Research studies

URBANISME ET DEVELOPPEMENT DURABLE D’UN TERRITOIRE INSULAIRE Enjeux, Défis et Perspectives de Valorisation : CAS DES ÏLES KERKENNAH –TUNISIE

URBAN PLANNING AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT OF AN ISLAND TERRITORY Stakes, Challenges and Prospects of Valorization: CASE OF KERKENNAH ISLANDS - TUNISIA

 

Prepared by the researcher –  Hazar SOUISSI Ben HAMAD – Maitre Assistante en Architecture I.S.T.E.U.B., Université de Carthage, docteur en sciences du patrimoine, Tunis

Democratic Arab Center

Journal of Urban and Territorial Planning : Sixth Issue – December 2020

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN (Online) 2698-6159
ISSN   (Print)  2699-2604 
Journal of Urban and Territorial Planning
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RÉSUMÉ 

Nous proposons dans ce qui suit une étude particulière d’un site insulaire, culturel et patrimonial tunisien à savoir l’archipel de Kerkennah. Les insulaires à Kerkennah sont confrontés à des défis sociaux, économiques et environnementaux. Outre l’isolement imposant des ressources limitées ainsi qu’une faible diversification de l’économie, nous citons l’érosion des berges menaçant le littoral, la migration des jeunes, le vieillissement de la population…etc.

Cet article rend compte du potentiel culturel que ces îles tirent à partir de leurs richesses patrimoniales matérielles et immatérielles. Nous proposons de repenser l’aménagement urbainen vue d’assurer son développement durable et de valoriser ses atouts.Il s’agit tout d’abord de présenter l’archipel. Ensuite, de décrireson potentiel patrimonial. Puis,nous présenterons de nouveaux modes de gouvernance à l’archipel de Kerkennah, dans une optique de développement territorial des îles.Nous proposerons différents itinéraires afin de promouvoir le tourisme en ce milieu insulairetout enrepensant les liens entre mobilité et environnement dans ce contexte insulaire.

Les problématiques relatives à cette réflexion s’articulent autour de la question suivante :quels sontles aménagements urbains susceptibles de permettreun développement durable du territoire insulaire, sa valorisation et le renforcement de son identité ?Notre hypothèse est la suite : l’affirmation de l’identité culturelle de ces îles se fait -entre autrespar une politique urbaine et culturelle c’est-à-dire la mise en place d’une stratégie de pratiquer un tourisme culturel basé sur des circuits culturels des identités territoriales et des valeurs insulaires. En effet, une meilleure gestion urbaine de l’archipel reposera sur des opérations de valorisation à travers les acteurs locaux. La sensibilisationdes décideurs et les citoyens de la nécessité de la gestion, la sauvegarde, la conservation et de mise en valeur du potentiel patrimonial Kerkennien reposera sur des propositions d’itinéraires culturels.Ces derniers proposés sont du domaine propre à l’insularité ; ils parcourent les richesses matérielles et immatérielles de l’archipel sans pour autant toucher au caractère tropical, au charme des îleset à la fragilité des sites archéologiques et de l’écosystème tout en veillant à ce que ce tourisme ne dévore pas les îles et n’en détruit pas leur statut privilégié.Il ya lieu enfin d’examiner également son impact, tant sur les résidents de l’archipel que sur les touristes.

ABSTRACT

We propose a particular study of an island, cultural and heritage site in Tunisia, Kerkennah ‘s island. Islanders in Kerkennah are face social, economic and environmental challenges. In addition to the isolation imposing limited resources as well as a weak diversification of the economy, we cite the erosion of the banks threatening the coast, the migration of young people, the aging of the population … etc.

This paper reports on the cultural potential that these islands derive from their tangible and intangible heritage. We are proposing to rethink urban development with a view to ensuring its sustainable development and enhancing its assets. It is first of all about presenting the archipelago. Next, describe its heritage potential. Then, we will present new modes of governance to the Kerkennah archipelago, with a view to territorial development of the islands. We will offer different routes to promote tourism in this island environment while rethinking the links between mobility and environment in this island context.

The issues relating to this reflection revolve around the following question: what are the urban developments likely to allow a sustainable development of the island territory, its development and the strengthening of its identity? Our hypothesis is as follows: the affirmation of the cultural identity of these islands is done – among other things by an urban and cultural policy, that is to say the implementation of a strategy of practicing cultural tourism based on cultural circuits of territorial identities and island values. Infact, the best urban management of the archipelwill be based on enhancement operations through local actors. The awareness of decision-makers and citizens of the need for the management, safeguard, conservation and enhancement of the Kerkennian heritage potential will be based on proposals for cultural routes. The latter proposed are specific to insularity; they explore the tangible and intangible wealth of the archipelago without touching the tropical character, the charm of the islands and the fragility of the archaeological sites and the ecosystem while ensuring that this tourism does not devour the islands and n ‘does not destroy their privileged status. Finally, there is also a need to examine its impact, both on residents of the archipelago and on tourists.

INTRODUCTION

Le propos de cet article est une réflexion sur la possibilité de nos jours de repenser l’urbanisme et le développement durable en milieu insulaire à savoir l’archipel de Kerkennah en Tunisie. Ce support d’étude est digne d’intérêt car ses richesses culturelles sont variées et complexes. L’archipel de Kerkennah par son potentiel patrimonial : matériel et immatériel répond à un besoin contemporain de réintégrer l’ensemble des atouts historiques, architecturaux et archéologiques afin de valoriser le tourisme culturel. Le défi pour l’archipel réside dans la mise en œuvre de divers projets urbains en étroite adéquation avec ses propres ressources, ses spécificités naturelles et paysagères notamment fauniques et floristiques, son potentiel patrimonial. Bref, toutes ses richesses seront mises au service d’un développement durable, Ainsi, nous proposons par le présent article un éclairage particulier sur la question de l’urbanisme et du développement durable de ce territoire insulaire.

