Research studies

Le Mouvement ULTRAS au Maroc : De la Passion Sportive à l’Expression Politique

 

Prepared by the researche  : MAROUANE EL FAHAM – Université Mohammed V Rabat, Faculté des sciences juridique économiques et sociale Souissi-Maroc

Received: 16/06/2024, Accepted: 31/08/2024, Published: 30/09/2024

Democratic Arabic Center

Journal of Social Sciences : Thirty-third Issue – September 2024

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN 2568-6739
Journal of Social Sciences

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Résumé

Cet article intitulé ” “Le Mouvement ULTRAS au Maroc : De la Passion Sportive à l’Expression Politique” tente d’étudier le rôle du mouvement des Ultras dans la vie politique marocaine. Certaines expériences comparatives montrent que ces groupes étaient initialement connus pour leur soutien inconditionnel à leurs équipes sportives, en assistant aux matchs et en utilisant divers moyens pour encourager leurs équipes. Cependant, l’activité de ces groupes a progressivement évolué, passant du simple soutien sportif à une contribution à l’expression de diverses questions sociales et politiques.

Cet article vise à étudier comment le mouvement des Ultras utilise les stades comme espaces d’expression politique. À travers des chants, des tifos, des slogans et des messages, ces groupes expriment leurs opinions sur des sujets tels que la justice sociale, le chômage, la répression des libertés, la richesse et la corruption.

Cette étude met en lumière plusieurs cas où le mouvement des Ultras a joué un rôle clé dans la mobilisation des jeunes et dans la sensibilisation aux questions politiques, faisant des tribunes des stades un espace d’expression pour la jeunesse, en alternative aux entités politiques traditionnelles (partis politiques). Elle analyse également la manière dont les autorités marocaines ont réagi à ce phénomène.

En conclusion, l’article souligne l’importance croissante du mouvement des Ultras en tant que moyen d’expression politique au Maroc, et pose des questions sur l’avenir de ces groupes dans un contexte où les espaces de protestation sont limités.

INTRODUCTION

Les ultras au Maroc, apparus dans les stades de football comme des groupes de supporters fervents dédiés à leurs équipes locales, ont progressivement évolué pour devenir des acteurs influents sur les plans social et politique.

À l’origine, ces groupes étaient principalement motivés par un amour inconditionnel pour leur club, cherchant à créer une atmosphère unique et passionnée dans les stades. Cependant, au fil du temps, les ultras ont commencé à utiliser leur présence massive et leur créativité pour exprimer des préoccupations bien au-delà du terrain de jeu, reflétant les tensions et les frustrations d’une jeunesse marocaine confrontée à de nombreux défis socio-économiques.

Le mouvement ultras au Maroc puise ses racines dans un phénomène mondial, apparu dans les années soixante en Italie, et qui s’est répandu à travers l’Europe avant d’atteindre l’Afrique du Nord.

Dans le contexte marocain, ces groupes se sont structurés autour d’une volonté de soutenir leur équipe de manière inconditionnelle, en se distinguant par leur organisation, leurs chants coordonnés, et l’élaboration de tifos spectaculaires. Ces éléments visuels et sonores, souvent élaborés en secret avant les matchs, sont devenus le symbole d’une identité collective forte, basée sur la loyauté et la passion.

À l’origine apolitiques, les ultras marocains se sont progressivement politisés à mesure que les réalités sociales et économiques du pays se sont dégradées. La jeunesse, qui constitue la majorité des membres de ces groupes, a trouvé dans les ultras un moyen d’exprimer ses frustrations face à un système perçu comme injuste et corrompu. Les stades, traditionnellement des lieux de divertissement, se sont ainsi transformés en arènes où se joue non seulement le sport, mais aussi la contestation sociale et politique.

Les tifos, initialement conçus pour soutenir les équipes, ont commencé à véhiculer des messages plus larges, dénonçant la corruption, l’injustice, et l’inégalité sociale.

Les chants, qui étaient autrefois des hymnes à la gloire des clubs, se sont chargés de revendications politiques, appelant à des réformes et à la justice sociale. Ces manifestations dans les stades reflètent un mécontentement général et une désillusion vis-à-vis des autorités et des institutions.

La politisation des ultras est ainsi le reflet d’une société en quête de changement, où les canaux traditionnels d’expression politique semblent souvent inaccessibles ou inefficaces.

Les stades de football, au-delà de leur fonction première de lieu de rassemblement pour les amateurs de sport, ont acquis un nouveau rôle dans la société marocaine : celui de tribunes pour la contestation sociale.

Ce phénomène n’est pas unique au Maroc, mais il y prend une ampleur particulière en raison du contexte politique et social du pays. Les stades deviennent des lieux où la jeunesse peut exprimer ses frustrations sans les contraintes imposées par d’autres espaces publics. Cette liberté relative, couplée à la visibilité médiatique des événements sportifs, permet aux ultras de capter l’attention du grand public et de diffuser largement leurs messages.

Les tifos, souvent élaborés avec une grande minutie et un sens aigu de la symbolique, sont devenus des moyens puissants d’expression collective. Ils sont conçus non seulement pour soutenir l’équipe, mais aussi pour transmettre des messages politiques qui résonnent au-delà des tribunes.

Les chants, de leur côté, sont scandés en chœur par des milliers de supporters, créant une résonance qui dépasse les murs des stades. Ces expressions collectives de mécontentement, qu’elles soient visuelles ou sonores, transforment chaque match en un événement potentiellement politique, où le sport et la contestation se mêlent de manière inextricable.

Face à cette évolution, les autorités marocaines ont adopté une posture ambivalente. D’une part, elles reconnaissent la force mobilisatrice des ultras et leur capacité à canaliser une partie du mécontentement social, ce qui peut servir de soupape de sécurité dans un contexte politique tendu. D’autre part, la politisation croissante des ultras et l’usage des stades comme tribunes de contestation sont perçus comme des menaces potentielles à la sécurité publique, Cela a conduit à des tentatives de contrôle, allant de la surveillance accrue des groupes ultras.

Cependant, ces tentatives de répression n’ont fait qu’intensifier la détermination des ultras à continuer leur lutte, transformant chaque acte de répression en une nouvelle occasion de dénoncer l’injustice et de renforcer la solidarité au sein du groupe. Les messages des ultras, relayés par les réseaux sociaux, trouvent un écho auprès d’une population plus large, qui partage souvent les mêmes préoccupations. Ainsi, les ultras deviennent non seulement des acteurs centraux dans les stades, mais aussi des figures de proue d’une contestation plus large qui transcende le domaine sportif.

L’influence des ultras sur le paysage politique et social marocain ne se limite plus aux seuls événements sportifs. Leur capacité à mobiliser et à articuler des revendications qui trouvent un écho auprès de la jeunesse en fait des acteurs incontournables de la scène publique.

Ils incarnent une forme de résistance, à la fois culturelle et politique, qui défie les normes établies et propose un nouveau modèle de militantisme, basé sur la solidarité, la créativité, et l’engagement direct.

Cette influence se manifeste également à travers les réseaux sociaux, où les actions des ultras sont largement diffusées et commentées. Les plateformes numériques deviennent ainsi des prolongements des stades, où les discussions politiques initiées dans les tribunes trouvent un public encore plus large. Les ultras, en tant que groupe, parviennent à créer une synergie entre l’espace physique des stades et l’espace virtuel des réseaux sociaux, amplifiant leur message et leur impact.

L’émergence des ultras marocains en tant que participants influents sur le plan social et politique représente un phénomène complexe, révélateur des dynamiques profondes à l’œuvre dans la société marocaine.

Initialement apolitiques, ces groupes de supporters ont progressivement intégré des préoccupations sociales et politiques dans leur répertoire d’action, transformant les stades en arènes de contestation. Face à une jeunesse désillusionnée par les structures politiques traditionnelles, les ultras offrent une alternative, un espace d’expression et de revendication qui, bien que contesté par les autorités, continue de gagner en influence.

Les objectifs de cette recherche :

Les objectifs de cette recherche sont triples : d’abord, comprendre les motivations et les méthodes employées par les ULTRAS pour exprimer leurs opinions politiques ;

Ensuite, analyser l’impact de ces expressions sur la mobilisation de la jeunesse et sur la société marocaine en général ;

Enfin, évaluer la réponse des autorités face à ce phénomène. L’utilité de cette étude réside dans sa capacité à révéler des dynamiques politiques et sociales qui échappent souvent à l’attention des analyses traditionnelles, enrichissant ainsi la compréhension de la contestation et de la résistance au Maroc.

La nouveauté de cette :

La nouveauté de cette recherche se trouve dans son focus sur un sujet relativement marginalisé dans les études académiques : l’usage des espaces sportifs comme lieux de contestation politique.

Contrairement aux travaux antérieurs qui se concentrent principalement sur les mouvements politiques formels et les manifestations de rue, cette étude met en lumière une forme de protestation moins visible mais tout aussi significative.

En cela, elle se distingue en apportant une perspective inédite sur la manière dont des groupes non traditionnels participent activement au débat politique

La justification de cette recherche :

La justification de cette recherche découle du besoin de mieux comprendre les mécanismes par lesquels des groupes marginaux et souvent apolitiques, comme les ULTRAS, deviennent des vecteurs de changement social et politique.

Alors que les espaces de contestation sont de plus en plus restreints au Maroc, les stades de football offrent un cadre alternatif pour la dissidence, ce qui mérite une attention académique approfondie.

L’impact de cette recherche :

L’impact de cette recherche pourrait être considérable. En dévoilant les stratégies et les messages des ULTRAS, elle pourrait non seulement éclairer les dynamiques internes de ce mouvement, mais aussi offrir des perspectives sur la manière dont les autorités et les acteurs sociaux peuvent mieux comprendre et interagir avec ces groupes.

