Research studies

Les politiques publiques territoriales dans les oasis sud Atlasique et les enjeux de développement durable : Essaie d’analyse

 

Prepared by the researche : Kamal SALHI, Issam EL BELAIDI, doctorants, Université Mohammed-V, Maroc

DAC Democratic Arabic Center GmbH

International Journal of Scientific Confrences : Twenty-fifth Issue – September 2025

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN  2701-3995
International Journal of Scientific Confrences

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Résumé

Les oasis marocaines sont des écosystèmes vitaux qui jouent un rôle crucial dans l’équilibre écologique et le développement socio-économique des territoires oasiens du pays. Pourtant, ces territoires sont confrontés à un ensemble de défis d’ordre naturel et anthropique. En effet, la désertification, les changements climatiques et le stress hydrique demeurent les principaux enjeux auxquels les oasis doivent faire face. Par ailleurs, les oasis ont connu, au fil du temps, des transformations importantes dans le domaine agricole, notamment en ce qui concerne la modernisation et le remplacement des pratiques traditionnelles. L’irrigation, par exemple, a évolué avec l’émergence de nouvelles exploitations agricoles spécialisées dans des cultures exogènes, souvent fortement consommatrices de ressources hydriques.

Afin de garantir la pérennité et la durabilité de ces espaces, le gouvernement marocain, en collaboration avec divers partenaires nationaux et internationaux, a mis en place une stratégie et plusieurs programmes de développement visant à répondre à ces défis multiples. L’objectif de cette étude est d’interroger les principaux éléments de la stratégie nationale de développement et d’aménagement des oasis marocaines, ainsi que leur mise en œuvre à travers le programme Oasis Tafilalet. Ces interventions visent à préserver et à valoriser les espaces oasiens, notamment par la gestion de l’eau, le développement agricole et la protection des écosystèmes. Cependant, les objectifs poursuivis par ces initiatives se heurtent à des limites d’ordre financier, organisationnel et socio-culturel.

Abstract

Moroccan oases represent critical socio-ecological systems that play a fundamental role in maintaining environmental balance and fostering socio-economic development in arid and semi-arid regions. Despite their ecological and cultural importance, these territories are increasingly vulnerable to a range of natural and anthropogenic pressures, including desertification, climate change, and persistent water scarcity. In parallel, traditional agricultural systems have undergone profound transformations, notably through the introduction of modern practices and high-input exogenous crops, leading to intensified pressure on water resources.

To address these challenges, the Moroccan government, alongside national and international partners, has launched a strategic framework supported by multiple development programs. Among these, the Oasis Tafilalet Program serves as a key mechanism for the implementation of national policies targeting oasis sustainability. This paper critically analyzes the core components of Morocco’s oasis development strategy and assesses its implementation through the Tafilalet program. While the initiative promotes water management, agricultural modernization, and ecosystem protection, it faces structural limitations of a financial, organizational, and socio-cultural nature, which hinder the achievement of its intended outcomes.

  • Les oasis marocaines : un patrimoine important mais en péril

Face aux enjeux posés par les changements climatiques, le territoire marocain connaît, ces dernières années, des transformations notables dans la configuration de ses composantes géographiques. Parmi celles-ci, les zones oasiennes apparaissent comme des milieux particulièrement fragiles et vulnérables. Ces territoires couvrent une superficie d’environ 226 583 km², soit près de 32 % de la surface totale du pays (voir carte 1). Ils jouent un rôle écologique stratégique en constituant un rempart naturel contre la désertification et l’avancée des sables sahariens.

Une attention croissante leur est accordée dans le cadre des politiques nationales d’aménagement du territoire, notamment à travers le Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT). Ce document stratégique reconnaît la problématique oasienne comme un enjeu majeur de durabilité territoriale. Toutefois, il souligne également les pressions que subissent ces espaces, en particulier en raison de pratiques agricoles modernes peu adaptées aux conditions locales et d’une gestion inefficiente des ressources hydriques. Cette dernière se manifeste notamment par la prolifération incontrôlée des forages et des pompages, contribuant ainsi à l’épuisement des nappes phréatiques et à la dégradation des écosystèmes oasiens.

