Research studies

Violence symbolique: Quelle valeur ajoutée à la sociologie de la domination

Symbolic violence: What added value to the sociology of domination

 

Prepared by the researcher :  Hassane Mitre – Chercheur en philosophie, Faculté des lettres et des sciences humaines Benmsik – Université HASSAN II Casablanca, Maroc.

Democratic Arabic Center

Journal of Social Sciences : Twenty-ninth Issue – September 2023

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN 2568-6739
Journal of Social Sciences

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Résumé

Cette étude a pour objectif d’examiner la présence de la théorie de la dominance, telle quelle est développée par Max Weber, dans la perspective de Pierre Bordieu de par la notion de la violence symbolique. La problématique principale est :  En quoi la violence symbolique est-elle un outil de reproduction et de perpétuation de la domination ? La réponse à cette problématique passera, par l’analyse du concept de la violence symbolique, sa relation avec d’autres notions comme les représentations sociales et le capital symbolique, et enfin la discussion de la valeur ajoutée par la thèse de Bordieu à la sociologie de la domination.

Abstract

This study aims to examine the presence of the theory of domination, as developed by Max Weber, in the perspective of Pierre Bordieu through the notion of symbolic violence. The main problem is: How is symbolic violence a tool for the reproduction and perpetuation of domination? The response to this problem will go through the analysis of the concept of symbolic violence, its relationship with other notions such as social representations and symbolic capital, and finally the discussion of the added value of Bordieu’s thesis to the sociology of domination.

Introduction

La violence est un phénomène social complexe qui a toujours été présent dans l’histoire de l’humanité. Depuis les conflits interétatiques jusqu’aux violences intrafamiliales, en passant par les bagarres et les émeutes de rue, la violence revêt de multiples formes et touche toutes les couches de la société. Dans le domaine de la sociologie, l’étude de la violence est un sujet majeur qui permet de comprendre les interactions sociales entre les individus, les groupes et les institutions.

La violence peut être définie comme l’utilisation de la force physique ou psychologique pour exercer un pouvoir ou une domination sur autrui. Dans ce sens, elle est souvent associée à des comportements déviants ou criminels, tels que le meurtre, le viol, la torture ou les agressions physiques. Cependant, la violence peut aussi prendre des formes plus subtiles, comme le harcèlement, les discriminations ou les stigmatisations, qui ont un impact profond sur la santé mentale et physique des individus.

L’étude de la violence en sciences de sociologie politique permet de mettre en évidence les différents facteurs qui peuvent expliquer sa genèse et sa propagation. Parmi ces facteurs, on peut citer les inégalités sociales, les conflits de pouvoir, les normes culturelles, les modèles d’éducation, les politiques publiques, ou encore les dynamiques de groupe. En outre, l’étude de la violence permet également d’interroger les modalités d’action possibles pour prévenir ou lutter contre ce phénomène, que ce soit à travers des politiques de prévention, des dispositifs répressifs, des actions éducatives ou des projets communautaires.

Cependant, la violence ne se limite pas aux actes physiques, elle peut également prendre une forme symbolique. Cette forme de violence, appelée “violence symbolique“, a été développée par le sociologue français Pierre Bourdieu.

L’importance de l’étude :

L’étude de la contribution de la notion de violence symbolique, telle que formulée par Pierre Bourdieu, revêt une grande importance dans la théorie de la domination pour plusieurs raisons cruciales :

.1Compréhension des mécanismes de domination : La violence symbolique permet de comprendre comment les systèmes de pouvoir et de domination opèrent de manière subtile et insidieuse dans la société. Elle révèle les mécanismes qui maintiennent les inégalités sociales en influençant les croyances, les normes, et les comportements des individus.

.2Analyse des rapports sociaux : En intégrant la notion de violence symbolique dans l’étude des rapports sociaux, on peut mieux saisir comment les individus sont placés dans des positions de pouvoir ou de subordination en fonction de leur capital culturel, social et économique. Cela permet d’expliquer les inégalités qui persistent dans divers domaines de la vie sociale.

.3Compréhension de la légitimité : La violence symbolique est liée à la légitimité du pouvoir. En examinant comment la légitimité est construite et maintenue par le biais de la violence symbolique, on peut analyser pourquoi les individus acceptent souvent les rapports de domination qui ne servent pas nécessairement leurs intérêts.

.4Exploration des institutions et des idéologies : La notion de violence symbolique met en lumière le rôle des institutions telles que l’éducation, les médias, et la culture dans la reproduction des hiérarchies sociales. Elle aide à examiner comment ces institutions façonnent les perceptions individuelles et collectives, créant ainsi un environnement favorable à la domination.

.5Réflexion sur le changement social : En identifiant les mécanismes de la violence symbolique, on peut envisager des stratégies pour remettre en question et transformer les structures de domination. Cela peut inclure la sensibilisation à la violence symbolique, la mobilisation pour des changements institutionnels, et la promotion de nouvelles normes et valeurs plus égalitaires.

La problématique de l’étude :

Ainsi, dans cette étude, je me concentrerai sur l’analyse de la violence symbolique et son rôle dans la formation et la transformation des relations de pouvoir en se focalisant sur la problématique principale suivante : Quelle est la valeur et les limites de la contribution de Pierre Bourdieu à la théorie de la domination ? L’élaboration de cette problématique passe par la réponse aux questions suivantes : En quoi la violence symbolique est-elle un outil de la reproduction et de perpétuation de la domination ? Comment la violence symbolique influence-t-elle différents domaines de la société, tels que la culture, l’éducation, la politique, l’économie et les relations interpersonnelles ?

