Research studies

La marginalisation de la montagne marocaine : Quels enjeux de développement

The marginalization of the Moroccan mountains: What are the development issues

 

Prepared by the researcher :  Lamiae EL BEZZARI  – Laboratoire : territoire, environnement et développement. Université Ibn Tofail. Maroc

Democratic Arab Center

Journal of Urban and Territorial Planning : Fourteenth Issue – December 2022

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN (Online) 2698-6159
ISSN   (Print)  2699-2604 
Journal of Urban and Territorial Planning
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Résumé

La montagne marocaine constitue un territoire particulier et complexe. Particulier suite à sa richesse en potentialités naturelles, culturelles et éco-paysagère. De même,  c’est un territoire complexe par sa marginalisation et sa précarité, sa dégradation naturelle et ses contraintes économiques dont il est le théâtre actuellement. Le capital humain dans le territoire montagnard est pénalisé par l’insuffisance en matière de qualification. Il enregistre des indices de sous développement et de précarité considérables : un taux élevé de pauvreté, de l’analphabétisme et du chômage qui est marqué par son caractère saisonnier et parfois occasionnel, ce qui accentue la marginalisation et la précarité de la montagne.

Abstract

The Moroccan mountain constitutes a particular and complex territory. Particular because of its richness in natural, cultural and eco-landscape potential. Similarly, it is a complex territory because of its marginalization and its precariousness, its natural degradation and its economic constraints which it is currently the scene. The human capital in the mountain territory is penalized by the lack of qualification. It registers considerable indices of underdevelopment and precariousness: a high rate of poverty, illiteracy and unemployment which is marked by its seasonal and sometimes occasional character, which accentuates the marginalization and the precariousness of the mountain.

Introduction

La montagne est restée assez délaissée par le pouvoir central, elle n’a suscité l’intérêt des aménageurs que vers la fin des années soixante à travers des projets intégrés  qui ont ciblé les trois chaînes de montagne. L’objectif de ces projets était la protection des ressources naturelles non plus l’amélioration des conditions de vie de la population locale. Cependant, les visions de géographes, de sociologues ou des historiens au quotidien des montagnards donnent une vision plus noire de la réalité sociale.

Pour mieux appréhender la marginalisation de la montagne marocaine, nous faisons appel dans cette contribution à une approche multisectorielle (historique, théorique, géographique et territoriale) afin de comprendre la problématique de marginalisation dont souffre la montagne marocaine et proposer une série de stratégies de développement permettant de rétablir l’équilibre territorial.

  • Etat des lieux de la montagne marocaine

Le territoire montagnard occupe une place importante au Maroc. Il montre de fortes singularités écologiques, sociales, historiques et culturelles, et  une très grande importance économique et écologique pour l’ensemble du pays. De plus, il se  caractérise par une diversité des ressources naturelles, culturelles et paysagères qui peuvent constituer un support d’enjeux très intéressant.  Néanmoins, quoique la montagne au Maroc fournisse à l’ensemble du pays les ressources naturelles indispensables à son développement, elle est restée depuis fort longtemps à l’écart de développement économique et social.

1- La montagne marocaine entre potentialités et contraintes

Au Maroc, la montagne est définie comme une région d’altitude supérieure à 500 mètres et constituée de reliefs aux pentes raides (Laouina, 2000). La superficie délimitée de la montagne sur la base des critères retenus s’élève à 187.740km2, soit près de 26% du territoire national.  La montagne présente une dualité remarquable :

  • D’une part, elle abrite des potentialités naturelles, humaines, économiques et patrimoniales importantes.
  • D’autre part, elle appartient à un monde rural fragilisé par une surexploitation des ressources naturelles, ainsi que des conditions de vie médiocres.

  • -Diversité des ressources naturelles

 De par sa position géographique, ses caractéristiques altitudinales et hydrographique, la montagne marocaine regroupe une variété des ressources naturelles. Ces ressources ont assuré durant longtemps le maintien de l’équilibre de la dynamique écologique et socio-économique du pays.