De nombreuses disciplines se sont intéressées à l’étude de l’insularité telles que la géographie, l’économie, l’anthropologie, la biologie, la linguistique, la démographie… etc.                    Dans la présente étude, nous considérons que notre approche envisagée –dans le cadre de cet appel à contribution[1]– est assez particulière. En effet, elle est intimement liée à plusieurs paramètres ; D’une part à ma formation académique, étant architecte-urbaniste de formation et docteur en sciences du patrimoine. D’autres part, étant exercée et côtoyée de près l’archipel comme professionnelle exerçant au sein de l’I.N.P.[2] dans le cadre de la sauvegarde et la conservation de ce territoire insulaire. Mais avant tout, comme étant originaire de l’île qui incarne le territoire de naissance, l’identité individuelle, et la communauté d’identification.

Etant donné que le patrimoine matériel et immatériel « représente un enjeu considérable pour les territoires insulaires[3] » Nous mettrons l’accent tout d’abord, sur le potentiel patrimonial de l’archipel de kerkennah. Ensuite, sur le rapport entre potentiel patrimonial et tourisme culturel. Cette recherche passe par sur un essai d’élaboration d’itinéraires culturels intégrés dans l’archipel. La présentation des enjeux du développement durable et la valorisation du patrimoine à Kerkennah se fait en fonction de la taille des îles, de l’accessibilité, de l’importance de sa fréquentation touristique. Cette recherche s’achève par l’observation et l’analyse de l’impact du tourisme culturel intégré dans cet espace insulaire -à la fois petit, enclavé, isolé- tant par le regard que portent les insulaires sur leur patrimoine culturel, et tant par le regard du touriste venant de l’extérieur pour découvrir. Enfin, ce travail s’attache à montrer en quoi le tourisme culturel constitue une source de retombées positives pour l’archipel dès lors que les acteurs privés et étatiques sont en situation collaborer pour une meilleure gestion de ce territoire insulaire.

  • PRÉSENTATION DES ÏLES KERKENNAH

En plein centre de la méditerranée, à l’entrée du golfe de Gabès (Sud Est tunisien) et face au continent de Sfax, à 20 Km, se dressent les îles Kerkennah dans leurs richesses et leur complexité passé et présente. L’aménagement actuel rattache l’archipel au continent par le biais de bateaux. Cette accessibilité qui se fait à travers une liaison constante avec le continent de Sfax n’a pas fait perdre le charme insulaire de l’archipel. En effet, aux dire de   F. PERON (1993) « L’île par rapport au continent, oscille en permanence entre l’ouverture et la fermeture[4]. » Sur le plan morphologique, l’archipel décrit une forme longitudinale très irrégulière divisée en deux grandes parties : l’île Gharbi de forme compact et l’île Chargui plus étendue et montre un profil très découpé. Les deux îles peuplées sont reliées entre elles par une chaussée d’une longueur environ 600 mètres et remontant à l’époque romaine. Elle est classée en tant que monument historique classé à l’échelle nationale[5].

L’archipel montre 160 kilomètres de côte et une unique route principale qui le traverse depuis la localité de Sidi Youssef à l’ouest jusqu’à El Attaya et Kraten à l’est. La voie principale est de 35 kilomètres de long et 12 km sur la plus grande large distance. Les terres de l’archipel sont très planes, elles s’élèvent à peine au-dessus du niveau du golfe de Gabès. Les îles sont soumises à un climat très venteux et sec, elles sont pauvres en eaux de nappe et recouvertes d’encroûtements calcaires et de sols généralement pierreux.

L’archipel dénombre actuellement 14 villages. Ramla -situé en son centre- étant le chef-lieu. Les villages sont concentrés à l’ouest le long de la route qui traverse les îles Gharbi et Chargui tandis que l’est est surtout occupé par des lagunes. La superficie des Sebkhas est importante présentant le 1/3 de sa superficie totale.

L’histoire antique et médiévale de l’archipel témoigne du passage d’Hannibal, plus tard de Bourguiba comme le souligne M. KAMMOUN (S.A), « Tête de pont méditerranéen, ces îles ont servi dans le passé de refuge aux combattants civils et militaires traqués et cherchant revanche. L’histoire a retenu le passage dans ces îles de Hannibal, et beaucoup plus tard de Bourguiba. »[6].  Originaires de l’archipel, Farhat Hachad et Hbib Achour et bien d’autres militants syndicaux ayant joué un rôle important dans l’histoire contemporaine et moderne de la Tunisie, « L’archipel est connu à l’échelle nationale par un grand militantisme syndical. Plusieurs figures syndicales de premier rang en sont originaires tels Farhat Hachad et Hbib Achour. »[7]

L’actuelle Kerkennah comme appelé aujourd’hui a connu différentes appellations à travers l’histoire. En effet, l’appellation Kyrakyn remonte à l’époque phénicienne. La transcription en caractères grecs a généré deux graphies : Kyrannis ou Kyraunis. Dans l’écriture romaine, il est question de Cyrannis ou Cyraunis modelé en Cercina. Les fouilles archéologiques[8] menées au nord-ouest de Borj El Hssar ont confirmé la superposition archéologique des différentes civilisations ayant régné ce territoire insulaire. OUESLATI A. mentionne que « L’image de la fertilité et de l’abondance que peuvent nous donner, des Kerkna, certains textes anciens n’est pas gratuite. En tout cas, cet archipel était densément habité au cours de l’antiquité comme le témoigne le nombre des verstiges archéologiques à cette époque. Presque partout, là où on va, on rencontre des ruines ou des objets remontant à l’antiquité.[9] » Toutefois, CHIKHA J.[10] nous a dépouillé les propos d’Al BAKRI et Al IDRISSI, ces chroniqueurs et voyageurs médiévistes ont relevé et mentionné dans leurs textes du moyen âge des constructions au large de la côte Kerkennienne datant de l’époque médiévale « par exemple une construction au large de la côte probablement sur le haut fond qui fait face à El ATTAYA » soupçonne également A. OUESLATI[11].