Approche et plan d’étude :

L’étude à venir adopte une approche descriptive et analytique pour examiner la contribution de la notion de violence symbolique dans la théorie de la domination. Dans cette optique, nous commencerons par établir une base conceptuelle en expliquant en détail le concept de violence symbolique tel que développé par Pierre Bourdieu. Ensuite, nous explorerons sa relation avec les concepts clés de l’œuvre du sociologue français, notamment l’habitus et les champs sociaux. Nous mettrons également en exergue le rôle de la violence symbolique dans la compréhension des mécanismes de domination, en examinant son impact sur les rapports sociaux et la légitimité du pouvoir. De plus, nous analyserons les institutions et les idéologies qui participent à la perpétuation de la violence symbolique. Enfin, nous réfléchirons aux implications de cette analyse pour le changement social et la promotion de l’égalité.

  1. La violence symbolique : Notion et formes

Il y avait, depuis l’Age antique de la philosophie politique, une opposition classique entre la raison  et la violence; c’est-à-dire entre, d’une part, la vérité, le langage, le discours et le logos et d’autre part, la violence, le rapport de forces, la contrainte et la domination.  Cependant, cette opposition s’est fait dépasser par plusieurs penseurs qui ont problématisé le dépouillement de la raison elle-même de certaines formes de violence d’où l’opposition absolue entre la violence et la raison n’aura aucun sens. Certes, les sophistes, et par les biais du langage, étaient un enjeu considérable de détenteurs du pouvoir pour le maintien de domination et de manipulation, mais ça ne faisait pas partie des thématiques de réflexion en tant que fait social. C’est à des philosophes comme Marx, Nietzsche et Freud qu’on attribue le surmontement de cette dualité dans la mesure où Nietzsche, par exemple, nie l’existence d’une pure volonté et considère, ainsi, que l’énoncé d’une vérité n’est jamais qu’une stratégie dans un rapport de forces. La vérité, dans ce sens, est souvent utilisée pour justifier les actions d’un groupe dominant et pour discréditer les actions d’un groupe moins puissant.

Dans ce cadre de réflexion, et à partir de leurs travaux sur les systèmes scolaires, une théorie générale de la violence symbolique a été développée depuis les années 70 par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron  qui iront jusqu’à écrire que « toute action pédagogique est objectivement une violence symbolique, en tant qu’imposition, par un pouvoir arbitraire, d’un arbitraire culturel » (1970, p. 18).

En prolongeant le champ d’étude jusqu’à ce qu’il comporte tout le domaine social, et non seulement le domaine scolaire, Bordieu fait de ce concept un élément principal de son appareil conceptuel. Le concept de « violence symbolique » s’applique, donc, chez Bordieu à toutes les formes douces de domination qui parviennent à obtenir l’adhésion des dominés.

Toutefois, Il faut, mieux encore, préciser que ce critère d’adhésion du dominé et son autodénigrement et sa propre domination ne sont pas une invention du Bourdieu, mais on peut lui approprier la nouveauté de la notion de « violence symbolique » résidant dans l’explication qu’il propose.

Le langage de l’autorité, explique Bordieu  ne gouverne jamais qu’avec la collaboration de ceux qu’il gouverne, c’est-à-dire « grâce à l’assistance des mécanismes sociaux capables de produire cette complicité, fondée sur la méconnaissance qui est au principe de toute autorité ». (1986, p. 113).

En effet, la violence symbolique, Selon Bourdieu, se réfère aux formes de domination qui sont maintenues par la manipulation de la culture, de la langue, de la connaissance, de l’information et de l’éducation. Bourdieu argue que la violence symbolique peut être plus insidieuse que la violence physique, car elle est souvent moins visible et plus difficile à reconnaître, et ses aspects négatifs ne se manifestent qu’après un certain temps. Cela veut dire encore, que dans ce type de violence, ce choix arbitraire des normes et des valeurs, il y a même un consentement du dominé, mais d’une manière inconsciente.

Ainsi, la violence symbolique pour Bordieu n’est pas directement physique ou coercitive, mais elle est intériorisée par les individus et s’exerce par le biais des normes et des valeurs qui sont présentées comme naturelles et légitimes. Elle contribue ainsi à maintenir les rapports de domination dans la société en perpétuant des inégalités sociales et en légitimant certaines formes de discrimination et d’exclusion.

La violence symbolique peut être observée dans plusieurs sphères sociales, telles que la famille, l’école, le travail et les médias. Dans la famille, la violence symbolique peut se manifester à travers des stéréotypes de genre, tels que la pression sur les filles pour qu’elles soient dociles et sur les garçons pour qu’ils soient forts et agressifs. Ces stéréotypes peuvent renforcer les inégalités de genre et perpétuer la domination masculine.

Dans les écoles[1], la violence symbolique peut être présente à travers la discrimination et l’exclusion des élèves en fonction de leur appartenance ethnique, ou de leur handicap. En effet, l’école est une institution qui se base sur la violence symbolique ; les élèves qui appartiennent à la classe bourgeoise sont très avantageux pour acquérir certaines connaissances puisque leurs familles ont les moyens de fréquenter et accéder à des espaces n’est pas accessibles pour tous. Et ce par le biais de voyage, de l’adhésion à des clubs et même au niveau de la langue d’apprentissage, leurs langues qui utilisent dans leurs foyers sont bien corrigées. Alors que les classes dominées n’ont pas les mêmes moyens.

