Research studies

Deux visions de la sécurité nationale en Israël : approche comparative entre Yitzhak Shamir et Benyamin Netanyahou

 

Prepared by the researche

  • Doctorant Karim AICHE, Université Mohammed V, Maroc
  • la Direction du Pr. Ahmed Ouedghiri Ben Otmane, Universite Mohammed V, Maroc

DAC Democratic Arabic Center GmbH

International Journal of Scientific Confrences : Twenty-seventh Issue – November 2025

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN  2701-3995
International Journal of Scientific Confrences

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Résumé

Cet article propose une analyse comparative des doctrines de sécurité nationale d’Yitzhak Shamir et de Benjamin Netanyahou, en interrogeant leurs continuités idéologiques et leurs ruptures stratégiques. Shamir incarne une approche territoriale et défensive, héritée de la guerre froide, centrée sur la profondeur stratégique, la colonisation et la prééminence de l’armée conventionnelle. Netanyahou, en revanche, développe une doctrine techno-sécuritaire fondée sur la supériorité militaro-technologique, la défense antimissiles, la cyberdéfense et la gestion du conflit plutôt que sa résolution. L’étude met en regard leurs choix en matière de politique étrangère, de gestion du dossier palestinien et de construction des alliances régionales, notamment dans le cadre des Accords d’Abraham et du front anti-iranien. Elle montre ainsi comment la sécurité israélienne est passée d’un paradigme territorial-idéologique à un paradigme techno-stratégique, tout en restant structurée par une même logique de méfiance, de dissuasion et de recherche de marge de manœuvre régionale.

Abstract

This article offers a comparative analysis of the national security doctrines of Yitzhak Shamir and Benjamin Netanyahu, examining both their ideological continuities and strategic ruptures. Shamir embodies a territorial and defensive approach, rooted in the Cold War, centred on strategic depth, settlement policy, and the primacy of conventional military power. Netanyahu, by contrast, develops a techno-security doctrine based on military-technological superiority, missile defence, cyber capabilities, and the management rather than the resolution of conflict. The study juxtaposes their choices in foreign policy, in handling the Palestinian question, and in building regional alliances, particularly through the Abraham Accords and the emerging anti-Iran regional front. It thus shows how Israeli security has evolved from a territorial-ideological paradigm to a techno-strategic one, while remaining structured by a persistent logic of mistrust, deterrence, and the search for expanded regional room for manoeuvre.

Introduction

La doctrine de sécurité nationale constitue l’un des piliers fondamentaux de la politique israélienne depuis la création de l’État en 1948. Face à un environnement régional instable, à des conflits récurrents et à une perception aiguë de la vulnérabilité stratégique, les dirigeants israéliens ont façonné, chacun à leur manière, une vision particulière de la sécurité nationale mêlant dimensions militaires, diplomatiques, économiques et identitaires. Toutefois, loin d’être uniforme, cette doctrine a connu des transformations profondes au fil des décennies, reflétant l’évolution des menaces, l’émergence de nouveaux acteurs et les mutations du système international. Dans ce contexte, Yitzhak Shamir et Benyamin Netanyahou apparaissent comme deux figures emblématiques dont les doctrines sécuritaires, bien que s’inscrivant dans une continuité idéologique, présentent des différences marquantes dans leur formulation et leur mise en œuvre.

Yitzhak Shamir, héritier du courant révisionniste et ancien dirigeant du groupe clandestin Lehi, est profondément marqué par les décennies fondatrices du conflit israélo-arabe et par la philosophie sécuritaire des premières générations. Sa conception de la sécurité nationale émerge dans un Israël encore menacé par des armées étatiques conventionnelles, dans un environnement dominé par la rivalité Est-Ouest et dans un contexte où les guerres de 1948, 1967 et 1973 ont laissé une empreinte stratégique durable. Pour Shamir, la sécurité repose sur trois principes centraux : la défense territoriale, la méfiance stratégique et le refus de concessions susceptibles d’affaiblir l’État[1]. Son approche se caractérise par une vision rigide de la négociation, une primauté du statu quo comme outil de gestion du conflit, et une lecture géopolitique définie par la menace arabe classique.

À l’inverse, l’ascension de Benyamin Netanyahou intervient dans un contexte géopolitique totalement différent. Son leadership se développe après la guerre froide, à un moment où les menaces traditionnelles cèdent la place à de nouveaux défis : montée en puissance de l’Iran, multiplication des acteurs non étatiques, développement de la guerre cybernétique, prolifération des missiles balistiques et émergence d’un environnement technologique ultra-compétitif. Netanyahou va ainsi élaborer une doctrine de sécurité fondée sur la supériorité technologique, l’intégration économique, les frappes préventives et la diplomatie sécuritaire[2]. Sa stratégie englobe des domaines que Shamir n’avait pas intégrés ou jugés centraux, tels que la cybersécurité, les systèmes anti-missiles avancés (Iron Dome), la coopération militaire régionale et les alliances stratégiques avec les monarchies du Golfe dans le cadre des Accords d’Abraham.

Bien que les deux dirigeants partagent certains fondements idéologiques, notamment un scepticisme profond vis-à-vis de la création d’un État palestinien, leurs approches diffèrent dans la manière de concevoir la gestion du conflit. Shamir privilégie une posture défensive et attentiste, considérant le temps comme un allié permettant de préserver les acquis et d’éviter les pressions internationales. Netanyahou, en revanche, adopte une posture plus proactive, reposant sur la gestion continue du conflit plutôt que sa résolution, et sur la construction d’un environnement régional favorable à Israël en contournant la question palestinienne[3].

Ainsi, l’étude comparée de leurs doctrines permet de comprendre non seulement les continuités idéologiques de la pensée sécuritaire israélienne, mais également ses transformations structurelles. Elle éclaire la manière dont Israël est passé d’une sécurité principalement militaire et territoriale à une sécurité multidimensionnelle intégrant la technologie, la cybersphère et les alliances régionales. Cette comparaison est d’autant plus pertinente que les choix stratégiques opérés sous l’ère Netanyahou — notamment la priorité accordée à l’Iran et la diplomatie de normalisation — représentent une rupture majeure par rapport au paradigme sécuritaire hérité de Shamir.

L’objectif de cet article est donc d’analyser systématiquement les convergences et les divergences entre les doctrines sécuritaires des deux dirigeants, à travers une approche rigoureusement symétrique :

  • Leurs fondements idéologiques,
  • Leurs principes doctrinaux centraux,
  • Leurs instruments de sécurité,
  • Leurs orientations diplomatiques,
  • Leur gestion du dossier palestinien,
  • Une évaluation critique de leurs impacts respectifs.

Sur le plan méthodologique, cette étude mobilise une démarche politico-historique fondée sur l’analyse des discours officiels, des politiques publiques, de la littérature académique en études stratégiques, ainsi que des travaux récents portant sur l’évolution de la doctrine de sécurité israélienne. Cette approche permet de dépasser les lectures strictement idéologiques pour mettre en évidence les logiques structurelles qui sous-tendent l’action de l’État israélien à deux périodes charnières de son histoire.

L’enjeu, au-delà de la seule comparaison biographique, consiste à comprendre comment la sécurité nationale israélienne se redéfinit au gré des mutations régionales et mondiales, et comment les doctrines de Shamir et Netanyahou constituent deux moments distincts d’une même trajectoire stratégique : celle d’un État confronté à des défis existentiels, cherchant en permanence à maintenir son avantage militaire, politique et technologique dans un environnement profondément conflictuel.

PARTIE I : La doctrine de sécurité nationale selon Yitzhak Shamir

La première partie de cet article est consacrée à l’étude de la doctrine de sécurité nationale élaborée et incarnée par Yitzhak Shamir, l’une des figures politiques les plus marquantes de l’Israël des années 1980 et du début des années 1990. Dirigeant discret mais déterminé, Shamir occupe une place particulière dans l’histoire sécuritaire israélienne : celle d’un Premier ministre façonné par les décennies fondatrices du conflit israélo-arabe, profondément ancré dans la culture stratégique de l’ère classique, et convaincu que la survie de l’État repose avant tout sur la force militaire, le contrôle territorial et la méfiance systématique envers les compromis politiques.

Comprendre la doctrine de Shamir, c’est revenir à une période charnière où Israël doit faire face à des menaces conventionnelles directes provenant de ses voisins arabes, tout en gérant l’émergence de la Première Intifada, les pressions internationales croissantes et les contraintes d’un système international encore structuré par la logique bipolaire de la guerre froide. C’est également saisir le poids d’une idéologie nationaliste rigide dans la formulation d’une stratégie sécuritaire centrée sur la défense du territoire et le refus d’engagements politiques susceptibles, selon Shamir, de fragiliser l’intégrité et l’identité de l’État.

Cette partie propose ainsi d’examiner les fondements idéologiques de sa pensée, de définir ses principes doctrinaux, d’analyser les instruments de sécurité qu’il privilégie, et d’évaluer sa vision diplomatique et sa gestion du dossier palestinien. L’objectif n’est pas seulement de décrire une doctrine, mais de montrer comment Shamir a contribué à stabiliser — parfois à rigidifier — une tradition sécuritaire israélienne dominée par la prudence stratégique, la dissuasion classique et le statu quo territorial.

En retraçant les contours de son approche, cette partie met en lumière les éléments qui ont assuré à la doctrine de Shamir une influence durable, mais aussi les limites d’une vision sécuritaire confrontée aux mutations profondes qui s’amorcent au tournant des années 1990 et qui prépareront le terrain aux transformations doctrinales opérées ultérieurement par Benyamin Netanyahou.

Section 1 — Fondements idéologiques et contexte historique

  1. Origines politiques et militaires de Shamir

L’itinéraire politique et militaire de Yitzhak Shamir constitue l’un des fondements essentiels pour comprendre la rigidité, la constance et la profondeur doctrinale de sa vision sécuritaire. Né en 1915 sous le nom d’Yitzhak Jazernicki dans une Pologne encore hostile aux minorités juives, Shamir grandit dans un environnement où l’antisémitisme structurel et les violences cycliques forgent dans la conscience juive d’Europe orientale une représentation tragique du destin collectif. Comme beaucoup de membres de sa génération, il adhère très jeune à l’idée que seule une souveraineté politique juive restaurée sur la terre d’Israël pourrait garantir la sécurité et la dignité du peuple juif[4].

En 1935, il immigre en Palestine mandataire, au moment où les tensions entre populations juives et arabes s’intensifient, et où les autorités britanniques restreignent progressivement l’immigration juive. Il rejoint l’Irgoun, organisation paramilitaire révisionniste fondée par des disciples de Zeev Jabotinsky. Ce dernier défend l’idée d’un sionisme de puissance : pour lui, la force militaire, la fermeté idéologique et l’autosuffisance sécuritaire constituent des impératifs de survie dans un environnement hostile.

L’engagement de Shamir au sein du Lehi (groupe Stern), organisation encore plus radicale et marginalisée, marque une étape cruciale. Le Lehi prône la lutte armée totale contre le mandat britannique et rejette tout compromis politique, même ceux envisagés par d’autres factions sionistes. Cette expérience clandestine confère à Shamir un rapport particulier à l’État, à la violence politique et à la légitimité de l’action unilatérale. Pour lui, l’indépendance est arrachée, non négociée. Le dialogue n’est utile que lorsqu’il sert une position de force, et les concessions n’ont de valeur que tactique — jamais stratégique[5].

