Research studies

D’une approche traditionnelle à une approche innovante du contrôle de gestion

Prepared by the researcher  : HAMMOUCH Hind, Docteur chercheur en Economie et Gestion. Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales. Fès Maroc.

Democratic Arabic Center

International Journal of Economic Studies : Twenty-seventh Issue – November 2023

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN  2569-7366
International Journal of Economic Studies

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Résumé

L’évolution des approches en gestion a ouvert la voie à l’incorporation de nouvelles préoccupations liées aux mécanismes de pilotage de la performance globale. Les entreprises sont désormais invitées à réévaluer la définition de la performance et, par conséquent, à ajuster leurs systèmes de contrôle de gestion pour répondre aux nouvelles normes.

Afin de clarifier cet aspect d’évolution du contrôle de gestion, cet article propose une revue de la littérature en sciences de gestion, mettant en évidence le rôle du contrôle de gestion, qui était traditionnellement axé sur la gestion de la performance économique de l’entreprise, se voit de plus en plus attribuer la responsabilité d’élargir son champ d’application pour englober de nouvelles dimensions de la performance, notamment celles liées aux aspects sociaux et environnementaux

Introduction 

Depuis son émergence au début des années 1930 au sein des grandes entreprises industrielles américaines, le contrôle de gestion a connu une évolution constante. En effet, dans un contexte économique axé sur la production, le contrôle de gestion reposait principalement sur deux techniques clés : la comptabilité analytique et la budgétisation.  De plus, l’apparition de différentes approches en matière de contrôle de gestion a été constatée ; telles que le contrôle de gestion par les activités, la méthode des coûts cibles, la gestion stratégique des coûts ainsi que le contrôle de gestion basé sur l’autonomisation.

Ces évolutions peuvent être dues à deux facteurs majeurs : d’une part, les changements dans le contexte organisationnel, et d’autre part, les exigences de l’environnement externe, caractérisé par son instabilité et son incertitude. Par conséquent, on peut constater que le champ d’action du contrôle de gestion s’élargit de manière significative pour englober plusieurs aspects. Ainsi, son rôle en ce qui concerne la gestion de la performance, autrefois axé sur la performance économique, a évolué vers la prise en compte de la performance sociale et environnementale. A cet effet, l’intégration des objectifs sociaux et environnementaux dans le processus de gestion a permis de les incorporer dans le cadre du contrôle de gestion. Par conséquent, la fonction de pilotage de la performance, qui était autrefois principalement axée sur les aspects économiques, a évolué vers une gestion de la performance globale.

C’est ainsi qu’en prenant en considération les différents aspects de la performance globale, nous constatons actuellement l’émergence d’une nouvelle approche en matière de contrôle de gestion, cette approche vise à personnaliser les outils du contrôle de gestion afin de les transformer en instruments de mesure et de gestion de la performance globale de l’entreprise.

L’objectif de cet article sera, donc, d’apporter une clarté de l’évolution du contrôle de gestion traditionnel vers un contrôle de gestion rénové et innovant, en essayant d’intégrer des données non comptables, en particulier celles liées à l’environnement et aux aspects sociaux, dans les systèmes de gestion de la performance globale de l’entreprise.

1.           Contrôle de gestion : Revue de littérature

L’évolution historique du contrôle de gestion reflète l’évolution du sens de cette pratique, suivant les changements des structures de production et la complexité croissante de l’environnement économique et technologique des entreprises. De nombreux développements ont enrichi cette thématique en le transformant en une fonction stratégique qui ne se limite plus à une simple vérification, mais s’affirme désormais comme un processus essentiel de régulation et de direction de l’entreprise

Selon Anthony « le contrôle de gestion est un processus par lequel les dirigeants influencent les membres de l’organisation pour mettre en œuvre les stratégies de manière efficace et efficiente », en d’autres termes, le contrôle de gestion agit comme un support pour mettre en œuvre la stratégie ; il transforme les objectifs stratégiques en actions concrètes dans la gestion quotidienne et permet de formaliser les compétences pratiques du quotidien au niveau stratégique

1.1.Evolution du concept « Contrôle de Gestion »

En 1965, Anthony, père de la discipline, propose d’organiser le contrôle de gestion autour de trois niveaux[1] :

  • Celui de la planification stratégique, « processus qui consiste à décider des objectifs de l’organisation, des changements de ces objectifs, des ressources à utiliser pour les atteindre et des politiques qui doivent gouverner l’acquisition, l’usage et le déclassement de ces ressource »[2].
  • Celui du contrôle de gestion, « le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente dans la réalisation des objectifs de l’organisation»[3].
  • Celui du contrôle opérationnel, « processus qui consiste à obtenir la garantie que les tâches spécifiques sont effectuées de manière efficace et efficiente»[4].

