La recherche scientifique en patrimoine cinématographique en Tunisie : l’état des lieux et les recours possibles
Prepared by the researcher : Dr Faten RIDENE /Enseignante-Chercheuse en Sciences du Cinéma et de l’Audiovisuel/Institut Supérieur de Théâtre et Musique du Kef/Université Jendouba/Tunisie
Democratic Arab Center
Journal of cultural linguistic and artistic studies : Twenty-seventh Issue – March 2023
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin
Journal of cultural linguistic and artistic studies
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Abstract
In order to be successful in film studies’ research, a researcher must have access not only to academic references (books, essays, articles, scientific journals…) that theorize or trace the chronology of cinema from the four corners of the planet; but also to a film heritage that should be well catalogued and made available to researchers by academic and/or cultural, public and/or private institutions; that oversee, a rich, fertile and well catalogued material, and most of all, a national film heritage that is worthy of being safely stored. Tunisian/international film researchers escape from investigating national film heritage, given the difficulty they face in finding variable resources in terms of: pure heritage/theories/filmography/need for interviews… Through our study, we will try to investigate the state of the art of academic research on Tunisian cinema heritage, our goal being to enhance the essential need for the development of this national heritage, for the purposes of academic research while attempting to propose solutions to the problems encountered by researchers.
Résumé
Afin de réussir une recherche en sciences du cinéma, un chercheur doit avoir accès, non seulement à des références académiques (livres, essais, articles, journaux scientifiques…) qui théorisent, ou tracent la chronologie du cinéma des quatre coins de la planète ; mais aussi à un patrimoine cinématographique qui doit être bien répertorié et mis à sa disposition par des établissements : universitaires et/ou culturels, étatiques et/ou privés, qui surveillent, un héritage riche, fécond, bien répertorié, mais avant tout digne d’être sauvegardé. Les chercheurs en cinéma esquivent l’investigation en patrimoine national cinématographique, compte tenu les difficultés qu’ils affrontent pour en trouver des ressources variables en termes de : -patrimoine pur et dur-/théories/filmographie/besoin d’interviews… A travers notre étude, nous allons essayer d’investiguer l’état des lieux autour des recherches universitaires sur le patrimoine cinématographique Tunisien, notre but étant de rehausser le besoin primordial de la mise en valeur de cet héritage national, pour des fins de recherche académique, tout en tentant de proposer des solutions aux problématiques rencontrées par les chercheurs
Introduction
Depuis leur invention du cinématographe, les frères Lumière ont veillé à envoyer leurs opérateurs aux quatre coins de la planète, dans le but de prendre des vues, et en conserver ainsi, et sans s’en rendre compte, leur invention, à travers des courtes vues de durée de 30 secondes, enregistrées sur des bobines argentiques de 35mm. Ensuite, le cinéma a évolué, du muet au parlant, du noir et blanc aux couleurs, de l’argentique au numérique ; rendant ainsi le patrimoine cinématographique international, digne d’être sauvegardé selon des conditions standards bien définies, pour devenir ensuite une référence pour les chercheurs qui souhaitent étudier le patrimoine cinématographique de leur nation. Des exemples internationaux comme l’Institut Lumière (Lyon) et la Cinémathèque de l’université de La Sorbonne Nouvelle (Paris III) en France, ou le musée baptisé Le monde de Shady Abdessalem situé à Alexandrie-Egypte ; témoignent bien une fertilité en archive cinématographique et son mérite pour la sauvegarder, la mettre en valeur et faciliter l’accès des chercheurs à leur patrimoine , ce qui les encouragerait à entamer des recherches scientifiques qui fructifieraient leurs références scientifiques nationales.
