Les télécommunications au Maroc : du monopole à la libéralisation
Communications in Morocco: From Monopoly to Liberation
Prepared by the researcher – Dr. Younes Eshmrah, Mohammed V University, Rabat, Morocco
Democratic Arab Center
Journal of Human Resources Development for Studies and Research : Atheist ten Issue – January 2021
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin
Résumé
S’il est un secteur qui connait actuellement des mutations structurelles des plus profondes, ici au Maroc comme ailleurs, il ne s’agit que de celui des télécommunications. En effet, alors que depuis longtemps le développement des infrastructures de communication dites “traditionnelles” telles que les routes, les rails, les ports, etc., s’érigeaient au premier rang des prérogatives de l’Etat, les moyens de communication à distance paraissaient d’une nécessité secondaire. Mais, maintenant que l’information est devenue un moyen déterminant de compétitivité, la situation semble s’inverser.
Le secteur a évolué très rapidement au rythme de la mondialisation et du progrès technologique depuis plus de deux décennies. Il est au centre d’un très profond mouvement de restructuration dans plusieurs pays. A l’instar des autres secteurs stratégiques, le secteur des télécommunications fait lui aussi l’objet d’importantes opérations de privatisations, d’alliances et de regroupements qui ravivent de plus en plus la concurrence dans ce créneau déjà réputé pour être l’un des plus disputés.
Introduction
Au Maroc, depuis l’apparition des premiers systèmes de télécommunications (téléphone, télégraphe, etc.), l’Etat avait détenu le secteur des télécommunications se chargeant de toutes les fonctions, depuis la construction d’infrastructures jusqu’à la commercialisation des services. En 1984, l’Etat procéda à une réforme sectorielle concrétisée par la création de l’ONPT (Office National des Postes et Télécommunications). Ce changement était le premier pas du développement du secteur, qui fut renforcé par la suite en 1991 par un autre énorme projet de réforme sectorielle soutenu par la Banque Mondiale. Les investissements furent élargis afin d’atteindre des objectifs de qualité et de couverture meilleures.
En 1997, une nouvelle réforme du secteur fut introduite par la nouvelle loi relative à la poste et aux télécommunications (loi 24-96), envisageant un nouvel environnement pour les télécommunications, libéralisé, déréglementé.
Ces changements auront un impact non seulement sur le secteur en question, mais encore sur l’économie globale du pays, du fait que les services de télécommunications sont devenus un élément vital pour l’épanouissement des entreprises et le développement du segment professionnel.
Ce nouveau paysage de télécommunications exprime aussi une convergence vers les tendances internationales et donc une ouverture sur la mondialisation dans le cadre du courant universel de globalisation.
Les réseaux des télécommunications constituent aujourd’hui un élément de l’infrastructure d’un pays au même titre que les autres infrastructures de base, mais aussi un indice de développement, ils contribuent également à la croissance de l’économie de manière importante.
L’objectif de cet article est de tracer l’évolution institutionnelle des télécommunications au Maroc depuis l’apparition des premiers réseaux de communication à la fin du 19ième siècle jusqu’à nos jours.
Les télécommunications : du monopole de l’Etat à la libéralisation
Dans le passé, le secteur était soumis au monopole de l’Etat dans de nombreux pays. Cette forme de gestion correspond à une époque où l’Etat jouait le rôle moteur de l’économie, mais aussi à une période où l’évolution est relativement très lente en matière de progrès technologique.
Cette orientation fut abandonnée au début des années 80 en raison de l’abandonce de l’offre technologique sur le marché international, au profit d’une vague globale de déréglementation de l’économie mondiale dans laquelle s’insère celle des télécommunications. Ce nouveau contexte de déréglementation qui a débuté en Occident et qui a touché des secteurs importants comme les banques et les transports aériens, a été étendu à certains pays en développement, dans le cadre des politiques d’ajustement structurels visant à rétablir les grands équilibres macroéconomiques.
Le Maroc, comme la plupart des pays en développement, n’est plus loin de ce qui s’est passé ailleurs sur la scène internationale. En 1983, le Maroc signe un accord avec le Fond Monétaire International (FMI) prévoyant l’application d’une politique d’ajustement de son économie.