Selon Malo & Mathe (2002), lorsque les orientations stratégiques sont clairement définies en dehors du processus de contrôle, ce dernier peut être vu comme : « le processus par lequel les responsables influencent les autres membres de l’organisation pour mettre en œuvre les stratégies de cette dernière ». Cette vision du contrôle de gestion met en lumière son rôle crucial au sein de l’organisation, agissant en tant que conseiller pour toutes les autres fonctions. Antony a lié le contrôle de gestion à la stratégie, avec pour objectif final de ce lien (stratégie/contrôle) la gestion de la performance économique de l’entreprise. Cette perspective du contrôle engendre deux types de mécanismes :

  • Un mécanisme de coordination, de la décision qui cherche à rendre le système plus performant, par une meilleure coordination des processus d’allocation des ressources.
  • Un mécanisme d’animation qui a pour objectif d’agir sur les comportements des acteurs dans le sens attendu par l’organisation, il concerne les aspects humains (motivations, rétributions, incitations, apprentissages, cultures…).

En parallèle, le contrôle de gestion prend une orientation plus sociologique en se concentrant sur le contrôle des comportements. En d’autres termes, il évolue d’une approche chiffrée à une approche axée sur les comportements.

Une autre référence apparue plus tôt, est celle de H.A Simon (1945) précurseur dans la construction d’une nouvelle psychologie de l’agent sur la base de son apport à l’information, complété par un modèle canonique de l’entreprise vue comme un système d’information, sur la base de la boucle suivante :

Information   Décision

Figure 1: Boucle de H.A Simon (1945)[5].

Selon Bouquin, ce modèle de Simon est important à double titre :[6]

  • Il offre d’une part, une base théorique qui dispense le contrôle de gestion, de devoir se positionner vis-à-vis de l’information.
  • Il offre, d’autre part, une base théorique en termes de modèle de comportement du manager qui fait défaut au modèle de R.N

Robert Simons (1995) définit le contrôle de gestion comme[7] « l’ensemble des processus et procédures formels, construits sur la base de l’information que les managers utilisent pour maintenir ou modifier certaines configurations des activités de l’organisation ». Pour lui, le contrôle de gestion peut se contenter de cueillir l’information qui passe. Il lui faut la maîtriser complètement et s’assurer de sa qualité (fiabilité et ponctualité). Il aura besoin d’information spécifique, sans autre usage que celle qu’il fera, et peut avoir à la construire lui-même. L’auteur explique le rôle du contrôle formel qui garantit que la stratégie définie par la direction est correctement appliquée par les acteurs de l’organisation.

Simon explique également à partir d’une étude de cas, que «toutes les organisations, qu’elles soient grandes et complexes, possèdent des systèmes de contrôle de gestion similaires… Cependant, la manière d’utiliser ces systèmes de contrôle varie»[8]. Cette constatation l’amène à identifier deux catégories de systèmes de contrôle : la première est celle des systèmes surveillés de près par les managers. La seconde regroupe les systèmes de contrôle dont la surveillance est déléguée. Cette différenciation correspond à la distinction entre le contrôle dit « interactif » et le contrôle dit « diagnostic » ou programmé selon la terminologie employée par l’auteur dans plusieurs de ses publications.

De sa part, Bouquin définit le contrôle de gestion comme « un élément du contrôle organisationnel. Son rôle fondamental est de permettre aux dirigeants de la hiérarchie d’être assurés de la cohérence entre les actions quotidiennes et les stratégies définies dans le long terme ».[9]

La discipline du contrôle de gestion a connu une évolution significative au fil du temps, influencée par plusieurs facteurs. Son histoire débute au début du siècle avec le message de Henry Fayol, qui prône dans sa théorie “Administration industrielle et générale” de 1916 les concepts de “prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler”. À cette époque, le contrôle est envisagé de manière statique, principalement comme un outil de surveillance et de sanction. Cette perspective était également rétrospective, se limitant à mettre en lumière des événements déjà survenus.