De plus, elle peut inspirer des études comparatives dans d’autres contextes géographiques et culturels, enrichissant ainsi le corpus des recherches sur l’expression politique informelle et les mouvements de protestation.

Problématique

Au Maroc, les groupes ultras, initialement formés en tant que collectifs de supporters passionnés des équipes de football, ont progressivement évolué pour devenir des participants influents sur le plan social et politique.

Cette transformation a suscité un débat important sur leur rôle au sein de la société marocaine. Partant d’une activité principalement centrée sur le soutien sportif, ces groupes se sont métamorphosés en porte-voix de frustrations sociales, en relais de revendications politiques, et en agents de mobilisation de masse.

Cette évolution complexe soulève plusieurs questions fondamentales sur leur véritable nature, leur portée, et leur avenir dans un contexte où les institutions politiques traditionnelles semblent de plus en plus déconnectées des préoccupations des citoyens ordinaires.

-Origines et Mutation des Groupes Ultras au Maroc

Les groupes ultras ont vu le jour au Maroc dans l’année 2005, suivant un modèle importé d’Europe, notamment d’Italie. Ces groupes, composés majoritairement de jeunes, se sont rapidement organisés autour de valeurs de solidarité, de loyauté et de dévouement inconditionnel à leur club de football. Cependant, au fil du temps, le contexte social, économique et politique du Maroc a favorisé une transformation de ces groupes, les poussant à élargir leur champ d’action au-delà des stades.

Les ultras ont commencé à exprimer des opinions sur des questions sociales et politiques dans leurs chants, leurs banderoles, et leurs actions collectives. En raison de la répression des espaces d’expression politique traditionnelle, notamment pour les jeunes, les stades sont devenus un lieu de catharsis où les frustrations face à l’injustice, la corruption, le chômage et le manque de perspectives pouvaient être exprimées. Ce glissement vers une implication plus large a conduit les ultras à devenir non seulement des acteurs sociaux, mais aussi des figures influentes sur la scène politique marocaine.

-Les Ultras: Nouveaux Porte-Paroles des Jeunes Marginalisés ?

L’une des questions centrales est de savoir si les groupes ultras au Maroc représentent simplement une forme exacerbée de soutien sportif ou s’ils incarnent une nouvelle forme d’expression politique et sociale. Pour de nombreux jeunes Marocains, ces groupes offrent une rare opportunité de participer à un collectif qui donne un sens à leur engagement et à leur révolte face à des institutions jugées éloignées de leurs réalités. Les chants des ultras, souvent chargés de critiques à l’égard du régime et des inégalités sociales, sont devenus des hymnes non officiels d’une jeunesse en quête de justice et de reconnaissance.

De ce fait, il semble que les ultras ont pris le relais de partis politiques et d’organisations de la société civile qui peinent à attirer les jeunes ou à répondre à leurs attentes. Les ultras ne se contentent plus de supporter leur équipe ; ils portent également des revendications qui transcendent le cadre sportif, touchant aux droits sociaux, à la liberté d’expression, et à la participation citoyenne.

-L’Influence et les Limites des Groupes Ultras sur la Scène Politique

Une autre question importante est celle de l’influence réelle de ces groupes sur la société marocaine et sur les décisions politiques. Les actions des ultras, bien que souvent réprimées par les autorités, montrent une capacité à mobiliser des foules et à attirer l’attention sur des problématiques sociales critiques. Par exemple, les mouvements de protestation qu’ils ont initiés ou soutenus ont parfois conduit à des confrontations directes avec les forces de l’ordre, soulignant leur potentiel à défier l’autorité établie.

Cependant, cette influence a des limites. Les groupes ultras, en raison de leur structure décentralisée et de leur identité fortement ancrée dans le milieu sportif, restent essentiellement des mouvements de contestation. Leur capacité à se transformer en mouvements politiques formels est incertaine, surtout dans un contexte où le pouvoir politique marocain est fortement contrôlé et où les marges de manœuvre pour une opposition organisée sont restreintes.

-Vers Quelle Évolution pour les Groupes Ultras ?

Enfin, une question cruciale est de savoir si les ultras au Maroc peuvent évoluer pour devenir des mouvements politiques formels ou s’ils resteront confinés à un rôle de pression et de critique. Les récentes évolutions montrent que, malgré leur capacité à mobiliser, les ultras n’ont pas encore franchi le pas vers une organisation politique structurée. Cette transition serait d’autant plus complexe que les groupes ultras reposent sur des valeurs de spontanéité et d’indépendance qui pourraient être diluées dans une démarche politique institutionnelle.

Ainsi, l’étude de l’évolution des groupes ultras au Maroc invite à réfléchir non seulement sur leur rôle actuel, mais aussi sur les trajectoires possibles de ces mouvements dans le futur. Pourraient-ils continuer à croître en influence et à structurer un contre-pouvoir crédible ? Ou bien resteront-ils avant tout des symboles d’une jeunesse en révolte, confinés à l’expression sporadique d’une colère collective ? Ces interrogations sont au cœur de la compréhension du phénomène ultra dans le Maroc contemporain et de son potentiel à redéfinir les contours du débat sociopolitique dans le pays.

Méthodologie :

J’ai combiné l’approche structuraliste et l’enquête de terrain pour analyser l’orientation politique des ultras au Maroc. L’approche structuraliste m’a permis d’examiner les structures sociales, culturelles, et politiques qui influencent ces groupes, en mettant en lumière les dynamiques profondes qui façonnent leurs comportements et discours.

Parallèlement, l’enquête de terrain m’a offert une perspective empirique, en me permettant de recueillir des données directement auprès des ultras, ce qui m’a aidé à vérifier et enrichir l’analyse théorique. En intégrant ces deux approches, j’ai pu fournir une compréhension plus complète et nuancée des ultras en tant qu’acteurs sociaux et politiques au Maroc.

L’approche structuraliste:

En utilisant l’approche structuraliste pour analyser l’orientation politique des ultras au Maroc, je m’efforce de dépasser les simples apparences et de plonger dans les structures sous-jacentes qui influencent ces groupes. Cette perspective me permet de comprendre comment les ultras, bien plus que de simples supporters de football, sont façonnés par des systèmes de relations et des dynamiques sociales plus larges.

En tant que chercheur, j’examine les symboles, les rituels, et les pratiques culturelles qui forment le tissu de leur identité collective. Par exemple, je me concentre sur la manière dont les chants et les slogans des ultras ne sont pas seulement des expressions spontanées, mais des manifestations d’une culture partagée qui révèle des dynamiques sociales profondes.

Je cherche également à explorer comment les structures politiques et les relations de pouvoir influencent les comportements et les orientations politiques des ultras. En appliquant le structuralisme, je m’intéresse à la façon dont les ultras interagissent avec les institutions étatiques et réagissent aux pressions politiques. Pour moi, il est crucial de comprendre ces groupes non seulement à travers leurs actions visibles, mais aussi à travers les structures politiques qui les conditionnent. J’analyse comment les discours des ultras, souvent interprétés comme des actes de défiance ou de protestation, sont en réalité façonnés par des systèmes de signification plus larges, enracinés dans les réalités politiques et sociales du Maroc.

De plus, j’applique l’approche structuraliste pour décortiquer l’organisation interne des groupes ultras. Je crois que la compréhension des relations de pouvoir à l’intérieur de ces groupes est essentielle pour saisir leur orientation politique et leurs décisions collectives. En étudiant ces dynamiques internes, je mets en lumière comment les ultras s’organisent, se mobilisent, et interagissent avec d’autres acteurs sociaux et politiques. Pour moi, cette analyse est fondamentale pour comprendre les forces invisibles qui façonnent les actions et les idéologies des ultras.

En somme, en utilisant l’approche structuraliste, je me donne les moyens de révéler les structures cachées qui sous-tendent l’orientation politique des ultras au Maroc. Cette méthode me permet de ne pas me limiter aux faits isolés, mais de comprendre les logiques profondes qui dirigent les comportements et les interactions de ces groupes avec la société marocaine.

Enquête de terrain:

L’approche de l’enquête de terrain a été au cœur de ma méthodologie, me permettant d’obtenir des données riches et contextuelles directement issues du milieu étudié. En adoptant cette méthode, j’ai pu explorer les dynamiques internes et observer les comportements, les pratiques et les interactions des participants dans leur environnement naturel.

Cette immersion sur le terrain m’a offert une perspective authentique et nuancée, essentielle pour comprendre en profondeur le phénomène étudié. Ainsi, l’enquête de terrain à non seulement enrichi mon analyse, mais elle a également permis de générer des insights qui auraient été difficiles à obtenir par d’autres moyens de collecte de données.[1]

L’enquête de terrain que j’ai menée sur les ultras au Maroc, a été essentielle pour saisir les subtilités de ce phénomène complexe. En m’immergeant directement dans les groupes d’ultras, j’ai pu observer de près leurs pratiques, leurs discours, et leurs interactions, tout en recueillant des témoignages authentiques sur leurs motivations et leurs visions politiques.

Cette approche m’a permis de découvrir des dynamiques internes et des influences extérieures qui façonnent leurs orientations politiques, des aspects souvent négligés dans les analyses théoriques. Ainsi, cette enquête de terrain a non seulement enrichi la compréhension des ultras marocains, mais elle a également dévoilé les liens profonds entre leur identité collective et les contextes socio-politiques dans lesquels ils évoluent.