En fait, l’une des recommandations essentielles édictées par l’organisme international était la privatisation d’un certain nombre de secteurs de l’économie marocaine.
La métamorphose du secteur des télécommunications marocain n’est autre que l’écho de ce qui se passe ailleurs. Il a fait l’objet d’un certain nombre de réformes et de restructurations qui sont le fruit des politiques du FMI. La restructuration du secteur des télécommunications marocain a concerné d’abord la réduction du monopole de l’Etat dans ce domaine.
A l’instar de la plupart des activités qui se sont soumises à la libéralisation et à la concurrence, le vent de la déréglementation a soufflé aussi sur le secteur des télécommunications. Le 15 février 1997, 68 pays membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ont procédé à la signature du texte prévoyant la libéralisation des télécommunications à partir de l’an 1998.
Le monopole de l’Etat sur les télécommunications au Maroc
C’est en 1892 que le Sultan Moulay Hassan 1er a procédé à la mise en place pour la première fois au Maroc de la poste. Pour ce qui est de son texte réglementaire [1], il fut signé en 1924 par le Maréchal Lyautey [2]. A l’indépendance du Maroc, 62.500 abonnements au téléphone étaient enregistrés dont seulement 14.000 pour les marocains, soit 22,4%. Le télex ne comportait alors que deux centraux seulement, permettant le raccordement de quelques 106 abonnés.
Depuis cette époque et jusqu’à la fin des années soixante-dix, les efforts des pouvoirs publics en matière d’équipement se concentraient pour l’essentiel sur des secteurs qui paraissaient alors conformes aux orientations générales de l’économie du pays comme l’agriculture, le secteur minier et, dans une moindre mesure, l’industrie manufacturière. Les télécommunications n’étaient considérées pendant cette période qu’un bouche-trou budgétaire et un service social de second ordre.
Cet état des choses a conduit ce secteur à une situation d’impasse au début des années 80, au moment où plusieurs pays opéraient des changements structuraux importants pour rester dans la course. La plupart des installations étaient dans un état de vétusté déplorable, la plus grande partie de la population déconnectée, l’installation d’une ligne téléphonique relevait d’un parcours de combattant, l’entretien des installations et l’accueil des clients laissaient beaucoup à désirer.
Bref, le secteur des télécommunications au Maroc traversait une crise pour le moins qu’on puisse dire endémique alors que dans le monde ce même secteur faisait preuve d’un développement explosif. L’organisme qui prenait en charge le secteur, en l’occurrence l’Office des Postes, des Télégraphes et des Téléphones du Maroc (O.P.T.T.M) [3] pâtissait dans un désordre structuro-fonctionnel apparent, le mode de gestion et l’organisation contrastaient largement avec l’activité spécifique du secteur. L’absence de l’autonomie et le caractère contraignant des règles comptables et administratives ne permettaient pas une gestion raisonnable du secteur. Ce qui a poussé les pouvoirs publics à le dissoudre en mettant en place le Ministère des Postes et des Télécommunications [4].
A fin 1983 le Maroc ne comptait que quelques 200.000 lignes téléphoniques dont plus de 50.000 étaient reliées à des centraux obsolescents. La médiocrité de la qualité du service fourni à partir de ces centraux était telle que les services techniques ne les prenaient pas en considération dans leurs statistiques. Les centraux utilisant la technologie numérique ne représentaient même pas le dixième du parc global. Ce même parc ne permettait la satisfaction que de moins de 30% de la demande totale exprimée.
Devant ce constat négatif, il s’est avéré impérieux de confier le secteur à un organisme doté d’une grande souplesse de gestion, déchargé des contraintes administratives, bénéficiant d’une autonomie réelle et exerçant son activité selon les règles de la comptabilité commerciale. Ce fut donc la création de l’Office National des Postes et Télécommunications [5] par le Dahir de 10 janvier 1984 qui lui a conféré le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial, l’a doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et a mis à sa disposition un patrimoine propre.
En vertu dudit Dahir, l’O.N.P.T avait également pour mission « d’exercer pour le compte de l’Etat, le monopole reconnu par la législation en vigueur à la puissance publique en matière des postes et télécommunications à l’exception de la gestion du spectre des fréquences de l’Etat ».