Carte 1 : Localisation des zones oasiennes au Maroc.

Les oasis marocaines ont été classées en 2000 comme Réserve de biosphère des Oasis du Sud Marocain, avec une superficie estimée à environ 80 431,46 km², dont 1 292 km² sont occupés par la palmeraie traditionnelle. Situées au cœur de cette réserve, les oasis constituent le berceau d’une culture plurimillénaire. Les communautés locales y ont développé des savoir-faire uniques leur permettant de vivre en harmonie avec un environnement particulièrement contraignant. Elles jouent également un rôle déterminant dans la gestion des ressources en eau, grâce à des techniques ancestrales adaptées aux équilibres écologiques, telles que les khettaras.

Bien que localisée en zone aride, cette réserve bénéficie d’une richesse biologique et écologique remarquable. Elle abrite notamment sept Sites d’Intérêt Biologique et Écologique (SIBE), ainsi que deux parcs nationaux. Cette diversité a contribué à inscrire les oasis dans les priorités nationales d’aménagement, à travers l’élaboration d’une stratégie spécifique fondée sur les orientations du Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT). Il s’agit de la Stratégie Nationale de Développement et d’Aménagement des Oasis du Maroc, dont les objectifs principaux sont la préservation, la valorisation et le développement durable de ces zones sensibles.

Dans ce cadre, plusieurs programmes de développement ont été initiés par les autorités marocaines, en partenariat avec des acteurs nationaux et internationaux. Parmi eux figure le Programme Oasis Tafilalet (POT), lancé en 2006 par la Direction de l’Aménagement du Territoire (DAT), en tant que levier de mise en œuvre opérationnelle de ladite stratégie.

Cependant, le territoire concerné par ce programme présente, malgré ses atouts, de nombreuses vulnérabilités. Bien qu’il constitue un patrimoine naturel reconnu à l’échelle internationale, il est aujourd’hui menacé par une combinaison de facteurs naturels (sécheresses, érosion, désertification) et anthropiques (surexploitation des ressources, pressions foncières, modernisation non adaptée), ce qui compromet durablement sa résilience et son potentiel de développement.

Figure 1 : Les risques naturels et anthropiques des oasis.

Source : Conception personnelle.

Au fil du temps, les oasis marocaines ont connu une intensification des risques, tant naturels qu’anthropiques, entraînant un déséquilibre croissant sur les plans socio-économique et environnemental. Cette dégradation progressive a mis en évidence la nécessité d’une intervention structurée de l’État à travers la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Développement et d’Aménagement des Oasis.

Cette stratégie vise à remédier aux dysfonctionnements observés et à orienter les programmes de développement territorial à l’échelle locale. Elle se concentre notamment sur trois axes majeurs : la gestion durable des ressources en eau, le développement agricole adapté aux spécificités oasiennes, et la préservation de l’environnement dans une optique de durabilité.

Photo 4 : Evolution de l’Oasis Aoufouss entre 2016 et 2024.

Source : Réseaux sociaux, 2024.

Photo 2 : Impact du Bayoud sur le palmier à Zagora.

Source : Le Bayoud. Toutain, 1967.

Photo 3 : Désertification de l’Oasis Ferkla en 2024.

Source : Cliché personnelle, 2024.

Photo 1 : Incendie dans l’oasis d’Aoufouss en 2022.

Source : Réseaux sociaux, 2024.

Le Programme Oasis Tafilalet (POT) a tenté de décliner, à l’échelle locale, les principaux axes d’intervention de la Stratégie Nationale de Développement et d’Aménagement des Oasis. Il s’est articulé notamment autour de la valorisation du patrimoine oasien, de la gestion durable des ressources en eau et des aménagements hydro-agricoles, du développement de l’écotourisme, de la protection de l’environnement, ainsi que du renforcement de la gouvernance territoriale et de l’éducation environnementale.