Plan:

  1. Les Fondements historique et Politiques du Mouvement ULTRAS au Maroc
  2. Histoire des ultras marocains : Emprunt étranger ou spécificité marocaine ?
  3. Ultras au Maroc : Entre encouragement sportif et engagement politiques
  4. Manifestations de l’orientation politique des ultras au Maroc
  5. Enquête de terrain : Une Plongée dans la Conscience Politique et Sociale des Membres des Ultras
  6. la structure des membres Ultras Marocains
  7. L’âge et le niveau d’éducation des membres du mouvement Ultras au Maroc
  8. La Politisation des Ultras : Une Conscience Collective Éveillée
  9. Les Fondements historique et Politiques du Mouvement ULTRAS au Maroc
  10. Histoire des ultras marocains : Emprunt étranger ou spécificité marocaine ?

 « … À l’ombre de la manipulation médiatique, si l’on peut dire, nous demandons à certaines plumes rémunérées de cesser certaines interprétations politiques vides de sens. Nous avons été, sommes et resterons des groupes apolitiques, nos actions sont motivées par le désir de rendre hommage à l’équipe et à ses supporters. Notre équipe est la raison même de notre existence, et non l’amour de la visibilité ou l’obéissance à des groupes, quelles que soient leurs caractéristiques… ».[2]

C’est ainsi que les groupes de supporters de l’équipe du Raja Club Athletic (Green Boys) ont conclu leur communiqué relatif au “Tifo de la chambre 101”, en réponse explicite aux interprétations qui ont suivi l’affichage de cette citation. De nombreux chercheurs en sciences politiques ont tenté de la présenter comme une prise de conscience politique de la torture collective, en référence à la chambre 101 évoquée par l’écrivain britannique George Orwell dans son célèbre roman “1984”.[3]

Cependant, si nous relions ce communiqué aux actions menées par ces factions, que ce soit à travers les messages et tifos affichés dans les gradins, ou les chants et slogans entonnés par les supporters, nous constaterons une contradiction entre le texte, qui affirme que ces factions sont apolitiques, et la pratique qui montre des résultats différents, ce qui rend le sujet fascinant à explorer et à étudier.

Les ultras sont une catégorie de supporters de clubs sportifs, connus pour leur appartenance et leur loyauté inébranlable à leurs équipes. Le premier groupe s’est formé en Italie lors de la saison sportive 1968-1969 sous le nom de Fossa dei Leoni, pour soutenir l’équipe de l’AC Milan, suivi par les ultras de l’Inter Milan sous le nom de 1969 Boys San, avant que le phénomène des ultras ne se répande dans la plupart des régions d’Europe et du monde.

Au Maroc, les récits sur la naissance des premiers groupes ultras sont nombreux, mais ils s’accordent généralement sur l’année 2005. Un débat persiste entre les groupes de supporters du Raja Club Athlétique, les Green Boys, et ceux du club des Forces Armées Royales (FAR) de Rabat, les Ultras Askary, sur la question de savoir qui a fondé le premier groupe ultra au Maroc.

Les membres du groupe casablancais affirment que la première apparition d’un groupe ultra au Maroc remonte au 21 juin 2005, lorsque des jeunes supporters du Raja, surnommés “la Click Celtic”, se sont réunis et ont décidé de fonder un groupe qu’ils ont appelé GREEN BOYS, signifiant “les gars en vert”. Leur première présence officielle a eu lieu lors du match opposant le Raja Club Athlétique à l’Étoile du Sahel de Tunisie. Cet événement est célébré par les supporters du Raja dans de nombreux chants, l’un d’eux disant : “Nous avons apporté la civilisation, c’est nous qui dominons”,[4] se référant au fait qu’ils seraient les premiers à avoir introduit la culture des ultras au Maroc.

Cependant, ce point de vue est contesté par le groupe de supporters de Rabat. Les fondateurs des Ultras Askary, qui soutiennent les FAR de Rabat, revendiquent être le premier groupe ultra au Maroc, arguant qu’ils ont été les premiers à accrocher une banderole portant le nom et le logo de leur groupe (le “bâchage”) lors du match entre les FAR de Rabat et le Moghreb de Tétouan, le 22 octobre 2005. Les supporters de la Curva Che Guevara chantent dans leurs hymnes qu’ils ont été les premiers “les premiers au Maroc à avoir fondé la civilisation, illuminant le pays avec la Curva Guevara”.[5]

Depuis cette période, de nombreux groupes ultras ont été créés dans différentes régions du royaume, représentant diverses équipes sportives. À Tanger, on trouve les Hercules, à Tétouan les Siempre Paloma, à Fès les Fatal Tigers, à Meknès les Red Men, à Khouribga les Green Ghost, à Casablanca les Winners, à Béni Mellal les Star Boys, à Laâyoune les Sahara Strong, et à Oujda les Brigade Oujda, parmi d’autres.

La majorité de ces groupes adoptent des noms en anglais, évoquant des qualités telles que le courage, la noblesse et la force, caractéristiques de la compétition et de la valorisation de soi. Certains groupes utilisent des particularités locales comme métaphores identitaires, par exemple les Helala Boys, où “Helala” est une plante locale de Kénitra, ou les Imazighen, Rif Boys, et Zayan Boys, faisant référence aux habitants d’Agadir (les Amazighs), d’Al Hoceïma (les Rifains) et de Khénifra (les Zayans).

D’autres noms évoquent une période historique, comme les Ultras Pirates pour l’équipe de l’AS Salé, ou la nature de l’économie locale, comme les Ultras Shark pour Safi, dont l’activité économique est centrée sur la pêche, et les Orange Boys pour la Renaissance de Berkane, en référence à la production d’agrumes caractéristique de la région de Berkane et ses environs.

  1. Ultras au Maroc : Entre encouragement sportif et engagement politiques

Ces groupes de supporters utilisent diverses méthodes pour encourager et soutenir leurs équipes depuis les gradins, telles que les chants, les fresques artistiques et l’allumage de fumigènes pour motiver les joueurs et les inciter à remporter la victoire. Ils se transforment également en groupes de pression contre les clubs et leurs dirigeants, allant jusqu’à provoquer la démission de présidents sous la pression qu’ils exercent.

Dans les rues comme dans les stades, les membres des groupes ultras expriment leur amour pour leur équipe, leur colère et leurs protestations à travers de nombreuses fresques murales ornées de motifs colorés, de dessins et de slogans spécifiques. Les visiteurs des villes comme Rabat, Casablanca, Tétouan, Agadir, et d’autres villes marocaines, peuvent trouver des murs de rues décorés par ces œuvres, créant une impression de marcher dans une galerie d’art en plein air.

Cependant, ces dernières années, l’activité de ces groupes s’est étendue, les menant à s’impliquer dans de nombreuses questions politiques qui préoccupent l’opinion publique. Ils brandissent des messages et des slogans à portée bien au-delà du domaine sportif, dépassant le simple cadre de la rivalité entre clubs.[6]

Cependant, en observant l’évolution du mouvement ultra au Maroc, on remarque un changement progressif dans le contenu de leurs messages et activités, passant de thèmes purement sportifs visant à encourager ou critiquer les joueurs et les dirigeants des clubs, à des thèmes politiques critiquant les partis politiques, le gouvernement et le parlement, et abordant des discours et revendications sociales exprimant des problèmes sociaux, se positionnant ainsi comme la voix du peuple marocain.

Plusieurs facteurs, tant internes qu’externes, ont contribué à cette transformation des messages de ces groupes. La conjoncture, notamment le printemps arabe et le rôle joué par les ultras d’Al Ahly et de Zamalek en Égypte, qui ont élevé leurs voix dans les stades pour réclamer des droits pour les martyrs et pour critiquer le conseil militaire, a également influencé ces changements.

En Égypte, les groupes ultras d’Al Ahly et du Zamalek ont joué un rôle clé dans l’allumage de la révolution, appelant à la révolte avant son déclenchement à travers des chants et messages dans et hors des stades. De même, en Tunisie et en Algérie, ces supporters ont contribué aux mouvements et manifestations populaires.

Figure N° 1. Printemps arabe, ULTRAS Ahlawy sur la place Tahrir.

Un autre facteur clé a été l’émergence du Mouvement du 20 février,[7] qui a réagi aux conditions sociales et politiques précaires du pays en demandant des réformes, la liberté et la démocratie. Cette crise de confiance envers les partis politiques, reflétée par un taux de participation électorale faible,[8] a également poussé les jeunes à chercher de nouveaux moyens d’expression politique.

Ces facteurs ont conduit à la formation de groupes comprenant des jeunes et des adultes ne se retrouvant plus dans les organisations politiques traditionnelles et trouvant ainsi une expression dans le cadre sportif, bien que leurs slogans aient dépassé ce cadre en raison des changements contextuels.

La faiblesse des partis politiques et leur incapacité à jouer leur rôle constitutionnel,[9] le déclin des syndicats en tant que groupes de pression, et l’affaiblissement des organisations étudiantes dans les universités marocaines – autrefois des plateformes d’expression politique pour les jeunes – pourraient bien mener à l’émergence d’un nouvel acteur sur la scène politique. Cela soulève la question suivante : ce nouvel acteur pourrait-il être les groupes ultras ? Et comment les autorités réagiraient-elles à cette nouvelle dynamique ?

Pour répondre à cette question, il faut revenir des années en arrière, lorsque le ministère de l’Intérieur a décidé de dissoudre les groupes ultras au Maroc, les qualifiant d’illégaux et agissant en dehors du cadre de la loi sur les libertés publiques régissant les associations. Cette décision a été précédée de plusieurs mesures préparatoires, telles que la confiscation de banderoles et messages à connotation politique, des arrestations massives parmi les membres des groupes, l’interdiction des “déchirages” et de l’affichage des banderoles des ultras dans les tribunes.