La mise en place de l’O.N.P.T a constitué une véritable restructuration du secteur; la reforme sectorielle concrétisée par la création de l’office était un changement en soi et aussi un premier pas vers le développement du secteur à des horizons plus prometteuses.
Généralement, depuis 1984, l’O.N.P.T a déployé tous ses efforts pour moderniser le secteur des télécommunications afin de rattraper le retard dont il se trouve. Grâce à un sacrifice financier, l’O.N.P.T a pu diversifier son offre de services, il a réussi dans une large mesure la modernisation de son réseau téléphonique fixe par une numérisation presque intégrale. Les nouvelles technologies ont été rapidement adoptées, les fibres optiques équipent, en effet, une grande partie du réseau. De plus, on assiste à un allégement de la pression du monopole sur le secteur par les autorités. A partir de 1988, l’ONPT autorise au secteur privé de contribuer à la construction des réseaux de distribution, au niveau du génie civil, ainsi que dans la pose et le raccordement des câbles. En 1989, le privé a obtenu l’autorisation de la commercialisation et l’installation des équipements terminaux. En 1992, l’office s’était lancé avec la participation du privé dans l’exploitation des cabines téléphoniques. Dans le domaine d’Internet, on a autorisé, les Providers, c’est-à-dire les fournisseurs d’Internet, à fournir les prestations d’Internet.
Cependant, en dépit de tous ces efforts fournis par l’O.N.P.T, le secteur souffre encore des faiblesses et des insuffisances énormes, les contraintes qui pèsent sur lui représentent des obstacles qui entravent son développement sont nombreux et les défis qu’il doit relever sont énormes. Parmi les insuffisances, il y a : la santé financière de l’activité de l’O.N.P.T.
Dans ce contexte des faiblesses et des insuffisances, il était donc devenu impératif de refondre le secteur des télécommunications au Maroc dans un cadre plus libéral et moins contraignant.
L’avènement de la libéralisation des télécommunications au Maroc
Depuis 1997, le secteur des télécommunications a connu une grande mutation au Maroc. Cette année aura été une étape cruciale dans les annales des télécommunications nationales. En effet, vu l’importance de l’enjeu que les télécommunications représentent et parce que le développement économique et social d’un pays passe par la libéralisation de ses outils de télécommunications, la loi 24-96 [6] amorçant la réforme du secteur de la poste et des télécommunications a été adoptée.
La reforme du secteur visant l’ouverture du marché aux initiatives privées et aux promoteurs nationaux et internationaux. Elle avait pour objectif d’étendre les réseaux et les services de la poste et des télécommunications à l’ensemble du territoire et de mettre les opérateurs dans des situations de réelles concurrences. La restructuration du secteur s’articulait autour de plusieurs axes. Outre la législation, elle concernait une privatisation partielle de l’opérateur et la création d’instances de régulation.
En remplacement de l’O.N.P.T, la loi 24-96 a crée une société anonyme « Itissalat Al Maghrib » et confié les missions de régulation à une nouvelle entité : l’Agence Nationale de Régulation des Télécommunications (ANRT).
Ainsi, la loi 24-96 relative à la libéralisation du secteur des télécommunications s’est appuyée sur les trois principaux axes suivants :
– séparation des branches « Postes » et « Télécommunications » ;
– la séparation des fonctions de réglementation et de contrôle de la fonction d’exploitation ;
– la libéralisation de l’exploitation des services et son partage entre Itissalat Al Maghrib et les opérateurs privés (nationaux ou étrangers).
La séparation des branches des postes et des télécommunications d’une part, et des fonctions de réglementation et de contrôle de celle d’exploitation d’autre part, a donné naissance à trois nouveaux acteurs, qui sont Itissalat Al Mghrib (I.A.M), l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (A.N.R.T) et Barid Al Maghrib (B.A.M).
L’O.N.P.T fut donc séparé en trois entités distinctes. Il s’agit de :
IAM (Itissalat Al Maghrib) : Société anonyme publique (nommée aujourd’hui Maroc Telecom) représentant l’opérateur historique de télécommunications au Maroc ;
Barid Al Maghrib (BAM) : Etablissement public monopolisant les services de la poste au Maroc. Il s’agit également d’un organisme public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière ;
Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT) : Etablissement public institué auprès du Premier Ministre dont la mission essentielle est de réglementer, de contrôler et d’arbitrer le secteur des télécommunications au Maroc.