Malgré les apports notables de ce programme dans la région de Tafilalet, plusieurs limites ont été observées, en particulier sur les plans financiers, organisationnel et socio-culturel. Dès lors, une question centrale se pose : dans quelle mesure le POT est-il parvenu à traduire de manière effective les orientations de la stratégie nationale au niveau local ?

Apporter une réponse à cette interrogation implique de traiter un ensemble de questions secondaires, permettant d’analyser les résultats du programme à travers les prismes de l’efficacité opérationnelle, de l’adaptation au contexte local, et de la durabilité des actions engagées :

  • Dans quelle mesure le budget alloué au POT est suffisant pour la mise en œuvre de 88 projets multithématiques sur un territoire de 17 collectivités territoriales ?
  • A quel point ce territoire oasien (à faible valeur ajoutée) peut attirer des budgets d’investissement surtout dans le secteur primaire ?
  • Jusqu’à quel point le budget réservé à l’exécution du POT est bien répartie pour atteindre son objectif de préservation de l’environnement oasien ?
  • Jusqu’à quel point le budget réservé à l’exécution du POT est bien répartie pour atteindre son objectif de préservation de l’environnement oasien ?
  • Quel est le rôle de la convergence entre les acteurs du POT dans la concrétisation et l’exécution de ce programme ?
  • L’intercommunalité est-elle présente dans la mise en service du POT ?
  • Que représentent la sensibilisation et l’éducation environnementale dans les projets du POT ?
  • A quel point la population ciblée par le POT réagisse positivement aux campagnes de sensibilisation ?
  • Objectif et méthode :

L’objectif de cette étude est de questionner les principaux fondements de la Stratégie Nationale de Développement et d’Aménagement des Oasis du Maroc, ainsi que les modalités de sa mise en œuvre à travers le Programme Oasis Tafilalet (POT). Il s’agit ici de conduire une évaluation critique portant à la fois sur les orientations stratégiques du programme, son processus d’élaboration et ses mécanismes d’exécution.

Pour ce faire, nous avons adopté une approche qualitative fondée sur l’analyse documentaire. Celle-ci mobilise un ensemble de sources, incluant des publications scientifiques, des rapports officiels, ainsi que les composantes techniques du programme lui-même. L’analyse vise à évaluer la cohérence du POT avec les orientations de la stratégie nationale et avec les principes de la démarche de développement territorial intégré.

Par ailleurs, l’exploitation des Systèmes d’Information Géographique (SIG) et de la télédétection constitue un apport méthodologique complémentaire, permettant d’observer et de spatialiser les transformations territoriales dans la zone d’étude. Plus précisément, les outils utilisés incluent le logiciel ArcGIS v.10.8 pour la conception cartographique, ainsi que les plateformes Esri-Sentinel-2 Land Cover Explorer et Esri-Landsat Explorer pour l’analyse des données satellitaires.

  • Résultats et discussions :

Le Programme Oasis Tafilalet s’est concrétisé sur le territoire de la région Drâa-Tafilalet et plus particulièrement sur 17 collectivités territoriales de la province d’Errachidia (Carte 2). Les oasis concernés par ce programme se localisent au niveau des bassins versant de Ziz et Rhéris.

Carte 2 : Territoire du POT au niveau de la province d’Errachidia.

Source : Programme Oasis Tafilalet.

3-1 Un budget insuffisant et mal réparti :

Le budget alloué au Programme Oasis Tafilalet, estimé en 2009 à 160 millions de dirhams (MDH), présente une répartition thématique inégale, notamment en ce qui concerne les actions environnementales. En effet, bien que le programme vise explicitement la préservation et la valorisation des écosystèmes oasiens, seulement 0,4 % du budget total a été affecté aux projets relatifs à la protection de l’environnement.