Cet héritage idéologique se traduit par plusieurs traits marquants de sa pensée sécuritaire :

  • Une croyance profonde dans la centralité de la force comme unique garantie de survie nationale.
  • Une méfiance structurelle envers les grandes puissances, perçues comme prompts à sacrifier les intérêts juifs.
  • Une lecture historique pessimiste, nourrie par la conviction que la condition juive est marquée par la vulnérabilité et la nécessité de vigilance permanente.
  • Une valorisation extrême du territoire, non seulement comme actif militaire, mais comme matrice identitaire du projet sioniste.

Lorsque Shamir entre en politique après la création d’Israël, il appartient à cette élite issue de la lutte clandestine, marquée par la conviction que l’indépendance nationale repose sur la détermination, la patience stratégique et le rejet de tout compromis jugé dangereux. Cet héritage demeurera visible tout au long de sa carrière, en particulier lorsqu’il devient Premier ministre en 1983 puis en 1986.

  1. Influence du contexte géopolitique : guerre froide et menaces arabes classiques

La vision sécuritaire de Shamir ne peut être dissociée de la configuration internationale et régionale des années 1980, époque durant laquelle il gouverne Israël. Cette période est caractérisée par une combinaison unique de menaces conventionnelles, de tensions idéologiques et de mutations internes au système international.

2.1. La guerre froide comme cadre structurant

Durant les années Shamir, la compétition entre les États-Unis et l’Union soviétique demeure l’armature profonde des rapports de force régionaux. L’URSS soutient militairement et politiquement plusieurs régimes arabes hostiles à Israël — notamment la Syrie et l’Irak — et contribue à renforcer leurs capacités conventionnelles. Cette dimension confère à Israël un statut avancé dans l’architecture stratégique américaine, mais impose également un cadre de prudence : toute escalade régionale pouvait entraîner des répercussions globales[6].

Shamir perçoit ce contexte comme une justification supplémentaire de la nécessité du maintien d’une supériorité militaire qualitative constante, pierre angulaire de la doctrine sécuritaire israélienne depuis les années 1960.

2.2. Les menaces arabes classiques : Syrie, Irak, OLP

Les années 1980 restent marquées par des menaces conventionnelles importantes :

  • La Syrie, dotée d’une armée puissante, soutenue par Moscou, et déployée au Liban.
  • L’Irak, alors engagé dans la guerre Iran-Irak, mais possédant un potentiel balistique croissant, qui culminera avec les tirs de Scud sur Israël en 1991.
  • L’OLP, encore perçue comme un ennemi stratégique, malgré son affaiblissement progressif au Liban après 1982.

À ces menaces s’ajoutent des dynamiques internes, notamment :

  • La Première Intifada (1987), qui modifie la perception israélienne du contrôle territorial, et révèle l’émergence d’une contestation palestinienne civile et durable.
  • L’instabilité du Liban, où Israël est profondément engagé depuis l’opération “Paix en Galilée” en 1982.

Shamir interprète ces évolutions comme la preuve d’un environnement structurellement hostile dans lequel toute concession territoriale ou politique serait perçue comme un signe de faiblesse.

2.3. La croyance dans la permanence du conflit

Pour Shamir, le conflit israélo-arabe ne relève pas d’un désaccord conjoncturel, mais d’un antagonisme identitaire profond et durable. Cette lecture l’amène à rejeter toute hypothèse de paix négociée tant que les conditions structurelles — politiques, sociales, militaires — ne changent profondément. D’où son scepticisme vis-à-vis de la Conférence de Madrid (1991), qu’il voit comme une concession inutile aux pressions américaines.

  1. Vision identitaire du territoire et de la nation

La doctrine sécuritaire de Shamir repose sur une conception identitaire du territoire et de l’appartenance nationale. Le territoire n’est pas simplement une unité géographique, mais un espace sacré, chargé de mémoire historique, de signification biblique et de fonction stratégique.

3.1. Le territoire comme matrice de sécurité

Pour Shamir, Israël ne peut se permettre des frontières vulnérables. La Cisjordanie, qu’il nomme par ses appellations bibliques de Judée et Samarie, constitue un espace identitaire et stratégique à la fois :

  • Identitaire, car elle incarne la continuité historique du peuple juif.
  • Stratégique, car sa profondeur topographique est essentielle pour contrer les menaces conventionnelles.
  • Démographique, car tout retrait pourrait encourager l’affirmation politique palestinienne.

Cette vision explique son opposition systématique à toute forme de retrait territorial, même limité.

3.2. La nation comme communauté historique en lutte

Shamir voit la nation israélienne comme une collectivité façonnée par des siècles de persécution et d’exil, et donc condamnée à une vigilance permanente. Cette lecture téléologique de l’histoire juive transforme la doctrine sécuritaire en un impératif moral presque existentiel.

Dans cette perspective :

  • La force militaire devient une nécessité morale ;
  • La prudence diplomatique est une vertu stratégique ;
  • La colonisation constitue un acte de souveraineté et de consolidation identitaire.

3.3. Le rejet des solutions politiques rapides

Shamir considère que les compromis territoriaux sont dangereux car ils affaiblissent la position israélienne sans garantir une paix durable. Le processus de paix n’est pas, pour lui, un outil stratégique, mais plutôt une menace potentielle pour l’avenir national. D’où sa réputation de dirigeant rigide, silencieux, et extraordinairement prudent.

Section 2 — La doctrine sécuritaire de Yitzhak Shamir : principes directeurs

  1. La primauté de la sécurité territoriale

La centralité du territoire dans la pensée sécuritaire de Yitzhak Shamir dépasse la simple logique militaire. Elle constitue à la fois un impératif stratégique, une conviction idéologique et une composante identitaire profonde. Pour Shamir, le territoire n’est pas uniquement un espace géopolitique à défendre : il est le socle symbolique de la souveraineté juive renaissante, la condition de l’autonomie décisionnelle, et l’ultime rempart contre toute tentative de remise en cause de l’existence même d’Israël[7].

1.1. Le territoire comme profondeur stratégique vitale

Les expériences traumatiques des guerres de 1948, 1967 et 1973 ont profondément influencé Shamir. Pour lui, la vulnérabilité territoriale d’Israël demeure un facteur permanent de risque. L’étroitesse du pays — 15 km de largeur à son point le plus étroit — impose une approche défensive structurée autour de la notion de profondeur stratégique.

Les territoires conquis en 1967 (Cisjordanie, Jérusalem-Est, plateau du Golan) sont donc perçus par Shamir comme des espaces indispensables pour :

  • Repousser les lignes de front hostiles ;
  • Garantir une capacité d’absorption en cas d’attaque ;
  • Empêcher des percées rapides de divisions blindées arabes ;
  • Placer les défenses israéliennes sur des hauteurs dominantes.

Ainsi, pour Shamir, toute concession territoriale équivaut à un affaiblissement mécanique de la sécurité nationale[8].

1.2. La territorialisation comme outil de dissuasion

La présence israélienne dans les territoires est non seulement militaire, mais aussi démographique et administrative. Sous Shamir, la colonisation connaît une accélération notable. Cette politique répond à une double logique :

  • Militaire, car elle permet de créer des zones tampons et des avant-postes de contrôle ;
  • Idéologique, car elle affirme la souveraineté juive sur la Judée-Samarie.

Shamir considère que l’installation de populations juives constitue un instrument de dissuasion, car elle rend politiquement et logistiquement plus complexe tout retrait futur[9].

1.3. Jérusalem comme point cardinal

Pour Shamir, Jérusalem n’est pas négociable. Elle représente le cœur identitaire, historique et spirituel du peuple juif. Son contrôle territorial absolu constitue un impératif stratégique et symbolique. Toute négociation qui impliquerait un partage de souveraineté est perçue comme une menace existentielle.

Dans cette approche, Shamir se distingue clairement d’autres dirigeants israéliens plus pragmatiques. Chez lui, le territoire est ontologique, pas seulement tactique.

  1. La doctrine du statu quo stratégique

La seconde dimension centrale de la doctrine de Shamir repose sur la valorisation du statu quo comme stratégie en soi. Pour Shamir, le statu quo n’est pas une absence de politique : c’est une politique active, mûrement réfléchie, fondée sur une lecture réaliste et pessimiste de la région.

2.1. Le statu quo comme instrument de gestion du conflit

Shamir est convaincu que le conflit israélo-arabe est structurel et durable. Il estime que les sociétés arabes ne sont pas prêtes à accepter l’existence d’Israël comme réalité définitive. De ce fait, toute tentative de résolution rapide du conflit apparaît illusoire et dangereuse[10].

Le statu quo permet de :

  • Gérer le conflit plutôt que de prétendre le résoudre ;
  • Maintenir la stabilité interne et externe ;
  • Éviter des engagements irréversibles ;
  • Empêcher des concessions qui pourraient être exploitées par les adversaires.

2.2. Le temps comme avantage stratégique

Contrairement aux perceptions répandues selon lesquelles Israël aurait intérêt à régler rapidement le conflit, Shamir adopte une lecture inverse : le temps joue pour Israël.

Selon lui :

  • Les régimes arabes sont instables ;
  • Leurs économies restent fragiles ;
  • Leurs alliances fluctuent ;
  • Leur capacité militaire est limitée ou érodée par des conflits internes.

Il pense donc que chaque année qui passe renforce la position relative d’Israël grâce à :

  • Son dynamisme technologique ;
  • Sa supériorité militaire qualitative ;
  • Son alliance américaine ;
  • Sa stabilité politique interne[11].

2.3. Un statu quo soutenu par une prudence diplomatique extrême

Shamir refuse les initiatives diplomatiques qui pourraient :

  • Contraindre Israël dans un cadre multilatéral ;
  • Renforcer la légitimité de l’OLP ;
  • Ouvrir la voie à un retrait territorial.

Son attitude lors de la Conférence de Madrid en 1991 est emblématique : il accepte d’y participer sous pression américaine, mais adopte une posture de résistance silencieuse, sans concessions substantielles.

Le statu quo devient ainsi une stratégie articulée autour de deux piliers :

  • Ne rien céder ;
  • Attendre que le rapport de force évolue davantage au profit d’Israël.
  1. Refus des concessions et scepticisme envers la négociation

Shamir affiche une méfiance profonde à l’égard de toute forme de concession diplomatique ou territoriale. Son rejet quasi systématique des compromis découle d’une analyse idéologique, mais aussi stratégique.

3.1. Les concessions comme menaces existentielles

Pour Shamir, céder un morceau de territoire :

  • Crée un précédent dangereux ;
  • Encourage les demandes adverses ;
  • Affaiblit la position stratégique d’Israël ;
  • Renforce l’adversaire politiquement et psychologiquement.

Cette perception explique sa résistance farouche aux pressions américaines lors de l’administration Bush père, qui cherchait à conditionner les garanties de prêts à un gel des colonies.

3.2. La négociation comme outil tactique, non stratégique

Shamir n’est pas totalement opposé aux négociations. Il les considère cependant comme :

  • Un moyen de gagner du temps ;
  • Une façon d’apaiser la pression internationale ;
  • Un cadre pour maintenir le statu quo.

Il n’y voit pas un processus capable de produire une paix durable. Pour lui, la négociation ne peut réussir que si l’adversaire reconnaît pleinement le droit d’Israël à exister en tant qu’État-nation juif — ce qu’il estime impossible durant son mandat.

3.3. Méfiance envers les médiations américaines et internationales

Shamir considère que les grandes puissances, même alliées, ne comprennent pas les réalités profondes du conflit. Selon lui :

  • Les pressions diplomatiques américaines sont motivées par des considérations globales et non par la sécurité d’Israël ;
  • Les Européens adoptent des positions biaisées et pro-palestiniennes ;
  • Les Nations Unies sont structurellement hostiles à Israël[12].