D’autre part, les attitudes et comportements discriminatoires des enseignants ou des autres élèves peuvent avoir un impact négatif sur l’estime de soi et la réussite scolaire des élèves concernés.

Sur le lieu de travail, la violence symbolique peut se manifester sous la forme de harcèlement moral, de discriminations, de violences verbales, de moqueries et d’insultes. Ces comportements peuvent créer un climat de peur et d’insécurité chez les victimes et favoriser la reproduction des inégalités de pouvoir.

Enfin, dans les médias, la violence symbolique peut être observée à travers la représentation stéréotypée de certaines catégories de personnes, telles que les femmes ou les minorités ethniques. Ces représentations peuvent renforcer les préjugés et les stéréotypes, et ainsi perpétuer les inégalités de pouvoir.

II- Capital symbolique et violence symbolique :

Le capital symbolique se réfère aux ressources culturelles et symboliques qui sont valorisées et reconnues dans une société donnée. Il représente les connaissances, les compétences, les pratiques culturelles et les normes qui sont considérées comme prestigieuses et légitimes.

Le capital symbolique, selon Pierre Bourdieu, est une forme de pouvoir symbolique qui permet à une personne ou à un groupe de se distinguer, d’obtenir une reconnaissance sociale et de légitimer sa position dans la hiérarchie sociale. Il repose sur la maîtrise des codes culturels, des normes esthétiques, des langages spécifiques et des pratiques symboliques propres à un domaine particulier (comme l’art, la littérature, la politique, etc.).

La possession de capital symbolique confère des avantages sociaux, tels que le prestige, la légitimité, l’autorité et l’influence. Et ce grâce aux liens sociaux, aux réseaux et aux contacts et tout ce que Bordieu le met sous le nom de « nesba ; c’est-à-dire le réseau d’alliés et de relations que l’on tient (et auxquels on tient) à travers l’ensemble des engagements et des dettes d’honneur, des droits et des devoirs accumulés au cours des générations successives et qui peut être mobilisé dans les circonstances extraordinaires » (Bordieu, 1980, p.202)  . Ainsi, les individus qui possèdent un capital symbolique élevé ont souvent plus de chances d’occuper des positions de pouvoir et de privilège dans la société ce qui fait reproduire, par la suite, des nouvelles relations de pouvoirs.

Il convient de noter que le capital symbolique est étroitement lié aux autres formes de capital, notamment le capital économique et le capital social. Par exemple, la possession d’un capital économique élevé peut faciliter l’acquisition d’un capital symbolique en permettant l’accès à l’éducation, aux pratiques culturelles et aux ressources nécessaires pour développer des compétences symboliques. De même, le capital symbolique peut être utilisé pour accumuler du capital social ou même économique puisque le premier acquiert une grande  valeur dans le marché : « comme on peut tirer gloire d’avoir fait un achat à un prix exorbitant, par point d’honneur (…) on peut s’enorgueillir d’avoir réussi à conclure une affaire sans débourser un sou comptant, soit en mobilisant un certain nombre de répondants, soit, mieux encore, au nom du crédit et du capital de confiance que donne une réputation d’honneur autant que de richesse » (Bordieu, 1980, p. 203) en établissant des liens et des relations avec des individus ou des groupes qui reconnaissent et valorisent ce capital symbolique.

Mais comment le capital symbolique contribue -t- il à la genèse et la propagation du phénomène de la violence symbolique ? d’emblée, la qualité « symbolique » les associe. En outre, Le capital symbolique joue un rôle essentiel dans la perpétuation de la violence symbolique. Le capital symbolique est un outil utilisé par les détenteurs du pouvoir pour exercer cette violence symbolique puisque celle – ci se réfère aux formes indirectes et subtiles de domination et d’oppression qui se manifestent à travers des symboles, des normes sociales et des représentations culturelles.

Lorsque certaines formes de connaissances, de pratiques culturelles ou de normes symboliques sont élevées au statut de capital symbolique valorisé et légitime, cela crée des inégalités dans la société. Ceux qui possèdent ces formes de capital symbolique ont un avantage dans les interactions sociales et peuvent exercer un pouvoir sur ceux qui ne possèdent pas ces ressources symboliques.

Par exemple, dans le domaine de l’éducation, certaines formes de connaissances et de compétences sont considérées comme plus prestigieuses et valorisées que d’autres. Les individus qui maîtrisent ces connaissances et compétences sont plus susceptibles d’obtenir des opportunités éducatives, des emplois qualifiés et des positions de pouvoir. Cela crée une inégalité entre ceux qui possèdent le capital symbolique valorisé et ceux qui en sont privés, renforçant ainsi la violence symbolique.

De même, dans les domaines de la culture, de l’art, de la politique ou d’autres sphères sociales, les normes symboliques, les représentations et les discours dominants peuvent servir à maintenir des rapports de pouvoir inégalitaires. Ceux qui sont en mesure de dicter ces normes et d’imposer leurs propres représentations culturelles détiennent un capital symbolique qui leur permet d’exercer une violence symbolique sur les autres, en imposant leurs visions du monde, leurs valeurs et leurs idéologies.