La concurrence, l’incertitude et les fluctuations de l’environnement économique ont donné naissance à un nouvel aspect du contrôle de gestion : celui du pilotage de la performance. Selon Anthony (1965), contrôler implique non seulement de vérifier, inspecter et surveiller, mais aussi de maîtriser et guider les actions individuelles pour atteindre les objectifs fixés par les organisations. Ainsi, le contrôle de gestion devient à la fois rétrospectif et proactif.

Actuellement, le contrôle de gestion est davantage défini comme “le pilotage de la performance”. Cette définition décrit une approche où une organisation gère progressivement la réalisation de ses objectifs de performance tout en alignant les actions des différentes parties de sa structure. Ces évolutions sémantiques ne sont pas anodines car elles reflètent l’évolution de cette fonction vers un rôle plus orienté vers l’assistance opérationnelle et stratégique, tout en réduisant la coercition.

1.2.Pôles et objectifs du contrôle de gestion

Le contrôle de gestion prend tout son sens au sein d’une entreprise orientée vers des objectifs clairs, établis à travers un processus défini de fixation des objectifs. Au-delà de ces objectifs, deux autres notions essentielles émergent : les ressources et les résultats. Le rôle d’un responsable se définit par un champ d’action où son activité se concentre sur la mise en œuvre de trois éléments :

  • Les objectifs à atteindre.
  • Les ressources mises à
  • Les résultats

                                                                                         Objectif

                         Mesure de la pertinence                                                    Mesure de l’efficacité

                                             Moyens                                                                    Réalisation

                Figure 2: Triangle de contrôle de gestion[10].

Dès 1965, Robert N. Anthony définit le contrôle de gestion comme « le processus par lequel les managers s’assurent que les ressources sont obtenues et utilisées avec efficacité et efficience dans l’accomplissement des objectifs de l’organisation ». Il affinera, ensuite, cette définition en faisant de manière explicite le lien entre contrôle de gestion et stratégie dans la mesure où il indique que le contrôle de gestion est le processus par lequel les managers influencent d’autres membres de l’organisation pour appliquer les stratégies. Cette conception du contrôle induit deux types de mécanismes :

  • Un mécanisme de coordination de la décision qui cherche à rendre le système plus performant avec une meilleure coordination des processus d’allocation des
  • Un mécanisme d’animation qui pour objectif d’agir sur les comportements des acteurs dans le sens attendu par l’organisation. Il concerne les aspects humains (motivation, rétributions, incitations, apprentissage, culture …).

2.           Renouvellement de la pensée du contrôle de gestion

En parallèle avec l’évolution des objectifs de l’entreprise, le processus classique de contrôle de gestion doit s’ajuster aux nouvelles demandes de la société ainsi qu’au nouveau concept de performance globale.

Actuellement, les entreprises visent moins à contrôler l’avenir qu’à le gérer et à s’adapter rapidement à celui-ci. Les systèmes d’évaluation de la performance globale se diversifient considérablement. Les méthodes standardisées de contrôle de gestion englobent désormais toutes les activités (administration, logistique, qualité, délais, conception des produits…) et touchent tous les secteurs (public, associatif, commerce, services…). Selon Zimnovitch (1999) et Naulleau et Rouach (1998), plusieurs outils incarnent la refonte du contrôle de gestion en vue d’une mesure plus complète de la performance globale.

2.1.D’une approche traditionnelle du contrôle de gestion…

La conception traditionnelle de cette approche a été initiée par Anthony (1965). Il se base sur une répartition du contrôle organisationnel en trois niveaux à savoir ;

  • La planification stratégique ;
  • Le contrôle de gestion ;
  • Et le contrôle opérationnel.