L’entrée en vigueur de la libéralisation des télécoms
Ce n’est qu’en 1999 que le secteur des télécommunications a entamé concrètement sa libéralisation avec l’octroi de la deuxième licence GSM [7] selon un processus adapté aux règles du secteur et aux règles internationales.
L’expérience de Méditel, constitue la première application de la loi de la libéralisation. Elle concernait l’opération d’attribution d’une licence pour l’établissement et l’exploitation d’un deuxième réseau public de téléphonie cellulaire, à côté de celui de l’opérateur national IAM. Cette opération marque l’avènement de la concurrence dans le secteur. Elle va profiter par la suite à l’usager sous forme de baisse des tarifs et de nouveaux services. L’opération de l’attribution de la deuxième licence s’est déroulée en plusieurs étapes.
Le premier conseil d’administration de l’ANRT, réuni le 4 juin 1998, sous la présidence du Premier Ministre, a lancé le processus d’attribution d’une licence pour l’établissement et l’exploitation d’un deuxième réseau public de téléphonie cellulaire de norme GSM.
Cette deuxième licence GSM a été attribuée par décret adopté en conseil des Ministres le 2 août 1999 et à la suite d’une procédure qui a comporté un appel à expression d’intérêt puis un appel à la concurrence.
Médi Télécom est un consortium composé de deux opérateurs de télécommunications à savoir : Telefonica d’Espagne [8] et Portugal Telecom [9], deux institutions financières marocaines de premier plan : BMCE-Bank [10] et CDG [11] et un opérateur marocain dans l’industrie pétrolière : groupe Afriquia [12].
Dix ans après sa présence sur le marché de télécommunications au Maroc, Médi Télécom connait une recomposition de son actionnariat avec la montée en puissance de grands groupes nationaux : FinanceCom [13] et la Caisse de Dépôt et de gestion (CDG). Ainsi, les deux groupes ont racheté le 31 août 2009, 64,36% du capital de Médi Télécom, représentant la totalité des participations de Telefonica et de Portugal Telecom dans l’entreprise. Avec cette opération, Médi Télécom devient un opérateur totalement marocain et détenteur de trois licences de téléphonie fixe et mobile.
Une nouvelle application de la loi 24-96 a concerné cette fois-ci l’ouverture du capital d’IAM (35%) devant la participation des opérateurs privés (locaux ou internationaux), une année après l’opération de la deuxième licence GSM. Le 21 décembre 2001, 35% du capital de Maroc Telecom ont été cédé à Vivendi Universal [14] contre un montant de 23 345 millions de dirhams. Cette opération confirme la décision d’une libéralisation totale des télécommunications.
Cette ouverture du capital de l’entreprise publique découle de l’article 43 de la loi 24-96 qui prévoit la possibilité de transfert au secteur privé de la participation publique dans la société Itissalat Al Maghrib dans les conditions de la loi 39-89 sur la privatisation.
Ce processus qui a démarré au mois de septembre 1998 est passé aussi par de nombreuses étapes et a été initié par le Ministère du Secteur Public et de la Privatisation (MSPP) : élaboration de la stratégie de privatisation, audit de l’entreprise, évaluation de l’entreprise, fixation du schéma de transfert et des conditions de cession, mise en œuvre de la cession des actions. Le MSPP a également lancé un appel à expression d’intérêt en avril 2000 pour collecter des informations, commentaires et observations auprès des candidats potentiels au partenariat stratégique.
Dans le premier trimestre 2000, le gouvernement a procédé à fixer le calendrier de libéralisation des télécommunications, en particulier en ce qui concerne la téléphonie fixe, en vue d’une libéralisation complète en 2002. Il a également procédé à la révision du cahier des charges d’IAM, afin d’avoir des exigences équilibrées entre IAM et les nouveaux opérateurs, et de préciser notamment la contribution à la recherche et à la formation, ou encore les obligations de service universel [15] et d’aménagement du territoire dévolues à IAM. Dans ce cadre, le décret n° 2-00-1333 du 9 octobre 2000 a abrogé et remplacé le décret n° 2-97-1028 du 25 février 1998 portant approbation du cahier des charges d’IAM.