Par ailleurs, les dépenses de fonctionnement représentent à elles seules près d’un quart du budget global, ce qui traduit une charge administrative excessive, peu justifiée au regard des priorités du territoire. Ce déséquilibre budgétaire soulève des interrogations quant à la viabilité financière et à l’efficacité globale du programme, notamment dans sa capacité à atteindre ses objectifs initiaux.

Ainsi, le montant alloué reste globalement insuffisant pour répondre de manière équitable et cohérente aux besoins de l’ensemble du territoire concerné. Cette situation appelle à une réorientation stratégique, fondée sur des choix thématiques clairs, ciblés et à forte valeur ajoutée pour le développement durable des espaces oasiens.

Figure 2 : Répartition du budget du Programme Oasis Tafilalet par thématique.

Source : POT Synthèses des réalisations 2006-2015

Étant donné que ce territoire se situe dans une région à faible valeur ajoutée au plan national (PIB 2021 : 2,8 %), son attractivité pour le financement de projets à forte valeur ajoutée à court et moyen terme peut en être négativement affectée. En effet, près de la moitié du budget du Programme Oasis Tafilalet est assuré par des partenaires internationaux, qui manifestent un intérêt marqué pour cette zone. À l’inverse, les financements nationaux restent insuffisants pour couvrir l’intégralité du programme, ne représentant pas même 50 % des besoins financiers.

Figure 3 : Répartition des bailleurs de fonds du Programme Oasis Tafilalet en %

Source : POT Synthèses des réalisations 2006-2015

3-2 La répartition des projets au niveau du territoire du POT :

L’analyse de la répartition des projets du Programme Oasis Tafilalet (POT) révèle une inégale distribution entre les 17 collectivités territoriales concernées (voir carte 3). Une concentration notable des interventions est observée dans les territoires oasiens de Ferkla et de Rhéris, ce qui s’explique en partie par la mobilisation active d’acteurs locaux, notamment des organisations non gouvernementales. À titre d’exemple, l’Association Oasis Ferkla pour l’Environnement et le Patrimoine (AOFEP), en sa qualité de point focal du Réseau Associatif de Développement Durable des Oasis (RADDO), a joué un rôle déterminant dans l’attraction de projets et de financements pour la zone.

Carte 3 : Répartition des projets du POT.

Source : POT Synthèses des réalisations 2006-2015

Dans un territoire où l’agriculture constitue l’activité principale de la population, l’analyse des interventions du Programme Oasis Tafilalet (POT) révèle une concentration des projets dans certaines zones spécifiques, notamment les oasis de Ferkla et de Rhéris. Ces projets portent sur des thématiques telles que l’agroécologie, la valorisation des produits du terroir (y compris le PAM), ainsi que la gestion de l’eau.

Ce choix territorial peut s’expliquer par la prise en compte de plusieurs variables. L’oasis de Ferkla, en particulier, illustre le rôle déterminant joué par les ONG de développement, notamment l’Association Oasis Ferkla pour l’Environnement et le Patrimoine (AOFEP), qui a activement plaidé en faveur de son territoire. Par ailleurs, cette zone connaît une dynamique préoccupante de dégradation du couvert végétal, comme le montre l’évolution de l’indice de végétation par différence normalisée (NDVI) entre 1984 et 2023 (voir carte 4), traduisant une vulnérabilité écologique croissante.

Carte 4 : Evolution de l’oasis Ferkla entre 1984 et 2023.

Source : Esri-Sentinel-2 Land Cover Explorer/ Esri-Landsat Explorer.

