Research studies

Autour d’une architecture vernaculaire : patrimoine architectural en terre au Maroc

Around vernacular architecture: earthen architectural heritage in Morocco

 

Prepared by the researcher  – Doctorant chercheur Naoual Benchaali, Doctorante, Faculté des lettres et des sciences humaines, Université Ibno Tofail -Kenitra-Maroc

Democratic Arab Center

Journal of cultural linguistic and artistic studies : Twenty-fifth Issue – September 2022

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
 ISSN  2625-8943

Journal of cultural linguistic and artistic studies

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Résumé

L’architecture de terre est l’une des expressions les plus originales et les plus puissantes de notre capacité à créer un environnement bâti avec des ressources facilement disponibles.

Elle s’applique bien au monde rural qu’au monde urbain et s’inscrit depuis des millénaires dans les traditions les plus ancrées.

Au Maroc, l’architecture vernaculaire ou de terre recèle un savoir faire ancestral et une mémoire collective inestimable.

Malheureusement, au Maroc ou ailleurs, ces techniques traditionnelles de la terre ont été longtemps ignorées.

L’architecture de terre mérite une attention particulière en termes de préservation et de valorisation.

Abstract

Earthen architecture is one of the most original and powerful expressions of our ability to create a built environment with readily available resources.

It applies as much to the rural world as to the urban world and has been part of the most deeply rooted traditions for millennia.

In Morocco, vernacular or earthen architecture harbors ancestral know-how and an invaluable collective memory.

Unfortunately, in Morocco or elsewhere, these traditional earth techniques have long been ignored.

Earthen architecture deserves special attention in terms of preservation and valorization.

Introduction

L’architecture est l’art de bâtir et de concevoir des espaces couverts. Un art qui se base sur une conciliation entre l’utilité, la solidité et la beauté et « toute beauté est fondée sur les lois des formes naturelles, l’architecture d’une ville doit émouvoir et non offrir un simple service au corps de l’homme » ; cette citation du poète et écrivain britannique J. Ruskin est applicable sur notre patrimoine légué par nos ancêtres. Une citation qui fait parvenir à mon esprit la beauté et la pétulance de nos œuvres architecturales notamment celles en terre.

Les matières premières et les matériaux, d’origine minérale, végétale ou animale, sont mis à la disposition de l’Homme par la nature. Ces matériaux sont transformés par les différentes cultures existantes.

De la terre, sont érigés des maisons, des kasbahs, des palais ou ksour, des greniers…. Tous développés en fonction des caractéristiques et des propriétés des terres disponibles, et des intelligences de leurs constructeurs. De la pierre, des fondations sont construites, des murs sont élevés et autres monuments sont crées. Du bois, surgissent des structures, des menuiseries, des revêtements, des couvertures sous forme de planches ou bien des rondins de bois bruts, ou encore des constructions de divers aspects apparaissent à partir de l’usage de ce matériau noble. Outre ceux-ci, il existe encore tant d’autres matériaux, disponibles ou transformés, dont les potentiels d’utilisation varient en fonction de leurs qualités spécifiques et des connaissances de ceux qui les manipulent.

Les formes et les modes de construction ont été, depuis toujours, adaptés au mieux aux conditions naturelles du lieu et aux besoins de l’Homme.

L’Homme a su transformer ces matériaux pour créer de belles œuvres comme le précise l’architecte Hassan Fathy : « L’homme a lutté avec les matériaux, les contingences avec sa culture. C’est un duel avec la matière et lorsqu’il a résolu son problème, il avait crée la beauté» (Fathy Hassan, 1981, p. 13)

La terre, le bois et la pierre sont les matériaux les plus communs, les plus accessibles et les plus faciles à mettre en œuvre sur un chantier de construction. Ces matériaux naturels constituent les premiers outils utilisés par l’Homme pour construire son abri.

A l’instar des sociétés mondiales citadines, les sociétés rurales se caractérisent et se démarquent par leurs spécificités, leurs traditions, leurs mœurs et coutumes. Tout cela a aidé à produire diverses formes d’habitat rural au monde, chacune de ces formes reflète des signes particuliers à la société qu’elle abrite.

Le Maroc a accumulé à travers l’histoire un patrimoine architectural qui reflète l’identité culturelle et l’authenticité de ses habitants ainsi que leur mémoire collective et leur savoir faire.  Ce patrimoine architectural est d’autant plus riche qu’il est diversifié.

Urbaine ou rurale, l’architecture au Maroc présente une multitude d’expressions résultant des spécificités régionales et du génie d’un peuple aux traditions ancestrales.