Cependant, ces groupes n’ont pas obéi à l’interdiction,[10] et ont publié un communiqué commun annonçant qu’ils avaient décidé de “s’unir et de se solidariser pour trouver une solution à la crise causée par l’interdiction des ultras”, ajoutant qu’ils ne resteraient pas les bras croisés face à cette injustice et réagiraient pacifiquement jusqu’à l’annulation de l’interdiction et le retour des groupes dans les stades sans restrictions ni conditions.

Certains groupes ont choisi de ne pas se joindre à ce mouvement unifié et ont préféré jouer au “chat et à la souris” avec les autorités dans les stades, insistant sur l’affichage de leurs banderoles en défiant ouvertement le ministère de l’Intérieur, ce qui a souvent conduit à des affrontements et des arrestations de jeunes et d’adolescents croyant en la sacralité de leur mouvement.

Les méthodes et moyens de protestation variaient, mais le but était le même : permettre le retour des groupes ultras dans les stades. Des communiqués, des messages, des graffitis – “les ultras ne seront pas dissous” -, au boycott des matchs, en passant par l’organisation des finales du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN) et la candidature du Maroc pour la Coupe du Monde 2026, les groupes ont annoncé leur boycott des stades en réponse à la décision du ministère de l’Intérieur, ce qui a conduit à des tribunes quasi vides et un manque de ferveur, inquiétant la Fédération marocaine quant à la réussite de ces compétitions. Par conséquent, les autorités ont suspendu leur décision, annonçant officieusement le retour des ultras dans les stades pour exercer leurs activités habituelles.[11]

Cependant, cette situation n’a pas duré longtemps. Après l’affichage du tifo “Chambre 101” par les Green Boys et les réactions qu’il a suscitées au niveau national, les autorités ont interdit l’affichage des tifos dans les tribunes, ce que ces groupes ont vivement condamné.

Quel était le contenu de ce tifo ? Et étant donné qu’il s’inspire d’une œuvre de littérature politique, les groupes ultras comptent-ils parmi eux des élites ? Est-ce la première fois que ces groupes diffusent de tels messages ?

  1. Manifestations de l’orientation politique des ultras au Maroc

Le groupe ultras Green Boys, qui soutient le club Raja Casablanca, a créé une fresque (tifo) lors du match contre le Wydad Casablanca le 23 novembre 2019, arborant l’expression “Room 101”.[12] Cette référence à l’œuvre de George Orwell, écrite au milieu du siècle dernier, critique les régimes politiques totalitaires qui pratiquent le mensonge et la répression contre ceux qui s’opposent à la vision du pouvoir politique ou du “Big Brother”.

Dans le roman “1984”, “Big Brother” est le chef du parti au sommet de la hiérarchie politique, infaillible et omnipotent. Tout succès, réalisation, victoire ou découverte scientifique lui est attribué. Toute connaissance, sagesse, bonheur et vertu sont directement liés à son leadership inspiré.[13] Après ce tifo, un grand débat s’est ouvert parmi les chercheurs en sciences politiques sur les implications de ce message, interprété comme un reflet de la situation sociale au Maroc, suggérant que le pays vivrait une forme de “Room 101”.

Figure N° 2. ULTRAS GREEN BOYS, tifo “Room 101”, en référence à la chambre de torture dans le roman “1984” de George Orwell.[14]

Ce tifo du Raja Casablanca s’inscrit dans une continuité de messages et n’est pas un point de départ isolé. En observant l’évolution des ultras au Maroc, on constate que ces groupes ont commencé à s’impliquer dans les affaires politiques et sociales du pays, exprimant leurs préoccupations à travers des messages, des fresques et des chants dans les tribunes.

Figure N° 3. Une banderole levée par Ultras Askary Rabat exprimant leur colère contre la presse nationale qui a ignoré la campagne de boycott.[15]

Ces chants, en particulier, intègrent de plus en plus des thèmes politiques, La chanson “Qalb 7azeen” (Cœur triste) des Winners aborde des questions telles que la pauvreté, le chômage, l’immigration clandestine et les inégalités dans la répartition des richesses, la santé et l’éducation.[16]

De même, les chants des groupes Hercules (“Blad El Kahra”),[17] Halala Boys (“VOICE OF THE REASON”),[18] UTRAS Eagles (“Fi Bladi Dlamoni”),[19] et Black Army (“Ayyam El Qahra wal Dlam”),[20] contiennent des critiques directes des conditions politiques et sociales au Maroc.

Le point commun de nombreux Ultras marocains est la présence de drapeaux palestiniens à l’intérieur de leurs stades.  Les banderoles et slogans de soutien à la Palestine ne sont pas seulement des expressions occasionnelles dans les tribunes des stades marocains, mais représentent une constante dans le discours des Ultras.[21]

Figure N° 4. Message d’Ultras Fatal Tigers.[22]

Ces manifestations de solidarité se font particulièrement visibles lors des crises majeures, comme les événements de Sheikh Jarrah et de Jérusalem, et La guerre Israël-Hamas (Israël-Gaza).

Figure N° 5. Ultras Helala Boys.[23]

Outre les chants, les fresques, banderoles et messages permettent aux ultras d’exprimer leurs opinions sur divers sujets, critiquant les conditions sociales, politiques et culturelles du pays. Ces groupes utilisent les matchs comme des occasions de transmettre des messages politiques et sociaux de manière simple et directe, compréhensible par le grand public.

Les ultras au Maroc mènent une révolution, brandissant des slogans puissants critiquant les situations politiques et sociales du pays. Ils s’adressent aux autorités et à l’opinion publique avec un langage direct, des phrases brutes, tranchantes et pénétrantes.

Cette révolution est conduite par une élite instruite et bien formée. Selon une étude de terrain menée par un professeur universitaire, il a été constaté qu’il existe effectivement une élite parmi les supporters du Wydad, du Raja et d’autres équipes.[24]

Cette élite comprend des ingénieurs, des médecins et des étudiants de grandes écoles. Il est important de distinguer entre les supporters ordinaires et les ultras qui forment la force principale de ces mouvements. Ces ultras sont souvent des personnes ayant une haute conscience et formation, certains étant affiliés à des partis politiques, à des associations, tandis que d’autres n’ont aucune affiliation. Cela explique la nature politique et sociale des slogans qu’ils arborent.[25]

Nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’une nouvelle conscience issue des gradins des stades, que les autorités utilisaient autrefois pour éloigner les jeunes de la politique et les occuper avec le “football”, synonyme de distraction et d’asservissement.

Récemment, les messages des fresques, slogans et paroles des chants des ultras se sont multipliés, transformant les gradins en plateformes politiques et sociales où les jeunes expriment leurs préoccupations, demandes et opinions. Des termes tels que liberté, oppression, émigration clandestine, résilience et résistance sont omniprésents dans les slogans et chants de tous les groupes ultras marocains. Ces expressions font écho à la frustration et à la colère face à l’absence d’une véritable opposition dans le pays.

Les jeunes ultras trouvent dans les gradins un espace de catharsis et d’expression libre, loin de la tutelle des partis politiques, du contrôle des autorités et de la censure des médias officiels.

En examinant l’évolution des ultras en Europe, où le mouvement est né et a prospéré pendant plus de cinq décennies, on constate que ces groupes restent des mouvements sportifs exerçant une pression sur les joueurs et les administrations de leurs clubs, tout en constituant une force de pression envers l’État. Ces mouvements peuvent être qualifiés d’anarchistes au sens politique, ayant des problèmes avec l’autorité et les médias.

D’après ces observations, certains chercheurs en sciences politiques estiment que les ultras au Maroc auront un impact politique continu, exerçant une pression sur les autorités, avec un rôle qui pourrait croître à l’avenir. Cependant, il est peu probable qu’ils se transforment en mouvements politiques formels. Leur rôle futur se limitera probablement à la pression, la critique et l’envoi de messages politiques aux décideurs de l’État.

  1. Enquête de terrain : Une Plongée dans la Conscience Politique et Sociale des Membres des Ultras

Cette enquête de terrain a adopté la technique de l’entretien directif avec plusieurs membres (les noyaux, membres actifs et réguliers) des ultras à Rabat, Casablanca, Kenitra et Fès.

Les entretiens réalisés avec les membres des Ultras offrent une perspective intime et nuancée sur les motivations, les aspirations, et les frustrations de la jeunesse marocaine.

Ces discussions révèlent une profondeur de pensée et une conscience politique souvent sous-estimées dans les discours publics.

En examinant les propos de ces jeunes supporters, il devient évident que le mouvement des Ultras au Maroc est bien plus qu’un simple groupe de supporters passionnés : c’est un espace où la politique, la culture, et l’identité se croisent pour donner naissance à une forme unique de résistance collective.

  1. la structure des membres Ultras Marocains 

Au sein des mouvements Ultras, la structure des membres est souvent hiérarchisée et catégorisée en fonction de leur degré d’implication, de leur ancienneté et des responsabilités qu’ils assument.

  1. Les catégories des membres :

L’étude sur le terrain a révélé que les membres se répartissent dans les catégories suivantes :

  • Le Capo

Le terme “Capo” est emprunté à l’italien et signifie littéralement “chef” ou “leader”. Dans le contexte des mouvements Ultras, le Capo joue un rôle central dans l’animation et la coordination des supporters lors des matchs de football.

Le Capo est une figure emblématique et indispensable du mouvement Ultras, jouant un rôle central dans la création et le maintien de l’ambiance passionnée qui caractérise les matchs de football soutenus par ces groupes de supporters.[26]

Figure N° 6. Le capo de la curva sud Casablanca.

Par son leadership, sa passion et son dévouement, le Capo orchestre l’énergie collective des supporters, contribuant non seulement à soutenir l’équipe sur le terrain, mais aussi à renforcer les liens et l’identité communautaire au sein du mouvement Ultras.