En 1998, Bouquin avance que : « La planification stratégique est le processus qui consiste à décider les buts de l’organisation et les stratégies à employer pour atteindre ces buts.(…) le contrôle de gestion (management control) est le processus par lequel les dirigeants influencent les membres de l’organisation pour mettre en œuvre ces stratégies de manière efficace et efficiente,(…) le contrôle opérationnel est le processus qui consiste à garantir que les tâches spécifiques sont mises en place de manière efficace et efficiente.

En fait, cette conception est tirée de la pensée militaire déjà ancienne (stratégie, tactique, opérations) et, particulièrement « s’appuie sur un découpage présomptueux et linéaire du temps du management, où la connaissance, et sa fixation dans la planification, une sorte d’arrogance face au temps ainsi organisé, précèdent l’action »[11].

Stratégie Gestion Tâche
Finaliser – Choix de l’offre et des ressources.

– Organisation de la chaine de Valeur.

– Missions des processus et des centres de responsabilité dans la chaine de valeur.

– Plan d’action et d’incitation

– Incitation, Budgets

– Missions des tâches de   routine dans les processus.

– Organisation de ces tâches.

Piloter – Suivi des hypothèses et de mise en œuvre. – Suivi et anticipation.

– Action corrective.

– Suivi du déroulement par exception.
Post-évaluer – Evaluation de la réussite d’une stratégie et de sa pérennité. – Mesure de la performance du « contrat de gestion ».

 

– Sanction positives et négatives

– Bilan périodique des incidents.
Contrôle stratégique Contrôle de gestion Contrôle opérationnel

Tableau 1: Les modes de contrôle[12].

La typologie proposée par Anthony, découle du paradigme classique de la planification et du positionnement stratégique qui favorisent la question de la formulation de la stratégie plutôt que celle de la mise en œuvre. Cette distinction entre contrôle stratégique et contrôle de gestion, n’est claire que si l’on admet une vision « Top-down » de l’entreprise, où les dirigeants décident de la stratégie et la font appliquer en se référant au schéma taylorien. La frontière apparait alors relativement claire et stable car elle se base sur la vision traditionnelle du partage entre conception et exécution. « Aux uns la charge de la pertinence de la conception, aux autres la responsabilité de se doter des moyens d’assurer l’excellence de l’exécution »[13].

Dans un tel schéma, le contrôle en général, et plus particulièrement contrôle de gestion, se considère comme étant des instruments favorisés de la mise en place de la stratégie. La mission du contrôle de gestion est d’assurer une adéquation entre le long terme et le court terme, décliner la stratégie avec efficacité tout en optimisant les ressources utilisées, et satisfaire les orientations de la Direction Générale.

2.2.…Vers une approche innovante du contrôle de gestion

Plusieurs critiques destinées aux approches traditionnelles du contrôle. Pour Geert Hofstede (1981), à partir des années 1980, les outils du contrôle généralement mobilisés n’étaient en réalité applicables que dans des cas très particuliers. Avec les changements organisationnels et environnementaux le modèle est devenu de plus en plus obsolète. Il est primordial de satisfaire certaines hypothèses pour améliorer la pertinence de ce modèle. Ces hypothèses sont:

  • Le caractère non ambigu des objectifs ;
  • La possibilité de mesurer les résultats ;
  • La connaissance des effets des actions correctives et enfin ;
  • Le caractère répétitif de l’activité.

Lorino expose deux hypothèses, explicitement et implicitement fondamentales pour les divers systèmes de contrôle : l’hypothèse de la simplicité et celle de la stabilité. “La simplicité repose sur la décomposabilité, où la performance globale est la somme des performances locales. La simplicité et la stabilité sous-tendent l’idée selon laquelle une fois établie, une norme peut servir de référence de manière durable. Une implication clé de ce paradigme de contrôle est la gestion basée sur les ressources.” Selon cette perspective, si les activités sont considérées comme stables, l’amélioration des ressources et des produits (inputs/outputs) peut être considérée comme directe.

Cependant, selon Lorino, à mesure que les organisations et leurs activités deviennent plus complexes, les mécanismes de performance deviennent instables. Cela conduit à des systèmes sociaux moins prévisibles et plus difficiles à contrôler selon la conception classique du terme “contrôle”. L’auteur souligne ainsi la nécessité de passer d’un “paradigme du contrôle” à un “paradigme du pilotage”, ou encore d’un modèle axé sur les ressources à un modèle orienté vers les activités pour maîtriser ces systèmes.