Le savoir faire architectural marocain reflète un perfectionnement au niveau des techniques de construction, du choix adéquat des matériaux locaux, de l’optimisation spatiale selon les besoins, de l’adaptation aux climats et d’une parfaite intégration au milieu naturel. Chaque région dispose de sa propre signature architecturale.

Les Kasbahs, les Ksours et les greniers du sud du Maroc forment un magnifique exemple d’une architecture dite vernaculaire.

Dans cet article, nous présentons un bref aperçu sur l’architecture vernaculaire ou de terre et ses caractéristiques.

  • Définitions des concepts utilisés
  • Architecture vernaculaire

Le mot vernaculaire, dérivé du latin « Vernaculus » qui signifie « indigène, domestique», désigne « tout ce qui est particulier à un pays, à ses habitants ». (Larousse, 1973, p. 3255)

L’architecture vernaculaire, appelée également locale ou régionale, est une expression qui trouve son origine à la fin du XXe siècle.

Cette expression est utilisée en France depuis les années 1980, sous l’influence de l’anglais « vernacular architecture ».

Christian Lassure, le créateur du Centre d’études et de recherches sur l’architecture vernaculaire (CERAV), défini l’architecture vernaculaire de façon concrète :

«Un bâtiment vernaculaire appartient à un ensemble de bâtiments surgis lors d’un même mouvement de construction ou de reconstruction affectant une ou plusieurs régions (voire des aires géographiques encore plus vastes) et s’inscrivant dans une période variant d’une région à une autre selon des décalages de quelques décennies à un siècle et plus. Reflet de changements économiques, un type vernaculaire est caractéristique non seulement d’une époque donnée mais aussi de la classe sociale qui l’a fait construire et l’a utilisé. Concernant de vastes aires géographiques, l’architecture vernaculaire est soumise à la diffusion de plans, de techniques de construction et de décors stylistiques transcendant le cadre de la «région», parfois même débordant des limites nationales ». (Lassure Christian, 1983, p. 114)

En 1997, Paul Oliver réalise un état des lieux de l’architecture vernaculaire dans le monde.

Il défini l’architecture vernaculaire comme étant «l’architecture des gens, l’architecture sans architecte, faisant appel aux matériaux disponibles sur place et mettant en œuvre des techniques traditionnelles (par opposition à l’architecture pour les gens, l’architecture d’architecte)». (Paul Oliver, 1997, p. 46)

 Il évoque également «l’influence des traits culturels, l’impact des milieux physiques, le rôle des matériaux et des techniques, les étapes de la construction, les détails d’aménagement, l’importance des éléments symboliques et décoratifs, les méthodes de classification typologique, la variété des usages et des fonctions» (ibid.)

En 1999, la Charte du patrimoine bâti vernaculaire a été ratifiée par la 12e Assemblée Générale de ICOMOS, au Mexique. Cette charte défini l’architecture vernaculaire et reconnait l’importance de sa promotion et de sa conservation. Cette charte témoigne également de l’extension de la notion de patrimoine, qui, concernant le bâti, a longtemps été réservée aux monuments historiques.

Le bâti vernaculaire est un type d’architecture propre à une aire géographique et à ses habitants. Il s’agit d’architecture fortement influencée par le contexte local, les traits culturels et l’impact des milieux naturels.

Cette architecture est en effet l’expression d’une culture d’un savoir faire spécifique à un contexte donné.

Au carrefour de la nature et de la culture, le bâti vernaculaire est divers puisque qu’il naît du sol et des ressources de la région où il se développe, tout en s’adaptant à l’ensemble de ses contraintes.

  • Architecture en terre

La terre est le matériau le plus abondant, le plus commode, le plus économique et le plus proche de l’homme, il a toujours été l’un des matériaux les plus utilisés dans le monde et dans toutes les anciennes civilisations.

La terre constitue le matériau le plus facile à mettre en œuvre : mélangée à l’eau, la terre peut être facilement travaillée ; une fois sèche elle devient dure.

Les premières cités construites en terre crue sont découvertes dans l’ancienne Mésopotamie. La terre, étant un matériau qui se dégrade très rapidement, il existe donc peu de vestiges aussi marquants que les pyramides d’Egypte. De nombreux sites exceptionnels perdurent encore au Moyen-Orient et en Asie Centrale comme Mari en Syrie, Shibam au Yémen et Merv en Turkménistan…

La construction en terre s’est perpétuée et s’est développée durant des millénaires grâce au génie de l’Homme qui a su puiser dans les lois de la nature et a excellé dans l’adaptation de cette matière plastique à des conditions économiques et socioculturelles particulières.