Le Capo est responsable de diriger les chants, les slogans et les encouragements tout au long du match, participe à la planification et à l’exécution des tifos (grandes animations visuelles) et des chorégraphies coordonnées.

Il veille à maintenir une ambiance énergique et soutenue pour encourager l’équipe et déstabiliser l’adversaire, et il motive les supporters même dans les moments difficiles, maintenant un soutien constant pour l’équipe.

Le capo positionné généralement face aux supporters, souvent sur une plateforme élevée ou une barrière, il est bien visible de tous, utilise des outils tels que des mégaphones, des écharpes, des drapeaux ou des gestes spécifiques pour diriger et synchroniser les actions des supporters.

  • Noyaux (Nucleus):

  Les membres du noyau sont les fondateurs, ou les principaux leaders du groupe. Ils sont responsables de la gestion stratégique du mouvement, de la prise de décisions importantes et de l’organisation des grandes actions.

   Ces membres sont souvent les plus anciens, ayant une forte influence au sein du groupe. Ils sont respectés par les autres membres et jouent un rôle clé dans le maintien de la cohésion et de l’identité du mouvement.[27]

Ils sont souvent positionnés dans la Curva derrière La bâche des Ultras, car ils sont chargés de protéger la bâche, qui est considérée comme l’honneur du groupe.

Figure N° 7. Noyaux, Ultras Askary Rabat, Ultras Black Army

Membres actifs :

  Ce sont les membres les plus impliqués au quotidien. Ils participent régulièrement aux réunions, aux déplacements pour soutenir leur équipe, et sont souvent en première ligne lors des actions et manifestations.

  Ces membres forment la colonne vertébrale du mouvement, assurant la réalisation des différentes tâches nécessaires au fonctionnement du groupe, comme la création de tifos, la gestion des chants, ou la coordination des déplacements.

Membres réguliers

  Les membres réguliers participent aux activités du groupe, mais avec moins d’assiduité et d’engagement que les membres actifs. Ils sont présents lors des événements majeurs et soutiennent les actions du groupe sans pour autant jouer un rôle clé dans l’organisation.

  Ce groupe constitue une grande partie de la base des supporters Ultras, offrant un soutien constant sans être nécessairement impliqué dans les aspects stratégiques ou logistiques du mouvement.

Nouveaux membres (Recrues):

   Les nouveaux membres ou recrues sont ceux qui viennent de rejoindre le mouvement. Ils sont en phase d’intégration et d’apprentissage des codes et des valeurs du groupe.

   Ces membres sont souvent jeunes et doivent faire preuve de leur dévouement et de leur loyauté pour gravir les échelons au sein du groupe. Ils sont généralement supervisés par des membres plus expérimentés.

Anciens membres (Vétérans)

  Les vétérans sont d’anciens membres actifs ou du noyau qui ont pris du recul par rapport à leurs engagements réguliers. Ils restent toutefois très respectés et peuvent intervenir en tant que conseillers ou lors d’événements particuliers.

Bien qu’ils soient moins impliqués dans la vie quotidienne du groupe, leur expérience et leur ancienneté leur confèrent un statut spécial au sein du mouvement.

La hiérarchie au sein des mouvements Ultras est à la fois souple et structurée, permettant à chaque membre de trouver sa place en fonction de son niveau d’engagement, de ses compétences, et de son ancienneté.

Cette organisation contribue à la cohésion du groupe et à la réalisation de ses objectifs, tout en assurant une transmission des valeurs et des traditions d’une génération à l’autre.

  1. Le financement des groupes Ultras :

Le financement des groupes Ultras au Maroc, comme dans de nombreux autres pays, est un aspect crucial pour leur fonctionnement et leur activité. Cependant, il est souvent entouré de mystère et de discrétion en raison de la nature informelle et parfois controversée de ces groupes.

  1. Cotisations des membres : La cotisation des membres est l’une des principales sources de financement pour les groupes Ultras. Chaque membre, en fonction de son statut au sein du groupe (membre régulier, actif, etc.), contribue régulièrement à une caisse commune.

  Ces fonds servent à financer les activités du groupe, y compris les déplacements pour suivre les matchs à l’extérieur, l’achat de matériel (drapeaux, fumigènes, banderoles), et l’organisation de tifos.

  1. Vente de produits dérivés : Les Ultras produisent et vendent divers articles, comme des t-shirts, des écharpes, des casquettes, des autocollants, et d’autres produits dérivés portant le logo et les couleurs du groupe.

 Les bénéfices tirés de ces ventes contribuent à financer les activités du groupe. Cela permet aussi de renforcer l’identité et la visibilité du groupe parmi les supporters et au-delà.

  1. Collectes de Fonds: À l’approche de grands événements ou pour des projets spécifiques (comme la création d’un tifo de grande envergure), les Ultras organisent des collectes de fonds auprès de leurs membres et sympathisants.

 Ces collectes peuvent prendre la forme de campagnes sur les réseaux sociaux, de soirées caritatives, ou d’autres événements communautaires. Les membres plus aisés ou les sympathisants influents peuvent aussi faire des dons plus substantiels.

  1. Contribution des Sympathisants: Les sympathisants, bien qu’ils ne soient pas membres actifs du groupe, apportent souvent un soutien financier. Ce soutien peut se manifester par des dons en argent, mais aussi par des contributions en nature (fourniture de matériel, logistique, etc.).

 Ce type de soutien est essentiel pour les groupes Ultras, surtout en période de forte activité ou lors d’événements majeurs nécessitant des ressources importantes.

  1. Partenariats Informels: Dans certains cas, des commerçants locaux, des entreprises, ou des supporters influents peuvent apporter un soutien financier ou logistique aux groupes Ultras. Ces partenariats sont généralement informels et ne sont pas rendus publics pour éviter les accusations de compromission ou de perte d’indépendance.

Fourniture gratuite ou à prix réduit de matériel, sponsoring discret de déplacements, ou soutien lors de l’organisation d’événements.

  1. Autofinancement par des Activités: Certains groupes Ultras génèrent des revenus en organisant des événements comme des soirées, des tournois de football, ou d’autres activités qui attirent des supporters et sympathisants.

 Les revenus générés par ces activités sont réinvestis dans le groupe pour soutenir ses différentes initiatives.

  1. L’âge et le niveau d’éducation des membres du mouvement Ultras au Maroc

L’étude de terrain menée sur le mouvement Ultras au Maroc a révélé des caractéristiques spécifiques en termes d’âge et de niveau d’éducation des membres. Voici un résumé des principaux résultats :

  1. Répartition par tranche d’âge :

   – 18-25 ans : La majorité des membres actifs du mouvement Ultras se situe dans cette tranche d’âge. Cela représente environ 60% des participants à l’étude.

Cette tranche d’âge est marquée par un fort engagement et une participation régulière aux activités et événements liés au mouvement.

   – 26-35 ans : Environ 30% des membres appartiennent à cette tranche d’âge. Ces membres, bien qu’un peu plus âgés, restent très impliqués, souvent en prenant des rôles plus organisateurs ou en encadrant les plus jeunes.

   – 36 ans et plus : Seuls 10% des membres se situent au-dessus de 35 ans. Cette catégorie se compose principalement d’anciens membres qui continuent à participer de manière ponctuelle ou qui occupent des rôles de conseil au sein du mouvement.

  1. Niveau d’éducation :

   – Enseignement secondaire : Près de 60% des membres Ultras ont atteint le niveau de l’enseignement secondaire, que ce soit en cours ou achevé.

Ces membres sont souvent encore étudiants ou ont récemment terminé leurs études secondaires.

   – Enseignement supérieur : Environ 25% des participants poursuivent des études supérieures, avec une répartition variée entre ceux qui sont encore étudiants et ceux qui ont déjà obtenu leur diplôme universitaire. Ces membres ont souvent un rôle plus stratégique ou logistique au sein du mouvement.

   – Éducation primaire ou moins : 15% des membres n’ont pas dépassé le niveau primaire ou ont quitté le système éducatif précocement.

Cette catégorie se compose principalement de membres plus jeunes ou provenant de milieux socio-économiques défavorisés.

Figure N° 8. Tableau synthétisant les résultats de l’étude sur l’âge et le niveau d’éducation des membres du mouvement Ultras au Maroc :

Catégorie Sous-catégorie Pourcentage
 

Age

18-25 ans 60%
26-35 ans 30%
36 ans et plus 10%
 

Niveau d’éducation

Enseignement secondaire 60%
Enseignement supérieur 25%
Enseignement primaire ou moins 15%

L’étude montre que le mouvement Ultras au Maroc est majoritairement composé de jeunes adultes, avec un niveau d’éducation relativement élevé, bien que l’on observe une diversité dans les parcours éducatifs.

L’âge et l’éducation semblent jouer un rôle dans la manière dont les membres s’impliquent et contribuent aux activités du groupe, avec les plus jeunes et les moins diplômés participant davantage aux actions sur le terrain, tandis que les plus âgés et les plus éduqués s’orientent vers des responsabilités plus organisationnelles.

  1. La Politisation des Ultras : Une Conscience Collective Éveillée

Dès les premiers échanges, il est apparu que les membres des Ultras ne sont pas seulement motivés par leur passion pour le football, mais aussi par un désir ardent de justice sociale et de changement.

Pour ces jeunes, le stade est un microcosme de la société marocaine, où les inégalités, la corruption, et la répression se manifestent de manière tangible.

Un membre d’Ultras Askary a exprimé cela en disant : «Le football, c’est la vie. Les mêmes problèmes que nous voyons dans la rue, nous les voyons dans le stade. C’est pourquoi nous chantons pour plus que le jeu – nous chantons pour notre avenir…».