En France par exemple, ‘beati loro[1]’ les chercheurs qui estiment travailler sur l’ancien cinéma français, ils n’ont qu’à se diriger vers l’institut Lumière ou la Cinémathèque, ou même à la projection en salles des films de patrimoine, qui représente 1% des recettes nationales de la France en distribution cinéma (DANARD, 2019). En Tunisie par contre, c’est bien éloigné : les études des enseignant.e.s-chercheur.se.s tunisien.ne.s en cinéma et audiovisuel, se limitent à disséquer l’esthétique d’un ou plusieurs films contemporains , avec des axes de décodage tels que les situations politiques pendant leur période de production, les décors, l’architecture des lieux de tournage, ou l’esthétique de leurs images…. Ils n’ont qu’à revoir n fois des œuvres récentes, sujet de leur corpus de recherche, en salles des deux distributeurs tunisiens majeurs : Les frères Goubantini[2] et Hakka Distribution[3] ; ou encore à travers des plateformes légales de streaming telles que Netflix[4] à l’échelle mondiale et Artify[5] en Tunisie, pour en prendre quelques plans, et s’appuyer sur des références étrangères en théorie, philosophie et esthétique de cinéma, pour rédiger leurs recherches (thèses, articles ou contribution dans des séminaires locaux ou internationaux), qu’on compte sur les bouts de nos doigts. Et c’est ce qui rend la recherche sur le cinéma en Tunisie, limitée à la comparaison entre les différents points de vue, de réalisateurs traitant une même quête dans leurs œuvres, ou à l’analyse de la liberté d’expression, de l’état politique, ou à une lecture du décor ou de l’architecture ou la bande musicale…, mais toujours dans des œuvres récentes qui ne dépassent pas généralement une décennie depuis leur sortie en salles.
Dans tous les cas de figure susmentionnés, l’accès à la filmographie est facile ; le problème s’installe alors quand un.e chercheur.se doit se plonger dans le passé cinématographique de la Tunisie et fouiller l’identité et l’histoire : c’est là où le chercheur se rend compte qu’il se trouve dans un océan vide, contenant quelques petits lacs, de diamètres trop réduits (réalisateurs, boites de productions, ou quelques associations[6] ou établissements étatiques qui se comptent sur les bouts des doigts[7]) et dispersés à l’échelle distancielle, et qu’il doit se charger de les contacter, prendre avec eux des RDV d’entretiens, et essayer de trouver quelques traces ici et là, pour s’y appuyer et commencer sa recherche, en se posant des questions du genre :
- Que dois-je faire si je n’arrive pas à interviewer le réalisateur/producteur pour demander son accord pour l’utilisation de son œuvre dans ma recherche ?
- Pourquoi ne peut-on pas visionner l’archive cinématographique tunisienne de la même façon que le visionnage des films contemporains ? En salles ?
- A quelle difficulté/obstacle/ un chercheur tunisien ferait face, en tentant d’accéder à l’archive nationale cinématographique, des films argentiques ?
- Pourquoi utilise-t-on des moviolas de montage pour permettre aux chercheurs en cinéma de les visionner au lieu de les projeter à travers des projecteurs de films argentiques 16/35 mm ?
- Est-ce qu’on peut dans une recherche en cinéma, installer des cotravaux entre les spécialités cinéma/documentation/archive/patrimoine dans une recherche qui relie des chercheurs en cinéma et archive, documentation et patrimoine ?
Nous allons essayer de répondre à ces questions, et à d’autres, en nous appuyant : d’abord sur notre propre expérience d’investigation qui portait sur les représentations du patrimoine dans les films tunisiens, ensuite sur la base de données nationale des thèses de doctorat. Nous essayerons aussi de déployer l’état des lieux quant à l’archive nationale du cinéma, que des chercheurs en cinéma, tunisiens ou internationaux, voudraient s’y référer, mais y trouvent des lacunes, sans oublier de montrer à quel point notre patrimoine cinématographique est en péril, ce qui nous pousse à sensibiliser les chercheurs en cinéma, archive, documentation, patrimoine… pour veiller à le sauvegarder et le rendre référentiel tels que ses homologues internationaux.
