Evidence”. IMF Working Paper.
- Naraidoo, and L. Raputsoane, (2015) “Financial markets and the response of monetary policy to uncertainty in South Africa, Empirical Economics ”, Springer, vol. 49 No 1, pp 255-278.
R.M. Adams and D.F. Amel, (2005) “The Effects of Local Banking Market Structure on the Bank-Lending Channel of Monetary Policy”, April 2005.
Robert M. Adams & Dean F. Amel, 2005. “The effects of local banking market structure on the banking-lending channel of monetary policy,” Finance and Economics Discussion Series 2005-16, Board of Governors of the Federal Reserve System (U.S.).
- Wulandari, (2012) “Do credit channel and interest rate channel play important role in monetary transmission mechanism in Indonesia?: A structural vector autoregression model”. Procedia Soc. Behav. Sci., vol. 65, pp. 557-563.
Shaw, E.S. (1973) Financial Deepening in Economic Development. Oxford University Press, New York
Sena Prince Mike, Asante, Grace Nkansa, Brafu-Insaidoo et William Gabriel, (2021) “Monetary policy and economic growth in Ghana: Does financial development matter?”, Cogent Economics & Finance, ISSN 2332-2039, Taylor & Francis, Abingdon, Vol. 9, Iss. 1, pp. 1-19.
Sergio L. Schmukler, Esteban Vesperoni, (2006), Financial globalization and debt maturity in emerging economies, Journal of Development Economics, Volume 79, Issue 1, Pages 183-207, ISSN 0304-3878,
Sergio Sanfilippo-Azofra, Begoña Torre-Olmo, MarÃa Cantero-Saiz, Carlos López-Gutiérrez, (2018), “Financial development and the bank lending channel in developing countries,” Journal of Macroeconomics, Volume 55, Pages 215-234, ISSN 0164-0704.
Singh, S., Razi, A., Endut, N., and Ramlee, H. (2008) “Financial market developments and, their implications for monetary policy”. Bank for International Settlement Working Paper Series.
Wang, Ling, 2016. ” Wang, Ling, 2016. “Unconventional monetary policy and aggregate bank lending: Does financial structure matter?,” Journal of Policy Modeling, Elsevier, vol. 38(6), pages 1060-1077.
Zhang, C., & Clovis, J (2009) ”Financial Market Turmoil : Implications for Monetary Policy Transmission in China”, China & World Economy, 17(3), 1‑22.
Zhan, Shurui & Tang, Yangfei & Li, Shuai & Yao, Yaojun & Zhan, Minghua, 2021. “How does the money market development impact the bank lending channel of emerging Countries? A case from China,” The North American Journal of Economics and Finance, Elsevier, vol. 57(C).
1 Ces pays sont : la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la République slovaque, la Slovénie.
2 Il s’agit notamment des marchés d’obligations et d’actions et fonds communs de placement.