Ainsi, le capital symbolique contribue à la violence symbolique en permettant aux détenteurs du pouvoir de maintenir leur domination et de contrôler les significations, les symboles et les normes qui façonnent les interactions sociales. La violence symbolique se manifeste à travers ces systèmes de pouvoir symbolique, qui renforcent et perpétuent les inégalités sociales et les structures de domination.

III- Violence symbolique, représentations sociales et l’habitus :

Quoique le concept « représentations sociales » semble appartenir à la thématique de l’épistémologie dans la mesure où il réfère à la notion de « connaissances » qui se constituent chez un groupe social donné, ses origines résident dans l’œuvre d’Emile Durkheim (1912) en termes de « représentations collectives ». C’est donc l’aspect collectif de la notion qui lui faire sortir du domaine de la connaissance nue et dépourvu des facteurs externes surtout ceux qui ont la capacité de modeler les conceptions pour qu’elles soient communes chez tout le groupe. Et cela rend ces représentations un phénomène social.

Les représentations sociales peuvent donc être définies comme des systèmes de pensée et d’expression, partagés par un groupe social, qui permettent de construire une compréhension commune du monde qui nous entoure, des événements, des objets, des comportements, des normes et des valeurs. Elles se forment à partir des expériences individuelles et collectives des membres du groupe, ainsi que des discours et des pratiques sociales en vigueur dans la société. Les représentations sociales sont, en effet, des constructions sociales, culturelles et historiques qui reflètent les perceptions, les croyances et les valeurs d’un groupe donné, et qui ont un impact sur les attitudes et les comportements des individus et des collectivités ; c’est pourquoi Bordieu affirme que « la plupart des discours ordinaires sur le monde social ont pour fin de dire non ce que sont les réalités concernées (l’État, la religion, etc.), mais ce qu’elles valent, de porter des jugements de valeur » (1992, p. 60), c’est-à-dire des points de vue. Ainsi, les représentations sociales sont liées aux attitudes des individus et peuvent être comprises à travers des processus tels que l’attribution et la catégorisation. Cependant, cette polysémie des représentations sociales révèle leur rôle essentiel dans l’articulation de divers systèmes explicatifs du monde social. En d’autres termes, les représentations sociales agissent comme un pont qui relie différents modes de compréhension et d’explication du monde qui nous entoure. Elles permettent aux individus de donner un sens à leur environnement en intégrant des informations complexes et en les reliant à leurs propres croyances, attitudes et valeurs. Cependant, la particularité de l’approche de Bourdieu réside dans son choix de mettre en place une grille d’analyse pour comprendre les phénomènes sociaux, une grille qui repose sur un double mouvement. Ce mouvement consiste à intérioriser le social, c’est-à-dire à comprendre comment les structures sociales, les normes, les valeurs et les hiérarchies s’incarnent à l’intérieur des individus. Comme l’a souligné Bourdieu, « Il existe dans le monde social des structures objectives indépendantes de la conscience et de la volonté des agents qui sont capables d’orienter ou de contraindre leurs pratiques ou leurs représentations. » (1987, p. 5). En parallèle, il s’agit également d’extérioriser l’intériorité, c’est-à-dire d’explorer comment les expériences individuelles, les choix et les perceptions des individus sont influencés par les réalités sociales dans lesquelles ils évoluent.

En d’autres termes, Bourdieu cherche à comprendre comment les forces sociales invisibles, qu’il appelle les “structures objectives”, façonnent les pensées, les comportements et les identités des individus. Il examine comment les structures sociales se reflètent dans les attitudes et les dispositions mentales des individus. Cette démarche permet de mettre en lumière les mécanismes subtils par lesquels les inégalités sociales et les rapports de pouvoir sont perpétués, tout en reconnaissant que ces mécanismes sont souvent invisibles à ceux qui les vivent.

Ainsi, l’approche de Bourdieu invite à explorer le lien complexe entre la structure sociale et la subjectivité individuelle, en reconnaissant que ces deux aspects sont étroitement liés et interdépendants dans la compréhension des phénomènes sociaux. Comme l’a soulignée Bourdieu, cette approche permet de mieux comprendre la “genèse sociale” des schèmes de perception, de pensée et d’action qui sont constitutifs de l’habitus, ainsi que le rôle des structures sociales et des champs dans ce processus. (Bordieu, 1987).  Le sociologue français introduit le concept d’habitus pour examiner les actions des individus en les replaçant dans le contexte de leur socialisation. En d’autres termes, il vise à comprendre comment les gens agissent et se comportent en fonction de leurs parcours sociaux. L’habitus, selon Bordieu (1994), englobe l’ensemble des dispositions et des schèmes d’action et de perception que nous intégrons progressivement tout au long de notre vie, à travers nos expériences sociales. Il est constitué lors de nos premières socialisations et continue de se développer à travers nos interactions sociales. Il ne s’agit pas d’une réaction automatique, mais plutôt d’une inclination à agir qui exerce une influence, souvent à travers des stratégies inconscientes, sur notre comportement quotidien. En réalité, nous sommes conditionnés, de manière souvent insaisissable voire illusoire, par nos expériences antérieures et notre vécu au sein d’un champ social spécifique, que ce soit notre origine, notre éducation, notre trajectoire ou notre profession. L’habitus, autrement dit, suppose que les individus réinterprètent et réajustent les règles sociales intégrées pour les adapter aux situations spécifiques auxquelles ils sont confrontés.