Le 3 octobre 2000, le gouvernement marocain a lancé un appel d’offres relatif au choix du partenaire stratégique d’IAM. Cette opération comportait la cession de 35% du capital de la société à un opérateur global de télécommunications, ou à un consortium mené par un opérateur global. Le prix minimum fixé par l’organisme d’évaluation était de 20,3 milliards de dirhams.
Quatre opérateurs ont exprimé un intérêt pour l’opération : Vivendi Universal, France Telecom [16], Telenor [17], Italia Telecom [18]. Seul le groupe Vivendi Universal a déposé une offre le 20 décembre 2000, avec un montant de 23,345 milliards de dirhams. Le lendemain, le groupe Vivendi était déclaré l’adjudicataire de l’appel d’offres portant sur l’acquisition de 35% de Maroc Telecom pour une somme de 23,345 milliards de dirhams.
Vivendi Universal est l’un des grands groupes privés industriels en France de renommée mondiale, crée en 1853 sous le nom de Générale des eaux et qui œuvre aussi bien dans les métiers relatifs à l’eau, l’environnement et l’assainissement au service des collectivités locales que dans les métiers de la communication.
L’alliance de Maroc Telecom avec Vivendi Universal se confirme encore. Ainsi, le 18 novembre 2004, le gouvernement marocain et Vivendi Universal ont conclut un accord portant sur la vente de 16% du capital de Maroc Telecom. Cet accord a permis à Vivendi de porter sa participation de 35% à 51% et de pérenniser sa prise de contrôle. En décembre 2007, au terme d’un échange d’actions avec la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) du Maroc, Vivendi a acquis 2% supplémentaires, portant ainsi sa participation à 53%.
La première phase de la libéralisation en 1999 a permis au Maroc de faire un grand pas en avant en matière de démocratisation des NTIC. La réussite de la libéralisation de la téléphonie mobile au Maroc a constitué un premier pas qui sera poursuivi, à partir de l’année 2005, par une seconde phase de libéralisation de l’ensemble des services liés au fixe.
Cette seconde phase débute avec la révision du cadre législatif et réglementaire notamment par l’adoption de la note d’orientations générales pour la libéralisation du secteur des télécommunications pour la période 2004-2008, en novembre 2004, qui a coïncidé avec la promulgation de la loi 55-01, qui modifie et complète la loi 24-96 relative à la poste et aux télécommunications de 1997 et qui a posé le cadre général pour relancer le processus de libéralisation du secteur des télécommunications.
En 2005, deux licences fixes ont été attribuées, il s’agit d’une licence nouvelle génération pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de boucle locale et d’une autre licence nouvelle génération pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de télécommunications fixes.
Depuis 2007 et jusqu’à l’heure actuelle, trois opérateurs de télécommunications sont présents sur le marché marocain, et animent une concurrence très acharnée sur les trois segments de télécommunications : le fixe, le mobile et l’Internet.
A partir de 2015, les trois opérateurs marocains ont obtenu le droit d’exploiter la technologie mobile de quatrième génération (4G). Il s’agit d’une technologie qui assure des débits théoriques autour de 100Mb/s et succède à la troisième génération (3G) mise en service au Maroc depuis 2008 et qui offre un débit théorique autour de 42Mb/s.
Le schéma de la libéralisation démontre que l’ouverture par les autorités marocaines des télécommunications est une ouverture mesurée qui devrait servir l’économie et la société marocaine et non satisfaire uniquement des capitaux attirés par des profits réalisables à court terme sans engagements crédibles de long terme. Cette première manifestation de ce vaste programme ( la 2ième licence du GSM) a initié par la suite une politique dynamique, active et structurée de libéralisation concurrentielle des télécommunications incluant l’ensemble des services télécoms et non pas uniquement la téléphonie mobile.
L’objectif fondamental était de passer d’une situation caractérisée par le monopole à une situation où la concurrence devient la règle. Cette mutation représente un processus d’évolution des services de télécommunications monopolistiques vers des services concurrentiels permettant notamment des prix compétitifs, une meilleure qualité, une diversification, une adaptation dynamique aux besoins des utilisateurs et une mise en service plus rapide des innovations technologiques. La loi 24-96 constitue le premier pas dans cette transformation. Cette évolution sera poursuivie en 2004, par la promulgation de la loi 55-01.
