Research studies

Le sujet, le trajet et le projet : Projet pédagogique pour une pédagogie du projet

 

Prepared by the researcher  

Hassani, Boutaïna: Professeur habilité, Faculté des Lettres et Sciences humaines d’Oujda. Maroc

 Belboukhari, Abdelfattah :Formateur d’adultes et doctorant en sémiotique du discours (Université Paris 8-Saint-Denis).

Democratic Arabic Center

Journal of Strategic and Military Studies : Thirteenth Issue – December 2021

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arabic Center” Germany – Berlin.

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
 ISSN  2626-093X
Journal of Strategic and Military Studies

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Résumé

Nous avons essayé, autant que faire se peut, d’articuler le sujet, le projet et le trajet à l’aune d’une situation éducative de formation et d’apprentissage, où ce triptyque est « jeté» comme l’ancre dans une existence. Le sujet est projet. C’est ce qui donne sens à son aspiration à la liberté. Le sujet est trajet. Trajet dans le double sens de parcours personnel et de méthodologie à mettre en place pour la conduite d’un projet. La recherche-action existentielle de référence, donne la possibilité de prendre conscience de l’importance pour un acteur de s’assumer comme il est, d’assumer ses projets inaboutis, d’être un sujet impliqué dans sa propre histoire où la connaissance de soi est l’expression d’une singularité assumée. C’est cette « conscientisation » qui éclaire d’un nouveau jour le parcours de ce sujet-acteur en lui donnant sens : signification et direction. Le sujet qui tout en étant le produit d’un parcours, est porteur d’un projet personnel. C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient pour tout projet pédagogique de mettre en place une démarche d’accompagnement éducatif approprié

Introduction

Cet article est à double voix : celle d’une universitaire et d’un formateur, par ailleurs engagé dans un travail de recherche universitaire, qui collaborent autour d’une thématique qu’ils souhaitent explorer selon une visée théorico-pratique. Une recherche-action, en somme. Si les deux auteurs nourrissent l’ambition, du moins le souhait, d’insister sur la pertinence de mettre en valeur de nouvelles problématiques, et donc de nouveaux objets de recherche au sein de l’institution universitaire, il n’en reste pas moins qu’ils partagent le constat suivant : l’université s’ouvre de plus en plus sur le contenu éducatif tel que formulé par l’ingénierie de la formation et sur les pratiques et choix pédagogiques que cette dernière formalise. D’aucuns peuvent constater que les universités proposent de plus en plus des formations professionnalisantes, considérant à juste titre que pour des cursus qui relèveraient de l’ingénierie de la formation professionnelle, comme d’ailleurs celle de l’ingénierie du social, il  est plausible pour l’institution universitaire  d’être en mesure de les prendre en charge à fin d’assurer un niveau de qualification et de proposer des modules de formation destinées à des métiers comme par exemple : éducateur de jeunes, travailleur social, formateur de jeunes ou d’adultes et accompagnateur pour l’insertion sociale (comme par exemple des actions au sein de l’institution pénitentiaire)…etc.

Au demeurant, cela peut constituer en soi un objet de recherche pour les sciences humaines et sociales. Faire participer ces sciences dans la compréhension et dans l’analyse de cette évolution, c’est dans le but de permettre l’élaboration théorique d’un modèle pédagogique dont l’intérêt pratique est celui de répondre aux enjeux et aux défis que pose cette évolution. En effet, une sortie du « narcissisme méthodologique » (J.-L. Legrand) peut présenter un réel cadre d’évaluation des acquis  théoriques  propre  à  chaque  discipline  de  cette  grande  « maison »  (les

sciences humaines et sociales) et une ouverture entre champs de connaissance

« voisins » autant sur le plan conceptuel que celui de leur pratique par rapport à leur objet d’étude. Les sciences de l’éducation[1]  peuvent servir en l’occurrence comme un point d’ancrage général permettant d’orienter la réflexion vers un questionnement inter/trans-disciplinaire, à la fois en amont (la recherche universitaire) et en aval (la formation).[2]

I-   Une sémiotique du projet :[3]  les aventures du sujet en création.

Commençons par expliquer le choix de parler du sujet en création. Nous reprenons ici à notre compte le titre d’un ouvrage qui croise deux disciplines : la sémiotique et la psychiatrie.[4] Nous avons pris à travers le titre de cet ouvrage la gageure  de  considérer  que  la  notion  de  création  peut  articuler  dans  la  même