La fréquentation des îles Kerkennah se fait soit par la population ancrée c’est-à-dire la communauté fixe et stable : il s’agit d’un noyau restreint d’habitants permanents qui vivent toute l’année sur l’île et qui vont rarement sur le continent de Sfax composé principalement de personnes âgés pêcheurs et agriculteurs. Soit par l’exode insulaire, ou diaspora qui revient surtout pendant la période estivale. L’émigration s’est développée, car plus que la moitié des Kerkenniens vivent sur le continent pour poursuivre les études universitaires ou pour l’exercice professionnel. L’émigration au continent de Sfax a pour objectif la recherche de meilleures conditions économiques.

La population fixe est constituée principalement de pêcheurs et d’agriculteurs. Le nombre des habitants est variable entre les saisons, il atteint son maximum pendant la saison d’été et le retour de la population d’origine. Le nombre des habitants étant estimé en 2014 entre 14 000 et 15 000 au cours de l’année. En été 2014[12], il est estimé à 300 000 habitants. Ce nombre assez élevé est dû aussi aux visiteurs passagers -qui depuis que l’archipel de Kerkennah est relié avec le continent par des moyens de transport régulier- fréquentent ce milieu insulaire et y trouvent un refuge et une destination balnéaire.

  • Mode d’implantation et composantes du tissu urbain

Concernant le tissu urbain, nous constatons que les noyaux des villages sont implantés sur la côte tout en gardant entre elles un certain recul par rapport à la mer pour des raisons de sécurité. A l’exception de Mellita implanté au centre de l’île Gharbi. Ce Mode d’implantation est régi par une relation de voisinage où la maison devient un élément organisateur de l’ensemble.

Les maisons viennent s’implanter sur le parcours liant le village à la mer, aux vergers ou entre elles.  La forme des îlots est généralement irrégulière. L’élargissement de la famille engendre la multiplication de maisons accolées les unes aux autres. Le premier îlot forme en général un noyau autour duquel viendra s’articuler tout le village et présentera un centre de convergence de rues.

Cette morphologie confère au village un tissu mixte entre urbain et rural. Il ne s’agit plus de tissu médinal compact dense et introverti, ni encore du tissu rural composé d’unités éparpillés. Le tissu se trouve ainsi aéré le rapport plein vide montre une abondance des espaces verts. L’examen du tissu urbain Kerkennien révèle un mode d’organisation similaire à celui des villages du sahel.

Entre autres les composantes urbaines, nous citons les espaces extérieurs. Tout d’abord, les placettes publiques (Fig.1) et privées sont constituées généralement de limites physiques des bâtiments ou parfois encore par retrait ou délaissement d’une parcelle. Elles sont irriguées par plusieurs voies et constituent un lieu de rencontre où se déroulent les différents activités et festivités.

Fig. 1 : placette publique : plan et croquis, source : auteur

Les rues sont généralement soit tortueuses et étroites, soit sinueuses, soit assez large. Les rues sont délimitées par des îlots, ils ont une forme irrégulière et tortueuse. Elles se présentent sous plusieurs aspects.

Concernant les rues tortueuses et étroites : généralement orientées Nord-Est / Sud-Ouest. Cette orientation et étroitesse font qu’elles baignent dans l’ombre durant une grande partie de la journée ce qui contribue à améliorer la ventilation et par la suite le confort climatique surtout dans la saison chaude.

Pour le cas des rues sinueuses : elles sont plus étroites et montrent plusieurs tournants. Ils bénéficient d’une surface ombragée plus grande. Cette forme favorise la circulation de l’air frais. Les portes d’entrée des maisons sont placées en face des tournants pour bénéficier de cet air frais.

Enfin, les rues assez larges : ce sont les rues regroupant des équipements et des commerces. Elles sont plus actives et plus animées. Le marquage des locaux abritant les équipements et des commerces se fait par des constructions en saillie ou en retrait par rapport à l’alignement de la rue.

Les décrochements dans les rues ont un rôle social. Ils assurent un double objectif à savoir rendre intime l’entrée de l’habitation et la privatisation de l’espace résultant pour parcage de charrettes ou autres dépendances de l’habitation

  • POTENTIELS, ATOUTS ET VALEURS

A Kerkennah, la communauté fixe transmet désormais les valeurs collectives, conserve le savoir-faire local et les structures traditionnelles. A son tour, la diaspora reste rattachée à l’identité insulaire tout en essayant de diffuser les savoirs faires. En effet, « L’identité revendiquée par les insulaires aujourd’hui, qu’ils viennent ou non sur l’île s’apparente à une forme archaïque d’appartenance à un chef-lieu. »[13] comme le souligne       F. PERON (1993).

L’archipel recèle des richesses propres et des valeurs intrinsèques diverses. Nous évoquons de prime abord, la valeur culturelle. En effet, le site présente un témoignage de plusieurs civilisations : punique, romaine, médiévale, ottomane, la dominante étant romaine avec la partie fouillée au nord-ouest de l’imposant Borj el Hssar. Ensuite, l’archipel montre une valeur historique. Il s’agit d’un lieu de mémoire par rapport aux évènements historiques vécus, légendes et mythes. Il y reste de nombreux vestiges architecturaux et archéologiques vivants illustrant le passé. Car, les îles n’échappent pas aux grands courants méditerranéens, libyens, phéniciens, grecs et romains qui ont laissé leurs empreintes. De même pour le moyen âge. Les ouvrages de défense ne sont pas absents, pourtant l’île se défend de par ses intrusions successives. Les espagnols construisaient des tours de guets sur son rivage, tel que la tour de Mellita qui subsiste de nos jours.