Cette perception pousse Shamir à privilégier une diplomatie minimaliste, centrée sur l’autonomie nationale.

3.4. Une conception défensive de la souveraineté

Shamir défend une vision maximaliste de la souveraineté : Israël doit conserver un contrôle absolu de ses frontières, de ses décisions politiques et de ses options militaires. Aucune tutelle extérieure, aucun cadre multilatéral, aucune force internationale ne doit intervenir entre Israël et ses adversaires.

Cette position s’oppose diamétralement à la future doctrine d’autres dirigeants plus ouverts aux compromis, comme Rabin ou Olmert.

Section 3 — Les instruments sécuritaires privilégiés par Yitzhak Shamir

La doctrine sécuritaire de Yitzhak Shamir ne peut être comprise sans analyser les instruments concrets qu’il mobilise pour garantir la survie de l’État d’Israël. Parmi ceux-ci, trois leviers structurent de manière durable son approche : l’armée conventionnelle (Tsahal) conçue comme un rempart défensif, le renseignement opérationnel issu de sa culture clandestine, et enfin la colonisation envisagée comme un outil central de contrôle territorial. Ces trois instruments, complémentaires et cohérents, traduisent la vision sécuritaire profondément réaliste, identitaire et prudente de Shamir.

  1. Tsahal et la logique militaire défensive

Tsahal occupe une place centrale dans la doctrine sécuritaire de Shamir, mais cette importance s’inscrit dans une conception distinctement défensive. À la différence de dirigeants comme Ariel Sharon, pour qui l’armée constitue également un instrument offensif de remodelage régional, Shamir privilégie une approche fondée sur la résilience, la dissuasion et la capacité d’absorption. Les traumatismes successifs des guerres de 1948, de 1967, et surtout de 1973, où Israël faillit succomber à une attaque surprise, renforcent chez lui l’idée que l’armée doit avant tout empêcher l’effondrement des lignes, contenir les premières offensives et maintenir la cohésion nationale pendant la mobilisation des réservistes[13].

La supériorité qualitative constitue un principe cardinal : Israël ne pouvant rivaliser numériquement avec ses adversaires arabes, Shamir insiste sur la nécessité de maintenir une avance technologique, doctrinale et opérationnelle. Cette logique justifie les investissements massifs dans les unités d’élite, les systèmes d’alerte, l’intégration du renseignement dans la planification militaire, et la modernisation constante des équipements. Dans cette perspective, Tsahal n’est pas seulement une force armée ; elle est la garantie ultime de la survie d’un État étroit, exposé et dépourvu de profondeur stratégique substantielle.

Mais l’armée, sous Shamir, acquiert également une dimension territoriale. Elle joue un rôle actif dans la consolidation du contrôle israélien sur les territoires occupés après 1967. Par sa présence physique, par son maillage sécuritaire, par la création de points de surveillance, de bases, de checkpoints et d’infrastructures, Tsahal devient un acteur spatial à part entière, contribuant à façonner l’architecture sécuritaire de la Cisjordanie et à ancrer la souveraineté israélienne dans ces zones sensibles.

  1. Le renseignement opérationnel : la colonne vertébrale invisible de la doctrine Shamir

Si l’armée constitue le bras visible de la sécurité, le renseignement en est le cœur invisible. L’expérience de Shamir au sein du Mossad entre les années 1950 et 1960 joue un rôle décisif dans la formation de son style politique. Elle lui inculque une culture de la discrétion, du secret, de la patience et de la méfiance vis-à-vis des déclarations publiques, qu’il oppose aux informations obtenues dans l’ombre[14]. Loin d’être un simple outil de soutien à la décision militaire, le renseignement devient pour Shamir un instrument autonome de gouvernement, structurant sa lecture du conflit israélo-arabe.

Shamir accorde une place particulière au renseignement humain (HUMINT). Il estime que les intentions adverses, qu’elles soient arabes ou palestiniennes, ne peuvent être véritablement comprises que par le biais d’agents infiltrés, d’informateurs fiables, d’observations directes et de réseaux clandestins. Cette conception repose sur sa conviction qu’aucune technologie, aussi avancée soit-elle, ne peut remplacer la compréhension fine des acteurs, de leurs motivations, de leurs dynamiques internes et de leurs contradictions. Le renseignement technique (SIGINT), bien que valorisé, ne constitue pour lui qu’un complément.

Cette centralité du renseignement nourrit une vision pessimiste du conflit : les rapports des services israéliens, qu’il consulte avec minutie, confortent son intuition selon laquelle les sociétés arabes ne sont pas prêtes à reconnaître Israël comme État juif souverain, que les menaces restent structurelles et que toute concession peut être exploitée par l’adversaire. Le renseignement devient donc un outil de légitimation du statu quo et du refus des initiatives diplomatiques précipitées. Il justifie non seulement la prudence stratégique, mais aussi la crainte d’un retrait territorial qui serait perçu comme un signe de faiblesse.

  1. La colonisation et le contrôle territorial : la géopolitique comme stratégie sécuritaire

Le troisième pilier de la doctrine Shamir — peut-être le plus controversé — réside dans son usage de la colonisation comme instrument de sécurité. Contrairement à une interprétation purement idéologique, la colonisation est conçue par Shamir comme un mécanisme stratégique visant à reconfigurer l’espace de manière favorable à Israël. Les implantations en Cisjordanie jouent ainsi un rôle géopolitique, sécuritaire et symbolique simultanément[15].

Sur le plan sécuritaire, chaque colonie devient un point d’ancrage permettant de surveiller les axes routiers, de fragmenter l’espace palestinien, de soutenir les déploiements militaires et de créer des « barrières humaines » le long des zones que Shamir considère comme vitales. Cette présence civile, soutenue logistiquement par l’armée, transforme le territoire en un maillage complexe où la souveraineté israélienne s’inscrit dans la durée.

Sur le plan politique, les colonies fonctionnent comme des « faits accomplis » limitant les marges de manœuvre de tout futur gouvernement. En multipliant les implantations, Shamir renforce un état de fait qui rend les concessions territoriales non seulement imprudentes du point de vue sécuritaire, mais aussi politiquement coûteuses. La colonisation devient ainsi un message diplomatique adressé à la communauté internationale : Israël n’est pas prêt à céder les territoires qu’il considère comme vitaux pour sa sécurité et pour son identité nationale[16].

Enfin, sur le plan identitaire, Shamir perçoit le territoire comme un espace de continuité historique du peuple juif. La colonisation n’est pas seulement une stratégie de défense, mais une réaffirmation de l’attachement à la Judée-Samarie. En liant sécurité et identité, Shamir crée une doctrine où la protection de l’État passe par la présence juive, l’occupation active de l’espace et la consolidation d’une souveraineté irréversible.

Section 4 — Politique étrangère et alliances

La politique étrangère sous Yitzhak Shamir s’inscrit dans une vision profondément réaliste, prudente et sécuritaire. Elle repose sur trois piliers : une alliance structurelle et quasi exclusive avec les États-Unis, une lecture sceptique et défiante du système international, et une perception régionalisée, hiérarchisée et souvent pessimiste des menaces provenant des États arabes. Cette orientation diplomatique reflète à la fois l’idéologie révisionniste, l’expérience clandestine du dirigeant et son analyse du contexte géopolitique des années 1980 et du début des années 1990.

  1. Une relation exclusive et stratégique avec les États-Unis

La relation avec les États-Unis constitue le pilier central de la politique étrangère de Shamir. Pour lui, Washington représente non seulement un partenaire stratégique, mais le seul allié capable d’assurer une sécurité durable à Israël. Cette exclusivité diplomatique découle de plusieurs facteurs structurels.

Premièrement, la supériorité militaire d’Israël dépend largement de l’aide américaine, qu’il s’agisse de technologies avancées, de coopération dans les systèmes d’armement ou de soutien financier direct. Shamir considère cette alliance comme indispensable pour maintenir la supériorité qualitative de Tsahal, condition essentielle pour compenser la faiblesse démographique d’Israël[17].

Deuxièmement, dans un Moyen-Orient encore marqué par la rivalité entre les États-Unis et l’Union soviétique, Shamir voit dans Washington un garant politique contre les ambitions des régimes arabes soutenus par Moscou. Il perçoit l’équilibre global de la guerre froide comme un cadre fixe, où l’alignement avec les États-Unis constitue une option naturelle pour un État menacé par ses voisins.

Troisièmement, Shamir privilégie une diplomatie bilatérale avec Washington, qu’il juge plus fiable que toute démarche multilatérale. Il se méfie des organisations internationales, qu’il perçoit comme majoritairement hostiles à Israël. Sa stratégie consiste à maintenir un lien direct avec la Maison-Blanche, tout en résistant à certaines pressions américaines, notamment celles exercées sous l’administration Bush père à propos de la colonisation.

Cette relation exclusive ne relève donc pas seulement d’un choix stratégique, mais d’une véritable doctrine diplomatique, où l’alliance avec les États-Unis devient la clé de voûte de la sécurité nationale israélienne.

  1. Une perception sceptique du système international

Shamir nourrit une défiance profonde envers le système international, qu’il considère comme un environnement instable, imprévisible et souvent biaisé contre Israël. Cette perception découle de son expérience personnelle : militant clandestin sous le mandat britannique, puis responsable du Mossad, il a été confronté à ce qu’il considère comme l’inconstance, voire l’hypocrisie des grandes puissances.

Pour Shamir, les États ne sont jamais mus par des principes moraux, mais par leurs intérêts propres. Ainsi, les pressions internationales pour pousser Israël à des concessions territoriales sont analysées non comme des initiatives de paix authentiques, mais comme des tentatives de gérer des équilibres géopolitiques au détriment de la sécurité israélienne[18].

Cette vision explique plusieurs traits de sa politique étrangère :

  • Une aversion pour les conférences internationales, comme en témoigne sa participation contrainte à la Conférence de Madrid en 1991 ;
  • Une méfiance envers les médiations multilatérales, qu’il juge biaisées ;
  • La conviction que les Nations Unies constituent un forum hostile, dominé par les pays arabes et par les États non alignés.

Dans l’esprit de Shamir, Israël doit donc éviter toute dépendance à l’égard des institutions internationales et préserver son autonomie décisionnelle. Cette posture s’apparente à une diplomatie de retenue : accepter les relations nécessaires sans s’engager dans des cadres contraignants.

  1. Une vision régionalisée et hiérarchisée de la menace (Syrie, Irak, Jordanie)

Shamir développe une perception clairement hiérarchisée des menaces régionales, structurée autour d’une analyse réaliste des intentions et des capacités des États arabes. Trois acteurs occupent une place centrale dans sa doctrine sécuritaire : la Syrie, l’Irak et la Jordanie.

3.1. La Syrie : la menace conventionnelle principale

Pour Shamir, la Syrie constitue la menace la plus sérieuse, en raison de :

  • Sa proximité géographique avec les zones sensibles du nord d’Israël ;
  • Son alliance stratégique avec l’Union soviétique ;
  • Sa capacité militaire conventionnelle, notamment en matière de blindés et de missiles.

Les événements au Liban au début des années 1980 renforcent cette perception. La présence massive de troupes syriennes dans la plaine de la Bekaa et leur implication dans le conflit libanais poussent Shamir à adopter une posture de vigilance permanente. La Syrie est perçue comme un adversaire stratégique structuré, cohérent et prévisible — mais potentiellement dangereux[19].

3.2. L’Irak : la menace émergente et imprévisible

L’Irak de Saddam Hussein constitue une menace d’un autre ordre. Puissance militaire majeure, engagée dans la guerre Iran-Irak, Bagdad développe un arsenal balistique et chimique inquiétant. Les tirs de missiles Scud contre Israël durant la guerre du Golfe (1991) confirment la menace anticipée par Shamir.