Ce processus de socialisation façonne notre identité de manière à la fois objective, en tant que statut social perçu par autrui, et subjective, en tant que représentation consciente de nous-mêmes. Bourdieu (1994) décrit la doxa comme un ensemble de croyances fondamentales qui ne nécessitent même pas d’être formulées sous la forme d’un dogme explicite et conscient de lui-même.

Ainsi, l’habitus joue un rôle essentiel dans la manière dont nous naviguons dans le monde social. Il influence nos choix, nos préférences, nos réactions et nos interactions, tout en reflétant notre histoire et notre expérience sociale. L’analyse de l’habitus permet à Bourdieu de saisir comment les structures sociales et les pratiques individuelles sont intimement liées, et comment les individus agissent en fonction de leur position dans le champ social.

De ce fait, les représentations sociales peuvent servir de vecteur pour la violence symbolique, en imposant des stéréotypes, des préjugés ou des normes comportementales qui peuvent limiter la liberté d’action et de choix des individus ou des groupes sociaux.

Il existe de nombreuses représentations sociales qui peuvent véhiculer de la violence symbolique. En voici quelques exemples :

  • La représentation de la femme comme étant inférieure à l’homme et destinée à être soumise à lui.
  • La représentation des personnes de couleur comme étant inférieures aux personnes blanches.
  • La représentation des personnes en situation de pauvreté comme étant paresseuses et responsables de leur propre situation.
  • La représentation des personnes en situation de handicap comme étant incapables et dépendantes.

Ces représentations sociales peuvent conduire à la discrimination, l’exclusion et la stigmatisation de certaines personnes ou groupes sociaux, renforçant ainsi la violence symbolique.

D’autre part, les médias ont un rôle important dans la diffusion des représentations sociales et peuvent contribuer à la perpétuation de la violence symbolique. En effet, les images, les discours et les représentations diffusés par les médias peuvent renforcer des stéréotypes et des préjugés qui alimentent la discrimination et la marginalisation de certains groupes sociaux.

Par exemple, la représentation des femmes dans les médias peut renforcer des stéréotypes de genre qui contribuent à leur marginalisation et à leur exclusion de certains domaines professionnels. De même, la représentation des minorités ethniques peut perpétuer des préjugés et des discriminations.

Cependant, les médias peuvent également jouer un rôle positif dans la lutte contre la violence symbolique en promouvant des représentations plus inclusives et en mettant en avant des voix et des perspectives différentes. La diversité des médias, notamment avec l’émergence des médias indépendants et alternatifs, peut permettre une plus grande diversité de représentations sociales et contribuer à une meilleure compréhension et acceptation de la diversité des individus et des groupes sociaux.

IV- Théorie de la domination et violence symbolique

Jusqu’à maintenant on a mis la lumière sur un champ d’application de la violence symbolique qui se limite dans le domaine social. Autrement dit, les dominants et les dominés appartiennent tous à la classe gouvernée ; d’où les soumissions dont on parle s’interagissent horizontalement. Or ce sont les classes gouvernantes qui en profitent finalement et ce sont eux qui récoltent le fruit ultime. L’Etat donc ne monopolise pas, et bien entendu ne le peut pas, la violence symbolique, pour la simple raison que cette violence ne laisse aucune trace physique et, par la suite, ne peut être constatée empiriquement contrairement à la violence physique monopolisé par le gouvernement détenteur du pouvoir comme étant un appareil de coercition. Néanmoins, l’histoire des institutions religieuses, surtout l’église catholique, nous montre la quête de celles-ci pour monopoliser le contrôle de l’espace public par le biais de pouvoir spirituel qu’elle gagnait une langue durée de l’histoire d’Europe et qui en profitaient pour impliquer son hégémonie sur les croyants. Certes, il s’agit d’actes de violence symbolique mais le prétexte de la monopoliser est loin d’être effectué car, celle-ci et par définition, a besoin toujours du consentement qui la subit, quoique ce consentement est inconscient, à la différence de la violence physique qui s’exerce toujours contre le gré du subissant.

Mais si l’Etat, comme toute autre institution ou personne privée, ne peut pas monopoliser la violence symbolique, en quoi peut on le considérer le principal producteur? et quel lien relie cette idée aux autre théories socio-politiques comme la légitimité et la dominance ?

En effet, les premiers moments où les gouvernants détiennent le pouvoir sur les gouvernés constituent une épreuve de légitimité. Par conséquent, on peut dire que les normes wébériennes modélisées sur trois types sont principalement testées dans ces moments de transfert de puissance. Max Weber, dans sa théorie de l’idéal-type de la domination, met l’accent sur la rationalité et la légitimité du pouvoir. Weber explore les différentes formes de pouvoir et d’autorité qui existent dans les sociétés et les systèmes politiques. Selon lui, la domination est un concept clé pour comprendre les relations de pouvoir et les structures de gouvernance.

Il identifie, ainsi, trois types idéaux de domination (Weber, 1963, p. 126-127) : la domination traditionnelle, la domination légale-rationnelle et la domination charismatique. Chacune de ces formes de domination est basée sur des fondements différents et repose sur des mécanismes spécifiques de légitimation :

 La domination traditionnelle se fonde sur la coutume, les valeurs et les normes ancestrales. Elle est ancrée dans l’autorité et le respect accordés à des figures traditionnelles ou des institutions héritées du passé. Cette forme de domination repose sur la stabilité et la continuité des relations sociales et est souvent associée à des sociétés prémodernes ou tribales.