« aventure » narrative l’action du sujet et le récit qu’il en fait pour décrire son trajet et formuler son projet. C’est dans ce sens que ce sujet est l’actant énonçant d’une sémiotique du projet.[5]  Par cette conduite d’anticipation dont la notion du projet est l’une de ses figures, la société se met en scène à travers les discours, aussi bien individuels que collectifs, qu’elle produit pour apprendre à se connaître. Ainsi, la société en se sémiotisant y voit le sujet jouer un rôle dans la production du sens et des valeurs.[6] Si le projet « est d’abord discours sur lui-même, capable de délivrer le sens de l’action à venir et mise en acte de ce discours »[7] 9, il se prête en tant qu’actions mises en mot à une description de « ses rebondissements qui conduisent à organiser l’intrigue du récit».[8] Comme dans un conte pour qui il ne peut y avoir de récit sans héros, le projet a aussi besoin d’un auteur qui se met en scène à travers l’œuvre qu’il réalise.[9] Seulement, ce projet se meut dans un espace socialisé où « il nous faut prêter attention aux acteurs proches qui entourent l’auteur».[10]  Ainsi s’établit un rapport d’homologie entre l’action et son récit. Un rapport mimétique entre une grammaire de l’action et une grammaire du raconté.[11] Nous y reviendrons sous peu pour éclairer d’autres éléments de cette hypothèse.

Ce choix n’a pas été motivé seulement par une question de style. Il y est question aussi du sens d’une méthode et du geste thérapeutique qui la fonde. Dans cette psychiatrie, la thérapie donne chair aux mots pour les accoucher, pour les faire vivre, pour leur donner sens. Dès lors, ils évoluent et se transforment :[12]

« Nous ne suivons pas, précisent les deux auteurs du livre, la conception lacanienne orthodoxe selon laquelle chacun de nous serait habité par un texte déjà écrit dont nous découvrions que nous sommes les marionnettes. Nous pensons, au contraire, que ce texte hypothétique n’est rien si notre chair ne l’habite pas, que c’est lui qui nous supplie de le faire advenir à l’existence. Dans cette incarnation, le texte n’est que mots errants. »[13]

La psychiatrie est une « tentative de donner sens » (ce qui phonétiquement peut s’entendre : « de naissance ») à ce qui aide à l’assomption d’une personne de ce qui la traverse et la parcourt.[14] Chaque réponse thérapeutique constitue « une véritable recherche-action adaptée au cas particulier ».[15] Bref, la psychiatrie dont nous parlons ici est considérée comme étant une « praxis anthropologique, sorte de recherche-action-expérimentation impliquée ».[16] Autrement dit, une recherche-action existentielle. Nous préciserons le moment venu ce que nous entendons par ce syntagme. Pourquoi le terme de création est-il susceptible d’unir le sujet, le projet et le trajet dans une unité signifiante ? La création, c’est re-créer pour permettre une transformation. Ainsi, le sujet, le trajet et le projet s’écriront de la manière suivante : su-jet, pro-jet et tra-jet. C’est ce jeté devant, comme figure de l’advenir, qui relient les trois vocables. Ce qui permet, à nos yeux, de les considérer à partir de cette unité de signification et de ce faisceau de relation. Le sujet est un être capable de faire un choix. C’est en général l’idée que l’on se fait de lui. Sa subjectivité est l’expression d’une volonté : pouvoir se soutenir lui-même dans l’existence. Le terme de sujet vient du latin subjicere, qui signifie « mettre sous ». La notion de sujet désigne ce qui est « mis sous » ou « jeté sous ». Cependant, elle peut désigner aussi bien celui qui est « soumis à une autorité » que celui qui « agit de manière libre et autonome ». Cette dernière acception met l’accent sur la capacité qu’a un individu d’être le seul support de son existence.[17]

La relation de soi à soi qui caractérise le sujet moderne prend sa véritable naissance avec le cogito cartésien, le « je pense, donc je suis » du Discours de la méthode. Cette nouvelle perception de l’homme par lui-même repose sur l’idée qu’il a de « son existence en tant qu’être conscient et libre, capable de se prendre en charge et de décider des orientations qu’il va donner à sa vie. »[18]  L’homme est doué de conscience, c’est-à-dire capable de prendre du recul par rapport à lui-même et d’évoluer en fonction de cette conscience qu’il peut avoir de lui-même. Cette distance lui permet de s’observer, de se transformer et de modifier sa manière de penser et d’agir : c’est un existant.[19]  « Exister » vient du latin ex sistere, c’est-à-dire « être hors de » et « se tenir debout », autrement dit, exister c’est être hors de soi, sortir de soi, être soi tout en étant autre que soi.[20]  C’est ce décalage par rapport à moi-même qui « me permet d’évoluer, de progresser, de réviser ma pensée et ma conduite et qui rend possible un devenir dont j’ai le sentiment d’être l’auteur »[21]

La philosophie existentielle de Sartre s’appuie sur cette interprétation de la signification de l’existence. Un parallèle se fait jour entre le devenir et l’existence dans la mesure où exister signifie se projeter hors de… : quand je suis en devenir, je ne suis plus ce que j’étais et pas encore ce que je vais être.[22] Lorsque Sartre qualifie

l’existence humaine de projet, il la lie à l’engagement, qui est une partie prenante de l’existence humaine. Exister, c’est s’engager, c’est-à-dire choisir ce que l’on va être en étant toujours le sujet de ce choix.[23]  Il s’agit de chercher un point où l’on peut