Quant à la valeur archéologique, elle est attestée par le nombre important de vestiges archéologiques en bon ou en mauvais état de conservation. Ces sites témoignent de l’occupation de l’homme à travers le temps. Nous citons le site de Borj el Hssar, celui de Abbasia, la tour de Mellita. Les découvertes au sein de la délimitation archéologique (Fig.2), la variété des vestiges et des couches archéologiques ont contribué à l’évolution des sciences. Cette valeur scientifique est tributaire de fouille et de prospection permettant l’évolution des sciences relatives à l’archéologie. Les recommandations relatives au patrimoine archéologique qui figurent dans l’étude de gestion de la zone sensible littorale confirme nos propos, en effet, « la richesse archéologique et historique de Kerkennah ainsi que la valeur et l’originalité de son patrimoine traditionnel constituent un riche potentiel pour la région ce patrimoine culturel est représenté par la zone archéologique qui s’étend entre Sidi Fraj et Sidi Founkhal [14]»

Fig. 2 délimitation archéologique, Source : auteur

 En ce qui concerne la valeur architecturale, elle est confirmée d’une part par la survivance d’une architecture domestique typique, où nous rencontrons la typologie de la maison traditionnelle organisée autour d’une cour intérieure. Le nombre de pièce diffère selon la classe sociale des occupants et de leur besoin. La volumétrie est réduite au R.D.C., Elle est simple et s’insère harmonieusement dans le paysage. L’accès à la maison se fait par la Squifa : espace permettant la communication avec l’extérieur, le stockage du matériel de pêche (filets, nasse, Halfa). Cet espace sert aussi pour la réparation des filets, le façonnage des nasses, la confection de l’Halfa. Les chambres sont orientées Sud Est afin de répondre aux soucis climatiques. Les pièces sont de formes rectangulaires allongées et de faible largeur à cause de la faible portée offerte par les troncs de palmiers utilisés pour la toiture. L’éclairage est assuré par la porte et deux petites ouvertures généralement symétriques par rapport à la porte. Au fond de la chambre, à une hauteur de 1.20m se trouve la Sedda qui sert de lit. Elle est isolée du reste de la chambre par un panneau vertical richement décoré et ornementé (Fig.3).

Fig. 3 : à droite Sedda partie supérieure, à gauche Sedda partie inférieure,

La valeur architecturale est confirmée d’autres parts par les modes de construction qui sont étroitement liés au contexte géologique, naturel et paysager. Nous relevons d’une part l’usage de pierre pour les murs en élévations et les fondations. Les linteaux sont soit en bois de palmier, soit en pierre, soit en brique. Les pierres sont extraites de la côte calcaire. Ce facteur géologique influe sur l’architecture vernaculaire résultante. D’autres parts, Nous transcrivons l’abondance de moellons ainsi que de la pierre blanche une fois taillée utilisée pour l’encadrement des portes. Le liant utilisé étant la chaux. L’impact du facteur paysager est loin d’être négligé. En effet, pour la toiture (Fig.4), toutes les composantes du palmier sont utilisées : le tronc, les palmes.  L’usage des troncs de palmier servant de poutrelles explique la largeur réduite des pièces. Les bois de palmiers servant de poutrelles présentent un écartement de 20 à 30 cm entre lesquels est disposé un lit de pétiole ou de palmes imbriqués. Pour améliorer l’étanchéité des toitures, nous notons le recours à l’argile. L’ensemble pourrait être surmonté par un lit d’algue. En effet, Le contexte insulaire influe à son tour l’architecture vernaculaire à l’archipel de Kerkennah. Afin d’améliorer l’isolation thermique, les algues récupérées auprès de la mer une fois séchées sont incorporées aux murs et des toitures.

Fig. 4,  Les composantes de la toiture, Source : Auteur

L’évolution des techniques de construction est attestée outre depuis l’usage des troncs de palmiers pour la réalisation des plafonds, dans le stockage de l’eau. Cette continuité d’usage et de pratique soulevée au niveau du savoir-faire artisanal et relève des valeurs techniques.  Commençons par les ouvrages hydrauliques à savoir Majel, puit ou Festkiya. Ces derniers représentent généralement des citernes pour le stokage de l’eau. Chaque maison traditionnelle à Kerkennah est dotée d’un point d’approvisionnement en eau généralement Majel ou Festkiya. Des impluviums alimentent les citernes privées indispensables à l’usage domestique pour pallier au manque d’eau douce dont souffre l’archipel. Les kerkenniens ont hérité cette habitude des Carthaginois afin de résoudre le problème de ravitaillement en eau . Les citernes longues et arrondies aux extrémités ont des origines puniques.

Malgré les valeurs intrinsèques, les potentiels et les atouts que recèle ce site insulaire, on ne lui a pas accordé l’intérêt mérité à l’échelle nationale et internationale.  L’importance de l’ensoleillement, les 160 Km de littoral, les valeurs patrimoniales, historiques, archéologiques, naturelles et paysagères constituent des atouts pour instaurer un parcours touristique qui côtoient les potentiels de l’archipel.  « Ce n’est pas étonnant que Père A. Louis (1961)[15] a consacré une monographie pour les îles Kerkennah essentiellement ethnographique et dialectologique réparties en deux volumes totalisant 860 pages pour parler des activités de la pêche, de la navigation, de l’agriculture, de l’artisanat, de l’habitat, et des habitations de l’archipel.[16] » Ainsi, l’archipel répond à un immense besoin contemporain d’instaurer un circuit touristique culturel en harmonie avec les attentes des habitants[17] sans pour autant défigurer et menacer les valeurs naturelles, paysagères, archéologiques…etc.

  • Repenser les liens entre mobilité et environnement dans le contexte insulaire : propositions d’itinéraires culturel

Promouvoir une mobilité douce et mettre en place un transport durable dans l’archipel de Kerkennah permettra sans doute de réduire l’émission des gaz à effet serre, par conséquent une réconciliation avec l’environnement ce qui mènera vers une amélioration de la mobilité. La découverte du potentiel culturel à travers l’aménagement de pistes cyclable et la mise en en œuvre d’itinéraires pour vélos fera profiter les habitants et les touristes. Ce projet de parcours cyclables et pédestres permettra à terme de protéger l’environnement par la réduction des émissions de Gaz, de faire du bien aux amoureux du vélo, de la marche à pieds et à leur santé mais également de développer le tourisme durable à travers la création d’activités saines et pérennes pour les touristes. Le plan de la signalétique permettra de donner aux touristes une information directionnelle claire, fonctionnelle et attractive afin de leur offrir une expérience agréable de leur visite aux villages de l’archipel de Kerkennah.