Sur le plan climatique, les chaines atlasiques constituent une puissante barrière aux influences sahariennes (en particulier le Haut Atlas qui dépasse 4000 m) faisant largement écran aux influences désertiques venant du sud et protégeant le reste du pays de la sécheresse.

Sur le plan hydrologique, la montagne est un véritable château d’eau. En effet, la majorité des rivières et sources fournissant le principal des ressources en eau jaillissent de ces chaînes. L’épaisse couche de neige couvre les sommets pendant le mois d’hiver constitue une réserve qui soutient le débit des cours d’eau, notamment en printemps. De plus, les couches calcaires emmagasinent l’eau dans leur masse et assurent par d’importantes ressources une alimentation plus régulière dans l’année.

Par sa diversité orographique et lithologique, la montagne abrite une importante diversité d’écosystèmes (cèdre, chêne. vert, chêne liège, thuya, pin, etc.) qui jouent un rôle primordial  dans la conservation des sols et la constitution des réserves hydriques

1-2 Un capital humain important

Les territoires de montagne au Maroc sont dans l’ensemble des milieux densément occupés, souvent bien plus que les plaines, en raison essentiellement de conditions climatiques, écologiques et économiques autrement avantageuses. Le facteur humain dans les zones de montagne est d’origine berbère Amazigh : les rifains, les amazighs et les chleuhs, utilisent une longue très éloignée les unes des autres.

La répartition géographique de la population montagnarde est très inégale à l’intérieur du pays,  cette population est à forte dominance rurale, les habitants des villes ne représentent que 27,3%  avec des densités varient énormément entre les montagnes. Le  Rif où  se concentre 33% de la population montagnarde, il enregistre la densité la plus élevée  qui atteint 112,7 hab/km2 (tableau n°1).

  Rif Haut atlas oriental Haut Atlas occidental Moyen Atlas Anti Atlas
Densité (hab/km2) 112,7 16,6 35,5 35,4 18,1

Source : Recensement Général de Population et d’Habitat 2014

Tableau n°1 : densité de la population dans les chaînes montagnardes

De nombreux facteurs physiques, économiques et historiques expliquent cette distribution de la population. La répartition de la pluviométrie explique la dissymétrie entre les montagnes du Nord, du centre et du sud. Les montagnes du nord et du centre sont caractérisées par l’abondance des ressources en eau, et la présence d’une richesse forestière. Par contre, les montagnes du sud se caractérisent par la rareté des ressources en eau et du couvert végétal.

1-3 Une diversité  du  patrimoine culturel et architecturel

La montagne marocaine renferme une richesse culturelle et des héritages patrimoniaux d’une immense diversité dont la majorité est d’origine Amazigh, caractérisant une force humaine, des organisations socio-institutionnelles et des pratiques ingénieuses de la gestion rationnelle des ressources et des affaires communes.

L’artisanat est un secteur représentatif de l’identité et de la spécificité de la montagne, il s’agit de la transformation des produits locaux (bois, laine, cuir) à des objets destinés à satisfaire les besoins essentiels des populations (tapis, habits, couverture, objets métalliques, etc.). La  montagne est enrichie considérablement par un folklore berbère assez riche, il est considéré comme le plus riche des couleurs artistiques à l’échelle nationale (Reggada au Rif, Ahidous au Moyen Atlas et Ahwach en Haut Atlas et Anti Atlas)…..