Pour lui, l’Irak représente un danger stratégique car :

  • Il possède les ressources économiques d’un grand État pétrolier ;
  • Il adopte une rhétorique violemment anti-israélienne ;
  • Son régime est perçu comme imprévisible et agressif.

Shamir voit dans l’Irak un acteur susceptible de bouleverser les équilibres régionaux, notamment par l’acquisition d’armes non conventionnelles.

3.3. La Jordanie : une menace modérée mais un volet crucial de la profondeur stratégique

Contrairement à la Syrie et à l’Irak, la Jordanie n’est pas perçue comme un ennemi structurel. Le régime hachémite entretient des relations ambiguës avec Israël : tensions stratégiques, rivalités politiques, mais aussi canaux de communication discrets et coopération tacite. Shamir maintient cependant une prudence stratégique.

La Jordanie constitue pour lui :

  • Un espace tampon entre Israël et l’Irak ;
  • Un acteur qui peut stabiliser ou déstabiliser la Cisjordanie ;
  • Un partenaire potentiel, mais non fiable.

Il considère néanmoins que la stabilité du régime hachémite est préférable à son effondrement, car une Jordanie instable pourrait renforcer les organisations palestiniennes hostiles.

Section 5 — Gestion du dossier palestinien

La question palestinienne constitue l’un des axes centraux du positionnement doctrinal de Yitzhak Shamir. Sa gestion du dossier palestinien se caractérise par une rigidité idéologique assumée, une approche sécuritaire profondément ancrée et une grande prudence face aux initiatives internationales. À travers son rejet catégorique de la souveraineté palestinienne, sa réponse sécuritaire à la Première Intifada et sa participation contrainte à la conférence de Madrid en 1991, Shamir impose une ligne politique marquée par la continuité, la méfiance et une préférence nette pour la gestion du conflit plutôt que sa résolution.

  1. Un refus catégorique et structurel de la souveraineté palestinienne

Yitzhak Shamir appartient à une génération pour laquelle la question palestinienne n’est pas un sujet politique négociable, mais un conflit identitaire profond. Son rejet de toute forme de souveraineté palestinienne découle à la fois de sa vision idéologique du territoire, de son attachement au sionisme révisionniste et de sa lecture sécuritaire du rapport de force régional[20].

Pour Shamir, la création d’un État palestinien dans les frontières de la Cisjordanie et de Gaza constitue une menace existentielle pour Israël. Il estime que :

  • Un État palestinien deviendrait rapidement une plateforme militaire contre Israël ;
  • Les concessions territoriales fragiliseraient l’intégrité géopolitique israélienne ;
  • La souveraineté palestinienne encouragerait les revendications à Jérusalem ;
  • Un retrait israélien serait perçu comme un aveu de faiblesse stratégique.

Cette vision ne relève pas d’un calcul tactique temporaire : elle constitue une position de principe, considérée par Shamir comme indispensable à la préservation de la sécurité nationale.

Ainsi, même après l’acceptation par l’OLP du principe de coexistence en 1988, Shamir refuse catégoriquement d’envisager la reconnaissance d’une souveraineté palestinienne. Il maintient une ligne qui privilégie l’administration militaire, le contrôle territorial et l’encouragement des implantations juives comme moyens de neutraliser toute revendication politique adverse.

  1. Une réponse sécuritaire et militarisée à la Première Intifada (1987–1993)

L’éclatement de la Première Intifada en décembre 1987 constitue un tournant majeur dans la politique interne et externe d’Israël. Ce soulèvement, marqué par des mobilisations massives, des affrontements civils et une contestation sociale durable, révèle l’échec des mécanismes traditionnels de contrôle de la population palestinienne.

Sous Shamir, la réponse israélienne à l’Intifada demeure essentiellement sécuritaire, centrée sur:

  • Le déploiement massif des forces de Tsahal dans les villes palestiniennes ;
  • L’imposition de couvre-feux prolongés ;
  • La multiplication des arrestations administratives ;
  • Des mesures de désorganisation des réseaux militants ;
  • L’usage de la force physique pour disperser les manifestations[21].

Shamir refuse toute interprétation politique de l’Intifada. Pour lui, il ne s’agit ni d’un mouvement national structuré ni d’un tournant historique imposant une révision de la politique israélienne, mais d’un épisode contestataire nécessitant une réponse disciplinée, ferme et continue. Cette lecture strictement sécuritaire explique son refus de dialoguer directement avec l’OLP, qu’il continue de percevoir comme une organisation terroriste.

L’Intifada confirme, du point de vue de Shamir, la nécessité de maintenir le contrôle sur la Cisjordanie et Gaza. Elle renforce sa conviction selon laquelle toute concession territoriale, loin d’apaiser le conflit, encouragerait des revendications supplémentaires.

  1. Une participation contrainte et méfiante aux conférences internationales : le cas de Madrid (1991)

La Conférence de Madrid de 1991 représente l’un des épisodes diplomatiques les plus révélateurs du rapport de Shamir aux initiatives internationales. Organisée par les États-Unis et l’Union soviétique après la guerre du Golfe, cette conférence vise à ouvrir un processus de négociation global entre Israël et les pays arabes, incluant indirectement les Palestiniens.

Shamir accepte d’y participer, mais de manière contrainte, sous forte pression de l’administration américaine, qui conditionne l’octroi de garanties de prêts au gel de la colonisation. Cette participation n’implique toutefois aucune évolution doctrinale. Shamir se présente à Madrid avec l’intention déclarée de ne rien concéder[22].

Sa posture lors des négociations est marquée par :

  • Une résistance méthodique à toute discussion sur les retraits territoriaux ;
  • Un refus d’aborder la question de la souveraineté palestinienne ;
  • Une stratégie de temporisation visant à prolonger les discussions sans engagement substantiel ;
  • Une confiance limitée dans les garants internationaux du processus.

Shamir se méfie profondément du cadre multilatéral imposé par les Américains et les Soviétiques, qu’il considère comme défavorable à Israël. Il redoute que la conférence ne serve de prétexte pour accroître la pression internationale en faveur de concessions territoriales unilatérales.

Dans ses mémoires, il admet même qu’il aurait prolongé les négociations « pendant dix ans » sans donner satisfaction aux revendications palestiniennes. Cette confession illustre la permanence de sa doctrine : la négociation n’est acceptable que si elle ne met en danger ni le statu quo territorial ni la sécurité d’Israël.

Section 6 — Évaluation critique

L’héritage sécuritaire de Yitzhak Shamir occupe une place singulière dans l’histoire stratégique d’Israël. Sa doctrine, fortement marquée par l’expérience des guerres fondatrices, par la mémoire de la clandestinité et par une méfiance profonde envers l’environnement régional, constitue un modèle cohérent mais contesté. L’évaluation critique de cette doctrine permet de mieux comprendre ses apports, ses limites et son impact durable sur la pensée stratégique israélienne.

  1. Les forces et limites de la doctrine de Shamir
  2. Les forces : cohérence doctrinale et résilience stratégique

La première force de Shamir réside dans la cohérence interne de sa vision stratégique. Son approche repose sur un triptyque :

  • Maintien du contrôle territorial,
  • Primauté du renseignement,
  • Gestion prudente et graduelle des menaces régionales¹.

Cette cohérence rend sa doctrine lisible, stable et prévisible, ce qui constitue une ressource importante pour les institutions sécuritaires israéliennes. Contrairement à des dirigeants plus volontaristes, Shamir privilégie la continuité au changement, réduisant ainsi les risques d’erreurs stratégiques fondées sur des paris diplomatiques incertains.

De plus, sa doctrine met l’accent sur la résilience et la capacité d’absorption de Tsahal, un point crucial dans un environnement régional marqué par l’incertitude, les alliances fluctuantes et les asymétries militaires². Le maintien d’une posture défensive, alliée à une supériorité qualitative, permet d’éviter l’aventurisme militaire et de garantir la capacité de dissuasion.

Enfin, Shamir veille à une relation étroite avec les États-Unis, consolidant une alliance militaire et diplomatique essentielle à la sécurité d’Israël. Cette relation constitue une autre force majeure de son approche.

  1. Les limites : immobilisme politique et incapacité à anticiper les évolutions du conflit

Malgré sa cohérence interne, la doctrine de Shamir souffre de plusieurs limites structurelles.

La première est l’immobilisme politique, particulièrement visible dans sa gestion du dossier palestinien. Son refus catégorique de reconnaître la dimension nationale du mouvement palestinien l’empêche de saisir les évolutions sociopolitiques révélées par la Première Intifada³. En privilégiant une lecture strictement sécuritaire, Shamir néglige la profondeur politique du soulèvement.

Deuxième limite : sa stratégie de contrôle territorial intensif accentue la conflictualité plutôt qu’elle ne la réduit. La colonisation comme instrument sécuritaire rigidifie le conflit et génère de nouvelles dynamiques d’affrontement. L’usage de l’espace comme outil de sécurité finit par fragiliser les possibilités d’une solution politique durable.

Troisièmement, Shamir adopte une approche diplomatique réactive plutôt que proactive. La participation forcée à Madrid illustre son incapacité à saisir les opportunités régionales créées par des transformations majeures, telles que la fin de la guerre froide ou la guerre du Golfe. Cette prudence excessive conduit à un isolement progressif d’Israël sur certains dossiers diplomatiques.

  1. Un impact durable sur la pensée sécuritaire israélienne

Malgré les critiques, la doctrine de Shamir laisse une empreinte profonde sur la stratégie israélienne contemporaine.

  1. L’héritage idéologique : continuité du scepticisme envers les concessions

Shamir transmet à une partie importante de l’élite politique israélienne — notamment la droite nationaliste et religieuse — une vision sceptique des compromis territoriaux, fondée sur l’idée que tout retrait est perçu comme une faiblesse et constitue un encouragement pour les adversaires. Cette perception survit aujourd’hui dans plusieurs segments de la classe politique israélienne, influençant durablement les débats sur les frontières et la souveraineté.

  1. L’héritage sécuritaire : suprématie du renseignement et contrôle territorial

Sa doctrine consolide également le rôle central du renseignement dans la prise de décision stratégique israélienne. L’importance accordée au HUMINT, au suivi des dynamiques régionales et à l’analyse des intentions adverses se retrouve largement dans les pratiques actuelles du Mossad et du Shin Bet⁴.

De plus, le contrôle territorial comme variable sécuritaire demeure un principe structurant. Même dans les périodes où la perspective d’un retrait était évoquée, le débat se fait toujours à l’aune de considérations sécuritaires héritées de Shamir : continuité territoriale palestinienne, profondeur stratégique israélienne, présence militaire dans la vallée du Jourdain, etc.

  1. L’héritage politique : la normalisation du statu quo

Enfin, Shamir lègue à la doctrine sécuritaire israélienne une logique du statu quo comme stratégie, un modèle où gérer le conflit est jugé plus sûr que tenter de le résoudre. Cette vision, encore influente aujourd’hui, structure profondément la diplomatie israélienne, notamment dans la période précédant les accords d’Abraham.

L’examen de la pensée et de la pratique sécuritaire de Yitzhak Shamir met en lumière une doctrine profondément marquée par l’héritage des combats fondateurs de l’État hébreu, par une vision identitaire du territoire et par une lecture intransigeante des menaces régionales. La cohérence interne de son approche constitue l’un de ses traits les plus remarquables : Shamir articule sa stratégie autour de trois piliers — la maîtrise du territoire, la centralité du renseignement et la primauté de la dissuasion défensive — qui structurent l’ensemble de ses décisions, qu’il s’agisse de la gestion du dossier palestinien, des réponses militaires ou de la politique étrangère.