Nous proposons différents outils promotionnels, de prime abord un guide touristique, qui intègrera une carte de circuit pédestre, un autre circuit vélo sur toute l’île. Ces circuits permettent de prendre connaissance des sites et monuments historiques, ainsi que les meilleures adresses de maisons d’hôtes, d’Hotels, de restaurants, outre les habitudes et les traditions des insulaires. L’introduction des nouvelles technologies gagnera de nos jours encore et encore de la place dans le cadre de la préservation du patrimoine urbain, en effet, de nouveaux outils de promotion du tourisme culturel de l’île et de valorisation de son patrimoine matériel et immatériel tels que les applications numériques. Ces derniers permettront de visiter l’archipel de Kerkennah autrement, ils permettront la promotion de l’île et de ses sites et de ses monuments.

Lombard[18] et Labescat nous apprennent que « l’insularité offre un cadre exceptionnel d’expérimentation des principes du tourisme durable. Progressivement, certaines îles s’emparent de cet enjeu et deviennent de véritables laboratoires du tourisme durable. » Les îles de Kerkennah pourraient se positionner ainsi en tant que destination de tourisme durable à travers l’aménagement de parcours cyclables et pédestres et l’élaboration d’un plan de la signalétique. Ces aménagements permettant de valoriser les sites et le patrimoine historique et culturel qui bordent ces pistes et de faire bénéficier directement et positivement l’économie locale. Ainsi, le développement d’activités touristiques durables sera basé sur le bien-être, les valeurs naturelles et environnementales. Ceci à travers le développement de nouveaux produits écotouristiques, culturels, des produits du territoire et de nouvelles destinations touristiques régionales. Nous exposerons dans ce qui suit le détail de nos itinéraires proposés.

De nos jours, nous constatons que le tourisme insulaire ne joue pas un rôle déterminant pour les îles Kerkennah bien que l’archipel constitue un site insulaire tunisien, riche en patrimoine culturel. Nous proposons de mettre en valeur les composantes matérielles et immatérielles du patrimoine de l’archipel à travers la définition d’itinéraires de découverte du patrimoine des îles Kerkennah. Nos itinéraires proposés ont parcouru, respecté et valorisé les valeurs que recèle le site insulaire. En effet, les circuits de visite évoluent en parcourant toutes les composantes et les richesses du site insulaire : richesses archéologiques, historiques, artisanales, fauniques, floristiques…etc. L’organisation de différents circuits de visite orientera les visiteurs à la découverte de l’archipel et mettra en valeur les composantes matérielles et immatérielles du patrimoine de l’archipel de Kerkennah. Ainsi, nous avons défini cinq circuits thématiques présentés comme suit.

            Premièrement, par le biais d’un circuit archéologique au sein de la délimitation de la zone archéologique Borj Lahsar, mais aussi en dehors de cette délimitation, vers le fort de Mellita et la zone archéologique d’Abassia. Ensuite, un circuit culturel et historique pour la découverte de la forte présence maraboutique. On en dénombre plus que cent marabouts dispersés sur le site insulaire. Puis, un circuit écologique afin d’apprécier le paysage naturel offert par la diversité de faune, la dominance du palmier. Enfin, un circuit maritime vers les îlots de Gremdi, Roumedia, Enfirekik…etc. mais aussi vers les ports de Kratten, Al attaya et le débarcadère de Sidi youssef.

IV-1- Circuit archéologique

IV-1-1- Au sein de la délimitation de la zone archéologique 

Nous pouvons consacrer une demi-journée pour la visite des vestiges archéologiques dans l’environnement immédiat du Borj (Fig.5), avec un programme culturel détaillé. Pour un programme d’une demi-journée, le groupe de visiteurs se rassemble au départ dans le fort de Borj El H’ssar une fois ce monument historique classé depuis le 03-03-1915 est restauré et reconverti en un centre d’interprétation du site avec un commentaire sur son histoire et les remaniements dont il a fait objet.

Fig.5 : Borj El H’sar ; Source : Cliché auteur

Ce fort occupe un emplacement stratégique de par son emplacement situé à mi-chemin entre l’ancienne zone touristique à l’ouest (Sidi Fraj) et la nouvelle zone touristique projetée à l’est celle de Sidi Funkhal. Il occupe une position centrale par rapport à la ville d’El H’sar. En effet, plusieurs pistes partent de ce fort vers Zorii, Remla, Funkhal, l’ancien port, Cercina, Abbassia

 La proximité de ce site archéologique à l’ancienne zone touristique et la nouvelle zone touristique projetée permettra de détourner le flux des touristes balnéaires vers la découverte du patrimoine de l’archipel. Ceci   ranimera le tourisme culturel à travers des visites marines et terrestres organisées.

Au nord du fort, une zone archéologique (Fig.6) a fait l’objet de fouilles par l’I.N.P. depuis sous la direction de F. CHELBI. Dans cette cité antique se trouvent : les thermes, le temple de l’eau et de la guerre, les vestiges de l’architecture domestique, les réserves d’évacuation des eaux, les lieux de stockage et de décantation, puis les remparts de l’ancienne muraille feront aussi objet de visite.

Fig. 6 : zone archéologique ; Source : Auteur

Cette zone (Fig.7) est protégée actuellement par des clôtures non appropriées. La visite de la cité fouillée située au nord du fort constitue un rôle éducatif, une valeur et des leçons pédagogique sont tirées à partir, du mode de vie, des expériences des hommes au fil des ans et ce en restituant le mode de vie d’autrefois. En effet, les vestiges de l’architecture domestique sont omniprésents dans la partie archéologique fouillée. La vie spirituelle à son tour est attestée à travers le sanctuaire le temple de Mitra, la tombe libyco-punique[19]. Quant à la vie politique et sociale et de loisir, elle est matérialisée par les vestiges du forum ainsi que les thermes et amphithéâtres.

Il est toutefois utile de souligner que l’apprentissage pédagogique est d’autant plus efficace lorsqu’on a recours à de nouvelles technologies muséographique de mise en scène.