Du côté architectural, le patrimoine bâti est assez diversifié.  Le mode d’habitat  des nomades est basé sur la tente, par contre,  la vie sédentaire essentiellement agricole est liée à l’habitat en ksour, ce type d’habitat collectif de Haut Atlas  et Anti Atlas disparait  quand on s’éloigne des régions chaudes. La maison  de type rural est la plus abondante dans les zones humides au Moyen Atlas et le Rif. Ces types d’habitats constituent un aspect fortement identitaire de la montagne puisqu’il s’intègre dans le milieu naturel, par son organisation, ses formes architecturels et ses matériaux locaux de construction  provenant essentiellement du sous sol et de végétation  (bois, pisé, pierre, etc.). L’utilisation des matériaux locaux constitue une source de fraicheur pendant l’été ainsi qu’une source de chaleur pendant l’hiver.

Les activités artisanales, les savoir-faire et les traditions locales du territoire montagnard constituent d’une énorme richesse et composante historique essentielle du pays.

2- Des multiples contraintes entravent le développement montagnard.

L’exclusion de la montagne du processus de développement socio-économique national, s’exprime à travers le nombre limité des interventions publiques et privées, qui ont accentué le déséquilibre de ses systèmes écologiques, sociaux et culturels. Ceci s’est répercuté négativement sur les ressources territoriales et sur les conditions de vie des locaux.

2-1 Dégradation des ressources naturelles

Les ressources naturelles dans la montagne marocaine subissent une forte pression. D’une part, suite à l’exploitation irrationnelle et incontrôlée provoquée par la croissance démographique, et d’autre part, en raison du changement climatique, de la faiblesse de la productivité agricole et du non diversité des ressources de revenus de la population. Tous ces facteurs contribuent fortement à la dégradation du milieu naturel (eau, couvert végétal, parcours, sol).

Pour la forêt, les modes de l’exploitation et de gestion connaissent une crise générale, due essentiellement à l’augmentation des besoins en matière de produits forestiers et aux déséquilibres entre l’offre et de la demande. La population montagnarde qui est généralement pauvres et qui vit dans des conditions climatiques rudes, s’oriente vers la forêt pour satisfaire ses besoins en bois.

Dans la montagne, où les conditions de la paysannerie sont assez médiocres, les montagnards se trouvent dans l’obligation de diversifier leurs revenus ; à travers la modernisation de leur agriculture qui est fortement concurrencée par celle de la plaine. Pour participer à cette modernisation, l’exploitation  croissante des zones montagneuses par l’agriculture commerciale intensifie la pression sur les écosystèmes fragiles : compactage des sols, accélération de l’érosion, réduction de la fertilité des sols, diminution de la nappe phréatique.  Quant à l’élevage, il est de type extensif, les effectifs du cheptel constituent une charge pastorale qui dépasse de loin la charge d’équilibre. Les parcours sont en nette régression à cause de la succession des années de sécheresse.

2-2 Une crise sociale

Les aspects de la crise sociale peuvent se résumer à travers des données qualitatives qui tracent les conditions de vie des montagnards.

La population montagnarde est à forte dominante rurale, les habitants des villes ne représentent que 27,3%. Pour cela, les populations montagnardes ont souvent un double habitat : petit village dans les centres communaux et habitat dispersé dans les douars soit des maisons en pisé ou en pierre, des Noualas et des Khaima isolées dans les terrains pastoraux. Les habitants connaissent des conditions d’habitat rural assez difficiles, en raison de la faiblesse en équipement domestique et de confort dans les logements.

De sa part l’analphabétisme constitue un obstacle pour le développement montagnard : les zones  de montagnes sont les territoires les plus touchés par ce fléau.

Source : Recensement Général de Population et d’Habitat 2014

Figure n°1 : taux d’analphabétisme chez les femmes et les hommes

L’analyse de la figure n°1 révèle que le taux d’analphabétisme est très élevé que celui enregistré au niveau national. Certes, ces taux sont en baisse grâce aux programmes de lutte contre l’analphabétisme et d’éducation informelle. Toutefois, ces évolutions connaissent  un rythme très lent.