Il n’est pas vrai que seules les sociétés des régions sahariennes et subsahariennes qui construisent ou ont construit en terre. Les régions de l’Atlas, du Rif et des Jbala-Ghomara ont connu aussi ce mode de construction. C’est donc toute l’aire géographique du Maroc qui est concernée (Touri Abdelaziz, 1999,  p. 469)

De nos jours, la terre est toujours utilisée comme matériau essentiel de construction dans des aires géographiques très étendues notamment en Asie Centrale, en Amérique du Sud, en péninsule arabique et en Afrique du Nord.

L’architecture de terre est une des expressions les plus fortes et les plus originales de la capacité de l’homme de transformer au mieux les ressources locales. Elle est présente dans différentes créations : des palais, des maisons, des greniers, des bâtiments religieux…

Les techniques de construction concernant la terre dans son état brut c’est-à-dire crue, englobent entre autre : le pisé, la bauge, l’adobe. D’autres techniques nécessitent l’ajout de d’autres matériaux comme le torchis, la terre-paille, la terre-copeaux bois.

Dans ces dernières années, l’évidence de son importance à travers le monde a conduit à sa prise en compte en tant que patrimoine commun de l’humanité qui nécessite d’être protégé et conservé par la communauté internationale.

  • L’architecture vernaculaire au Maroc

L’architecture vernaculaire au Maroc constitue un patrimoine d’une importance historique, culturelle et mémorielle incomparable. Cette architecture représente l’un des éléments les plus remarquables des paysages ruraux dans l’ensemble des oasis présahariennes du Maroc méridional.

Le Maroc est l’un des pays qui dispose d’un patrimoine architectural vernaculaire riche et diversifié. Ce patrimoine occupe un vaste espace qui se présente sous forme d’un croissant allant de la région de Sous  au sud-ouest jusqu’à l’Oriental. (Aziz Bentaleb, 2013, p.56)

Ce type d’architecture spectaculaire est profondément ancré dans l’histoire de notre pays.

L’emploi de la terre dans l’art de bâtir au  Maroc remonte à une époque très lointaine

Selon l’archéologue et l’historien français, André Jodin « le premier témoignage –archéologique- parait-il d’architecture de terre a été découvert dans l’île de Mogador (l’actuelle Essaouira). Au cours de l’époque mauritanienne, l’usage de terre dans les constructions était répandu, et il n’a cessé durant l’époque romaine, malgré la rareté des vestiges archéologiques ». (Mohamed Boussalh, 1999, p. 16)

A l’époque romaine, des vestiges ont été découverts dans le quartier nord-est et le quartier sud de volubilis.

Avec l’avènement de l’Islam, la terre gagne une place prioritaire dans les constructions en raison de son abondance et son économie. Nous citons les grandes villes de Sijilmassa, Nul-Lamta, Talmdult et les villes de Fès, Marrakech et Meknès.

En Afrique du Nord, Ibn Hawqal, au Xème siècle, décrit plusieurs enceintes urbaines faites en terre. (Bentaleb aziz, 2013, p. 56).

A partir du XIXème siècle, un nouveau type d’édifice voit le jour ; il s’agit des kasbahs. Ces œuvres architecturales sont liées aux grandes familles choisies par l’autorité centrale pour exercer le pouvoir local.

Le début du XXème siècle, marqué par la colonisation française est caractérisée par un désintérêt pour les architectures vernaculaires de terre à l’exception de quelques études de quelques officiers des Bureaux des Affaires Indigènes.

L’architecture en terre dans les vallées présahariennes incarne un esprit communautaire, un savoir faire ancestral, et une recherche d’équilibre entre le culturel et le naturel. Dans ces régions la technique de construction utilisée est essentiellement le pisé ou llouh en amazighe, complété à l’étage supérieur par les adobes de petite taille.

Le mot pisé vient du latin pisare qui signifie tasser ; l’outil en bois utilisé pour tasser la terre est un pisoir : une technique de compactage de la terre brute (Ait Hamza Mohamed, 2013, p. 61)

Il faut toujours souligner l’importance du savoir-faire local. La disponibilité des mâllems qui maitrisent les techniques de construction.

Les kasbahs et les ksours dans les vallées présahariennes

http://www.rogermimo.com/fr.carte.htm

Il est vrai que l’architecture en terre crue est connue également au Moyen Atlas et au Rif mais les vallées présahariennes restent le terroir, par excellence, de l’architecture vernaculaire en terre du Maroc.