Cette politisation est le résultat d’une accumulation de frustrations face à une situation socio-économique difficile, où les opportunités pour la jeunesse sont limitées et où l’expression politique traditionnelle semble inefficace ou inaccessible.

Les Ultras, par leurs actions collectives, ont trouvé un moyen de contourner ces limitations, en transformant le soutien sportif en un acte de résistance.

  1. Le Stade : Un Espace d’Expression et de Liberté

Les entretiens ont également mis en lumière le rôle central du stade en tant qu’espace d’expression. Pour beaucoup de jeunes interrogés, le stade est l’un des rares endroits où ils se sentent libres de s’exprimer sans craindre la censure ou la répression.

Ce sentiment de liberté contraste fortement avec leur perception de la société marocaine en général, où la parole critique est souvent Contrôlée. «Le stade est notre échappatoire…», a déclaré un membre d’Ultras Helala Boys. «…Ici, nous pouvons crier, chanter, et personne ne peut nous faire taire…».

Un membre d’Ultras Black Army a ainsi déclaré : «Le stade est notre espace de liberté. Ici, nous pouvons dire ce que nous pensons, dénoncer ce qui ne va pas dans notre société…».

Un autre membre, de la même Ultras, a ajouté : «Les politiciens nous ignorent, mais à travers nos chants et nos tifos, nous montrons que nous sommes là, que nous ne sommes pas silencieux…».

Cette perception transforme le stade en un lieu de résistance symbolique, où chaque chant, chaque slogan, et chaque tifo devient une forme de protestation contre les injustices perçues dans la société marocaine.

Les chants qui résonnent dans les tribunes ne sont pas seulement des expressions de soutien à l’équipe, mais des déclarations politiques et sociales.

Par exemple, des chants dénonçant la corruption ou appelant à la justice sociale montrent comment les Ultras utilisent le football comme une plateforme pour aborder des sujets plus larges.

  1. Solidarité et Identité Collective

Un autre aspect crucial qui a émergé des entretiens est le fort sentiment de solidarité et d’identité collective parmi les membres des Ultras.

Ce sentiment de fraternité va au-delà de l’appartenance à un club de football ; il s’étend à une solidarité avec les luttes globales, comme la cause palestinienne, et à une opposition commune aux injustices locales.

Cette solidarité est renforcée par une identité partagée, façonnée par des expériences communes de marginalisation et de lutte.

Ainsi, on remarque que de nombreuses Ultras adoptent des slogans et des principes qui renvoient à l’unité, comme le principe adopté par Ultras Eagles : « Tu es le groupe (al jamâ’a) même si tu es seul », ou encore : «Un plus un égale un… 1+1= 1».

Figure N° 8. Photo d’une carte d’adhérent :[28]

Un membre d’Ultras Fatal Tigers a ainsi décrit cette solidarité : «Nous sommes une famille. Quand l’un de nous souffre, nous souffrons tous. Nous soutenons nos équipes, mais nous soutenons aussi notre peuple, nos frères membres, et tous ceux qui luttent pour la justice…».

Ce sentiment d’appartenance à une cause plus grande est un moteur puissant pour l’engagement des Ultras, leur donnant une raison d’être qui dépasse le simple divertissement sportif.

  1. La Réaction des Autorités et la Résilience des Ultras

Les entretiens ont également révélé les défis auxquels les Ultras sont confrontés, notamment la répression de la part des autorités.

Les membres ont évoqué des cas où des chants ou des banderoles critiques ont conduit à des interventions policières ou à des interdictions de stade.[29]

Un membre d’Ultras Eagles a résumé cette détermination en disant: «Ils peuvent essayer de nous faire taire, mais ils ne pourront jamais tuer notre esprit. Nous trouvons toujours un moyen de nous faire entendre…».

Cette résilience est alimentée par un sentiment d’injustice profonde et par une détermination à continuer la lutte, malgré les obstacles.

Les membres des Ultras voient leur engagement comme une idée, une manière de défendre les droits et la dignité de leur communauté, même face à des répressions croissantes.

  1. Les Motivations Personnelles et les Perspectives d’Avenir

Enfin, les entretiens ont permis de mieux comprendre les motivations personnelles des membres des Ultras et leurs perspectives d’avenir.

Pour beaucoup, rejoindre un groupe Ultra a été une manière de trouver un sens et une direction dans une vie marquée par l’incertitude.

Un jeune d’Ultras Askary a raconté : «Avant de rejoindre les Ultras, je me sentais perdu. Ici, j’ai trouvé un but, des frères, et une cause pour laquelle me battre…».

Ces témoignages montrent que pour de nombreux jeunes Marocains, le mouvement des Ultras représente plus qu’une simple activité de loisir ; il est une réponse à un vide existentiel, une manière de se connecter avec une communauté et de donner un sens à leur lutte quotidienne. Cependant, malgré cet engagement, beaucoup expriment des inquiétudes quant à l’avenir, tant pour leur propre vie que pour le mouvement des Ultras.

Ils se demandent comment continuer à faire entendre leur voix dans un contexte où les espaces de liberté semblent se rétrécir de plus en plus.

  1. Le Rôle des Jeunes Intellectuels au Sein des Mouvements Ultras

Les mouvements Ultras, souvent perçus comme des groupes de supporters passionnés et parfois turbulents, cachent en leur sein une dynamique plus complexe et structurée qu’il n’y paraît.

Parmi ces membres, on trouve un sous-groupe de jeunes intellectuels diplômés, dont l’influence sur le mouvement est particulièrement significative.

Ces individus jouent un rôle crucial dans la prise de décisions stratégiques, la formulation des messages idéologiques, et la création d’œuvres culturelles telles que les tifos et les banderoles. Ce phénomène peut être analysé sous plusieurs angles : sociologiques, communicationnel, et culturel.

Profil Sociologique des Jeunes Intellectuels Diplômés :

Les jeunes intellectuels au sein des Ultras se distinguent par leur niveau d’éducation supérieur et leur engagement intellectuel. Ils sont souvent issus de disciplines telles que les sciences d’ingénieur, la philosophie, les sciences politiques, ou encore la littérature.

Leur formation académique leur permet de manier des concepts complexes et de les traduire en messages pertinents et signifiants pour la communauté des Ultras.

Ces membres sont souvent issus de classes moyennes ou supérieures, où l’éducation est valorisée comme un moyen d’ascension sociale. Leurs études les ont exposés à une diversité d’idées et de philosophies, qu’ils réinterprètent et adaptent au contexte de leur groupe.

 Leur engagement au sein des Ultras peut être vu comme une forme de résistance à l’ordre établi, où le stade devient un espace d’expression politique et culturelle alternatif.

Rôle dans la Prise de Décisions et la Direction du Groupe :

Ces jeunes occupent souvent des positions de leadership au sein des Ultras. Leur expertise et leur capacité à articuler des idées complexes leur confèrent une autorité naturelle pour diriger le travail du groupe et orienter sa stratégie.

Ils sont impliqués dans les décisions clés concernant l’organisation des actions du groupe, le choix des messages à véhiculer, et les stratégies de communication. Leur approche est souvent plus réfléchie et structurée, privilégiant l’impact à long terme sur les décisions impulsives.

 Leur influence s’étend aussi à la planification des événements, en veillant à ce que chaque action s’aligne avec les valeurs et les objectifs idéologiques du mouvement.

Fixation des Principes et Messages Idéologiques:

Ces intellectuels ne se contentent pas de diriger ; ils façonnent également l’identité idéologique du groupe. Leurs contributions sont essentielles pour définir les principes fondamentaux du mouvement, les valeurs qui doivent être défendues, et les ennemis contre lesquels lutter.

À travers leur formation, ces jeunes intellectuels ont acquis des outils critiques leur permettant de questionner et de déconstruire les discours dominants. Ils appliquent ces compétences pour développer une idéologie propre au mouvement, souvent inspirée par des courants de pensée contestataires, tels que le marxisme, ou l’existentialisme.

Ils introduisent des références à des œuvres littéraires et philosophiques, utilisant des citations ou des concepts pour structurer les discours du groupe. Cela donne aux messages des Ultras une profondeur intellectuelle et une résonance particulière, transformant le stade en un espace d’expression politique et culturelle.

Création des Tifos et des Messages Visuels:

Un des aspects les plus visibles de l’influence de ces jeunes est la création de tifos et de banderoles. Ces œuvres visuelles sont souvent imprégnées de références littéraires, philosophiques, et politiques, donnant au mouvement une dimension artistique et intellectuelle.

Les tifos créés sous l’impulsion de ces intellectuels sont plus que de simples expressions de soutien ; ils sont des œuvres d’art visuel porteurs de messages sophistiqués. Les références à des romans politiques internationaux, à des manifestes révolutionnaires, ou à des philosophes comme Albert Camus, George Orwell, ou Eugene Ionesco, sont fréquentes.

Figure N° 8. Tifos d’ultras Eagles, une adaptation de la pièce d’Eugene Ionesco la cantatrice Chauve

 Ces œuvres visuelles permettent de communiquer des idées complexes de manière accessible et engageante pour un large public. Elles servent aussi à affirmer l’identité et les positions idéologiques du groupe face à une audience parfois mondiale.

 L’inspiration tirée des romans politiques et des livres philosophiques se traduit par des slogans et des citations qui ornent les banderoles et les tifos. Ces éléments sont soigneusement choisis pour leur pertinence contextuelle et leur capacité à résonner avec les préoccupations des membres du groupe.

 Les messages véhiculés par ces tifos sont souvent subversifs, critiquant le pouvoir en place, dénonçant les injustices sociales, ou appelant à une résistance collective. Ils reflètent une réflexion profonde sur la société et son fonctionnement, invitant les spectateurs à une prise de conscience.