En effet, plusieurs facteurs privent les enfants et en particulier les filles d’une scolarisation continue notamment l’éloignement de l’école, les tâches domestiques surtout au niveau du collège et du lycée. Hors, la majeure partie des habitants parlent la langue Amazigh, sauf que le programme engagé par l’Etat est fortement arabisé.

Quant aux activités,  elles se varient selon les conditions naturelles et économiques du territoire. Il y en a ceux qui vivent soit sur l’exploitation agricole: pastoralisme ou de l’agriculture vivrière, leurs revenus agricoles se caractérisent par la faiblesse et l’instabilité. Par conséquent, et d’après le développement de l’habitat dans les chefs lieux des communes, des petits métiers sont en cours de développement (tailleur, plombier, menuisier)

En ce qui concerne la pauvreté, les zones montagneuses sont caractérisées par des taux de pauvreté monétaires globalement plus élevés que le niveau national 8,76%.

  Rif Moyen Atlas Haut Atlas Anti Atlas Moyenne national au Maroc
Taux de pauvreté 3,9 7,9 15,8 10,2 3,5

                                                                      Source : RGPH 2014

Tableau n°2: Taux de pauvreté dans la montagne marocain

Face à cette situation de crise socio-économique, de nombreux facteurs agissent dans les déplacements des montagnards. Les problèmes économiques demeurent la cause principale de l’exode rural ; il s’agit du chômage, de la faiblesse des revenus et du manque des équipements de base. L’économie de la plupart des montagnes, se base sur l’agriculture, néanmoins avec la succession des années de sécheresse la situation économique s’aggrave et les besoins augmentent.

II- Quelle politique de l’Etat pour développer la montagne ?

Après avoir fixé leur activité durant les premières années de l’indépendance sur l’aménagement et le développement des plaines, l’Etat marocain était obligé de changer sa politique en se tournant vers les milieux marginalisés dont les zones de montagne.

Suite à l’augmentation de la population montagnarde, à la dégradation des ressources naturelles et à la médiocrité des conditions de vie, l’Etat a découvert que les investissements dans les grands bassins hydrauliques ne peuvent pas atteindre un développement rural durable, ce qui l’a obligé à lancer une nouvelle politique de développement dite « projet de développement rural intégré » dans les zones de montagne : Rif, Moyen Atlas, Haut Atlas. Ces projets visent l’augmentation des revenus de la population, la protection de l’environnement et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles.

1  Des projets intégrés à la vielle de l’indépendance 

Considérées comme des territoires marginaux par rapport aux parties utiles du territoire national, les zones montagnardes sont restées assez délaissées par le pouvoir central, elles n’ont bénéficiées que tardivement de nouvelles mesures d’aménagement et de développement.

Au lendemain de l’indépendance, l’Etat marocain a mobilisé tous ses moyens qui lui permettent d’affermir son indépendance économique et de promouvoir son développement à partir de ses forces internes. Pour cette raison, il a mis en place trois plans successifs (plan quinquennal 1960-1964, plan triennal 1965-1967, plan quinquennal 1968-1972). Les politiques lancées dans ces plans (l’aménagement hydraulique, l’aménagement touristique, etc.) sont arrivées à des résultats satisfaisants dans les plaines et les milieux touristiques. En revanche, les zones montagnardes n’ont pas bénéficié de ce développement, ce qui a accumulé de nombreux problèmes socio-économiques.

           Le territoire montagnard n’a suscité l’intérêt des aménageurs que vers la fin des années soixante, à travers des projets intégrés.

1-1 Projet de Développement Économique et Régional du Rif Occidental (DERRO)

La zone du Rif a été la première zone de montagne qui a fait l’objet de l’intervention des pouvoirs publics dans le cadre du projet DERRO (Projet de Développement Économique et Régional du Rif Occidental). Le projet est destiné à promouvoir le développement intégré de l’une des régions les plus déshéritées du pays, qui souffre de nombreux handicaps d’ordre naturel, humain et  économique. Du côté naturel, le territoire reçoit une quantité importante des précipitations, ces dernières sont souvent violentes et concentrées, provoquant de graves processus érosifs préjudiciables à l’activité agricole et aux équipements hydro-agricoles.