3-3 Une approche organisationnelle mal définie :

La démarche de développement adoptée par le Programme Oasis Tafilalet (POT) se caractérise par une logique essentiellement sectorielle, en raison de la diversité des projets mis en œuvre dans plusieurs domaines distincts. Cette approche présente un risque majeur : celui de reproduire un schéma de développement fragmenté, centré sur les secteurs, au détriment d’une véritable dynamique territoriale intégrée. En effet, l’approche territoriale, fondée sur une logique de développement « par le bas », repose sur l’implication active des acteurs locaux dans les processus de planification, de gouvernance et de mise en œuvre. Or, le POT s’écarte de cette philosophie, étant piloté de manière centralisée par la Direction de l’Aménagement du Territoire (DAT), ce qui limite l’appropriation locale et la participation effective des collectivités et organisations de terrain.

Par ailleurs, la pluralité des intervenants à différents niveaux, central, régional et local, complexifie les mécanismes de gouvernance. Cette fragmentation décisionnelle peut engendrer des obstacles dans la coordination, freiner la gestion efficiente du programme et ralentir l’acheminement des flux financiers vers les partenaires locaux, en particulier les associations de développement.

Il convient également de souligner que le siège local du programme a été transféré successivement entre les villes d’Erfoud et d’Errachidia. Ce manque de stabilité institutionnelle a nui à la concertation avec les parties prenantes territoriales, entraînant des retards dans la réalisation des activités, la prise de décision et la mobilisation des ressources financières.

Ces dysfonctionnements illustrent l’échec de la mise en œuvre du principe d’intercommunalité, pourtant fondamental dans une perspective de développement territorial intégré. Le modèle territorial, en tant qu’alternative à la logique sectorielle, repose sur la mobilisation du concept de proximité, tant géographique qu’institutionnelle, pour favoriser la coordination entre les acteurs et renforcer l’efficacité des interventions.

Figure 4 : Acteurs du POT.

Source : POT Synthèses des réalisations 2006-2015

3-4 L’éducation environnementale et la réaction de la population locale :

Le nombre de projets relevant de l’éducation environnementale dans le cadre du Programme Oasis Tafilalet (POT) demeure très limité, avec seulement trois initiatives recensées. Ces actions se sont principalement traduites par des séances de sensibilisation ponctuelles à destination d’environ 400 élèves issus de deux établissements scolaires situés dans seulement 2 des 17 communes territoriales concernées par le programme. Ce constat entre en contradiction avec les orientations de la Stratégie Nationale de Développement et d’Aménagement des Oasis, qui accordent la priorité à la formation et à la sensibilisation des agriculteurs, en tant qu’acteurs clés de la gestion durable des ressources naturelles.

Concernant la perception locale, la prise de conscience environnementale au sein de la population oasienne demeure globalement limitée, comme en témoignent plusieurs comportements et pratiques persistantes :

  • Le recours généralisé à l’irrigation traditionnelle gravitaire, peu économe en eau ;
  • La multiplication des forages, tant dans les oasis traditionnelles que dans les zones d’extension agricole, alimentant une dynamique d’agriculture intensive ;
  • Le développement d’une offre touristique peu adaptée aux spécificités écologiques et culturelles des territoires oasiens ;
  • Le retour d’une partie de la diaspora investissant dans des secteurs fortement consommateurs en ressources hydriques, notamment l’agriculture moderne et le tourisme.

Ces facteurs traduisent une faible intégration des enjeux environnementaux dans les dynamiques territoriales, et soulignent la nécessité d’un renforcement des dispositifs de sensibilisation, ciblant prioritairement les acteurs économiques et les décideurs locaux.

Conclusion :

L’analyse critique du Programme Oasis Tafilalet (POT) met en lumière plusieurs limites structurelles, organisationnelles et stratégiques qui entravent l’atteinte de ses objectifs de développement territorial durable. Tout d’abord, le déséquilibre dans la répartition géographique des projets, concentrés principalement dans les oasis de Ferkla et Rhéris, reflète une approche partielle et peu inclusive, en contradiction avec les principes de l’équité territoriale. Ce ciblage localisé semble davantage dicté par la capacité de plaidoyer d’acteurs associatifs influents (comme l’AOFEP) que par un diagnostic territorial global.