Les jeunes intellectuels au sein des mouvements Ultras jouent un rôle crucial dans la structuration idéologique et culturelle de ces groupes. Leur influence se manifeste dans la prise de décisions stratégiques, la création de messages politiques et culturels sophistiqués, et l’élaboration de tifos et banderoles à forte charge symbolique.

Leur présence apporte une profondeur intellectuelle et artistique qui rehausse la perception et la légitimité des Ultras, tout en transformant le stade en un espace d’expression et de contestation sociale. Cette dynamique démontre que les mouvements Ultras, loin d’être monolithiques, sont traversés par des courants de pensée complexes et diversifiés, souvent portés par une jeunesse éduquée et engagée.

Conclusion d’étude de terrain:

Cette étude de terrain montre que le mouvement des Ultras au Maroc dépasse largement le cadre du soutien sportif pour devenir un acteur significatif de la contestation politique.

À travers leurs actions dans les stades, les Ultras expriment une résistance à la marginalisation, une critique des politiques gouvernementales, et une solidarité avec les causes internationales, comme celle de la Palestine.

Le mouvement des Ultras au Maroc illustre ainsi la capacité des jeunes à s’organiser de manière autonome et à utiliser des espaces alternatifs pour faire entendre leur voix, dans un contexte où les canaux de participation politique traditionnelle sont souvent fermés ou inefficaces.

Cette politisation des Ultras pose des questions importantes sur l’avenir de ces mouvements. Alors que les autorités marocaines cherchent à contenir ou à neutraliser ces expressions de dissidence, les Ultras montrent une résilience remarquable.

Ils incarnent une jeunesse marocaine en quête de justice sociale et de dignité, utilisant les tribunes des stades (CURVA) comme une scène où se joue un théâtre de la résistance.

Les résultats de cette étude soulignent également la nécessité pour les chercheurs et les décideurs de prendre au sérieux ces formes émergentes de participation politique, qui, bien que non conventionnelles, sont cruciales pour comprendre les dynamiques de pouvoir et de contestation au Maroc aujourd’hui.

Les entretiens avec les membres des Ultras révèlent une jeunesse marocaine profondément engagée, politisée, et prête à se battre pour ses convictions, malgré les nombreux obstacles qu’elle rencontre.

Le mouvement des Ultras, loin d’être une simple sous-culture sportive, apparaît comme un véritable mouvement social, où la passion pour le football se mêle à un engagement politique et à une résistance contre les injustices sociales.

Les stades deviennent ainsi des lieux où se jouent non seulement des matchs de football, mais aussi des batailles pour la liberté, la justice et la dignité.

RÉSULTATS GENERALE

Les résultats de cette étude sur les groupes ultras au Maroc révèlent une transformation significative de leur rôle et de leur influence, tant dans le domaine sportif que dans la sphère politique et sociale.

  1. Influence Croissante et Politisation des Messages:

   – Les groupes ultras, tels que les Green Boys du Raja Casablanca et Ultras Askary Rabat, ont commencé à introduire des messages à forte connotation politique et sociale dans leurs tifos et chants.

Par exemple, le tifo “Room 101” d’ultras Green Boys fait référence à une critique des régimes autoritaires, inspirée par le roman de George Orwell, 1984 ;

Des chants comme “Fi Bladi Dalmouni” (Dans mon pays, ils m’ont opprimé) et “Blad lkhara” (Pays de merde) expriment des préoccupations sociales telles que la pauvreté, le chômage, et l’injustice, et sont devenus des hymnes de protestation dans les stades.

  1. Rôle de Mobilisation Sociale:

   – Les ultras ont démontré leur capacité à mobiliser de larges groupes de jeunes, souvent désillusionnés par les partis politiques traditionnels.[30] Les stades de football sont devenus des espaces où les frustrations sociales et politiques sont exprimées, créant une forme de catharsis collective.

   – En dehors des stades, les ultras utilisent des graffitis et des fresques murales pour continuer à diffuser leurs messages, transformant les espaces urbains en galeries d’art contestataire.

  1. Présence de Nouvelles Élites:

   – L’enquête de terrain montrent que les groupes ultras comprennent des membres avec un niveau élevé d’éducation et de conscience politique, y compris des ingénieurs, des médecins, et des étudiants de grandes écoles. Cette élite joue un rôle clé dans la formulation des messages et la stratégie des groupes.

  1. Réactions des Autorités:

   – Les autorités marocaines ont réagi à l’activisme des ultras par des mesures répressives, telles que l’interdiction des tifos et des rassemblements dans les stades, ainsi que par des arrestations massives de membres. Toutefois, ces mesures n’ont pas réussi à éteindre le mouvement.

   – Les ultras ont répondu par des stratégies de résistance, telles que des boycotts des matches, des manifestations, et des campagnes de communication coordonnées, montrant leur détermination à continuer à exprimer leurs revendications malgré les restrictions.

  1. Perspectives d’Évolution:

   – Bien que certains chercheurs estiment que les ultras pourraient éventuellement se constituer en mouvements politiques formels, la majorité pense qu’ils continueront à jouer un rôle de pression et de critique. Leurs actions futures dépendront largement des dynamiques socio-politiques du pays et de la réponse des autorités.

   – L’exemple des ultras en Égypte et en Tunisie montre que ces groupes peuvent jouer un rôle crucial dans les mouvements de protestation, bien que la transition vers des entités politiques formelles reste improbable.

CONCLUSION GENERALE

En conclusion, l’émergence des groupes ultras au Maroc représente une transformation significative de la scène sociale et politique du pays. Ce mouvement, autrefois principalement associé au soutien passionné des équipes de football, est devenu un vecteur essentiel d’expression pour une jeunesse marocaine désireuse de faire entendre sa voix.

L’influence croissante des ultras se manifeste à travers leur capacité à politiser les messages dans les stades, à mobiliser de larges groupes de jeunes et à s’exprimer à travers des formes artistiques telles que les graffitis urbains. Leur présence ne se limite pas aux enceintes sportives, mais s’étend également aux espaces publics, où leurs messages contestataires contribuent à alimenter le débat politique et social.

Les ultras représentent une nouvelle élite consciente et éduquée, capable d’articuler des revendications politiques et sociales avec une précision remarquable. Leur résistance face aux mesures répressives des autorités témoigne de leur détermination à défendre leurs idéaux et à continuer à se faire entendre malgré les obstacles.

L’avenir des groupes ultras au Maroc reste incertain, mais leur impact sur la société ne peut être sous-estimé. Qu’ils choisissent de poursuivre leur rôle de critiques sociales et politiques ou qu’ils décident de se transformer en mouvements politiques formels, ils continueront à jouer un rôle essentiel dans la dynamique sociopolitique du pays.

En définitive, les ultras représentent un phénomène complexe et dynamique qui reflète les aspirations, les frustrations et les luttes de la jeunesse marocaine contemporaine. Leur évolution future dépendra de la manière dont ils parviendront à concilier leur engagement politique avec les réalités changeantes du paysage socio-politique marocain.

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Desrues, T. Mobilizations in a Hybrid Regime: The 20th February Movement and the Moroccan Regime, Current Sociology, 61(4), 2013.

Ghassan Lamrani, The Youth in Stadiums Respond to a Social Reality Characterized by Poverty, Unemployment, and Lack of Freedoms, ALYAOUM24, December 1, 2019, 23:01. Available at: [https://alyaoum24.com/1341431.html](https://alyaoum24.com/1341431.html)

Howe, Irving. 1984: History as Nightmare. In :1984 Revisited: Totalitarianism in Our Century 1983.

Mohammed Hamza Hachlaf, The Ultras Union Clashes with the Ministry of the Interior, TELQUEL, February 19, 2017. Available at: [https://telquel.ma/2017/02/19/les-ultras-montent-au-creneau-contre-ministere-linterieur_1535875](https://telquel.ma/2017/02/19/les-ultras-montent-au-creneau-contre-ministere-linterieur_1535875)

Orwell, George. 1984, Secker & Warburg, 1949.

Reda Zaireg, *Morocco Bets on the Return of the Ultras, MIDDLE EAST EYE, Tuesday, April 3, 2018 – 12:53. Available at: [https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/football-le-maroc-parie-sur-le-retour-des-ultras-0](https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/football-le-maroc-parie-sur-le-retour-des-ultras-0)

Smith, Erika Gottlieb. The Orwell Conundrum: A Cry of Despair or Faith in the Spirit of Man? (1992).

[1] scribbr, L’enquête de terrain : définition, méthodes, conseils et exemple, In: L’enquête de terrain : définition, méthodes, conseils et exemple (scribbr.fr)

[2] Communiqué, Ultras Green Boys 2005, Le : 26 novembre 2019.

[3] “1984” Se déroule dans un futur imaginaire où le monde est divisé en trois super-États : Océania, Eurasia et Estasia. L’histoire se concentre sur Océania, où le Parti dirigeant, dirigé par le mystérieux Big Brother, exerce un contrôle total sur la société.

Orwell, George. “1984.” Secker & Warburg, 1949.

[4]  « Jabna Lhadara Hna Li Nhakmo ».

[5] « Premier Fal Maroc Assasna Lhadara, Dawina Leblad bel Curva Guevara »

[6] Claire Gounon, avec Youcef Bounab, Au Maghreb, le soutien aux Palestiniens se crie dans les stades, MIDDLE EAST EYE, Lundi 13 mai 2024 – 13:50, In : https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/au-maghreb-le-soutien-aux-palestiniens-se-crie-dans-les-stades

[7] Le Mouvement du 20 février est un mouvement de protestation populaire au Maroc qui a commencé le 20 février 2011, inspiré par les révolutions du Printemps arabe. Les manifestants réclamaient des réformes démocratiques, une plus grande justice sociale, et la fin de la corruption.