Par ailleurs, Bouquin (1994) a soulevé des critiques à l’encontre des trois hypothèses fondamentales de la fonction du contrôle de gestion dans l’approche traditionnelle. Ces critiques portent sur l’hypothèse de la séparation stricte des responsabilités, l’hypothèse culturelle selon laquelle la régulation se fait à travers la définition d’objectifs et de moyens, ainsi que sur l’articulation entre le court terme et le long terme, notamment la déclinaison de la stratégie en plans opérationnels et budgets.

Pour résumer, en suivant Band et Scanlan (1995), l’approche traditionnelle du contrôle stratégique, malgré sa simplicité conceptuelle attrayante, se heurte à d’importants défis lors de sa mise en pratique sur le terrain. Elle subit la plupart des critiques adressées au contrôle de gestion dans son approche traditionnelle, ce qui a progressivement conduit à l’émergence d’une réflexion renouvelée sur le sujet.

Au cours des dernières décennies, une vaste littérature s’est développée autour du contrôle de gestion. Band et Scanlan (1995) présentent une synthèse de ces travaux basée sur trois approches : l’approche critique, l’approche par l’alignement et la focalisation, et l’approche par les leviers de contrôle. Dans cette lignée, Denis (2002) propose une vision novatrice du contrôle de gestion qui met en lumière les rôles spécifiques joués par le contrôle dans sa relation avec la stratégie (voir figure 3). Les points suivants exposent les quatre rôles élaborés par J.P. Denis[14].

Levier de déploiement de la stratégie

 

Aligner des variables en cohérence avec la stratégie pour focaliser les énergies
Exercer la vigilance managériale sur le bien-fondé de la stratégie
Rôle du contrôle  dans sa relation avec la stratégie
Levier de conduire du changement stratégique

Figure 3: Les quatre pôles de questionnement des recherches sur les rôles du contrôle et la nature de son articulation avec la stratégie[15].

  • Le contrôle ; levier de déploiement de la stratégie: Des progrès significatifs ont été réalisés dans ce

domaine, suggérant ainsi une transition du paradigme traditionnel du contrôle vers celui du pilotage. Cette transition examine l’inadaptation entre les principes tayloriens du modèle traditionnel de contrôle de gestion et les nouvelles formes organisationnelles et de production. Selon Denis (2002), ces avancées trouvent leur origine dans les concepts introduits par M. Porter, notamment celui de la chaîne de valeur, permettant une mesure plus réaliste des coûts imputés aux activités et intégrant la préoccupation stratégique dans les comportements opérationnels.

Il est également préconisé d’adopter une approche transversale, axée sur une vision en processus plutôt que sur une logique cloisonnée. Cette transition suggère l’adoption d’un tableau de bord prospectif, mettant en avant  « l’importance d’insuffler le souci de la stratégie aux comportements des opérationnels »[16].