Sur le plan humain, la densité de la population est très supérieure à celle enregistrée au niveau national, elle est de l’ordre de 165hab/km. Les populations sont à la recherche des surfaces cultivables procèdent à des défrichements massifs sur des terrains exposés à l’érosion ce qui aggrave la dégradation des sols. Quant au secteur économique, l’agriculture qui est le secteur dominant souffre de la médiocrité de la surface cultivable et la domination des modes traditionnels. Ce projet financé par l’ONU et piloté par le FAO ne s’est intéressé qu’à la lutte contre l’érosion et la conservation des sols sans s’occuper du sort des populations concernées.

1-2 PROJET MOYEN ATLAS CENTRAL (PMAC)

Le projet Moyen Atlas central comme une action de développement intégrée, a englobé les trois composantes principales de ce territoire : l’agriculture, l’élevage et la forêt. Suite à la richesse de ce territoire en forêt et l’importance des parcours collectifs, d’une part, et les problèmes de surpâturage et de l’exploitation irrationnelle du couvert forestier, d’autre part. .

Ce projet  a accompli des actions positives notamment dans le secteur de l’élevage, de l’agriculture et de l’exploitation forestière puisque il a été destiné aux trois composantes de l’économie locale et non au développement humain.

1-3 PROJET HAUT ATLAS

Le projet de développement socio-économique qui a ciblé le Haut Atlas central en partenariat avec la France a considéré le tourisme comme pierre angulaire de développement.  En effet, ce projet s’est particulièrement basé sur la diversité des potentialités touristiques inexploitables, sachant que le territoire est en crise socio-économique (domination des activités agricoles, croissance démographique accélérée, faiblesse en équipements sociaux, etc.).

De plus, le projet a associé plusieurs activités traditionnelles/modernes en faveur de la population locale mais il n’a ciblé qu’un nombre limité des douars et les revenus du tourisme.

De surcroît, ce projet illustre des initiatives multiples dont l’objectif est de sauvegarder et de conserver les ressources naturelles (eau, forêt, sol) et de lutter contre les phénomènes qui menacent l’économie des plaines (l’érosion, l’envasement des barrages, l’inondation, la dégradation des parcours, etc.) et non l’amélioration des conditions de vie de la population locale défavorisée. La mise en place des équipements et des services sociaux qui constituent des besoins fondamentaux pour le développement des conditions de vie  (établissement scolaires, unités sanitaires, électrification, approvisionnement en eau potable, route godronnée, etc.) étaient absents dans les programmes de ces projets, ce qui a tardé le développement de ces zones déshéritées.

2- Une nouvelle vision à la montagne depuis le sommet Rio

       L’attention portée aux enjeux environnementaux et sociaux dans les régions ne s’est accrue que vers la fin du 20eme siècle, que lorsque l’Etat est s’engagé depuis le sommet de Rio 1992.

      Au sommet de la terre de Rio « la valeur patrimoniale de la montagne » est devenue un fait universellement reconnu, embrassant désormais un périmètre bien plus large que ses seuls valeurs écologiques.  La montagne fait l’objet d’un chapitre entier de l’agenda 21, qui souligna l’urgence de la mise en place de démarche de développement durable des espaces montagnards. L’engagement du Maroc dans cet article confirme que ces milieux montagnards sont des espaces géographiques pauvres et en pénurie, qui ne nécessitent pas seulement la protection naturelle mais aussi un développement humain.