- Aperçu historique sur le début du cinéma en Tunisie
- 1986 : Les opérateurs-projectionnistes des frères Lumière en Tunisie
Une fausse information largement médiatisée, classe les frères Lumière comme fondateurs du cinéma, alors que ce n’est pas vrai : le vrai fondateur du cinéma fut le savant Thomas Edison, et encore pas Edison uniquement mais avec son employé, co-inventeur William K. L. Dickson. Tous les deux, considérés comme pionniers du cinéma, ont donné vie au modèle 35 mm du film argentique[8], au kinétographe[9] et au kinétoscope[10]. Quant au cinématographe des Frères Lumière, il a comme unique différence du kinétoscope, la possibilité de projection collective. Et malgré ça, la propagation internationale du cinéma, après « la première séance cinématographique en France (…) qui a eu lieu le 28 décembre 1895 au Grand Café Boulevard des capucines à Paris » (Khelifi, 1970, p.27) ; a été assurée par les frères Lumière, qui ont envoyé leurs projectionnistes partout dans le monde, pour faire des ‘prises de vues[11] et les projeter au public, qui était ému par cette invention. Et l’identité fût intégrale au cinéma, depuis le film des frères Lumière intitulé La Sortie de l’usine, tourné en mars 1895, et considéré par plusieurs historiens du cinéma, comme ayant été le 1er film[12]. Cette première ‘vue photographique animée’, ou encore première œuvre, était un fœtus[13], narratologique, touchant l’axe spatiotemporel du tournage (jour/extérieur) pour deux raisons : -principale- heure de sortie des ouvrières / -secondaire- lumière du jour vu l’absence de moyens d’éclairage à ce moment-là, et c’est ce qui fait de l’usine Lumière, en elle-même, quand elle fut filmée par les frères Lumière, un « Hangar du premier film » (InstitutLumière, 2007). Et c’est en face de ce fameux Hangar, devant le grand portail de l’usine, que Louis Lumière plaça sa caméra, tourna sa manivelle et filma les ouvrières et ouvriers qui sortaient des ateliers, faisant de ce Hangar, un premier décor de l’histoire du cinéma, voire un vestige fondamental du patrimoine et de la mémoire cinématographique.
- La Tunisie : témoin de la naissance du cinéma
La projection du premier film Lumière remonte à 1895. Et quelques mois après la naissance de leur cinématographe, et ce au début de l’année 1896, les frères Lumière ont envoyé leurs Opérateurs de Prise de vue et projectionnistes en mission, dans plusieurs pays, dont la Tunisie (Aubert & Seguin, 2015), le but étant à la fois de projeter les vues Lumière filmées en France, et de collecter des vues prises dans les pays de destination. La Tunisie fut ainsi parmi les premiers pays qui témoignent cette invention. L’opérateur de prise de vue Alexandre Promio a pris 15 vues en Tunisie, sur un total de 1408 (InstitutLumière, 2017) documentaires de longueur 16 mètres chacun, soit une minute de durée, faisant partie de la totalité des 358 scènes composant leur premier “catalogue de vue” des frères Lumière.
Et si un chercheur estime travailler sur cette filmographie prise en Tunisie par l’opérateur, il doit revenir vers l’institut Lumière en France, parce que cette archive n’est pas disponible en Tunisie, malgré qu’il s’agisse d’un patrimoine Tunisien. Déjà, le défunt Omar Khélifi, réalisateur autodidacte du premier long métrage 100% Tunisien : L’aube (Khélifi, 1966), avoue que l’unique occasion pour les cinéastes, cinéphiles, chercheurs et critiques en cinéma, d’accéder à ce patrimoine de Vues Lumière prise en Tunisie, remonte à « Février 1965, lors de la semaine du cinéma français organisée par la maison de culture de Tunis » (Khelifi, 1970, p.28) où ils urent « le privilège d’assister à la projection de quelques-uns de ces documents extraordinaires présentés par M. Henry Langlois fondateur et président de la cinémathèque française » (Khelifi, 1970, pp : 28-29), ce monsieur qui veillait depuis les années 30’ à sauvegarder les films argentiques non encore perdus, au lieu de les réexploiter en argent brut et peignes plastiques (عمار، 2022، 22:19:00), alors que son homologue (la cinémathèque tunisienne), et malgré le fait d’avoir « débuté en 1958 en tant qu’association sous la houlette de Sophie El Goulli » (RIDENE, 2018), n’a vu le jour qu’en 2018, et n’est devenue éligible à faire partie de la FIAF (fédération internationale des archives cinématographiques) , et donc y a arraché sa place, qu’en Novembre 2019.