De plus, le financement du programme repose majoritairement sur des bailleurs internationaux, ce qui traduit une fragilité institutionnelle et un manque d’engagement financier national. L’insuffisance de fonds locaux, conjuguée à la complexité administrative et à la multiplicité des intervenants, freine considérablement l’efficacité de la gouvernance territoriale et la fluidité des décisions.

Sur le plan méthodologique, la démarche du POT reste dominée par une logique sectorielle cloisonnée, au détriment d’une vision intégrée et territorialisée du développement. L’absence de participation effective des acteurs locaux dans la conception et la mise en œuvre des projets compromet le principe de « développement par le bas » prôné par l’approche territoriale.

L’évaluation montre également une faible intégration de l’éducation environnementale, avec des actions limitées en nombre et en couverture géographique. Par ailleurs, les pratiques locales (irrigation gravitaire, surutilisation des nappes, tourisme non durable, retour de la diaspora dans des activités intensives en eau) traduisent une conscience environnementale encore insuffisante, que les projets du POT n’ont pas réussi à transformer durablement.

Enfin, le manque de stabilité institutionnelle du programme (changement de siège, retards administratifs) révèle une faiblesse organisationnelle qui nuit à la coordination entre les acteurs et à l’efficacité des interventions.

Dans l’ensemble, les résultats obtenus soulignent l’urgence d’une révision stratégique du POT fondée sur une approche territoriale inclusive, une meilleure gouvernance de proximité, une mobilisation accrue des financements nationaux, et un ancrage plus fort dans les réalités socio-environnementales des oasis. Seule une telle réorientation permettra d’assurer la durabilité et la résilience des territoires oasiens face aux pressions économiques, sociales et climatiques.

Bibliographie :

Articles :

  1. Bennouna A., (2020). « Gestion de l’eau au Maroc et changement climatique », Revue Espace Géographique et Société Marocaine n°32, Février 2020.
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  3. Chouay, D., & Ait Lemqeddem, H. (2018). « Le territoire comme marque : vers une nouvelle gouvernance ». Revue du Contrôle, de la Comptabilité et de l’Audit. https://www.revuecca.com/index.php/home/article/view/259/228
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Rapports :

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  2. Stratégie nationale de développement et d’aménagement des oasis du Maroc. Rabat : Agence Nationale pour le Développement des Zones Oasiennes et de l’Arganier.
  3. Association Oasis Ferkla pour l’Environnement et le Patrimoine (AOFEP). (2020). Rapport d’activités sur les projets de développement oasien. Errachidia : AOFEP.
  4. FIDA – Fonds International de Développement Agricole. (2018). Programme de développement rural des zones de montagne et des oasis (PDRMO). Rome : FIDA.
  5. Haut-Commissariat au Plan. (2021). Comptes régionaux : Produit intérieur brut et dépenses de consommation finale des ménages – Année 2021. Rabat : HCP.
  6. Ministère de l’Aménagement du Territoire. Orientations du Schéma national de l’aménagement du territoire.
  7. Ministère de l’Aménagement du Territoire. Schéma national de l’aménagement du territoire (SNAT).
  8. Observatoire du Développement Humain (ODH). (2021). Rapport régional Draa-Tafilalet : Indicateurs de développement humain. Rabat : ODH.
  9. Programme d’Actions Concertées des Oasis (PACO). Document de synthèse. CARI – RADDO.
  10. Programme Oasis Tafilalet. (2015). Synthèse des réalisations 2006–2015. Ministère de l’Aménagement du Territoire, DAT & PNUD.
  11. Réseau Associatif de Développement Durable des Oasis (RADDO). (2020). Rapport annuel sur les dynamiques oasiennes au Maghreb. Marseille : CARI/RADDO.
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