Voir : Desrues, T. Mobilizations in a Hybrid Regime: The 20th February Movement and the Moroccan Regime. Current Sociology, 61(4), 2013. 409-423.

[8] L’abstention électorale au Maroc est un phénomène notable, reflétant le désenchantement de la population vis-à-vis du processus politique. Voici des chiffres précis concernant la participation électorale au Maroc lors des dernières élections :

Participation électorale aux élections législatives

Élections législatives de 2016 :

Inscrits sur les listes électorales: 15,702,592

Votants: 6,752,114

Taux de participation: 42.29%

Abstention: 57.71%

Élections législatives de 2021 :

Inscrits sur les listes électorales: 17,509,127

Votants: 8,789,676

Taux de participation: 50.35%

Abstention: 49.65%

Participation électorale aux élections communales

Élections communales de 2015 :

Inscrits sur les listes électorales: 15,702,592

Votants: 8,349,053

Taux de participation: 53.67%

Abstention: 46.33%

Élections communales de 2021 :

Inscrits sur les listes électorales: 17,509,127

Votants: 8,789,676 (même chiffre que pour les législatives car elles ont eu lieu simultanément)

Taux de participation: 50.35%

Abstention: 49.65%

Le taux de participation aux élections législatives de 2016 et 2021 montre une légère amélioration en 2021, mais l’abstention reste élevée. Pour les élections communales, le taux de participation en 2021 a diminué par rapport à 2015, indiquant un désintérêt croissant pour les élections locales.

Voir les résultats électoraux officiels publiés par le ministère de l’intérieur : http://www.elections.ma/index.aspx

[9] Le déclin des partis politiques est un phénomène observé dans de nombreuses démocraties à travers le monde. Plusieurs facteurs contribuent à cette tendance, aussi bien au niveau global qu’au niveau spécifique du Maroc. Les Marocains montrent une désillusion croissante vis-à-vis des partis politiques en raison de la perception d’un manque de transparence, de corruption et d’incompétence. Les partis sont souvent vus comme incapables de répondre aux besoins et aux aspirations des citoyens.

Catusse, Myriam. “Le métier de représentant au Maroc : Notabilisation et travail de mobilisation électorale.” Revue française de science politique, 2005.

[10] Mohammed Hamza Hachlaf, L’Union des ultras monte au créneau contre le ministère de l’intérieur, TELQUEL, LE 19 FÉVRIER 2017. In : https://telquel.ma/2017/02/19/les-ultras-montent-au-creneau-contre-ministere-linterieur_1535875

[11] Reda Zaireg, le Maroc parie sur le retour des Ultras, MIDDLE EAST EYE, Mardi 3 avril 2018 – 12:53, In : https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/football-le-maroc-parie-sur-le-retour-des-ultras-0

[12] La Chambre 101 dans “1984” de George Orwell est un symbole puissant de la terreur psychologique utilisée par les régimes totalitaires pour contrôler et soumettre les individus. En confrontant les prisonniers à leurs peurs les plus profondes, le Parti parvient à briser toute résistance et à réaffirmer son pouvoir absolu. Cette salle de torture extrême illustre les thèmes centraux du roman : la manipulation mentale, la trahison et la destruction de l’esprit humain sous la tyrannie.

Voir: Smith, Erika Gottlieb. “The Orwell Conundrum: A Cry of Despair or Faith in the Spirit of Man?” (1992) ;

Howe, Irving. “1984: History as Nightmare.” In 1984 Revisited: Totalitarianism in Our Century (1983).

[13] George Orwel, Op.cit.

[14] Raja-EST : Le tifo des Verts a-t-il été interdit pour raison politique ?, TELQUEL, Le 02 décembre 2019, In : https://telquel.ma/2019/12/02/le-tifo-du-raja-a-t-il-ete-interdit-pour-raison-politique_1659405/

[15]  La campagne de boycott au Maroc, lancée en 2018, a été un mouvement populaire visant à protester contre la hausse des prix de certains produits de consommation courante. Le boycott a ciblé trois grandes entreprises : Centrale Danone, Sidi Ali et Afriquia.

Ces entreprises étaient perçues comme pratiquant des prix excessivement élevés, ce qui a suscité un mécontentement général dans un contexte de frustration économique.

La campagne a commencé sur les réseaux sociaux, où des appels à boycotter les produits de ces entreprises ont été largement partagés. Les citoyens marocains ont adhéré massivement à cette initiative, en cessant d’acheter les produits des marques visées. Le mouvement a pris une telle ampleur qu’il a rapidement attiré l’attention des médias et a provoqué des débats publics sur le coût de la vie, les monopoles économiques, et le pouvoir d’achat des Marocains.

Les résultats du boycott ont été significatifs : les entreprises ciblées ont subi des pertes financières importantes, ce qui les a poussées à revoir leurs stratégies de prix et de communication. La campagne a également mis en lumière la capacité des citoyens à se mobiliser de manière efficace pour défendre leurs intérêts, malgré l’absence d’une organisation centrale ou d’un leadership formel.

En somme, la campagne de boycott au Maroc a marqué un tournant dans l’expression de la contestation sociale dans le pays, montrant que les actions collectives peuvent avoir un impact réel sur les pratiques économiques et les décisions des grandes entreprises.

Ben Youssef Imane, La Campagne du Boycott 2018 au Maroc Comme Forme de Solidarité et d’Expression d’Indignation, European Scientific Journal, ESJ, March 2023 edition Vol.19, No.8, p.101.128.

[16] Les paroles de la chanson :

« Ô cœur triste

Pleurant pour les années que j’ai perdues

Où est l’avenir ?

L’âge augmente et les pauvres souffrent

Même moi, j’ai travaillé dur et j’ai poursuivi mes études

Je voulais travailler et je n’ai pas trouvé d’emploi

Mon pays ne m’a pas rendu justice, il n’a été donné qu’aux étrangers

Dieu nous a donné un destin

Et nous a donné deux façades maritimes

Tout est exporté

Et le peuple vit opprimé… »

WINNERS 2005 – LIBRES ET INSOUMIS 2019 – 08 – OUTRO : قلب حزين, In : https://www.youtube.com/watch?v=DG3WxbtDPeo

[17] ULTRA HERCULES 2007 – 7 WELD CHA3EB YGHANI | ALBUM : THE LEGACY | ( Official Video Clip ), In : https://www.youtube.com/watch?v=DiB_VfRikkQ

[18] ULTRAS HELALA BOYS, Album Voice of The Reason : Intro, In : https://www.youtube.com/watch?v=LBU1wQdy7ZE&list=PLwJcqZFnG77ui8XnYtkKsVhYAqVm1k-0J

[19] Les paroles de la chanson :

« Dans mon propre pays, on m’a écrasé

À qui puis-je confier mon désarroi ?

Ma plainte monte vers Dieu, le Tout-Puissant,

Lui seul connaît notre souffrance

Dans ce pays, nous marchons sous un ciel

Noirci de nuages sombres

Nous réclamons la paix

Ô Seigneur, viens à notre secours

Ils nous ont empoisonnés avec le haschich de Kétama,

Nous ont abandonnés, tels des orphelins perdus

Mais le jour du Jugement Dernier

Nous réglerons nos comptes

Nos talents, vous les avez dilapidés

Dans la fumée de la drogue, vous les avez étouffés.

L’argent de notre nation, vous l’avez volé

Pour le donner à l’étranger

Vous avez brisé toute une génération…».

ULTRAS EAGLES, Gruppo Aquile : F’BLADI DELMOUNI – في بلادي ظلموني, In : https://www.youtube.com/watch?v=kJvFAUZiK-Q

[20] ULTRAS BLACK ARMY, Lyam Ya Lyam, In : https://www.youtube.com/watch?v=8gUas_ebNlM

[21] Le groupe musical de l’équipe Raja Casablanca a produit une chanson intitulée : Rajaoui palestinien.

Les paroles de la chanson :

« Ô ma Palestine bien-aimée

Oh, les Arabes sont endormis

Oh, le plus beau des pays, résiste.

 Nous ne te laisserons pas faire, Gaza… ».

La Voce Della Magana l رجــاوي فلسطيني l, In : https://www.youtube.com/watch?v=2FyvcoTyawE

[22]In :https://www.facebook.com/photo/?fbid=892080712956038&set=pb.100064623522081.-2207520000

[23] In : https://www.facebook.com/photo/?fbid=467213085913634&set=pcb.467214465913496

[24] Ghassan Lamrani, Les jeunes des stades répondent à une réalité sociale caractérisée par la pauvreté, le chômage et le manque de libertés, ALYAOUM24, 01 Décembre 2019, 23 :01, In : https://alyaoum24.com/1341431.html

[25] Ibid.

[26] Giulianotti, Richard. Supporters, Followers, Fans, and Flâneurs: A Taxonomy of Spectator Identities in Football. Journal of Sport & Social Issues, 26(1), 2002, 25-46.

[27] Spaaij, Ramón. Men like Us, Boys like Them: Violence, Masculinity, and Collective Identity in Football Hooliganism. Journal of Sport & Social Issues, 32(4), 2008, 369-392.

[28] https://x.com/UltrasEagles_06/status/653677867755302912?lang=ar

[29] Voir : Bodin, Dominique & Stéphane Héas. Social Anomie and Hooliganism. In Sports and Violence, edited by Dominique Bodin. Paris: Chiron, 2001.

[30] Abderrahim Bourkia, Ultras in the City. A Sociological Inquiry into Urban Violence in Morocco, The Philosophical Journal of Conflict and Violence, Vol. II, Issue 2/2018. In: http://trivent-publishing.eu/

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