2.Le film de fiction comme référence officielle pour les chercheurs
- Une documentation pour d’autres spécialités d’étude que le cinéma
En plus de la quête que l’auteur y installe par sa propre esthétique, vision et identité, et les personnages dans lesquels s’incarnent les comédiens ; chaque film donne, en plus de son histoire (élaborée dans son synopsis/scénario) l’histoire de son pays d’origine. Un exemple de film tunisien de fiction qui confirme bien cette hypothèse, figure dans l’œuvre intitulée Une si simple histoire (Ammar, 1970) du réalisateur tunisien Abdellatif Ben Ammar. Cette œuvre, qui est la seule tunisienne à avoir été sélectionnée à Cannes dans la compétition officielle[14], qui dispose d’une unique copie négative, en Espagne jusqu’à nos jours, et que nous n’avons pas pu récupérer en Tunisie pour des problèmes de dettes productives non réglées (عمار، 2022) ; orne le Stade et le palais des sports « la Kobba » d’El Menzah nouvellement construits juste avant le tournage du film « Une si simple histoire »(Ammar, 1970), sous le règne du feu Habib Bourguiba, à l’occasion des Jeux méditerranéens, les autoroutes, le train TGM… Ce film, malgré qu’il soit de fiction, documente bien cette période, et ce en donnant un état des lieux de l’infrastructure tunisienne. Ainsi, il peut bien servir comme référence, non seulement aux chercheurs en cinéma, mais aussi leurs homologues en architecture et sociologie, pour des fins historiques, tout en étant des références audiovisuelles qui garantissent un taux de mémorisation plus élevé que celui à la lecture de livres en histoire ou architecture. Le fait qu’il illustre la nouvelle infrastructure évolutive de la Tunisie dans son summum après l’indépendance, fait bien de ce film de fiction, une documentation et un archivage, et donc une référence dont on peut se servir dans des recherches portant sur de divers thèmes, nous en citons sans nous y limiter : la tenue vestimentaire, le comportement sociétal, l’architecture répandue… voire toute identification ethnique et historique de la période durant laquelle le film a été tourné.
- Une référence qui rend les recherches cinématographiques interdisciplinaires
Le cinéma est interdisciplinaire. En plus d’être un moyen d’expression des cinéastes, à travers lequel ils peuvent traiter des problématiques ou révéler des points de vue, un film peut aussi être exploité par des générations de chercheurs en cinéma, qui vivent avec ou succèdent, celle de sa sortie, dans un autre axe d’étude que celui de l’analyse filmique, étant donné la possibilité de le disséquer sur les détournements suivants : celui de la littérature, en étudiant des cas d’adaptation, ou en comparant la construction narrative d’un scénario avec celle d’un roman ou d’une nouvelle ; celui de la traduction d’un film par le biais d’un doublage ou d’un sous-titrage, tout en étudiant l’exactitude du texte traduit, et son influence sur la réception de l’histoire du film chez les spectateurs, nationaux et étrangers… ; celui de la musique, en étudiant sa bande originale et ses effets sonores, pouvant même décoder son silence, qui serait un choix de l’auteur bien ciblé, non arbitraire ; aussi l’axe de l’esthétique en disséquant les choix du réalisateur en chromatiques des couleurs, graduation, lumières, effets spéciaux, maquillage… ; de même pour l’aspect théâtral du film et ce en étudiant l’incarnation des comédiens dans les personnages de l’histoire du film, tout en comparant la différence qui peut figurer chez un même acteur, entre l’interprétation devant les bornes définies par le champ de la caméra, versus le jeu sur scène…, celui de l’histoire à deux échelles : celle de la période réelle où le tournage de l’œuvre a eu lieu et/ou celle qu’il reflète dans son axe narratologique… ; de même pour les dérivations de : l’architecture, le décor, la production, le financement, la distribution et l’exploitation, en salles ou à travers des plateformes… et plein d’autres axes d’analyse et d’étude qui peuvent être choisis par des chercheurs, qui « pensent en dehors de la caisse » [think outside the box], prouvant ainsi l’interdisciplinarité du cinéma. Et c’est ce qui nous mène à affirmer l’éligibilité d’un film de fiction à être défini comme référence pour un chercheur, de pair avec les livres, les articles scientifiques, les interviews, les statistiques… Et quand ce dit film fait partie du patrimoine cinématographique, sa protection, sa sauvegarde et sa mise en valeur deviennent une quête commune entre le ministère des affaires culturelles et toute partie prenante qui peut/veut/doit s’en servir, que ce soit des citoyens, des cinéphiles ou des chercheurs (enseignants et étudiants à la fois).