Sa doctrine se caractérise également par un scepticisme profond envers toute dynamique de compromis, qu’il interprète comme un affaiblissement stratégique susceptible d’encourager les adversaires. Cette posture explique son refus catégorique de la souveraineté palestinienne, sa lecture strictement sécuritaire de la Première Intifada et sa participation réticente aux processus diplomatiques internationaux, tels que la Conférence de Madrid. Pour Shamir, la sécurité nationale ne repose pas sur des arrangements politiques fragiles, mais sur la résilience militaire, le contrôle territorial et la pérennité du statu quo géopolitique.

Toutefois, cette cohérence doctrinale s’accompagne de limites structurelles. En privilégiant l’immobilisme, Shamir néglige l’évolution profonde des dynamiques palestiniennes et régionales à la fin de la guerre froide. Son insistance sur la colonisation comme instrument sécuritaire renforce le conflit au lieu d’en réduire l’intensité. Sa prudence diplomatique, parfois excessive, freine la capacité d’Israël à saisir les opportunités issues des transformations géopolitiques de la fin des années 1980 et du début des années 1990.

Malgré ces limites, l’héritage de Shamir demeure durable. Sa vision continue d’influencer une partie importante de la droite israélienne, notamment sur les questions de concessions territoriales et de souveraineté palestinienne. Son insistance sur le renseignement, la supériorité technologique et la capacité d’absorption militaire reste au cœur de la doctrine sécuritaire israélienne contemporaine. Plus encore, la normalisation d’une stratégie fondée sur la gestion du conflit — plutôt que sur sa résolution — constitue l’une des contributions les plus profondes de Shamir à la pensée stratégique israélienne.

Ainsi, la doctrine sécuritaire de Yitzhak Shamir apparaît comme un modèle résilient, cohérent et identitaire, inscrit dans une logique de longue durée et fondé sur une méfiance méthodique envers l’environnement régional. La Partie II montrera combien Benjamin Netanyahou, tout en introduisant une modernisation technologique et géopolitique profonde de la doctrine israélienne, s’inscrit également dans une forme de continuité idéologique avec l’héritage de Shamir, tout en redéfinissant les instruments, la temporalité et l’ambition stratégique de la sécurité nationale.

PARTIE II : La doctrine de sécurité nationale selon Benyamin Netanyahou

L’étude de la doctrine sécuritaire de Benjamin Netanyahou s’inscrit dans la continuité directe, mais non linéaire, des fondements posés par Yitzhak Shamir. Lorsque Netanyahou émerge sur la scène politique israélienne au début des années 1990, il hérite d’un appareil sécuritaire façonné par une génération de dirigeants ayant connu les conflits fondateurs de l’État, mais il évolue désormais dans un environnement géopolitique profondément transformé. La fin de la guerre froide, l’émergence de nouveaux acteurs transnationaux, les mutations technologiques et la montée des menaces asymétriques — notamment le terrorisme global — imposent une reconfiguration majeure de la notion même de sécurité nationale.

Netanyahou se distingue par une capacité remarquable à réinterpréter la sécurité israélienne dans un cadre globalisé, à l’intersection entre intelligence stratégique, diplomatie économique et technologies de pointe. Contrairement à Shamir, dont la pensée repose sur la continuité territoriale et l’autosuffisance stratégique, Netanyahou mobilise un paradigme élargi où la puissance nationale dépend de sa projection dans les domaines cyber, économique, scientifique et diplomatique. Ainsi, la sécurité ne se limite plus à la défense du territoire ou à la gestion du conflit palestinien : elle devient un concept multidimensionnel, intégrant l’innovation, la coopération internationale et l’influence régionale.

Pour autant, cette modernisation s’accompagne de formes de continuité doctrinale : scepticisme envers les concessions territoriales, méfiance à l’égard de la souveraineté palestinienne, importance accordée au renseignement comme fondement de la décision stratégique, et centralité de l’alliance américaine. Mais Netanyahou y ajoute de nouveaux instruments — technologie, cybersécurité, alliances tactiques au Moyen-Orient, diplomatie économique — qui transforment la manière dont Israël appréhende son environnement sécuritaire.

La présente partie analysera cette doctrine selon un plan symétrique à celui consacré à Shamir, afin de mettre en lumière à la fois les ruptures majeures et les éléments de continuité. Il s’agira de comprendre comment Netanyahou, devenu la figure politique dominante de l’Israël contemporain, a fait de la sécurité non seulement un outil de politique étrangère, mais aussi une matrice structurante de la gouvernance interne, où la menace — réelle ou anticipée — sert de cadre conceptuel à ses orientations stratégiques.

À travers cette analyse, se dégagera une vision d’ensemble : celle d’un dirigeant qui, tout en prolongeant certaines lignes héritées du Likoud historique, a profondément remodelé la doctrine sécuritaire israélienne en intégrant les transformations du XXIᵉ siècle et en imposant une nouvelle centralité à la puissance technologique, aux alliances régionales et à la diplomatie globale.

Section 1 — Fondements idéologiques et contexte historique

L’analyse de la doctrine sécuritaire de Benjamin Netanyahou implique de situer son action dans un cadre idéologique et historique profondément renouvelé. Contrairement à Yitzhak Shamir, dont les repères stratégiques sont largement hérités des premières décennies de l’État, Netanyahou émerge dans une période marquée par les bouleversements géopolitiques de l’après-guerre froide, par l’ascension de nouveaux types de menaces et par la transformation technologique rapide des sociétés. Sa doctrine sécuritaire revêt ainsi une dimension à la fois idéologique — enracinée dans le révisionnisme du Likoud — et pragmatique, tournée vers l’adaptation aux risques émergents.

  1. Origines intellectuelles de Netanyahou

Benjamin Netanyahou appartient à une lignée intellectuelle singulière, fortement influencée par le sionisme révisionniste de Ze’ev Jabotinsky et par l’héritage paternel de Benzion Netanyahou, historien du nationalisme juif et défenseur d’une vision intransigeante de la souveraineté juive. Cette formation idéologique l’ancre dans une lecture pessimiste du système international, où la sécurité d’Israël repose avant tout sur sa capacité à maintenir une supériorité qualitative et à prévenir toute forme de vulnérabilité stratégique.

Netanyahou se distingue également par sa socialisation américaine : ses années d’études à MIT et Harvard, puis son expérience diplomatique à Washington, façonnent une pensée très influencée par le réalisme stratégique des élites américaines. Il s’imprègne de la littérature sur le terrorisme, la puissance militaire, la compétitivité économique et les transformations technologiques. Dès les années 1980, il publie des ouvrages sur la lutte contre le terrorisme global, où il développe l’idée que les groupes non étatiques deviendront l’un des principaux défis sécuritaires du XXIᵉ siècle[23].

Cette hybridation idéologique — entre révisionnisme national et pensée stratégique américaine — donne naissance à une doctrine où la puissance, la technologie et la maîtrise du risque global constituent des impératifs absolus.

  1. Influence du nouveau contexte stratégique (post-1990, Iran, acteurs non étatiques)

L’arrivée de Netanyahou sur la scène politique nationale au début des années 1990 coïncide avec une transformation profonde de l’environnement international. La fin de la bipolarité soviéto-américaine ouvre un espace stratégique nouveau, marqué par la fragmentation des menaces et la montée d’acteurs transnationaux — groupes terroristes, milices hybrides, réseaux globalisés.

Trois facteurs structurent particulièrement sa pensée sécuritaire :

  1. Le vide stratégique laissé par la fin de la guerre froide

La disparition du soutien soviétique aux régimes arabes traditionnels affaiblit les menaces conventionnelles mais crée des incertitudes nouvelles. Pour Netanyahou, ce moment charnière ne représente pas une opportunité diplomatique, mais un environnement instable exigeant une vigilance renforcée.

  1. La montée en puissance de l’Iran comme menace stratégique centrale

La révolution islamique de 1979 avait déjà placé l’Iran en position d’adversaire idéologique. Mais les années 1990 et 2000 font de Téhéran la principale menace existentielle, en raison :

  • De son programme nucléaire,
  • De son soutien aux milices armées (Hezbollah, Hamas),
  • De son discours éliminationniste à l’égard d’Israël[24].

Pour Netanyahou, la menace iranienne justifie une doctrine de confrontation diplomatique permanente et la mobilisation de ressources technologiques massives.

  1. L’émergence d’acteurs non étatiques armés

Netanyahou anticipe très tôt le rôle croissant des organisations transnationales — Hezbollah, Hamas, réseaux djihadistes — dont les capacités militaires, logistiques et informationnelles se renforcent. Il considère que ces acteurs hybrides constituent un défi inédit, car ils combinent asymétrie militaire, flexibilité opérationnelle et légitimité sociale[25].

Ainsi se dessine un environnement où la sécurité nationale ne peut plus reposer uniquement sur la force conventionnelle. Pour Netanyahou, la priorité devient d’adapter l’État à un monde fluide, fragmenté et technologiquement accéléré.

  1. Vision techno-stratégique de l’État

Netanyahou est le premier dirigeant israélien à concevoir explicitement la sécurité nationale comme un système technologique intégré, où l’innovation, la cyberdéfense, l’intelligence artificielle et la diplomatie économique jouent un rôle aussi central que l’armée régulière.

  1. La puissance technologique comme fondement de la sécurité

Netanyahou considère que la survie d’Israël dépend de sa capacité à maintenir une avance technologique permanente. Cela concerne :

  • Les systèmes antimissiles (Arrow, Iron Dome),
  • Les outils de cyberdéfense,
  • Les technologies de surveillance,
  • L’innovation militaire et dual-use.

Il promeut une doctrine où la supériorité technologique compense la petite taille du territoire et le déséquilibre démographique régional.

  1. La fusion entre économie, haute technologie et sécurité nationale

Son approche repose sur un principe structurant : la sécurité n’est pas seulement militaire, elle est économique, scientifique et diplomatique. Il fait de l’essor de la high-tech israélienne — Start-Up Nation — un pilier de la défense nationale, en considérant que les flux de capitaux, l’innovation et les partenariats technologiques internationaux renforcent directement la puissance stratégique.

  1. La diplomatie sécuritaire comme instrument de projection

Contrairement à Shamir, replié sur une lecture territoriale et défensive, Netanyahou utilise la technologie et l’expertise sécuritaire comme outils diplomatiques. L’exemple le plus clair est sa capacité à nouer des alliances inédites (Émirats, Bahreïn, Maroc) en échange d’une coopération technologique et sécuritaire.

  1. L’État comme acteur cybernétique

Sous son impulsion, Israël devient l’une des grandes puissances cybermondiales. Netanyahou place la cyberdéfense au cœur de la doctrine : pour lui, la sécurité du XXIᵉ siècle se joue autant dans les réseaux numériques que sur les frontières physiques[26].

Section 2 — Les principes doctrinaux centraux

La doctrine sécuritaire de Benjamin Netanyahou repose sur un ensemble de principes directeurs qui façonnent son approche du conflit israélo-arabe et de la gouvernance stratégique de l’État. Ces principes s’inscrivent dans une logique de continuité avec l’héritage du Likoud, mais s’accompagnent également d’une modernisation profonde liée à la transformation des menaces, au rôle croissant de la technologie et à l’évolution du système international. Trois axes dominants caractérisent cette doctrine : l’idée que la paix ne peut être obtenue que par la puissance, la construction d’une supériorité militaro-technologique durable et la gestion pragmatique du conflit plutôt que sa résolution politique.