Fig. 7, Site archéologique fouillé, Source : Cliché auteur

Sans oublier les vestiges engloutis dans l’eau de mer et qui sont visibles et accessible par marée basse à savoir l’entrée de l’ancien port qui se trouve encore en place par la présence de ce qu’on appelle « Hajret El Baw ». Nous retrouvons aussi le dallage antique : une sorte de parterre mosaïqué ce qu’on appelle : « El Mjallet » (Fig.8).

       Fig. 8 : à droite : El Mjallet , à gauche : Hajret El Baw ; Source : Cliché auteur

IV-1-2- Au sein de l’archipel de Kerkennah

En dehors du site archéologique de Borj El Hssar, nous proposons d’orienter nos hôtes vers d’autres sites qui évoluent en parcourant toutes les composantes et les richesses archéologiques de l’archipel.

 Nous proposons au départ un circuit qui part de De Borj El H’ssar vers la localité Abbassia où se trouvent des ruines romaines et phéniciennes (Fig.9).

Fig. 9, Source : Cliché auteur

Ensuite, un autre circuit de De Borj El H’ssar vers la localité de Mellita où se dressent encore les traces des fortifications et de l’architecture défensive, il s’agit d’une tour (Fig.10) qui subsiste encore.

  Fig. 10 : Tour de Sidi Youssef : A droite : source Cliché auteur, A GAUCHE : source P. TROUSSET, p.5

IV-2- Circuit culturel

L’archipel dénombre plus de cent marabouts dont Sidi Funnkhal et Zorii (Fig.11) sont les joyaux. Plusieurs autres marabouts dignes d’intérêt sont dispersés sur la côte. La tradition des visites persiste encore. Ce nombre élevé peut s’expliquer de deux manières. D’une part, pour les insulaires isolés géographiquement du monde extérieur et entourés des quatre côtés par la mer, les marabouts servent d’intermédiaires entre physique entre eux et dieu. D’autres parts, il s’agit d’un moyen de concurrence entre les familles.

Fig. 11: à droite : Sidi Zorii et à gauche Sidi Funkhal ; Source : Cliché uteur

IV-3- Circuit écologique

Le palmier constitue la composante majeure du cadre naturel et paysager qu’il faut préserver comme étant un élément essentiel du paysage. D’après A. LOUIS (1961) « Le palmier est l’arbre premier des Kerkenniens, il en définit le paysage, il en fait le charme et l’originalité. » Les palmiers constituent aussi la matière première des nasses, des charfias, et les claies nécessaires aux pêcheries. Dans ces palmerais sauvages, nous pouvons aussi récupérer : blah, rotbi, timri, chirki et taflit, ce sont des dattes de moyennes qualités qui pourraient être récoltées vers la fin de Septembre, début du mois d’Octobre et conservées pour un usage ultérieur pendant l’hivers. Elles constituent aussi la source de legmi : un jus de palme très sucré qui se fermente vite et devient un alcool très fréquent dans l’archipel.

Palmier mais aussi, les oliviers, les raisins et vignes, les figues et les figues de Barbarie, on continue toujours à sauvegarder cette petite arboriculture et à cultiver les jardins malgré la qualité pierreuse des sols dans les champs clôturés par des murettes de pierres. L’agriculture a constitué une source de revenu non négligeable bien que les conditions naturelles et les éléments climatiques sont contraignants et constituent un frein au développement de l’agriculture. L’agriculture continue à se pratiquer en étage avec un étage supérieur de palmiers non cultivés et un étage inférieur d’arbres fruitiers : olives figuiers vignes.

Des écrits anciens en témoignent que cette tradition agricole est très ancienne ; A. louis émet l’hypothèse que les Carthaginois sont à l’origine de l’introduction de la culture de l’olivier dans les îles Kerkennah Hérodote, depuis le 5ème siècle a décrit Kerkennah qui s’appelait Cyrannis : « L’archipel était couvert de plantations d’oliviers et de vigne et constituait un port pour les bateaux en provenance de l’Est » (FEHRI, 2000).

Hellal M.[20]nous apprend que suite à son interview effectué avec le propriétaire du musée privé A. FEHRI que : « Il y a une relation étroite entre la sauvegarde de Kerkennah et la sauvegarde de la palmeraie. En fait, celle-ci contribue à la lutte contre l’érosion du littoral »

IV-4- Circuits maritimes vers les îlots

Le site insulaire est constitué de cinq îlots situés au nord-est de l’archipel de Kerkennah (Fig.12). Outre les îles Gharbi et Chargui, ces Cinq îlots inhabités sont appelés : El Gremdi, er-Roumadiah, Sefnou Er-Rekadiah (ou Er-Remadiah), Ech-Chermadiah, Enf erakik kraten. Ils sont d’inégale importance et ils servent surtout de pâturages aux chameaux, moutons et brebis. Ils sont riches en vestiges archéologiques tels que les structures du phare de Ennferrikik, les vestiges hydrauliques ; majel, festkia et sources d’eau douces.

Fig.12, Source : Carte d’état-major les îles de Kerkennah

IV-4- Circuit artisanal

L’identité insulaire qui s’affirme aux îles Kerkennah est tout d’abord maritime. Elle est entièrement vouée à la pêche. A aucun moment de son histoire, l’archipel de Kerkennah n’a enregistré une autre activité si abondante. Elle repose sur la valorisation des métiers de la mer à travers la pêche.

Comme la pêche constitue l’activité la plus dominante et pratiquée par la population locale     -bien qu’il ne s’agisse pas d’un choix pour les jeunes de la société insulaire-. L’artisanat reste intimement lié aux travaux de la pêche. En effet, chaque pêcheur se contente de préparer ses propres outils de pêche tels que la pecherie fixe ou charfiat, la nasse (Fig.13) , les pierres  de poulpe appellées aussi karour ainsi que les emarcations traditionnelles et ce tout en profitant des resources naturelles mises à sa disposition. En plus des matières de base récupérées du palmier, la Halfa constitue la matière de base des cordes pour les nasses et paniers.