La domination légale-rationnelle, quant à elle, repose sur des règles et des lois formelles qui sont établies et acceptées par un système de gouvernance. Elle est fondée sur la rationalité et la légitimité juridique. Dans ce type de domination, l’autorité est dérivée des positions officielles et des rôles définis par la société, et la prise de décision est basée sur des procédures rationnelles et des réglementations légales. Ce type de domination est apparu avec l’avènement de libéralisme, pour répondre aux besoins de l’industrie et de la modernité, tout en moyennant un appareil administratif qui prend la forme d’un Léviathan moderne qui exerce la mise en esclavage des Hommes mais de façon insidieuse. C’est pourquoi Weber ne cachait pas sa crainte devant la rationalisation, en général, et en particulier cette légitimation de domination en tant qu’une activité politique rationnelle.

Enfin, la domination charismatique est basée sur l’adhésion personnelle à un leader charismatique. Ce type de domination est fondé sur l’attrait personnel, le charisme et la conviction des adeptes envers le leader. Le pouvoir charismatique est souvent associé à des mouvements sociaux, des révolutions ou des personnalités politiques charismatiques.

Weber souligne que ces formes de domination ne sont pas mutuellement exclusives et peuvent coexister dans une société donnée. De plus, il insiste sur le fait que la légitimité de la domination peut varier et être remise en question par les individus et les groupes.

Pour Weber, la domination est une force sociale complexe qui repose sur la légitimité et l’acceptation des relations de pouvoir. Il met en évidence l’importance des symboles, des croyances et des institutions dans la construction et le maintien de la domination. Selon lui, le pouvoir légitime est fondé sur la reconnaissance et l’acceptation de l’autorité par ceux qui sont soumis à cette domination.

Cependant, la légitimité fondée sur l’échelle wébérienne s’érodera avec le temps, malgré la reconnaissance volontaire des dominés. La violence monopolisée par le pouvoir politique, dans son aspect physique du moins, ne peut être une substance liquide qui s’étend dans le temps et dans l’espace, et donc le recours à des formes de force invisible, selon l’expression de Bourdieu, devient nécessaire pour assurer la permanence du pouvoir.

Bien que Weber ne développe pas explicitement la notion de violence symbolique, il reconnaît l’importance des symboles et des croyances dans la légitimation du pouvoir.

Gramsci, quant à lui, a introduit le concept d’hégémonie pour décrire le pouvoir exercé par la classe dominante à travers le contrôle des institutions et la diffusion de l’idéologie. Il considère que l’idéologie joue un rôle central dans la construction et le maintien du consensus social, permettant ainsi à la classe dominante de gouverner de manière hégémonique. À l’approche de Gramsci du concept de société civile, qu’il considère comme une aile douce de l’État qui sollicite l’idéologie et l’appareil idéologique de l’État ; La société civile, selon Gramsci, n’est rien d’autre que des institutions idéologiques à côté des institutions répressives monopolisées par l’État. De son côté, Louis Althusser reprendra ses propos sur les moyens de contrôle poursuivis par l’État, le considérant comme une classe dominante pour subjuguer les classes dominées. En effet, dans sa théorie de l’appareil idéologique d’État, Il met en évidence le rôle des institutions (comme l’école, la famille, les médias) dans la reproduction des rapports de domination. Selon lui, l’idéologie fonctionne comme un appareil de reproduction des relations de production capitalistes, en façonnant les subjectivités et les représentations des individus. Ce qu’Althusser ajoute, à cet égard, c’est de rattacher cette théorie à la critique de l’humanisme dans le marxisme. L’homme a perdu sa centralité dans l’interprétation de l’histoire et de la société, au profit de la structure, car c’est un système de relations dont les éléments n’ont aucun sens sans elle. Et l’être humain, lui-même, n’est qu’un élément d’un système et d’une structure. Ce structuralisme, qui a été repris par Claude Lévi-Strauss, a intégré les sciences humaines dans la spirale des sciences pures, afin de disposer d’outils de contrôle et de mesure. Les sociétés humaines produisent l’idéologie comme élément et climat nécessaires à leur survie. C’est la reconnaissance de l’existence de l’idéologie, selon Althusser, qui facilite son contrôle et sa transformation en acte conscient dans l’histoire. Cependant, il ne voit son existence qu’à travers un intermédiaire physique.

Ainsi, bien que Bourdieu mette l’accent sur la violence symbolique en tant que force invisible qui opère à travers les mécanismes sociaux et culturels, Weber, Gramsci et Althusser soulignent également l’importance de l’idéologie en tant que moyen de force invisible dans la reproduction des rapports de pouvoir et de domination. Chacun de ces penseurs apporte des nuances et des éclairages différents à notre compréhension de la façon dont le pouvoir s’exerce et est perpétué dans la société.

Mais quelle relation entre le type de violence et la nature de relations sociales ?

On peut trouver la réponse chez Bourdieu, lui-même ; dans son article « Les modes de dominations » (1976), où il a entrepris de classer les relations sociales selon le type de domination dans telle société ou l’autre, c’est-à-dire suite au type de violence exercée, à savoir symbolique ou physique. En effet, il aborde deux types de sociétés : la société traditionnelle et la société moderne. Ces deux types de sociétés sont caractérisés par des modes de domination distincts et des formes de relations sociales spécifiques.