L’extension rapide de la libéralisation et la concurrence a permis de baisser les prix du matériel, rendue possible par conséquent par la baisse des coûts, ce qui a fait de la téléphonie et des télécommunications un produit de consommation de masse et un outil banalisé largement généralisé et accessible à la population marocaine.
L’analyse de la réforme de télécommunications a engendré un impact énorme et visible par la montée d’une économie numérique basée sur l’Internet, le développement du commerce électronique et la convergence des technologies. Cette économie ne cesse d’agrandir touchant presque tous les secteurs économiques et sociaux.
La déréglementation apparait comme une politique alternative qui vise de dépasser l’ancien modèle de développement du secteur des télécommunications. Son succès se mesure en fonction de l’amélioration de la densité téléphonique, la généralisation de l’accès aux NTIC et la promotion d’une véritable activité de services basée sur le développement des applications informatiques et la technologie de l’information. Une telle activité est considérée comme une chance indéniable pour le Maroc pour améliorer la compétitivité de son économie et sa capacité d’exportation.
Grace à la déréglementation, la concurrence devient le meilleur moyen pour le développement du secteur des télécommunications. Elle a permis réellement une approche orientée en premier lieu vers le client et le consommateur. Dans le passé, la concurrence était inexistante dans le domaine de télécommunications, situation qui a empêché pendant longtemps le développement du secteur et qui a été marqué par la présence forte de l’Etat. Le monopole était alors la règle. Avec l’arrivée des années 90 et les transformations économiques liées à la mondialisation, la concurrence devient omniprésente dans le domaine des télécommunications. Grace à la promotion de la concurrence, les services de télécommunications sont devenus offerts sur la base de la compétitivité et la diversité au profit des utilisateurs, de l’économie et de la société. L’évolution de la concurrence est désormais assurée par l’Etat qui devrait jouer le rôle d’arbitre et de régulateur veillant au respect des règles du jeu entre différents opérateurs sur le marché disposant de leur pleine autonomie.
Conclusion
Finalement, pour conclure, trois grandes étapes ont marqué l’histoire des télécommunications au Maroc depuis le début du siècle dernier et jusqu’à nos jours. En effet, la première étape était très longue et s’est caractérisée par un monopole dominant de l’Etat, suivie d’une étape marquée par de vives critiques à ce monopole et à l’efficacité de ce mode de gestion qui ne répondait plus aux attentes des clients en général et de l’économie en particulier. C’est ainsi que ce secteur qui faisait partie des fonctions régaliennes a connu une nouvelle réforme en 1984 avec la création de l’ONPT, établissement public qui fonctionne dans une large mesure selon la logique du privé et cela pour répondre aux exigences technologiques et commerciales dictées par le développement rapide du secteur des télécommunications. Cette phase a été caractérisée par la diffusion des investissements importants dans le secteur par rapport à la période antérieure à 1984. Elle a connu aussi la réalisation des performances très estimables montrant l’ampleur des efforts fournis dans ce secteur, que personne ne peut ignorer la nouvelle dynamique qu’a donné le secteur à la croissance économique. Par contre, d’autres demeurent en deçà des espoirs nourris à la suite de cette création.
La troisième phase de l’histoire des télécommunications au Maroc a été entamée par la promulgation de la loi 24-96 en 1997, relative au projet de la libéralisation du secteur des postes et des télécommunications et qui a ouvert la voie à la concurrence locale et étrangère.
Historiquement, le secteur des télécommunications au Maroc a été évolué sous l’influence de plusieurs facteurs. Il importe de souligner dans ce sens, l’effet important du progrès technologique manifesté par les innovations rapides et l’abondance de l’offre. Aussi, les mutations dans le comportement des acteurs économiques avec la réduction du rôle de l’Etat et l’émergence de nouvelles stratégies des groupes des communications (diversification, fusion ou alliance, recentrage ou restructuration, transnationalisation) forcées par le vent de la mondialisation qui a déferlé sur les sociétés et le mouvement universel de la déréglementation qui a consisté à soumettre toute une activité importante dans les économies à un nouveau mode de gestion.