  1. « Paix par la puissance » (Peace through Strength)

Le premier pilier de la pensée de Netanyahou s’articule autour du dogme de la « paix par la puissance », un principe hérité du réalisme politique américain et du sionisme révisionniste. Selon cette conception, les adversaires d’Israël ne renonceront jamais spontanément à leurs ambitions territoriales ou idéologiques : seules la force, la dissuasion et la démonstration permanente de supériorité peuvent les convaincre d’accepter un statu quo stable[27].

Contrairement aux dirigeants qui ont parié sur la diplomatie — notamment au moment des Accords d’Oslo — Netanyahou estime que la paix fondée sur des compromis territoriaux fragilise Israël et ouvre la voie à de nouvelles menaces. La paix durable ne peut donc résulter que :

  • D’une pression stratégique constante sur les acteurs hostiles ;
  • D’une capacité de riposte rapide et décisive ;
  • D’une absence totale d’ambiguïté quant à la volonté israélienne d’employer la force ;
  • D’une démonstration visible de la supériorité militaire et technologique.

Cette vision transforme la sécurité en un instrument de diplomatie : Israël ne négocie pas d’une position d’égalité, mais d’une position de domination militaire, conçue comme essentielle pour stabiliser son environnement.

  1. Supériorité militaire-technologique

Le deuxième axe doctrinal de Netanyahou repose sur la conviction que la sécurité nationale dépend de la capacité d’Israël à maintenir une avance qualitative écrasante sur ses adversaires. Cette supériorité n’est pas uniquement militaire : elle est technologique, économique et scientifique[28].

  1. Une approche globale de la supériorité stratégique

Netanyahou reconçoit la sécurité israélienne autour d’une triangulation :

  • Puissance militaire conventionnelle,
  • Cybersécurité et renseignement avancé,
  • Innovation technologique (IA, drones, systèmes antimissiles).

Cette transformation place Israël parmi les principales puissances technologiques mondiales, renforçant sa capacité de dissuasion et de projection.

  1. L’institutionnalisation de la « Start-Up Nation » comme outil stratégique

Sous son impulsion, le secteur high-tech devient une extension de l’appareil de défense. La coopération entre les entreprises de cybersécurité, les unités d’élite (Unit 8200) et l’industrie militaire crée un écosystème hybride, où les innovations civiles alimentent directement la supériorité militaire[29].

  1. L’obsession nucléaire iranienne

Netanyahou inscrit la lutte contre le programme nucléaire iranien au cœur de sa doctrine. Il considère que la possession d’une capacité atomique par l’Iran constituerait la fin de la supériorité militaire israélienne. D’où ses efforts pour internationaliser la menace iranienne et mobiliser les États-Unis contre Téhéran[30].

  1. L’importance stratégique de la défense antimissile

Sous sa direction, Israël renforce considérablement ses capacités de défense antimissile : Iron Dome, Arrow, David’s Sling. Ces systèmes permettent de neutraliser les menaces balistiques et roquettes, réduisant la vulnérabilité territoriale.

  1. Gestion du conflit plutôt que sa résolution

Le troisième principe doctrinal de Netanyahou relève d’une philosophie politique structurante: le conflit israélo-palestinien n’est pas résoluble dans un horizon prévisible. En conséquence, l’objectif de la politique israélienne ne doit pas être sa résolution définitive, mais sa gestion durable, avec un coût stratégique minimal pour Israël.

  1. Le refus d’investir dans les solutions politiques globales

Netanyahou rejette les solutions de type « grande négociation » (Oslo, Camp David, initiative arabe). Pour lui, de telles démarches sont vouées à l’échec car elles surestiment la volonté des acteurs palestiniens de parvenir à la paix. Il préfère des ajustements tactiques, limités et unilatéraux, qui ne remettent pas en cause les intérêts vitaux d’Israël[31].

  1. La stabilisation par la fragmentation territoriale

Netanyahou organise la Cisjordanie autour :

  • De zones d’autonomie palestinienne fragmentées ;
  • De blocs de colonies consolidés ;
  • De corridors sécuritaires israéliens ;
  • D’une présence militaire flexible.

Cette stratégie vise à empêcher l’émergence d’une continuité territoriale palestinienne, jugée dangereuse pour la sécurité israélienne.

  1. Le recours à une diplomatie régionale pour contourner la question palestinienne

Contrairement aux doctrinaires classiques, Netanyahou développe une politique d’ouverture vers certains États arabes (Émirats, Bahreïn, Maroc). Cette stratégie d’alliances périphériques repose sur l’idée que la normalisation régionale peut réduire le poids diplomatique du dossier palestinien, affaiblissant ainsi les revendications adverses.

  1. Une approche sécuritaire de la gouvernance palestinienne

La gestion du Hamas à Gaza illustre cette philosophie :

  • Maintenir le mouvement dans un équilibre de dissuasion ;
  • Éviter l’effondrement total, qui impliquerait une responsabilité israélienne directe ;
  • Répondre militairement sans chercher un changement de régime.

L’objectif n’est pas d’atteindre une solution durable mais de préserver une stabilité relative dans un environnement instable.

Section 3 — Les instruments de sécurité privilégiés

La doctrine sécuritaire de Benjamin Netanyahou ne se limite pas à des principes idéologiques ou à des orientations générales : elle s’incarne dans une panoplie d’instruments matériels, technologiques et opérationnels qui redéfinissent profondément la posture stratégique israélienne. Trois domaines structurent particulièrement cette approche : la défense antimissile, devenue pilier de la dissuasion ; la cyberdéfense et l’intelligence artificielle, symboles de la révolution techno-stratégique israélienne ; et la doctrine de frappe préventive, élément clé de la projection de puissance et de l’action extérieure.

  1. Défense antimissiles : Iron Dome, Arrow et la dissuasion multi-couches

L’un des instruments les plus emblématiques de l’ère Netanyahou est la mise en place d’un système de défense antimissiles en couches, reposant sur la complémentarité entre Iron Dome, David’s Sling et Arrow. Sous sa direction, Israël développe une architecture de protection unique qui transforme la vulnérabilité territoriale en avantage stratégique.

  1. Iron Dome : neutraliser la menace du court rayon

Déployé à partir de 2011, Iron Dome devient un outil central de gestion des tirs de roquettes effectués par le Hamas ou des groupes armés de Gaza. Il permet de :

  • Réduire considérablement les pertes civiles ;
  • Stabiliser la vie économique et sociale en période de conflit ;
  • Offrir une liberté d’action opérationnelle accrue à Tsahal[32].

Iron Dome ne se limite pas à la défense : il agit comme un multiplicateur de puissance politique, car il permet au gouvernement de calibrer sa riposte sans subir la pression immédiate de l’opinion publique.

  1. Arrow et la défense anti-balistique

Le système Arrow, dédié aux missiles balistiques longue portée, constitue un outil central contre la menace iranienne et contre les vecteurs utilisés par des États comme la Syrie. Son rôle dépasse la défense : il est un élément essentiel de la dissuasion stratégique, permettant d’atténuer la pression exercée par les programmes balistiques régionaux[33].

  1. La doctrine en couches : un nouvel équilibre stratégique

La combinaison Iron Dome – David’s Sling – Arrow crée un modèle inédit dans la région, qui:

  • Protège le territoire ;
  • Réduit l’efficacité stratégique des adversaires ;
  • Renforce le sentiment de supériorité technologique israélienne ;
  • Permet à Israël de conserver une marge d’initiative militaire.

Cette architecture antimissile constitue l’un des legs les plus durables de la gouvernance Netanyahou.

  1. Cyberdéfense, intelligence artificielle et renseignement avancé

Netanyahou est le premier dirigeant israélien à faire du cyberespace, de l’IA et du renseignement algorithmique des piliers de la sécurité nationale. Il conçoit ces technologies comme un domaine de bataille autonome, indispensable pour contrer des menaces asymétriques.

  1. Israël comme cyber-puissance mondiale

Grâce à l’investissement massif dans les unités de renseignement (notamment l’unité 8200), Israël devient l’une des premières cyberpuissances mondiales. La doctrine repose sur :

  • La surveillance algorithmique ;
  • La prévention des cyberattaques ;
  • La capacité offensive dans le cyberespace[34].

Netanyahou établit un lien direct entre prospérité technologique et sécurité nationale, plaçant le domaine cyber au même niveau que l’aviation ou les forces terrestres.

  1. L’IA comme outil de domination stratégique

Sous sa gouvernance, l’intelligence artificielle est intégrée dans :

  • Le ciblage militaire (systèmes de recommandation algorithmique) ;
  • La gestion du renseignement massif ;
  • La modélisation des menaces asymétriques.

L’IA permet à Israël de compenser son manque de profondeur stratégique par une profondeur informationnelle, donnant l’initiative dans les opérations complexes.

  1. Renseignement avancé : fusion des données et capacité prévisionnelle

La capacité du renseignement israélien à anticiper, déceler et neutraliser les menaces repose sur:

  • La fusion massive des données civiles et militaires ;
  • L’interopérabilité entre Mossad, Shabak et Tsahal ;
  • L’usage opérationnel des données provenant de drones, satellites et réseaux numériques[35].

Cette architecture informationnelle constitue la colonne vertébrale de la doctrine dissuasive de Netanyahou.

  1. Frappe préventive et doctrine d’action extérieure

La dernière composante majeure de la doctrine sécuritaire de Netanyahou est son attachement à la frappe préventive, considérée comme indispensable pour empêcher l’émergence de menaces stratégiques existentielles.

  1. Le principe de la préemption élargie

Pour Netanyahou, la stratégie israélienne ne peut être strictement défensive. Il considère que l’inaction face à une menace émergente — notamment iranienne — serait catastrophique. D’où l’importance d’une doctrine de préemption élargie, qui permet d’attaquer un adversaire avant qu’il ne possède la capacité de porter atteinte à Israël.

  1. La doctrine « entre les guerres » (MABAM)

L’un des apports de Netanyahou est la structuration du concept de MABAM (la « guerre entre les guerres »), qui consiste à :

  • Mener des frappes régulières et discrètes en Syrie, au Liban ou ailleurs ;
  • Empêcher le transfert d’armes sophistiquées au Hezbollah ;
  • Affaiblir la présence iranienne régionale sans déclencher une guerre totale.

Ces campagnes — frappes aériennes ciblées, opérations clandestines, cyberattaques — permettent de contenir les adversaires à un coût réduit.

  1. Le modèle iranien comme justification permanente de l’action extérieure

Netanyahou utilise la menace iranienne comme cadre doctrinal pour justifier :

  • Les frappes préventives ;
  • Les alliances régionales (Accords d’Abraham) ;
  • La coopération renforcée avec les États-Unis.

Il est convaincu que la projection de puissance israélienne doit être constante pour empêcher l’Iran de consolider une architecture militaire régionale.

  1. La diplomatie sécuritaire comme prolongement de la force

Les opérations extérieures ne sont pas uniquement militaires : elles s’inscrivent dans un ensemble d’outils politiques (sanctions, alliances, pressions diplomatiques) visant à contenir les adversaires tout en renforçant la stature internationale d’Israël.

Section 4 — Politique étrangère et alliances

La politique étrangère de Benjamin Netanyahou constitue l’un des piliers les plus innovants et les plus structurants de sa doctrine sécuritaire. À la différence de Yitzhak Shamir, dont l’approche diplomatique était principalement défensive et centrée sur la relation avec les États-Unis, Netanyahou adopte une stratégie extérieure multi-niveaux, intégrant des alliances régionales inédites, un repositionnement d’Israël dans les réseaux économiques et technologiques mondiaux, ainsi qu’une diplomatie sécuritaire articulée autour de la menace iranienne. Trois éléments marquent particulièrement son empreinte : une diversification géopolitique assumée, les Accords d’Abraham qui constituent une rupture historique, et la construction d’un front régional contre l’Iran.