Fig. 13 : à droite nasse, à gauche charfi ; Source : auteur

Le mode de production économique repose sur l’activité de pêche des poissons, des poulpes des éponges. Comme il s’agit d’une activité très ancienne, l’infrastructure portuaire étant conséquente, nous dénombrons trois ports à Kraten, Ataya et Sidi Youssef. Ces derniers pourraient constituer des stations importantes dans les circuits de découvertes de l’archipel.

Outre l’activité maritime relative à la pêche, l’exploitation agricole est intimement liée aux ressources locales. En effet, l’agriculture garde à son tour les techniques traditionnelles.

L’identité insulaire est défendue par la tradition vestimentaire, on y préserve bien les habits traditionnels. C’est un moyen parmi d’autres qui permet de montrer l’appartenance à la communauté. L’habit traditionnel est tellement préservé par la population locale que c’est facile de repérer des étrangers à l’archipel par la population Kerkenienne. Parmi les habits dénotant de la tradition vestimentaire, nous citons « Tarf ».  Ce dernier constitue un produit artisanal, une pièce en laine multicolore dont règne le rouge et le noir brodé avec goût et originalité. Il est offert par la mère à sa fille lors de la cérémonie de mariage. Ainsi, se fait la transmission de ce savoir-faire artisanal.

Quant à l’industrie, elle reste quasi absente à l’exception d’une usine de production du sel et une usine de câble. L’artisanat est limité aux ateliers de tissages de tapis. Le mode de production est certes évolutif. Le mode fait nécessairement appel aux nouvelles techniques. Dans le cas précis de l’archipel de Kerkennah, les obstacles naturels constituent des contraintes pour l’introduction de nouvelles technologies de production ainsi que pour la stagnation économique. Les Kerkenniens ont préservé en grande partie les modes et les techniques légués par les ancêtres attachés principalement à la pêche et à l’agriculture. La production se limite uniquement à des productions de substances, le reste provient du continent de Sfax d’où l’archipel se trouve en forte dépendance au continent ceci est dû à sa position géographique, au contexte insulaire qui tend à l’isoler.

La culture insulaire Kerkenienne est connue par son autochtonie et son repli. Il ne s’agit pas d’un motif de rejet de l’autre mais plutôt un d’un acharnement et d’un mode de préservation de l’identité. Les insulaires qui continuent d’occuper le site sont farouchement jaloux de leurs propres coutumes. Les Kerkenniens n’en cachent pas leur mépris pour le tourisme populaire balnéaire qui se déverse anarchiquement dans l’archipel pendant l’été. En croisant ceux qui viennent de l’extérieur, les insulaires de Kerkenneh observent l’attitude ainsi que la posture des touristes, relèvent leurs parcours et leurs intérêts et partagent leurs préoccupations patrimoniales. La nature tolérante des Kerkenniens contribuera à l’essor du secteur touristique structuré et organisé.

Dans sa vision contemporaine de l’île, C.H. DE LEMPS (1994) cite « Ce sont bien les hommes, dans la diversité de leurs histoires qui ont introduit les éléments essentiels de la personnalité de chaque entité insulaire. »[21]. En effet, l’acharnement et la forte appartenance au contexte insulaire constitue une fierté des origines et montre une valeur sociale. La population qui s’attache à ce site, à ses monuments, symbolise l’identité de la région, offre un espace de promenade qui pourrait être inséré dans le cadre d’un circuit culturel comme le souligne S.H. SULIVAN (1995), « La valeur sociale est comprise comme une source de fierté pour les gens de la région »[22]

V- CONCLUSION

Au fil des ans, l’archipel a toujours montré des valeurs intrinsèques. Riche en potentiel patrimonial, les investissements successifs des Hommes ont menacé ses richesses tout en entrainant un déséquilibre. Jusque-là, nos institutions patrimoniales n’ont pas investi de gros moyens pour rendre l’archipel de Kerkennah à la fois plus accessible et plus attractif. Les infrastructures mises en place ne sont certes pas suffisantes mais permettent des conditions de visites acceptables. Les efforts de ces institutions devraient être combinés à d’autres intervenants et ministères. Une panoplie de propositions permettra de rendre l’archipel de Kerkennah plus accessible et plus attractif dont entre autres les circuits culturels des identités territoriales et des valeurs insulaires que nous venons de détailler. Les itinéraires culturels proposés sont intimement liés au potentiel patrimonial. La réussite de ces circuits est tributaire de l’authenticité des lieux visités et des espaces vécus ; on passe par les composantes essentielles et les plus significatives du site insulaire. D’autres paramètres interviennent dans la réussite des itinéraires proposés à savoir la mise en place de signalétique directionnelle, d’identification, de présentation et d’interprétation. La protection des vestiges ainsi que la sécurité des visiteurs conditionne la réussite des circuits de visites à savoir court moyen ou long itinéraire en fonction du temps.

Ce travail de recherche est une contribution à une réflexion globale sur l’avenir de ce site insulaire et plus particulièrement son développement durable et ses perspectives de valorisation en reposant sur son potentiel patrimonial. Nous sommes parvenues d’une part à proposer des circuits -depuis l’idée jusqu’à l’exploitation- qui pourraient être adaptés par les professionnels et les autorités. Nos interventions et aménagements ont été établis en harmonie avec le potentiel naturel et culturel de l’archipel. Toutefois, ces réflexions ne constituent qu’un début qui nécessite un coup de main pluridisciplinaire de parts différents intervenants et experts. D’autres parts, nous venons de confirmer notre hypothèse émise dès le départ à savoir le rôle primordial joué par le tourisme culturel dans le cadre de la mise en scène de la mémoire de l’identité des sites insulaires et de leurs valorisations. Les effets du tourisme culturel sur l’identité insulaire sont ressentis depuis les hommes jusqu’au paysage. Nous pouvons dire aussi que de tels projets d’itinéraires peuvent contribuer à la une mise en valeur de sites riches et imprégnés de mémoires de civilisation originale et enraciné dans l’histoire. De tels circuits permettent de revitaliser l’ensemble de savoir-faire, de spécificités de l’archipel de Kerkennah, et de publier les richesses fauniques, floristiques, paysagères, archéologiques, ethniques et anthropologiques spécifiques à l’archipel. Cette approche envisagée pour ce site insulaire a pour objectif de donner un nouvel élan à un territoire insulaire après un long silence qui a régné pendant des siècles afin de ranimer le tourisme local notamment le balnéaire mais sans doute le culturel. Par le biais de ce projet, nous cherchons à intégrer toutes les formes de la culture locale originale. En faisant revivre l’histoire, la tradition, l’art culinaire, la gastronomie. En intervenant sur les noyaux anciens urbains les plus conservés tels que le village de Ouled Kacem, et ce par le biais de projets réhabilitation, de rénovation…etc. En restaurant certaines demeures ayant un intérêt architectural et historique afin de les reconvertir en maison d’hôtes ou maison de charmes. Entre tradition et innovation, nous permettons à nos hôtes de découvrir le site insulaire jalousement préservé par la population locale.