3.La recherche sur le patrimoine cinématographique en Tunisie : état des lieux et solutions proposées :
- Statistiques sur les choix du cinéma tunisien comme problématique ou des films tunisiens comme corpus dans une thèse de doctorat
En nous référant à la base de données officielle tunisienne des thèses de doctorat nationales, nous avons tracé le tableau joint en Annexe I, que nous représentons à travers ce schéma :
Figure 1: Pourcentages des thèses portant sur le patrimoine cinématographique tunisien par rapport à la totalité des thèses de chaque institution-Informations récoltées de la plateforme nationale : Theses.rnu.tn
Nous disposons dans l’enseignement supérieur Tunisien neuf institutions habilitées à fournir le diplôme national de Docteur, et dans les thèses des étudiants desquels, nous avons pu trouver celles en liaison avec le domaine du cinéma tels que l’ESAC[15], ISBAN, ISBAT, ISBAS [16] (beaux-Arts), ISAM Sfax (Arts et Métiers), ISCAE-D/ISAJC[17] (enfance/jeunesse), ESSTED[18] et FLSH-S[19] (lettres et sciences humaines). Et en collectant les titres des thèses réalisées par les doctorants de ces neuf institutions, qui touchent le patrimoine cinématographique de près ou de loin comme nous l’indiquons dans le schéma ci-dessus, détaillé dans le tableau ajouté aux annexes à la fin de notre article. Cette distribution en thèses touchant l’ancien cursus cinématographique tunisien est alors trop réduite par rapport au nombre total des thèses élaborées.
- Proposition de solutions qui peuvent aider à enrichir la recherche en patrimoine cinématographique :
Se servir du patrimoine cinématographique tunisien comme corpus d’études, peut bien être une cible de recherche universitaire interdisciplinaire, qui lie des chercheurs du domaine audiovisuel à leurs homologues en sciences du patrimoine, d’archive et/ou de documentation. Dans ce contexte, nous pouvons alors proposer un nouveau concept qui se manifeste en plusieurs étapes que nous mentionnons ci-dessous :
- La sensibilisation sur le patrimoine cinématographique qui peut être effectuée dans un cadre associatif ou culturel, pour un public dont les tranches d’âge regroupent les enfants, les adolescents, les jeunes et les adultes ; et ce à travers des activités de cinéclubs, en planifiant des projections-débats, sur quelque unes de nos œuvres cinématographiques cultes, que nous pouvons consulter à travers des archives comme celles de la FTCA[20], FTCC[21], FIFAK[22], les cinéclubs universitaires…
- Des conventions de partenariat qui peuvent être élaborées pour un but académique de mise en valeur du patrimoine cinématographique. De telles conventions peuvent réseauter les établissements universitaires (mentionnées dans la statistique) avec leurs homologues d’autres spécialités comme : L’Institut National du Patrimoine, L’institut Supérieur de Documentation… et c’est ce qui rendrait les recherches lancées sur le patrimoine cinématographique, plus fructueuses et bénéfiques pour mettre en valeur ce dit patrimoine cinématographique ; et ce à travers le partage des connaissances et logistiques entre ces institutions : par exemple dans le cas de besoin de bandes de détection du syndrome de vinaigre en effectuant un test d’acidité sur les bobines de l’archive nationale de 16 et 35 mm des films argentique (RIDENE, 2018), une telle étude nécessite énormément la collaboration entre des spécialistes de l’archive, du patrimoine et du cinéma.
- L’installation d’un laboratoire de recherche spécialisé en patrimoine cinématographique, et commun (regroupant) entre les différentes institutions susmentionnées
- Le réseautage avec les différents pays membres de la FIAF[23] à travers des conventions de partenariat avec les universités, ce qui permettrait aux chercheurs tunisiens de pouvoir accéder au patrimoine cinématographique tunisien, mais qui n’existe pas en Tunisie (cas du film Une si simple Histoire (Ammar, 1970), dont le négatif existe uniquement en Allemagne)
- Encouragement des chercheurs des trois axes (cinéma/patrimoine/documentation) en pensant à installer des bourses d’études qui encourageraient les chercheurs à y candidater et en bénéficier, concrétisant ainsi la sauvegarde de notre patrimoine cinématographique.
- La veille à l’installation d’un musée permanent de patrimoine cinématographique où on trouve exposée une multitude d’archives en liaison avec l’héritage national cinématographique tels que des photos des coulisses de tournages des différents films, leurs affiches, des anciennes machines de tournage et montage en argentique (moviola/camera 35…) des manuscrits de scénarios, des story-boards…
- La veille à l’insertion du patrimoine cinématographique tunisien dans le circuit de distribution et exploitation tel que le fait la France, dont la projection du patrimoine cinématographique fournit 1% des recettes de distributions nationales en salles
- La possibilité d’édition de scénarios nationaux sous la forme de livres qui deviennent référentiels pour la mémoire cinématographique nationale, consultables par des chercheurs et des citoyens à la fois
- L’installation d’un festival cinématographique tunisien international, à vocation patrimoniale
- La candidature de la Tunisie et de tout autre pays arabo-africains à l’enregistrement de leurs patrimoine cinématographique dans la base internationale et selon les normes des conventions élaborées par l’UNESCO (UNESCO, 2018) (UNESCO, 2003)….