  1. Approche multi-niveaux : États-Unis, Golfe, Afrique, Asie

Benjamin Netanyahou redéfinit la diplomatie israélienne en l’inscrivant dans une matrice géopolitique à plusieurs échelles, rompant avec le paradigme exclusif américano-centré qui dominait jusque-là.

  1. La relation privilégiée avec les États-Unis : continuité et intensification

Netanyahou maintient le lien stratégique vital avec Washington, mais il lui donne une dimension plus idéologique et plus personnelle. L’ère Trump voit une convergence exceptionnelle entre les deux gouvernements :

  • Reconnaissance de Jérusalem comme capitale ;
  • Reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le Golan ;
  • Alignement contre l’Iran (retrait américain de l’accord nucléaire)[36].

Cette relation devient non seulement un instrument sécuritaire, mais un levier diplomatique utilisé pour isoler l’Iran.

  1. Le Golfe : la normalisation avec les monarchies sunnites

Netanyahou déploie une stratégie d’ouverture envers les monarchies du Golfe, en particulier les Émirats arabes unis, Bahreïn, Oman et l’Arabie saoudite. Cette orientation s’appuie sur :

  • La convergence anti-irakienne ;
  • La coopération technologique (cyber, économie, surveillance) ;
  • La diplomatie économique à haute valeur ajoutée[37].

Cette approche prépare le terrain aux Accords d’Abraham.

  1. L’Afrique : retour stratégique et influence sécuritaire

Netanyahou réinvestit le continent africain, longtemps négligé par la diplomatie israélienne. Il y voit :

  • Un espace de coopération sécuritaire ;
  • Un levier pour contrer l’influence iranienne ;
  • Un moyen d’obtenir des soutiens dans les enceintes internationales (ONU, UA).

Des partenariats significatifs sont établis avec l’Éthiopie, le Rwanda, le Kenya ou encore le Tchad.

  1. L’Asie : diversification des alliances économiques et technologiques

L’une des grandes nouveautés de sa diplomatie est la projection vers l’Asie :

  • Intensification des relations avec l’Inde ;
  • Rapprochement stratégique avec le Japon ;
  • Coopération technologique avec Singapour, la Corée du Sud et la Chine[38].

Cette diversification renforce la résilience de la puissance israélienne face aux fluctuations américaines.

  1. Les Accords d’Abraham : une rupture stratégique majeure

La signature des Accords d’Abraham en 2020 constitue l’un des tournants diplomatiques les plus importants du Moyen-Orient depuis les traités de paix avec l’Égypte (1979) et la Jordanie (1994). Netanyahou transforme la doctrine israélienne en démontrant que la normalisation avec les États arabes est possible sans résolution préalable de la question palestinienne.

  1. Une rupture doctrinale

Contrairement à la logique d’Oslo, selon laquelle la paix régionale devait découler d’un accord israélo-palestinien, Netanyahou impose une approche inverse :

  • La normalisation régionale précède la résolution du conflit palestinien[39].
  1. Une alliance fondée sur la technologie et la sécurité

Les Accords d’Abraham sont bâtis sur trois piliers :

  • La coopération sécuritaire (menace iranienne) ;
  • L’intégration économique (investissements croisés, infrastructures) ;
  • La technologie (cyberdéfense, intelligence artificielle, armements avancés).

Cette alliance place Israël au centre d’un nouveau réseau stratégique régional.

  1. Une redéfinition de la position d’Israël dans la région

Pour la première fois, Israël établit des relations diplomatiques officielles avec des États sunnites modérés, affaiblissant l’idéologie panarabe traditionnelle et isolant davantage la question palestinienne.

Les Accords d’Abraham modifient durablement :

  • L’équilibre stratégique régional ;
  • Le rapport de force diplomatique face aux Palestiniens ;
  • L’accès d’Israël à de nouveaux marchés économiques et technologiques.
  1. Construction d’un front régional anti-Iran

La menace iranienne constitue l’axe structurant de la politique étrangère de Netanyahou. Sa diplomatie vise à créer un front régional élargi, associant Israël, les États-Unis et plusieurs États arabes.

  1. L’Iran comme menace existentielle

Netanyahou analyse l’Iran sous trois dimensions :

  • Menace nucléaire ;
  • Soutien aux organisations armées (Hezbollah, Hamas) ;
  • Construction d’un « croissant chiite » stratégique[40].

Il fait de la lutte contre l’Iran la priorité absolue de sa politique étrangère.

  1. La coalition informelle avec les monarchies du Golfe

Avant même les Accords d’Abraham, Israël coopère secrètement avec les Émirats, l’Arabie saoudite et Bahreïn pour :

  • Surveiller les activités iraniennes ;
  • Échanger des renseignements ;
  • Coordonner la pression diplomatique sur Téhéran.
  1. L’intégration régionale comme outil de dissuasion

Les alliances régionales servent à :

  • Isoler l’Iran diplomatiquement ;
  • Réduire son influence au Levant ;
  • Limiter son accès aux technologies avancées ;
  • Préparer une possible action militaire coordonnée[41].
  1. La diplomatie américaine comme pilier de la coalition

Netanyahou travaille étroitement avec les administrations américaines favorables à une ligne dure contre l’Iran. Son action diplomatique contribue directement au retrait américain du JCPOA (2018), moment décisif dans la recomposition stratégique du Moyen-Orient.

Section 5 — Gestion du dossier palestinien

La question palestinienne occupe une place centrale dans la doctrine sécuritaire de Benjamin Netanyahou, mais cette centralité ne conduit pas à une stratégie orientée vers la résolution du conflit. Au contraire, sa politique se caractérise par un ensemble de choix qui privilégient la stabilité du statu quo, une approche tactique plutôt que stratégique, et la gestion différenciée des territoires palestiniens, en particulier Gaza et la Cisjordanie. Trois dynamiques structurantes émergent de son action : le refus stratégique d’un État palestinien, la fragmentation géopolitique du système territorial palestinien et la gestion pragmatique du Hamas.

  1. Refus stratégique de l’État palestinien (avec une approche tactique flexible)

Benjamin Netanyahou ne rejette pas explicitement, sur le plan discursif international, l’idée d’un État palestinien — notamment depuis son discours de Bar-Ilan en 2009 — mais ce positionnement relève d’une tactique diplomatique plus que d’une adhésion doctrinale réelle. En pratique, il demeure l’un des dirigeants les plus opposés à l’émergence d’un État palestinien pleinement souverain.

  1. Une opposition doctrinale fondée sur la sécurité

Netanyahou considère que la création d’un État palestinien :

  • Accroîtrait la vulnérabilité territoriale d’Israël ;
  • Offrirait une profondeur stratégique aux organisations hostiles ;
  • Créerait un précédent dangereux dans les négociations[42].

Son refus n’est donc pas idéologique au sens identitaire de Shamir, mais profondément sécuritaire et stratégique.

  1. Une flexibilité tactique selon les contextes diplomatiques

Lorsque les pressions internationales s’intensifient, Netanyahou adopte un discours ouvert à un « État démilitarisé », mais ce discours est systématiquement encadré par des conditions impossibles à satisfaire : contrôle des frontières, absence d’armée, maîtrise de l’espace aérien, maintien des grands blocs de colonies. Son « ouverture » n’a donc pas de traduction matérielle.

  1. Une stratégie de réduction du coût diplomatique

En tolérant ponctuellement la rhétorique des deux États, Netanyahou parvient à :

  • Réduire les critiques internationales ;
  • Maintenir les alliances occidentales ;
  • Délégitimer les initiatives diplomatiques palestiniennes[43].

Son refus d’un État palestinien s’inscrit ainsi dans une stratégie plus globale de gestion du conflit plutôt que de sa résolution.

  1. Fragmentation géopolitique du système palestinien (Gaza / Cisjordanie)

L’un des traits les plus marquants de la gestion du dossier palestinien par Netanyahou est sa stratégie de fragmentation géopolitique, qui oppose Gaza à la Cisjordanie et affaiblit la capacité palestinienne à formuler une position unifiée.

  1. La séparation Gaza / Cisjordanie comme outil stratégique

Depuis la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en 2007, Netanyahou adopte une politique qui consiste à institutionnaliser la division interne palestinienne[44]. Cette fragmentation permet de :

  • Délégitimer l’Autorité palestinienne ;
  • Empêcher l’émergence d’un leadership palestinien unique ;
  • Rendre impossible toute négociation globale.
  1. Les blocs de colonies : un outil de reconfiguration de la Cisjordanie

En Cisjordanie, la politique d’expansion des colonies — notamment dans les blocs stratégiques d’Ariel, Gush Etzion et Ma’ale Adumim — crée une continuité territoriale israélienne et une discontinuité palestinienne. Cette architecture limite les possibilités d’un État palestinien viable.

  1. La gestion économique différenciée

Netanyahou adopte une stratégie de gestion économique duale :

  • Gaza : confinement économique, restrictions, dépendance aux aides extérieures ;
  • Cisjordanie : coordination sécuritaire, ouverture économique conditionnelle.
  • Cette asymétrie réduit la capacité collective palestinienne de négociation.
  1. Gestion du Hamas et maintien du statu quo

La conception de Netanyahou vis-à-vis du Hamas ne vise ni à sa destruction totale ni à une reconquête de Gaza, mais à un équilibre de dissuasion garantissant la stabilité relative du front sud.

  1. Le Hamas comme acteur gérable

Netanyahou considère que le Hamas peut être contenu, surveillé et contrôlé, à condition :

  • De maintenir un rapport de forces favorable ;
  • D’assurer des mécanismes humanitaires minimaux ;
  • D’empêcher la consolidation d’une capacité militaire stratégique[45].

Il privilégie une approche de « gestion de crise permanente ».

  1. Le statu quo comme stratégie

La continuité de la gouvernance du Hamas à Gaza permet :

  • D’éviter la responsabilité directe d’Israël sur la bande de Gaza ;
  • D’affaiblir l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ;
  • De fragmenter l’espace politique palestinien.

Cette stratégie permet à Netanyahou de justifier la nécessité d’un statu quo prolongé en arguant qu’aucun partenaire palestinien fiable n’existe pour négocier.

  1. Des opérations militaires calibrées

Les opérations telles que Pilier de Défense (2012), Bordure Protectrice (2014) ou les campagnes ponctuelles contre des infrastructures du Hamas illustrent une doctrine d’intervention limitée :

  • Riposte forte mais contenue ;
  • Absence de conquête territoriale durable ;
  • Maintien du Hamas comme autorité locale affaiblie.

Cette approche vise à préserver une stabilité relative sans engager Israël dans un conflit d’occupation prolongée.

Section 6 — Évaluation critique

La doctrine sécuritaire de Benjamin Netanyahou, souvent présentée comme l’une des plus structurées et des plus durables de l’histoire contemporaine d’Israël, fait l’objet d’appréciations contrastées. Son architecture — combinaison de puissance technologique, dissuasion élargie, alliances régionales et gestion pragmatique du conflit — constitue indéniablement une évolution majeure par rapport aux modèles plus classiques incarnés par Yitzhak Shamir. Cependant, cette doctrine révèle également des fragilités profondes, mises en lumière par les crises récentes, qui interrogent la solidité de ses fondements et l’efficacité de ses instruments. Deux axes d’évaluation s’imposent : l’analyse des forces et des limites structurelles de la doctrine, et l’impact des crises contemporaines, notamment l’ascension de l’Iran, les confrontations à Gaza et le choc du 7 octobre 2023.