Il confirme que « D’un côté des relations sociales qui, n’ayant pas en elle mêmes le principe de leur reproduction, ne peuvent subsister qu’au prix d’une véritable création continuée ; de l’autre, un monde social qui, enfermant en lui-même le principe de sa propre subsistance, dispense les agents de ce travail incessant et indéfini d’instauration ou de restauration des relations sociales » (Bordieu, 1976, p. 126), En d’autres termes, Bourdieu souligne que certaines relations sociales requièrent un effort actif de création et de maintien, tandis que d’autres sont déjà ancrées dans les structures sociales existantes et ne nécessitent pas un travail constant de la part des agents : Dans la société traditionnelle, pour plus d’explication, les relations sociales sont personnalisées, ce qui signifie qu’elles s’incarnent dans des figures humaines. Les liens sociaux sont basés sur des rapports de proximité, de familiarité et de reconnaissance mutuelle. Les individus interagissent directement les uns avec les autres, souvent à travers des relations de parenté, de clan ou de communauté. La domination dans cette société repose sur des structures sociales et des valeurs traditionnelles, où les normes et les coutumes jouent un rôle central. En revanche, dans la société moderne, les relations sociales sont désenchantées et institutionnalisées. Les interactions entre les individus sont médiatisées par des institutions et des systèmes formels, tels que l’État, les organisations bureaucratiques et les mécanismes de marché. Les relations sociales sont souvent anonymes et impersonnelles, fondées sur des règles, des lois et des contrats. La domination dans cette société est exercée par des structures de pouvoir bureaucratiques et économiques, où le statut et le capital jouent un rôle prépondérant.

Cette distinction met en lumière les inégalités sociales et les rapports de pouvoir qui découlent de la répartition différenciée de la charge de travail dans la reproduction des relations sociales. Certains individus ou groupes peuvent bénéficier de la stabilité et de la continuité des relations sociales sans avoir à les construire en permanence, tandis que d’autres sont confrontés à un travail incessant pour établir et maintenir leurs relations sociales.

Dans la perspective de Pierre Bourdieu, cette distinction entre les sociétés traditionnelles et modernes révèle un concept fondamental : celui du champ social. Les sociétés traditionnelles, avec leurs relations sociales personnalisées et leurs liens basés sur la proximité, correspondent à ce que Bourdieu appelle des “champs restreints”. Dans ces champs, la domination et la distribution du pouvoir sont en grande partie déterminées par des normes et des valeurs traditionnelles, créant un ordre social relativement stable.

En contraste, les sociétés modernes correspondent à ce que Bourdieu (1992) qualifie de “champs étendus”. Dans ces champs, les relations sociales sont médiatisées par des institutions et des règles formelles. La domination y est souvent exercée à travers des structures bureaucratiques et économiques, où le statut et le capital jouent un rôle prépondérant. Les individus doivent constamment négocier et lutter pour établir leur position dans ces champs, car les règles du jeu sont plus complexes et souvent moins transparentes que dans les champs restreints.

Il est important de noter que la typologie de Bourdieu suscite des débats et des controverses chez les auteurs, et que différentes perspectives et critiques ont émergé au fil du temps. Michel Foucault, par exemple, remet en question la vision linéaire du progrès social et la dichotomie entre société traditionnelle et société moderne. Il souligne que les formes de domination et de pouvoir sont multiples et complexes, et qu’elles évoluent dans le temps et l’espace. Selon Foucault (1998), la domination ne se limite pas à des structures sociales spécifiques, mais est présente dans toutes les relations de pouvoir.

D’autre part, et dans le même contexte, Lahouari Addi (2001) a relevé qu’il existait une incohérence fondamentale dans les travaux de Bourdieu lorsqu’il s’agit de la société française et de son examen de la violence symbolique générée par ses institutions. Selon Addi, il n’est pas possible de soutenir à la fois que la violence symbolique diminue avec la modernisation et qu’elle demeure omniprésente, diffusée à travers l’éducation, le marché, l’État, etc. Addi a suggéré deux possibilités : soit la société française est moderne et n’a qu’un recours marginal à la violence symbolique selon le schéma de Bourdieu, soit elle n’est pas moderne et la violence symbolique y est généralisée, fonctionnant à un niveau infra-étatique. Cette critique met en lumière la complexité de la relation entre la modernisation de la société et la violence symbolique telle que présentée par Bourdieu. Elle souligne la nécessité d’approfondir l’analyse de la violence symbolique dans le contexte spécifique de la société française et d’examiner comment celle-ci est régulée et diffusée par les différentes institutions. Addi argue également que la violence symbolique ne peut être limitée à un type spécifique de société, qu’elle soit traditionnelle ou moderne. Il souligne que la violence symbolique est omniprésente dans toutes les formes de domination, indépendamment de la période historique concernée. En effet, aucune structure sociale ne peut se perpétuer uniquement par la violence physique, telle qu’elle est décrite par Hobbes dans l’état de guerre. La reproduction des ordres sociaux nécessite donc l’utilisation de la violence symbolique, qui est intrinsèquement liée à la légitimité et à la pertinence des systèmes de domination.

Un point important soulevé est que la société traditionnelle, en particulier, se reproduit en s’appuyant sur la violence symbolique. Cette dernière est considérée comme un mécanisme idéologique, qui est intégré et accepté par tous les acteurs sociaux, qu’ils soient dominants ou dominés. Cette observation met en évidence l’absence de distinction sociale claire et l’interdépendance des différents domaines, tels que le religieux, le politique et l’économique. On constate notamment que, dans les sociétés traditionnelles, la violence physique est couramment utilisée à des fins privées lorsque la violence symbolique ne suffit pas à maintenir l’équilibre des intérêts conflictuels.