Elle s’étend sur une région sous forme de croissant, allant du Sud-Ouest (le Souss) au Nord-Est (l’Oasis de Figuig), bordé de chaînes montagneuses (Haut-Atlas et Anti-Atlas) et le vaste désert. Elles relèvent des quatre provinces suivantes : Ouarzazate, Zagora, Errachidia, et Figuig (Francesca DeMicheli, 2010, p. 10)

Ce mode architectural en terre crue est encore visible surtout dans les zones présahariennes du Maroc, au sud du pays.

Nous pouvons expliquer la concentration des constructions en terre dans ces zones par plusieurs critères comme le milieu naturel à savoir la nature géologique et le climat ce qui favorise l’adoption d’un bâti en terre ainsi qu’une forte abondance en terre argileuse et la rareté ou l’absence de d’autres matières premières comme la pierre et le bois. Seuls les palmiers dattiers, les tiges de roseaux ou encore le laurier sont à la portée de la population présaharienne qui a su adapter la nature à leur besoin.

L’architecture vernaculaire en terre au Maroc se présente sous trois formes principales:

  • Les Kasbahs :

Le terme « kasbah » (tighremt en tamazight) désigne un type d’architecture vernaculaire des régions subatlasiques et présahariennes réservé aux demeures seigneuriales, des notables ou des détenteurs du pouvoir politique édifiées dans des lieux stratégiques.

Généralement, la kasbah a une forme carrée flanquée de quatre tours au niveau des angles. Elle est caractérisée, le plus souvent, par une entrée principale sous forme d’une porte monumentale bien décorée donnant accès sur un vestibule, qui sépare la demeure centrale du seigneur et les dépendances ou les logis communs. La demeure centrale est généralement créée autour d’un espace central ouvert longé d’arcades souvent sur plusieurs étages.

La richesse des décors au niveau des murs, des œuvres en bois notamment les plafonds et les portes, offre une riche palette de motifs décoratifs et révèle le génie du savoir faire-local.

Kasbah de Taourirt, photo prise le 03/04/2021

  • Les ksour :

Le Ksar signifie étymologiquement palais. Les ksour sont des ensembles fortifiés de l’Afrique du nord présaharienne qui s’étendent le long des oueds et des bouchées des tournants montagnards. A l’origine, ils étaient construits dans un souci défensif avec des enceintes quadrangulaires fortifiées flanquées de tours et percées de portes peu nombreuses, entourées de jardins, des palmeraies et des groupements de maisons en pisé.

Selon Mezzine, le ksar est un mot dérivé de l’arabe dialectal marocain utilisé pour désigner un village fortifié qui caractérise l’habitat traditionnel des oasis. Il se caractérise par un double rempart flanqué de tours, d’entrées qui s’ouvrent au matin et se referment le soir. (Ait Hamza Mohamed, 2009, p. 78)

Il s’agit d’un mode architectural qui s’adapte parfaitement aux conditions climatiques rudes des régions présahariennes. L’emplacement du ksar est souvent soigneusement choisi par rapport au cours d’eau, aux champs cultivables aux sentiers de parcours, etc. Les matériaux de construction sont, bien entendu, caractéristiques de ce genre d’architecture présaharienne : terre, pierre, bois du palmier, roseaux, etc.

L’aire des Ksours comme forme d’habitat s’adapte avec celle des oasis sud atlasiques et subsahariennes. Géographiquement, l’aire des ksours, s’étale du Yémen à Afghanistan et des confins de la Perse à l’Egypte et au sud du Maroc. Les origines de cette forme architecturale sont antérieures à l’Islam.

Cette forme d’habitat a fait preuve d’une forte adaptation aux conditions naturelles.

D’innombrables ksour existent encore aujourd’hui notamment dans les grandes vallées oasiennes. Le ksar Ait Ben Haddou reste l’un des plus remarquables au Maroc.

Ksar Ait Ben Haddou, photo prise le 03/04/2021

  • Les igoudar :

L’Agadir est une institution socioéconomique et politique. Il constitue un des éléments importants du patrimoine culturel amazigh. Son aire de distribution englobe le Maroc (Souss, l’Anti Atlas et le Haut Atlas) l’Algérie et le sud tunisien, la Lybie, les iles Canaries et des ilots en Egypte, le Niger et le Mali. Il est le lieu de  stockage des biens, le siège des élus communautaires, l’espace social et économique. Une grande concentration des igoudars se trouve dans le sud du Maroc.

En effet, la quasi-totalité des chercheurs considère l’agadir comme un grenier communautaire, or cette constitution joue des rôles qui diffèrent d’une zone à l’autre et d’une période historique à l’autre. Il s’agit de refuge, de grenier, de forteresse, d’habitation fortifié auxquels s’est ajoutée la fonction de stockage des produits alimentaires. (Hassan Ramou, 2013, p.23).