- Toutes ces propositions, et pleines d’autres, peuvent bien concrétiser la mise en valeur et la sauvegarde, et pourquoi pas l’exploitation de notre patrimoine cinématographique national, qui n’est autre que miroir de notre identité.
Conclusion
Figure 2: Taux d’exploitation en patrimoine cinématographique français qui représente 1% des recettes nationales des salles (DANARD, 2019)
Tout pays arabo-africain, dont les autorités n’ont pas pensé à investir dans la sauvegarde, la valorisation et l’exploitation de son patrimoine cinématographique, peut se référer à plusieurs exemples membres de la FIAF, dont l’Egypte qui a rendu le parcours de son feu Shadi Abdessalem, un patrimoine cinématographique sauvegardé et consultable à la fois par des citoyens et des chercheurs ; ou encore la France qui dispose d’une cinémathèque qui planifie chaque année dans ses propres salles, plus de 2000 projections de son patrimoine cinématographique, tout en œuvrant à la diffusion dudit patrimoine, hors de ses propres murs, par le biais de multiples expositions, diffusions à travers des partenariats avec de nombreux festivals en France et à l’étranger (Cinémathèque-Française, 2005).
Ses offres d’exploitation en film de patrimoine, dont les recettes représentent 1% de la totalité de toutes les recettes de films exploités en salles dans toute la France en 2019 (DANARD, 2019), sont énormément bénéfiques, d’abord pour la totalité du public en tentant de le sensibiliser à l’intérêt de découvrir son identité et son histoire par le biais du cinéma, ensuite en investissant dans l’exploitation de ce patrimoine pour des fins académiques, contribuant ainsi à la prolifération des recherches qui se base sur sa filmographie patrimoniale.
Dans n’importe quel pays, la sauvegarde du patrimoine cinématographique pour une fin académique est un but primordial : disons que c’est un premier pas que doivent prendre les pouvoirs politiques arabo-africains, pour pouvoir encourager les chercheurs (en cinéma ou toute autre science où on peut utiliser les films comme référence) à prendre l’initiative de s’y pencher dans leurs études, et accroitre ainsi le nombre de références nationales portant sur la science du cinéma et les sciences qui y sont juxtaposables (étant inter & pluridisciplinaire). Un but secondaire réside au fait d’en faire une source financière : si la cinémathèque d’un pays devient un établissement public indépendant qui a la main de gérer ses dépenses et revenus ; ces derniers, provenant de la recette de projection des films de patrimoine, seraient certainement minimes au début d’un tel parcours, mais engendreraient sans doute à long terme, une indépendance financière de l’établissement-cinémathèque, ce qui garantirait une continuité en termes de sauvegarde de patrimoine cinématographiques, résidents dans des films contemporains, qui deviendraient à leur tour un patrimoine. Une recette d’exploitation de films de patrimoine, facilite ainsi la gestion financière, pour des futurs, et futur-futurs, patrimoines cinématographiques sauvegardés.
Références
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Annexe1 : Tableau qui résume le taux des thèses tunisiennes traitant un sujet en liaison avec le patrimoine national de cinéma
Annexe2 : Schéma qui résume le taux des thèses tunisiennes traitant un sujet en liaison avec le patrimoine national de cinéma
[1] Expression italienne pour dire ils sont chanceux
[2] Lassaad Goubantini exploite un réseau de plusieurs salles de cinéma, dont les deux plus grandes salles de Tunis : Le Colisée et Le Palace. Grâce à son dynamisme, et dans le cadre d’une nouvelle stratégie visant à soutenir la production cinématographique en Tunisie, le Groupe Goubantini étend ses activités à la production pour le cinéma et la télévision (CinémaTunisien, 2020).
[3] Hakka distribution est un distributeur exploitant tunisien (Hakka-Distribution, 2017)
[4] Netflix est un service de streaming qui propose une vaste sélection de séries TV, films, animes, documentaires et autres programmes primés sur des milliers d’appareils connectés à Internet (Netflix, 1997).