Liste des marges
[1]– Le Dahir du 25 novembre 1924 confirme le monopole de l’Etat marocain sur le Télégraphe et le Téléphone avec fils et sans fils.
2- Premier résident général du protectorat au Maroc entre 1912 et 1916.
3- O.P.T.T.M : crée en octobre 1913 à la suite d’une convention signée par le Maroc avec les autorités françaises.
4- L’O.P.T.T.M a été remplacé juste après l’indépendance du Maroc par le Ministère des Postes et des Télécommunications, crée par le Dahir NO 1-56-269 du 26 octobre 1956.
5- Création de l’ONPT en 1984 est considérée comme le début d’une réforme sectorielle du secteur des télécommunications avant l’arrivée de l’ère de la libéralisation.
6- La loi 24-96 du 07/08/1997, relative à la poste et aux télécommunications a été promulguée par le Dahir 1-97-162 du 2 rabii II 1418. Cette loi et ses décrets d’applications mettent fin au monopole de l’Etat sur les télécommunications et ouvrant la voie à la libéralisation.
7- GSM : Global System for Mobile Communications.
8- Compagnie multinationale espagnole de télécommunications.
9- Opérateur historique portugais de télécommunications.
10- Banque Marocaine du Commerce Extérieur.
11- CDG : Caisse de Dépôt et de Gestion, établissement public marocain a pour mission de gérer les fonds d’Epargne.
12- Compagnie marocaine de distribution de carburants.
13- Holding marocain qui opère dans le monde de l’industrie et de la finance.
14- Groupe français qui opère dans les métiers de la communication, des médias et des contenus.
15- Est un concept mise en place par l’Union Européenne pour harmoniser le marché des télécommunications. Il désigne un ensemble de services de base essentiels, auxquels les consommateurs de l’Union Européenne ont accès à un prix abordable.
16- Opérateur historique français de télécommunications.
17- Entreprise norvégienne de télécommunications.
18- Opérateur historique italien.
Bibliographie
-AMMINI.C, « La concurrence dans les télécommunications, stratégies et perspectives », Edition Hermès, Paris, 1998.- Commission des Communautés Européennes, « Livre vert sur la libéralisation des télécommunications », Bruxelles, 1995.
– NASR. Hajji, « L’insertion du Maroc dans la société de l’information et du savoir », Edition Afrique Orient, Casablanca, 2001.
– SALGUES. B, « Les télécoms mobiles », Edition Hermès, Paris, 1995.
– Yahyaoui. Yahya, « Mouvance libérale et logique de privatisation : les télécommunications, un service public ? », Rabat, Edition OKAD, 1996.
– Rapport, « l’ouverture du capital d’IAM : lancement de l’appel d’offres 2000 », département de la privatisation, Ministère de l’Economie, des Finances, de la Privatisation et du Tourisme.
– Rapport quinquennal 1999-2003 de la sous commission des TI, mars 1999. SEPTI : Secrétariat d’Etat chargé de la Poste et des Technologies de l’Information.
– Rapport préparatoire, « Le rôle de l’Etat à l’heure de la déréglementation des télécommunications : convergence des télécommunications et réglementation », UIT, 6ème colloque sur la réglementation des télécoms, David N. Townsend., Genève, mars 1997.
– François. Seligmann, « Les acteurs de la communication : les stratégies multimédias dans le monde », Cahiers français n°266, 1994.
– Dan. Schiller, « L’accord vivendi universal : un prédateur à l’ère d’Internet », Le monde diplomatique, janvier 2001.
– Schéhérazade. HADID, ISSA. KACIMI et Samir. SOBH, « Maghreb : télécommunications en plein boom ». Revue Arabies, avril 2001.
– Mouncif. Laraichi, « L’effet Médi Telecom », Revue Economie et Entreprise, mars 2000.
– Taoufik. Lamlih, « Le coût réel du GSM », Revue Economie et Entreprise, mars 2000.
– BMCE : Revue d’information, « Le secteur des télécommunications au Maroc », janvier 1998.
– Patrice. Geoffron, « Quel plan pour la libéralisation des télécommunications au Maroc ? », Menara : www.casanet.net.ma, 7/12/2001.