  • Le contrôle ; levier d’alignement pour focaliser les énergies: Dans cette perspective, Denis (2002) souligne l’importance d’une série de travaux qui affirment que “pour qu’un contrôle stratégique soit satisfaisant, il doit rechercher une concentration des efforts grâce à un alignement approprié entre différentes variables stratégiques, organisationnelles et de contrôle.” Dans cette optique, l’auteur mentionne plusieurs études. Bungay et Goold (1991), par exemple, suggèrent “d’harmoniser le contrôle avec les facteurs clés de succès de la stratégie”, dans le but de “mettre en place un système de contrôle orienté pour s’assurer que les mesures et l’attention des managers se concentrent sur les aspects essentiels de la performance”.
  • Le contrôle ; levier de vigilance sur le bien-fondé de la stratégie: Dans le cadre des travaux sur l’apprentissage organisationnel initiés par Argyris et Schon (1978) et K.E. Weick (1979), formalisés par Schreyogg et Steinman (1987), le contrôle stratégique occupe un niveau élevé au sein des entreprises pour identifier les menaces, les opportunités et les facteurs de contingence impactant la pertinence des choix stratégiques. Ces auteurs définissent trois types de contrôle stratégique : “le contrôle des prémisses”, impliquant une évaluation continue des normes et hypothèses sous-jacentes aux plans élaborés, exerçant une vigilance permanente pendant l’action ; “le contrôle de la mise en œuvre de la stratégie”, permettant d’identifier et d’évaluer les facteurs critiques non pris en compte dans la formulation et la planification stratégique, envisagé non seulement comme un nouveau projet risqué, mais aussi comme un processus stratégique ; enfin, “la surveillance stratégique”, complémentaire des deux précédents, surveille les événements émergents pendant l’action pouvant menacer la réalisation des choix stratégiques, nécessitant une collecte étendue et ouverte d’informations sur tous types d’événements.
  • Le contrôle ; levier de conduite du changement stratégique: Mise à part son rôle d’être perçu comme un gardien des objectifs et un promoteur du conformisme, le contrôle de gestion peut également être perçu comme un outil crucial pour l’apprentissage organisationnel lorsque l’accent est mis sur le progrès plutôt que sur la conformité. Dent (1991) souligne que le contrôle peut contribuer à améliorer la culture de l’entreprise. R. Simons (1995) a élargi les cadres théoriques du contrôle en proposant une vision innovante de son interaction avec la stratégie. Il identifie quatre leviers de contrôle pour la stratégie commerciale :
  1. Les systèmes de bornage fixent des limites pour éviter la dispersion des ressources dans des projets non pertinents.
  2. Les systèmes de croyances communiquent les valeurs de l’organisation et guident la recherche de nouvelles opportunités.
  3. Les systèmes de contrôle interactif stimulent l’apprentissage organisationnel en surveillant les incertitudes critiques et en favorisant l’émergence des idées et stratégies nouvelles.
  4. Les systèmes de contrôle diagnostique motivent, surveillent et récompensent l’atteinte d’objectifs préétablis pour assurer l’efficience de la gestion.

Denis (2002) stipule que le contrôle stratégique s’exerce à travers ces quatre leviers en parallèle, et non pas uniquement via un seul levier. Chaque levier de contrôle correspond à une dimension de la stratégie, comme l’a présenté Mintzberg (1987). Cette approche s’accorde avec l’évolution de la pensée stratégique dans son ensemble.

3.           De la notion du contrôle à la notion du pilotage en contrôle de gestion

Le contrôle de gestion présente une panoplie des travaux qui permettent de rapprocher la conceptualisation de la stratégie avec les recherches en contrôle, en précisant l’importance de lier le souci de la stratégie avec les comportements des opérationnels.

3.1.Passage du contrôle au pilotage

Pour Lorino (1995), le contrôle de gestion constitue une nouvelle conception du contrôle qu’il est décrit par « paradigme du pilotage » où le management, caractérisé par un certain niveau d’autonomie et de pouvoir à chaque acteur de l’entreprise, en passant d’un registre d’autorité à un registre d’influence. Le pilotage devient un méta contrôle, selon Lorino (1995), qui implique une action sur « l’environnement des décisions pour agir indirectement à une décision ». Avec le passage du contrôle au pilotage, de l’allocation des ressources au diagnostic des causes, on passe aussi d’un paradigme des ressources à un paradigme des modes opératoires et des compétences, de l’allocation des ressources au diagnostic des causes, de séquence d’événement discrets à la durée continue, de la décomposition hiérarchique à l’intégration en réseau. Le tableau suivant résume le basculement dans la logique du contrôle :

Paradigme du contrôle Paradigme du pilotage
Ressources Modes opératoires et compétences
Allocation, transactions Diagnostic
Décision Activités
Séquences d’événements discrets Déroulements continus
Clivage plan/contrôle Changement continu
Décomposition Intégration

Tableau 2: Comparaison du paradigme du contrôle et du paradigme du pilotage[17].

En fait, cette conception des systèmes de pilotage tire ses origines des postulats de la pensée systématique et du paradigme de la complexité[18]. Ce paradigme a ouvert la voie à des dogmes connaissances comme la science des systèmes ago-antagonistes qui reposent sur l’analyse de couples qui ont la propriété d’avoir des actions à la fois antagonistes qui « correspondent à des effets opposés sur certains récepteurs de ces actions » et agonistes qui « correspondent à des effets de même sens sur d’autres récepteurs (ou d’autres parties du même récepteurs) »[19].