Au début du troisième millénaire, le Maroc a lancé le schéma national de l’aménagement du territoire SNAT sans lequel il a présenté la vision officielle du territoire et de son aménagement. Dans ce schéma le Maroc a exprimé l’importance de la montagne dans l’économie du pays « le Maroc existe grâce à ces montagnes, elles sont les sources de la vie, les châteaux d’eau qui nourrissent les plaines en contrebas ». D’après le SNAT, la montagne est donc la source de vie pour le Maroc, c’est le château d’eau du pays et la source de vie grâce à sa diversité biologique et paysagère, ses traditions humaines ancestrales et à son intérêt scientifique et touristique important. Pourtant, elle souffre de nombreux handicaps de développement : la misère sociale, l’isolement, la fragilité économique, la faiblesse en infrastructure, etc.  Le schéma a lancé donc, un discours pour mettre une politique de montagne et avoir/chercher les moyens pour créer cette politique et intégrer les différents acteurs dans le développement.

En 2007, l’association de la population de la montagne mondiale a vu le jour dont le but de défendre les intérêts des montagnards et contribuer au développement socio-économique et culturel des zones de montagnes marocaines. L’objectif initial de cette association se base essentiellement sur :

  • L’encouragement des initiatives locales,
  • L’organisation de changement et de coopération entre les pays développés et les pays en voie de développement,
  • Faire entendre la voix de la population de la montagne.

Au terme de cette analyse, il paraît clairement que les politiques de l’aménagement de la montagne au Maroc viennent en retard. Actuellement l’entourage universel nécessite de prendre en considération les problématiques de développement et de protection des territoires montagnards avec l’intégration des approches convenables aux caractéristiques de la montagne. Donc, la montagne a besoin d’un nouveau modèle de développement.

III – Les Enjeux de développement territorial

Comme nous l’avons montré précédemment, la montagne recèle des potentialités remarquables. Pourtant,  elle laisse apparaître des multiples formes de précarité et de persécution. Ce territoire était le théâtre de plusieurs projets d’aménagement qui ont ciblé les composantes naturelles (eau, sol, forêt, parcours) et non l’amélioration des conditions de vie des locaux. Ce qui a tardé son  développement

Pour dépasser la marginalisation territoriale, il est indispensable de proposer des orientations  de développement. Il s’agit d’inspirer un ensemble d’activités et d’actions susceptibles d’affirmer l’amélioration des conditions de vie de la population locale à travers la valorisation des différentes ressources territoriales existantes.

Le diagnostic d’état des lieux des milieux montagnards  traité précédemment, nous a permis de dégager des différents enjeux majeurs dont l’objectif est de penser sur l’avenir de développement, ces enjeux concernent les points suivants :

  • Une dégradation des ressources naturelles toujours en augmentation.
  • Des conditions de vie marquées par la précarité et le sous développement
  • Une énorme richesse en termes de ressources paysagères et culturelles qui souffre du manque de valorisation.

  • Sauvegarde du patrimoine environnemental

La montagne bénéficie d’un milieu naturel aux ressources variées, qu’il s’agisse d’eau,  de la forêt, des lacs, des terrains de parcours. Actuellement, la croissance de la population et les mutations récentes de l’économie locale constituent une source de problème pour l’environnement, mais aussi les conditions climatiques défavorables (la sécheresse, les orages, la grêle) sont autant des réalités qui fragilisent dangereusement le milieu naturel.

La  montagne ne bénéficie pas de ces potentialités, elle a perdu ses ressources naturelles vers l’aval notamment l’eau. Dans ce sens, les premières interventions doit porter sur la construction des barrages, l’emmagasinement des eaux de pluies qui se perdent durant toute l’année vont permettre l’organisation des ressources en eau en matière d’irrigation et d’eau potable pour la population de la montagne.