[5] Artify est le premier site de streaming légal spécialisé dans le cinéma tunisien, opérant dans la légalité et le respect des droits d’auteur. La plateforme contient un catalogue en croissance comptant plus de 70 longs et courts métrages (Artify, 2019).
[6] Telles que la fédération tunisienne des cinéastes amateurs FTCA ou la fédération Tunisienne des cinéclubs FTCC
[7] Nous citons parmi ces établissements : la cinémathèque tunisienne, le centre national de cinéma et de l’image, installés tous les deux dans le local de la cité de la culture, ainsi que la direction générale des arts scéniques et des arts audiovisuels, affiliée au ministère des affaires culturelles.
[8] Louis lumière, étant inspiré de sa mère la couturière, voulait laisser son empreinte en utilisant 2 perforations uniquement par photogramme. Ayant échoué, il a abandonné cette vision et a basculé vers le 35 mm, breveté par Edison-Dickson, et comprenant 4 perforations de chaque côté : un choix standardisé et utilisé jusqu’à nos jours par les réalisateurs qui préfèrent encore tourner avec le format 35mm. Nous sommes au XXIe siècle, signe de progrès scientifique rapide, dans lequel nous voyons chaque jour de nouvelles inventions, où tout est numérisé, où nous parlons de big data lorsque nous souhaitons établir des statistiques, de transplantations lorsque nous souhaitons couper des organes à l’aide de capteurs, de DCP et de KDM lorsque nous voulons faire un film, comme remplacement de la caméra analogique 35mm. La rapidité d’obtenir le résultat est l’objectif principal des cinéastes qui préfèrent le numérique; Malgré cela, certains réalisateurs préfèrent toujours utiliser le film argentique, malgré le fait que le nombre de sociétés qui produisent ce type de film a diminué et que ce type de production est devenu sur commande. Il n’y a jamais eu de disparition totale du 35 mm. Il a décliné mais quelques réalisateurs de renom, ou de la nouvelle génération, continuent de l’utiliser (Pavan, 2016). Certains réalisateurs aiment aussi le mélanger avec le numérique. Il y a des avantages uniquement pour le tournage, mais les deux technologies peuvent coexister.
[9] Les premiers films ont été enregistrés par le Kinétographe (en grec, écriture du mouvement) : caméra de l’Américain Thomas Edison, brevetée le 24 août 1891, employant du film perforé 35 mm et un système d’avance intermittente de la pellicule par “roue à rochet”. Entre 1891 et 1895, Edison réalise quelque soixante-dix films(Mannoni, 1995)
[10] Croquis Edison mis au point par Dickson, en tant que successeur du kinétographe, menant à diffuser les photos qui y en étaient copiées successivement, et faire une projection à une seule personne.
[11] Ancienne nomination du terme film, brevetée par Louis et Auguste Lumière
[12] Les films à projection individuelle furent les pionniers en termes de cinérama assurée par l’appareil kinétographe, du duo Edison-Dickson, ayant vu le jour depuis 1888
[13] Sa maturité est atteinte quand on a commencé historiquement à distinguer les genres des œuvres cinématographiques
[14] Nous avons plusieurs films tunisiens tout au long de l’histoire du cinéma tunisien, qui furent sélectionnés à Cannes, dans les compétitions la quinzaine des réalisateurs et un certain regrad, mais Une si simple histoire reste l’unique film tunisien selctionné dans la compétition officielle depuis 1970 (عمار، 2022، 49:24:00)
[15] Ecole Supérieure de l’Audiovisuel et du Cinéma-ESAC Gammarth-Université de Carthage-Tunisie
[16] Instituts Supérieurs des Beaux-Arts de Nabeul, Tunis et Sfax
[17] Institut Supérieur des Cadres d’Enfance-Carthage-Dermech/ Institut Supérieur de l’Animation pour la Jeunesse et la Culture Bir El Bey
[18] Ecole Supérieure des Sciences et Techniques du Design- Denden-U Manouba
[19] Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sousse-Université de Sousse
[20] Fédération Tunisienne des Cinéclubs
[21] Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs
[22] Festival international des Films d’Amateurs de Kélibia (considéré comme le plus ancien festival cinématographique africain
[23] La Fédération Internationale des Archives du Film