À cet égard, la pensée stratégique doit admettre les couples ago- antagonistes : « liberté-adaptations, apprentissage- réaction, compétition –coopération…il convient de se donner les moyens de penser la complémentarité des antagonistes, les luttes coopérations et les dialectiques généralisées dans le cadre d’un paradigme dialogique qui accueille la logique nécessaire à l’intelligibilité mais autorise son dépassement indispensable à l’intelligence »[20].

À ce niveau d’analyse, il est possible de tirer les dimensions critiques pour la conception d’un système de pilotage de la performance globale.

3.2.Dimensions critiques du système de pilotage de la performance globale

À la suite de Denis (2000), la structure d’un système de pilotage de la performance globale repose sur trois dimensions fondamentales : le contexte stratégique, la structure de l’organisation et les processus et procédures de gestion. Les liens entre ces trois pôles présentent la dynamique du processus de pilotage.

A.                         La dimension « Contexte et options stratégiques » : Cette dimension vise à définir les relations entre l’entreprise, son environnement et les décisions stratégiques prises. Elle clarifie les paramètres influençant le contenu et l’utilisation des systèmes de contrôle. S’inspirant des travaux de Chandler, prolongés par Thompson (1967) et Williamson (1970), cette approche vise à aligner les éléments des décisions stratégiques avec les mêmes facteurs, tout en tenant compte des influences environnementales sur la structure et les outils de gestion destinés à soutenir la mise en œuvre de la stratégie.

B.            La dimension « Structure et organisation » : Les travaux de Brower (1970), Hall et Sias (1979), Fredrickson (1986), Bartlett et Ghoshal (1989) remettent en question la thèse initiale de Chandler, suggérant que la structure organisationnelle filtre et détermine largement les processus stratégiques et les possibilités d’évolution, notamment par les processus d’information et de prise de décision. Selon Bower (1970), lorsque la direction choisit une forme d’organisation, elle définit non seulement un cadre pour les tâches quotidiennes, mais aussi les voies par lesquelles circule l’information stratégique.

C.                         La dimension « Processus et procédures de gestion » : Denis (2000) souligne que l’émergence des processus de stratégie selon Mintzberg (1987), l’intégration de ceux-ci dans les pratiques de contrôle, ainsi que l’évolution des approches axées sur les ressources et les compétences, remettent en question la conception traditionnelle de contrôle d’Anthony. Cela conduit à envisager une structure plus large, selon Simons (1995), privilégiant une typologie des missions de contrôle et des risques associés. Pour Simons, réguler l’attention limitée des managers est crucial pour le Return-on-Management, le rendement entre l’attention limitée des managers et les opportunités illimitées de l’environnement.                                             L’interaction entre ces dimensions et les outils de gestion (Berry, 1983 ; Hatchuel et Weil, 1992 ; Moisdon, 1997 ; Denis, 2000) montre que ces outils structurent les rationalités locales et façonnent les représentations des managers. Les processus et procédures de gestion constituent ainsi une “technologie invisible” qui influence la perception des opportunités exploitables dans le contexte stratégique. Bouquin (1998) souligne que le contrôle lui-même produit les finalités, car les objectifs sélectionnés peuvent être ceux qui semblent contrôlables.

En schéma, le cadre d’analyse du contrôle déterminent les dimensions fondamentales pour la structuration d’un système de pilotage de la performance peuvent être représentées à travers le figure ci-dessous.

Contexte et choix stratégiques
Structure et organisation
Processus et procédure de gestion
Pilotage de la performance organisationnelle

Figure 4 : Les trois dimensions critiques d’un système de pilotage de la performance organisationnelle[21].

Par ailleurs, Bouquin (1989) stipule qu’« Un système de contrôle peut se définir comme un système d’assurance qualité des décisions doté de deux objectifs : une évaluation de la performance (en terme d’efficience et d’efficacité) et un repérage et une réduction des dysfonctionnements ».