Les greniers collectifs en tant que entrepôts communautaires fortifiés, enfermèrent la fortune de la communauté et sa richesse (récolte, denrée alimentaire, armes, bijoux, …)

Le grenier est considéré comme une institution traditionnelle liée à la culture amazighe, matérialisant la cohésion et la solidarité au sein des groupes et renforçant les alliances.

Ces entrepôts sont connus localement sous plusieurs appellations amazighes : Ighrem au Haut Atlas central, Tihouna au Haut Atlas oriental et Agadir dans le Haut Atlas occidental et dans l’Anti-Atlas.

Ces greniers englobent des éléments en bois appelés alwah (singulier : llouh). Il s’agit de tablettes en bois qui contiennent des codes et des lois et qui enferment des procédures relatives à tout crime ou délit portant atteinte à la sécurité de la tribu.

Les essences les plus utilisées pour ces tablettes sont le noyer, le cèdre et le thuya.

Il semble que le plus ancien llouh est celui d’Agadir d’Ajarif (ou Oujarif) datant du 15ème siècle. Cet agadir se trouve dans la région d’Illalen non loin de Tiznit (ibid.).

De ce qui précède, nous soulignons l’importance de cette architecture vernaculaire comme une composante d’un paysage culturel spécifique. Malheureusement, cette architecture est exposée aux différentes menaces dont l’abandon des populations.

Pour conclure, il est a signalé qu’à l’heure actuelle, caractérisée par l’usage massif des ciments artificiels, des bétons, et des matériaux à haute technologie et des produits de plus en plus chers, le patrimoine architectural en terre soulève plusieurs questions relatives à la mise en place d’une politique de sauvegarde, de réhabilitation et de mise en valeur.

L’architecture en terre a toute sa place dans l’avenir comme le souligne J. Déthier (Dethier Jean, 1981, p. 15) : « l’architecture de terre est à l’ère industrielle, un cas de fécondation de l’avenir par des méthodes inventées il y a près de 10.000 ans pour construire les premières villes de l’humanité et dont le savoir –faire est parvenu jusqu’à nous grâce aux constants relais des traditions populaires ».

Bibliographie

  • Ait Hamza Mohamed, « les architectures en pisé : identité et modernité », in Patrimoine culturel matériel dans la région Souss-Massa-Draa, N° 35, IRCAM, Rabat, 2013, p.61
  • Ait Hamza Mohamed, « Quel aménagement pour les ksours oasiens du sud marocain ? » in L’environnement oasien face aux mutations économiques et sociales : le cas de figuig. Série : Colloques et Séminaires N° 16, pp. 77-96 ; Pub. IRCAM, Rabat, 2009, p 78
  • Bentaleb aziz, « Valorisation du patrimoine architectural en terre au Maroc présaharien: kasbah de Taourirt à Ouarzazate », in Patrimoine architectural au Maroc, IRCAM, 2013, p.56
  • DeMicheli Francesca, Sauvegarde et réhabilitation du ksar Aït Ben Haddou au Maroc, mémoire de DEA de l’Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, UFR d’histoire de l’art et d’archéologie, 2002, p.10.
  • Dethier Jean, Des Architectures de terre ou l’avenir d’une tradition millénaire, ed. Centre Pompidou, Paris, 1981, p.15
  • Fathy Hassan, « De l’implicite en architecture ». Préface de l’ouvrage de René Ravereau. Le M’zab, une leçon d’architecture, Sindbad, Paris, 10981, p. 13
  • Grande Encyclopédie, Paris, Larousse, t. 16, 1973, p3255, col 1.
  • Lassure Christian, «L’architecture vernaculaire » : essai de définition, in L’architecture vernaculaire, sup. No 3, 1983, p. 114
  • Lenoir Marcel, « Le Maroc : architecture de terre et de bois », sous direction de J. Lasfagues, Documents d’Archéologie Francaise, Paris pp. 55-56
  • Mezzine, A., « Le droit coutumier dans les régions rurales du Maroc » dans Splendeurs du Maroc, Plume, Paris, 1998, p. 46
  • Oliver Paul, « Encyclopedia of Vernacular Architecture of the World » in L’architecture vernaculaire, tome 21, 1997.
  • Ramou Hassan, El Mahfoud Asmhri, « Réflexions sur les origines et l’évolution des Igoudar », in Les Igoudar : un patrimoine culturel à valoriser, N°30, IRCAM, Rabat, 2013, p.23-56
  • Touri Abdelaziz, « Le patrimoine architectural en terre au Maroc » in l’Architecture de terre en méditerranée, faculté des lettres et des sciences humaines, Rabat, 1999, 469

Webographie

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