La population montagnarde entretient des relations très fortes avec l’espace forestier. Ce dernier est utilisé pour satisfaire leurs besoins en bois d’énergie, en bois de construction et aussi pour nourrir le bétail. Les mutations  socio-économiques récentes et l’évolution démographique conduisent à intensifier l’utilisation des ressources forestières. Pour sauvegarder ce patrimoine forestier et réduire la pression de la population sur la forêt,  l’introduction de nouvelles technologies d’économie d’énergie à travers l’utilisation du gaz butane (fours à chauffages, fours à pain) est primordial, et cela à travers l’augmentation  des subventions de l’Etat en gaz butane, surtout dans les territoires qui se caractérisent par des taux de pauvreté très élevés et d’une période de neige qui dure longtemps. Ajoutons à l’actualisation des subventions de l’Etat, leur distribution qui doit prendre en considération l’éloignement des douars et leur isolement durant la période hivernale.

L’éducation à l’environnement et le renforcement des programmes de sensibilisation et de conservation des ressources naturelles est primordial pour garder un environnement durable aux générations futures.

L’enjeu environnemental dans la montagne réside, donc, dans la sauvegarde de l’équilibre entre les activités anthropiques et les ressources naturelles, en permettant aux populations locales de mieux vivre tout en utilisant les ressources d’une manière rationnelle.

  • Renforcer et réhabiliter le capital humain

L’enjeu de la lutte contre l’abandon scolaire est un investissement pour l’avenir, il contribuera au développement des mentalités locales. En effet, les stratégies et les politiques dans ce sens nécessitent l’amélioration de la qualité et l’équité dans l’éducation et la formation. Les mesures d’intervention doivent s’adresser aux :

-Soutien des élèves puisque la langue mère « la langue Amazigh est complètement différente de la langue d’apprentissage.

-La sensibilisation des parents d’élèves de la nécessité de l’éducation.

-Faciliter l’accès à une éducation préscolaire de qualité.

Quant à la pauvreté, l’enjeu de l’éradication de la pauvreté et de l’amélioration des conditions de vie s’imposent forcément. Le taux de pauvreté  dans les chaines montagnardes dépasse de loin le taux enregistré au niveau national. L’une des particularités des zones de montagne en matière d’emploi est la forte activité concentrée seulement sur quelques mois de l’année, les périodes de travail sont relativement courtes.

Pour atteindre cet objectif, le développement des activités économiques ne doit pas se fondé sur les métiers du secteur primaire mais aussi sur des nouvelles activités génératrices de revenus à noter : l’apiculture, l’écotourisme,  l’agrotourisme, l’artisanat locale, etc.

L’enjeu initial dans  les milieux de montagne est de mieux répondre aux besoins d’ordre social pour améliorer les conditions de vie du capital humain et contrôler l’exode rural. Effectivement, le phénomène de l’exode rural est spécifique car il concerne particulièrement les jeunes de la société locale, ce qui constitue une carence en matière du potentiel humain.

 La population montagnarde est confrontée aussi à un grand déficit au niveau de l’accessibilité  en équipements de base. Par ailleurs, les déplacements sur les sommets de montagne est les communes isolées s’organisent autour d’un réseau routier de faible densité, l’accès à la route goudronnée constitue un déficit pour les locaux  et surtout pendant la période hivernale L’amélioration de l’infrastructure de base et l’implantation des nouveaux équipements dans les douars isolés, pourra réduire les disparités spatiales qui existent entre l’amont et l’aval.

L’enjeu social est l’enjeu majeur qu’il faut considérer en priorité dans le cadre d’un projet de développement territorial de la montagne marocaine, dont l’objectif est d’améliorer les conditions de vie des locaux.

  • Diversifier l’économique locale

Le système de production agricole dans la montagne marocaine a subi de profondes transformations, il est caractérisé par la coexistence de deux types (traditionnel et moderne). Mais malgré ça, le secteur souffre d’une dépendance accrue au secteur traditionnel et une forte dépendante des ressources naturelles.  La diversification de l’emploi est une composante essentielle pour que la montagne reste attractive aux yeux de la population et surtout les jeunes.  De nombreux secteurs et métiers  du patrimoine sont concernés car ils présentent des gisements porteurs pour l’emploi. Les spécificités des potentialités qu’abrite la montagne peuvent être transformées en plusieurs créneaux de développement. Les activités d’exploitation du patrimoine auront des retombées positives sur l’économie sociale.