Résultats de l’étude :

Les résultats théoriques de cette étude mettent en évidence l’importance fondamentale de la violence symbolique dans la perpétuation des structures de domination au sein de la société. La violence symbolique, loin d’être un phénomène marginal, est omniprésente et intimement liée à la légitimité qui justifie et maintient ces formes de pouvoir. Elle agit comme un mécanisme de régulation des rapports sociaux en évitant le recours à la violence physique directe, mais peut être tout aussi oppressive et aliénante.

L’une des conclusions essentielles est que la violence symbolique n’est pas une notion abstraite, mais une réalité tangible qui influence profondément les attitudes, les comportements et les perceptions des individus. Elle se manifeste à travers les représentations sociales, qui sont des systèmes de pensée partagés par les groupes sociaux, et qui sont fortement influencées par les médias et d’autres institutions.

Par ailleurs, la contribution unique de Pierre Bourdieu, en introduisant le concept de violence symbolique, se manifeste par l’enrichissement significatif de la sociologie en général, et la sociologie de la domination en particulier, grâce à un ensemble de concepts pertinents, notamment l’habitus, les champs, la reproduction, et bien sûr, la violence symbolique elle-même : En ce qui concerne l’habitus, les résultats démontrent son rôle crucial dans la formation des dispositions et des schèmes d’action et de perception chez les individus. L’habitus est un système complexe, façonné par les expériences sociales, qui guide les comportements individuels de manière souple et adaptable en fonction des situations spécifiques. Quant au concept de « champs », l’étude révèle comment la société peut être divisée en différentes sphères sociales, chacune ayant ses propres règles et relations de pouvoir. Cette distinction entre “champs restreints” et “champs étendus” met en évidence les différentes dynamiques de pouvoir à l’œuvre dans ces domaines. En ce qui concerne la reproduction sociale, l’étude montre comment les structures sociales et les rapports de pouvoir se perpétuent au fil du temps. La violence symbolique joue un rôle central dans ce processus en influençant les comportements individuels et en contribuant à façonner les normes acceptées par la société. En ce qui concerne la violence symbolique, l’étude souligne son rôle essentiel dans la perpétuation des structures de domination. La violence symbolique est présente dans toutes les sociétés et est étroitement liée à la légitimité qui maintient ces formes de pouvoir. Elle agit comme un mécanisme de régulation des rapports de pouvoir, tout en pouvant être aliénante et renforcer les inégalités existantes.Top of Form

Conclusion :

La violence symbolique joue un rôle essentiel dans la perpétuation des structures de domination. Elle est présente dans toutes les sociétés, car elle est intimement liée à la légitimité qui justifie et maintient ces formes de pouvoir. En soulignant l’importance de la violence symbolique dans la reproduction sociale, cette tentative met en lumière l’indissociabilité entre les différentes formes de pouvoir et les mécanismes de domination. Cette perspective permet de comprendre que la violence symbolique est une composante fondamentale des rapports sociaux et qu’elle conditionne la stabilité et la pérennité des structures de pouvoir.

Ainsi, la violence symbolique est un sujet important à examiner et à comprendre pour ceux qui cherchent à promouvoir la justice sociale et à combattre les inégalités ; il est important de noter, donc, que la violence symbolique est un sujet complexe qui mérite une analyse approfondie. Il est essentiel de reconnaître les différentes formes de violence symbolique et leurs effets sur les individus et les groupes marginalisés. En comprenant mieux la nature de la violence symbolique, nous pouvons commencer à travailler vers des solutions pour la réduire et créer un environnement plus inclusif et égalitaire pour tous.

BIBLIOGRAPHIE

– Emile, Durkheim.  (1912). Les Formes élémentaires de la vie religieuse. Librairie Félix Alcan.

– Max, Weber. (1963). Le savant et le politique, Tr. Julien Freund. Plon.

Lahouari, Addi , (Juin 2001).  Violence symbolique et statut du politique chez Pierre Bourdieu. in Revue française de science politique,  Vol 51, pp. 949-963.

– Pierre, Bordieu et J.C Passeron. (1964). Les Héritiers: Les étudiants et la culture. Lucid.

– Pierre, Bordieu et J.C Passeron. (1970).  La reproduction. Minuit.

– Pierre, Bordieu. (juin 1976). Les modes de dominations , in : Actes de la recherche en sciences sociales, 2-3, pp : 122 – 132.

– Pierre, Bordieu. (1980). Le sens pratique. Minuit.

– Pierre, Bordieu. 1986. Ce que parler veut dire. Minuit.

– Pierre, Bordieu. (1987). Choses dites. Minuit.

– Pierre, Bordieu. (1992).  Les règles de l’art: genèse et structure du champ littéraire. Seuil.

–  Pierre, Bordieu. (1994). Raisons pratiques : sur la théorie de l’action. Seuil.

[1] En 1964, Pierre Bourdieu a publié l’ouvrage intitulé “Les Héritiers: Les étudiants et la culture”. Cet ouvrage, écrit en collaboration avec Jean-Claude Passeron, explore les inégalités éducatives en France et examine comment la culture des élèves influence leur réussite scolaire. Il s’agit d’un travail influent qui a contribué à éclairer les mécanismes de reproduction sociale à travers l’éducation.

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