En guise de conclusion, nous affirmons que la valorisation du patrimoine culturel et touristique insulaire de l’archipel de Kerkennah dépend des regards disciplinaires croisés. Ethnographe, anthropologue, économiste, géographe, biologiste, sociologue, conservateur, archéologue, architecte, tous sont appelé à intervenir et agir. C’est dans ce cadre-là que l’identification du processus de participation des acteurs étatiques et privés devrait s’orienter vers un marketing territorial pour un meilleur rayonnement des festivals locaux.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  • APAL (Agence de protection et d’aménagement du littoral), COMETE ENGINEERING (2002), étude de gestion de zone sensible littorale, phase 2, version définitive Kerkennah, 66 p.
  • CHIKHA J., L’Archipel de Kerkennah et l’Ile de Djerba d’après les relations de voyages,1994, 25+100 p.
  • DE LEMPS C. (1994) : l’histoire et les îles, Hérodote, n° 74-75.
  • FANTAR   (1997), « Note préliminaire sur une tombe libyco-punique aux îles Kerkenna (Tunisie) », in Antiquités africaines Année 1997 Volume 33 Numéro 1 pp. 75-80.
  • HELAL M. et JARRAYA M. (2012), Tourisme durable et territoire insulaire vulnérable : le cas des îles de Kerkennah, Mondes en Développement Vol.40-2012/1-n°157, pp.1-9, p.6.
  • LOMBARD N. (2010) Les îles laboratoires du tourisme durable, in insularité et tourisme durable, Revue Espaces, n° 278, 8-13.
  • LOUIS A. (1961), – Les îles Kerkena (Tunisie). Etude d’ethnographie tunisienne et de géographie humaine.
  • PERON F. (1993), des îles et des hommes : l’insularité aujourd’hui, éditions de la cité, édition Ouest France, Rennes.
  • SOUISSI H. (2005), Kyranis: un retours vers la mer, projet de fin d’étude d’architecture, E.N.A.U. http://www.kerkenniens.com/projet-kyranis-un-retour-vers-la-mer-kerkennah-karkna/
  • TROUSSET P., Kerkena/Kerkennah (îles), in Encyclopédie berbère, 27, p1-11.

[1] Appel à contribution Jounal Of Urban and Territorial Planning

[2] Ex Architecte principal à l’Institut National du Patrimoine (I.N.P.), Tunis, Tunisie.

[3]LOMBARD N. (2010) Les îles laboratoires du tourisme durable, in insularité et tourisme durable, Revue Espaces, n° 278, 8-13, p.9

[4] F. PERON (1993), des îles et des hommes : l’insularité aujourd’hui, éditions de la cité, édition Ouest France, Rennes, p.143.

[5] Le classement date du 22-03- 1899.

[6] M. KAMMOUN (S.A), Sfax d’hier et d’aujourd’hui, Altair édition, p.134.

[7] M. KAMMOUN (S.A), Sfax d’hier et d’aujourd’hui, Altair édition, p.135.

[8] Fouilles archéologiques sous la direction de CHALBI F. financée par la société privée Britsh Gaz.

[9] A. OUESLATI, Les îles de la Tunisie, éd. Cérès, Tunis, 1995, p.190.

[10] J.CHIKHA (1994), L’Archipel de Kerkennah et l’Ile de Djerba d’après les relations de voyages,1994, 25+100 p.

[11] A. OUESLATI, les îles de la Tunisie A., éd. Cérès, Tunis, 1995, p.179.

[12] INS

[13] F. PERON (1993), des îles et des hommes : l’insularité aujourd’hui, éditions de la cité, édition Ouest France, Rennes, p-p. 112-113.

[14] P.16

[15] A. LOUIS (1961), – Les îles Kerkena (Tunisie). Etude d’ethnographie tunisienne et de géographie humaine. Tunis.

[16] H.SOUISSI (2005), Kyranis: un retours vers la mer, projet de fin d’étude d’architecture, E.N.A.U. http://www.kerkenniens.com/projet-kyranis-un-retour-vers-la-mer-kerkennah-karkna/

[17] Un sondage d’avis auprès des Kerkenniens a montré que l’amélioration des transports atténue l’insularité de l’archipel.

[18] LOMBARD N. (2010) Les îles laboratoires du tourisme durable, in insularité et tourisme durable, Revue Espaces, n° 278, 8-13, p.8.

[19] M.  Fantar (1997), « Note préliminaire sur une tombe libyco-punique aux îles Kerkenna (Tunisie) », in Antiquités africaines Année 1997 Volume 33 Numéro 1 pp. 75-80.

[20] HELAL M. et JARRAYA M. (2012), Tourisme durable et territoire insulaire vulnérable : le cas des îles de Kerkennah, Mondes en Développement Vol.40-2012/1-n°157, pp.1-9, p.6.

[21]  C. H DE LEMPS (1994), l’histoire et les îles, Hérodote, n° 74-75.

[22] S.H. SULIVAN (1995), « Modèle de planification pour la gestion des sites archéologiques », la conservation des sites archéologiques dans la région méditerranéenne, sous la direction de Marta de la Torre, conférence internationale organisé par le Getty Conservation Institute et le J. Paul Getty Museum, du 6 au 12 Mai 1995, p.p15-26, p.20.

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