Selon Lorino, la croissance de la complexité et de l’instabilité environnementale des entreprises rend obsolète un contrôle principalement axé sur la mesure des performances. Certains chercheurs préfèrent remplacer le terme “contrôle” par “pilotage”. L’émergence de ce nouveau terme est liée à l’essor du courant constructiviste, mettant en lumière le rôle des acteurs de l’organisation dans leur interprétation et leur représentation des indicateurs de mesure. Lorino souligne ainsi que la transition du contrôle au pilotage implique un changement simultané : du paradigme de la mesure, associé au contrôle, vers le paradigme de l’interprétation, caractéristique du pilotage.

Conclusion

La contribution du contrôle de gestion à l’établissement d’un système de pilotage de la performance globale est essentielle. Son objectif principal consiste à incorporer divers indicateurs comptables et non-comptables qui aident les entreprises à améliorer leur gestion de la performance dans sa globalité.

C’est ainsi que ce contrôle de gestion est confronté à la nécessité de développer un cadre conceptuel dédié à cette nouvelle pratique émergente à savoir la performance globale. Par ailleurs, il est important de noter que sa mise en œuvre au sein des entreprises demeure encore restreinte, car elle exige la présence d’un système d’information de performance globale, d’une stratégie de développement durable, et d’une approche de gestion basée sur la notion de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

De plus, le contrôle de gestion est souvent confronté à de nombreuses résistances, notamment la résistance au changement, les comportements individualistes, les approches autoritaires de la direction, la méfiance des opérationnels, les lacunes en compétences, l’opacité des règles, et le manque de crédibilité de la fonction. En dépit de ces défis, chaque entreprise a intérêt à mettre en place un système de pilotage de la performance globale qui soit adapté à ses particularités, favorisant ainsi un équilibre entre les dimensions économique, sociale et environnementale de la performance.

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[1] Bouquin H. & Presquex Y. (1999), « vingt ans de contrôle de gestion ou le passage d’une technique à une discipline », Revue Comptabilité-Contrôle-Audit, Tome 5, p :97.

[2] Anthony R.N. (1965), « Plannig and control systems, A Framework for analysis», 1er edition, Boston, Divion of Research, Graduate School of Business Administration, Harvard University, p16.

[3] Ibid, p: 17.

[4] Ibi.d, p: 18.

[5] Bouquin H. & Presquex Y. (1999), Op.cit, p :98.

[6] Ibid.

[7] Simons R., « Levers of control: How managers une innovate control systems to drive strategic renewal, Renewal», (1995) Strategic Management Journal, Harvard Business School Press, Boston Massachussetts, Volume 15, p:5.

[8] Errami Y. (2007), « Les systèmes de contrôle classiques et modernes : articulation et modes d’existence dans les entreprises françaises », France, p :7.

[9] Bouquin H. (1997), « le contrôle de gestion », PUF, p :29.

[10] Lӧning H. & Pesqueux Y. (1998), Op.cit p :6.

[11] Bouquin H., (1998), « Le contrôle de gestion », 4e éd., PUF, Paris, p : 72.

[12] Ibid.

[13] Ibid.

[14] Denis J-P., (2002), « Retour sur les pratiques d’articulation entre le contrôle et la stratégie » -Une perspective ago-antagoniste », Acte de L’AIMS.

[15] Denis J.-P. ,(2000) « Conception d’un système de contrôle du développement du groupe – Architecture et principes ingénieries », Thèse pour le doctorat ès sciences de gestion, Université Jean Moulin-Lyon III.

[16] Kaplan R.S. et Norton D.P. (2001), « Comment utiliser le tableau de bord prospectif ? Pour créer une organisation orientée stratégie », Éditions d’organisation, p :78.

[17] Lorino P., (1995), « Comptes et récits de la performance », éd. D’Organisation, Paris.

[18] Synthèse des travaux de (Morin, 1986,2005 ; Poole et Van De Ven ; Martinet, 1990 ; Bernard-weil, 1998).

[19] Bernard-Weil E .(2003), « la science des systèmes ago-antagonistes et les stratégies d’action paradoxales »In Perret.

[20] Martinet A.C., (2008), « Gouvernance et management stratégique : une nouvelle science politique », Revue Française de Gestion, n° 183, p :95.

[21] Denis J.-P., (2000), « Conception d’un système de contrôle du développement du groupe – Architecture et principes ingénieriques », Thèse pour le doctorat en sciences de gestion, Université Jean Moulin-Lyon III.

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