L’enjeu de développement économique de la montagne réside dans la restauration de l’équilibre entre les activités économiques et les ressources naturelles, en permettant aux populations locales de mieux vivre tout en utilisant les ressources existantes. L’enjeu est donc, de diversifier une activité agricole à grande valeur  et à moindre coût écologique (eau, sol) avec des activités complémentaires de service et de tourisme. Pour l’activité pastorale qui se considère comme un pilier économique dans la montagne,  l’enjeu aussi est de sensibiliser les éleveurs à l’importance de la production des fourrages et la nécessité de l’amélioration des races ovines et caprines pour des cheptels de moindre importance en nombre, mais, plus productifs en viande, en laine et en lait.

  • valorisation des ressources territoriales

Comme déjà susmentionné, la montagne fait partie des territoires aux grandes potentialités éco-paysagères. Elle englobe d’atouts spécifiques qui lui confèrent  une identité avantageuse et qui font d’elle  un territoire d’intérêt stratégiques. La diversité des ressources naturelles, humaines et culturelles constituent des lieux propices aux loisirs et aux sports et une mosaïque d’hommes et de traditions.

L’étendue des territoires de montagne concernés par l’activité touristique représente en totalité une offre originale et vierge du produit touristique national.  L’offre touristique diffère d’une chaine montagnarde à une autre. Le Haut Atlas et le Moyen Atlas sont les premières chaines qui ont bénéficié de quelques réalisations touristiques et connaissent chacune des flux touristiques spécifiques et variés (Moudoud, 2006).

Les zones de montagne offrent aussi terrain propice à la pratique du tourisme de villégiature par les habitants de certaines villes et de grands centres urbains du pays (Sellak, 1994), pendant toutes les saisons d’années.  Plusieurs sites et régions attirent les touristes pendant l’hiver  pour la pratique des activités de Ski (station d’Oukaimden et Michlifen), ainsi que des activités de randonnées pédestre et de détente dans plusieurs sites.

La valorisation de l’artisanat reste également une priorité. Dans nos jours, les articles artisanaux sont menacés par la modernisation économique et sociale, plusieurs femmes abandonnent la fabrication des ces produits qui se vendent difficilement et rarement dans les marchés locaux. En effet, le développement du secteur artisanal, nécessite une diversification et une amélioration des produits artisanaux les plus demandé dans le marché local et le marché national et l’implication de la touche moderne.

La diversité des unités architecturelles (Zaouia, habitat rural traditionnel, Ksour, seguia, village, etc)  est un potentiel du tourisme culturel dans la montagne, qui nécessite une sauvegarde de leur héritage culturel en menaçant ruines et réaménagement pour renforcer leur identité, et par conséquent améliorer et développer l’attraction touristique.

Le secteur touristique constitue donc, l’un des principaux axes de développement pour la montagne. La diversité et la variété des ressources qui la composent, en font de la montagne une zone d’attraction touristique particulière. L’objectif initial du développement du secteur touristique se résume dans les points suivants :

*Renouvellement de l’offre touristique

*Amélioration des conditions d’accueil

* L’élargissement de la période touristique à travers la mise en œuvre des études stratégiques visant à favoriser l’élargissement de la période touristique toute l’année.

*La création des activités économiques complémentaire au tourisme.

Conclusion

L’ensemble des ressources territoriales qu’abrite la montagne, peuvent faire l’objet des projets pouvant contribuer à dynamiser le territoire et le faire sortir de sa pauvreté et sa marginalisation. Le sauvegarde et la valorisation de ces ressources constitue une condition nécessaire pour la promotion et l’amélioration des activités touristiques et le développement économique de ces montagnes qui souffrent de l’isolement et de la précarité.

Bibliographie

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