  1. Forces et limites de la doctrine de Netanyahou
  2. Les forces : modernisation, innovation stratégique et projection globale

La principale force de Netanyahou réside dans sa capacité à moderniser la doctrine sécuritaire israélienne. Sous son leadership, Israël passe d’une sécurité centrée sur le territoire à une sécurité globale, intégrant :

  • La cybersécurité et le renseignement algorithmique ;
  • La défense antimissile multi-couches ;
  • La diplomatie technologique (Start-Up Nation) ;
  • L’utilisation de la technologie comme levier diplomatique³.

Cette transformation offre à Israël un avantage comparatif majeur dans une région en mutation. La vision techno-stratégique de Netanyahou a contribué à consolider une supériorité opérationnelle sans précédent, particulièrement dans le renseignement et la guerre de précision.

De plus, la politique d’alliances diversifiées (États-Unis, Golfe, Afrique, Asie) constitue une autre force majeure. Les Accords d’Abraham témoignent de la capacité de Netanyahou à remodeler l’environnement régional et à inscrire Israël dans un réseau de coopérations inédites.

  1. Les limites : excès de confiance, fragilisation interne et stratégie du statu quo

Cependant, la doctrine présente des limites profondes.

Première limite : la dépendance à la technologie.

La croyance dans la supériorité technologique crée parfois un excès de confiance dans les systèmes de défense — Iron Dome, renseignement algorithmique — au détriment d’une vigilance territoriale classique. Le 7 octobre 2023 souligne que la technologie ne peut compenser toutes les failles humaines ou conceptuelles[46].

Deuxième limite : la gestion du conflit plutôt que sa résolution.

La stratégie du statu quo — fragmentation géopolitique, absence de solution politique — stabilise le court terme mais accumule les tensions de long terme. Elle génère des cycles de violence récurrents (2008, 2012, 2014, 2021), sans créer de perspectives d’apaisement durable.

Troisième limite : polarisation interne et fragilisation du consensus national.

La doctrine de Netanyahou, fondée sur la domination sécuritaire, s’accompagne d’une polarisation politique interne croissante, réduisant la résilience de la société israélienne face aux crises[47]. Cette dimension sociopolitique constitue un point aveugle de sa stratégie.

  1. Impact des crises récentes (Iran, Gaza, 7 octobre)

La doctrine de Netanyahou est profondément influencée — et désormais évaluée — à l’aune des crises contemporaines. Ces crises mettent en lumière la pertinence, mais aussi les limites, de sa vision sécuritaire.

  1. La montée en puissance de l’Iran : validation et vulnérabilité

La perception de l’Iran comme menace existentielle constitue l’un des fondements de la doctrine. Les avancées du programme nucléaire iranien valident en partie son avertissement répété :

  • Montée du programme d’enrichissement ;
  • Expansion régionale (Syrie, Irak, Yémen) ;
  • Renforcement du Hezbollah[48].

Cependant, la stratégie d’opposition frontale met Israël dans une confrontation permanente, avec un coût diplomatique et militaire élevé. La doctrine de préemption (« MABAM ») réussit partiellement à freiner l’expansion iranienne, mais ne parvient pas à la contenir entièrement.

  1. Le front de Gaza : réussite tactique, échec stratégique

Netanyahou privilégie une gestion tactique du Hamas :

  • Contenir mais ne pas renverser ;
  • Calibrer les opérations ;
  • Maintenir le mouvement affaibli mais fonctionnel.

Cette stratégie permet une stabilité relative, mais ne répond pas aux dynamiques profondes du conflit. Gaza reste un foyer de tensions récurrentes, et les cycles militaires illustrent l’absence d’une stratégie politique globale.

  1. Le 7 octobre 2023 : le point de rupture

L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 représente la plus grave remise en cause de la doctrine sécuritaire de Netanyahou depuis son émergence. Cette crise souligne plusieurs failles structurelles :

  • Excès de confiance dans le renseignement algorithmique ;
  • Sous-estimation des capacités du Hamas ;
  • Dépendance excessive aux systèmes technologiques ;
  • Fragilisation du tissu sécuritaire par les crises politiques internes[49].

Le 7 octobre constitue ainsi une crise paradigmatique : elle démontre que la gestion du conflit ne peut remplacer une stratégie de prévention globale. Elle expose les limites de la fragmentation géopolitique et remet en cause l’idée que le Hamas peut être contenu indéfiniment.

  1. Recomposition doctrinale post-crise

Les crises récentes obligent à une réflexion profonde sur :

  • Le besoin de rééquilibrer technologie et renseignement humain ;
  • La nécessité d’une vision politique pour Gaza ;
  • La place de la sécurité humaine dans la doctrine ;
  • La capacité d’Israël à maintenir la dissuasion régionale.

La doctrine de Netanyahou, jusqu’ici dominante, entre ainsi dans une phase d’interrogation majeure.

L’analyse de la doctrine sécuritaire de Benjamin Netanyahou met en lumière une transformation profonde des fondements stratégiques de l’État d’Israël à l’ère contemporaine. Héritier politique du Likoud historique mais acteur d’un système international profondément recomposé, Netanyahou parvient à articuler une vision sécuritaire hybride, combinant continuité idéologique et innovation stratégique. Son apport majeur réside dans la capacité à projeter la sécurité israélienne dans un cadre globalisé, où la puissance militaire traditionnelle se conjugue avec l’innovation technologique, la diplomatie économique et la construction d’alliances régionales inédites.

Son principe directeur — « la paix par la puissance » — constitue le socle d’une doctrine qui privilégie la dissuasion, la supériorité militaro-technologique et la flexibilité tactique face aux menaces émergentes. Sous son leadership, Israël devient une cyberpuissance, développe une architecture antimissile multi-couches, renforce son renseignement algorithmique et met en œuvre une stratégie opérationnelle de frappes préventives, articulée autour de la doctrine « MABAM ». Ces instruments redéfinissent les capacités de projection d’Israël et renforcent sa résilience face aux menaces asymétriques régionales.

La dimension diplomatique représente un autre pilier essentiel. À travers une stratégie multi-niveau — États-Unis, Golfe, Afrique, Asie — Netanyahou élargit les marges de manœuvre d’Israël et rompt avec l’isolement régional traditionnel. Les Accords d’Abraham, en particulier, constituent une rupture doctrinale majeure : ils démontrent que la normalisation régionale est possible indépendamment de la question palestinienne, inversant l’ordre des priorités qui avait dominé la diplomatie moyen-orientale pendant des décennies. Parallèlement, la construction d’un front régional anti-Iran positionne Israël comme un acteur pivot dans l’architecture stratégique du Moyen-Orient.

Toutefois, cette modernisation doctrinale révèle également des limites profondes. La dépendance croissante à l’égard de la technologie crée une vulnérabilité paradoxale, accentuée par l’excès de confiance dans l’infaillibilité du renseignement algorithmique et des systèmes de défense. La stratégie de gestion du conflit — fragmentant le système palestinien entre Gaza et la Cisjordanie — stabilise le court terme mais échoue à prévenir l’émergence de crises systémiques. Le choc du 7 octobre 2023 met en évidence les fragilités structurelles de cette approche, en montrant que la supériorité technologique ne peut compenser les défaillances humaines, politiques ou conceptuelles. Les attaques du Hamas révèlent ainsi les limites d’une doctrine centrée sur la dissuasion et la gestion tactique au détriment d’une vision politique globale.

En définitive, la doctrine sécuritaire de Netanyahou se caractérise par sa puissance d’innovation, sa capacité à moderniser l’appareil stratégique israélien et son aptitude à repositionner Israël comme un acteur incontournable du système international. Mais elle demeure profondément ambivalente : elle produit une sécurité robuste mais instable, une supériorité technologique durable mais fragile face aux erreurs de perception, et une diplomatie ambitieuse mais déconnectée des dynamiques profondes du conflit israélo-palestinien. La deuxième partie de cet article montre ainsi que la doctrine de Netanyahou constitue à la fois l’un des modèles les plus sophistiqués de la sécurité israélienne contemporaine et l’un des plus contestés, dont les effets futurs demeurent largement ouverts et dépendants de l’évolution des crises régionales et internes.

Conclusion générale

L’étude comparative entre la doctrine sécuritaire d’Isaac Shamir et celle de Benjamin Netanyahou permet de mettre en évidence les continuités profondes qui structurent la pensée stratégique israélienne, tout en révélant des ruptures marquantes liées à l’évolution du système international et à la transformation même de l’État hébreu. La continuité apparaît d’abord dans le socle idéologique commun : une méfiance constante envers l’environnement régional, un refus durable de la souveraineté palestinienne perçue comme une menace stratégique, et la conviction que la sécurité d’Israël dépend principalement de ses propres capacités militaires et de l’étendue de son contrôle territorial. Toutefois, si Shamir incarne une doctrine fondée sur la territorialité, la profondeur stratégique et la défense conventionnelle, Netanyahou opère une transition vers une vision plus flexible, technologique et globale de la puissance israélienne.

Cette transition d’une doctrine territoriale-idéologique à une doctrine techno-sécuritaire constitue l’un des constats majeurs de l’analyse. Chez Shamir, l’intégrité territoriale, la colonisation, la présence militaire et le contrôle physique des zones contestées formaient l’architecture centrale de la sécurité nationale. À l’inverse, Netanyahou déplace progressivement le centre de gravité de la sécurité vers la supériorité technologique (cyberdéfense, renseignement algorithmique, drones, architecture antimissiles) et vers la capacité à agir préventivement dans un environnement marqué par l’Iran, les groupes armés non étatiques et les guerres hybrides. Le passage de la défense par le territoire à la défense par l’innovation traduit ainsi une transformation structurelle des paradigmes sécuritaires israéliens.

Ces évolutions doctrinales ont des implications directes sur la sécurité israélienne contemporaine. L’approche de Shamir reposait sur la gestion d’un environnement étatique hostile mais prévisible, structuré par la guerre froide et les armées arabes classiques. Celle de Netanyahou fait face à un environnement plus fragmenté, plus diffus, où la menace est souvent asymétrique, transnationale et technologiquement sophistiquée. Si la doctrine contemporaine accroît la précision et la capacité d’anticipation d’Israël, elle génère également de nouvelles vulnérabilités, notamment celles révélées par les attaques du 7 octobre 2023. Cet événement souligne les limites d’une sécurité centrée sur la technologie au détriment d’une compréhension politique approfondie des dynamiques palestiniennes et régionales.

Enfin, plusieurs perspectives de recherche émergent de cette comparaison. D’une part, un examen approfondi des doctrines israéliennes post-Netanyahou permettrait de mesurer la durabilité de cette transformation techno-sécuritaire. D’autre part, l’intégration croissante de l’intelligence artificielle et des systèmes autonomes dans la décision militaire soulève des enjeux éthiques et stratégiques encore peu étudiés. De même, l’impact de la fragmentation interne de la société israélienne sur la cohérence doctrinale constitue un champ d’analyse prometteur. Enfin, l’évolution des alliances régionales — notamment dans le cadre des Accords d’Abraham — appelle une étude longitudinale pour déterminer si elles représentent une rupture durable ou une parenthèse conjoncturelle.

En somme, la comparaison entre Shamir et Netanyahou révèle que la sécurité israélienne n’a cessé d’osciller entre continuité idéologique et adaptation stratégique. La transition vers une doctrine centrée sur la puissance technologique ouvre des horizons nouveaux, mais expose également Israël à des défis inédits qui redéfiniront, à court comme à long terme, la nature même de sa sécurité nationale.

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