« jeter » l’ancre. Le mot « projet » dans son sens large est utilisé pour « désigner tout ce par quoi l’individu tend à modifier ce qui l’entoure dans une certaine direction. »[24] Le projet de Heidegger comme celui de Sartre, répond à cette recherche de savoir où et comment « jeter » son existence ».[25] Sartre voit dans le projet l’expression concrète de la liberté de l’homme.[26] Ce projet existentiel est repris par M. Merleau- Ponty lorsqu’il parle du projet du monde que nous sommes :

« Le monde est inséparable du sujet mais d’un sujet qui n’est rien que projet du monde, et le  sujet est inséparable  du monde mais d’un  monde qu’il projette lui- même. »[27]

Alors, se constituer comme sujet par la relation que l’on entretient avec le monde et les autres hommes, c’est « devenir un sujet relationnel »[28] Cela passe par la réflexivité, comme par exemple au travers la démarche narrative. Celle-ci permet à tout individu de se constituer comme sujet du récit qu’il produit à propos de son existence pour dire : je ne suis pas toujours une existence capable de se déterminer en toute liberté car je ne suis que ce que je peux être à un moment donné de mon existence en fonction  de toutes les déterminations qui s’exercent sur  moi.[29]  Ce

« je peux » est le résultat d’une époque, d’une culture et d’un milieu social et familial. Cependant, c’est par le récit sur soi que l’on peut se réapproprier cette existence qui échappe à celui qui est censé en être le sujet. P. Ricœur parle d’une éthique narrative, c’est-à-dire une certaine manière de se réapproprier sa vie par le récit qu’on est susceptible d’en faire :

« Je vois dans les intrigues que nous inventons le moyen privilégié par lequel nous reconfigurons notre expérience temporelle confuse, informe et, à la limite, muette ».[30]

Etre capable de se désigner comme étant l’auteur de son dire et de son agir et d’en prendre la responsabilité, par cela-même qui nous relie au monde : c’est bien là où réside la condition de devenir sujet.

En résumé, le sujet, le projet et le trajet sont tous noués par le fil de l’existence. Celle-là même qui n’est autre chose que le devenir, ce « jeté devant » dont nous avons fait l’hypothèse de tenir pour notre point de départ. Partant de là, nous essaierons d’articuler les relations du sujet à son trajet et à son projet à partir de deux contextes relativement différents pour expliciter cette relation : une mise en perspective théorique dans un cadre disciplinaire qui est les sciences de l’éducation d’une part ; de l’autre, dans un cadre institutionnel dédié à l’accompagnement pour élaborer un projet professionnel. Celui-ci sera abordé à la lumière d’un référentiel théorique et pédagogique propre mais qui rentre en résonance avec la première séquence que l’on peut qualifier comme une recherche-action existentielle[31] qui, en articulant la théorie à la pratique, interpelle la dimension existentielle de l’apprenant et sollicite son implication pleine et entière dans ses apprentissages et dans sa formation.

En accordant une place centrale au sujet apprenant, la recherche-action existentielle met celui-ci au diapason d’un processus dans la durée où il est appelé à être une partie prenante dans l’appropriation de sa propre formation en tant qu’acteur d’une dynamique individuelle mais cette appropriation peut aussi se vivre et se réaliser au sein d’une dynamique de groupe. La notion de groupe renvoie ici à « des ensembles de personnes réunies ou qui peuvent et veulent se réunir ».[32] La dynamique de groupe est de plusieurs formes et prends appui sur différents leviers, y sur ce qu’Enriquez désigne par l’illusion groupale laquelle, en tant qu’elle cimente l’unité du groupe, est tout autant nécessaire dans «l’élaboration d’un projet commun »[33] qu’essentielle dans l’édification des liens sociaux.[34] L’illusion a le sens d’une « mise en place d’un dispositif symbolique » à qui revient le rôle de canaliser les désirs et d’éviter « toute interrogation sur la valeur de ceux-ci ».[35] Ce dispositif symbolique, qui est là pour combler tout doute et tout travail d’organisation sur soi, « se mue en système de croyance. »[36]

II-    Le projet pédagogique :

« L’homme est un carrefour » affirmait Nietzsche. Il faut toute une maïeutique pour dénouer l’écheveau de sa complexité. Une situation éducative ou une formation peut-elle faire l’impasse sur ce « beau tumulte ! » ? Toujours est-il nécessaire de mettre en garde contre le risque de vertige devant quelques arcanes éclairés de notre propre existence en l’ouvrant-œuvrant aux chicanes de la parole. Maïeutique et distanciation, l’une avec l’autre, sont nécessaires. A cette problématique et aux multiples interrogations qu’elle implique, il faut partir d’une affirmation fondatrice : la centralité du sujet. Ce n’est certainement pas pour le glorifier mais pour mieux le décentrer. Pour cela, il faut l’engager dans un processus lui permettant de déconstruire au préalable les schémas acquis, et en premier lieu ses propres certitudes. Le processus dont il est question ici relèverait d’une temporalité subjective où la transformation visée fait appel à la singularité (être soi-même). Le verbe déconstruire prend dans ce contexte toute sa valeur heuristique dans la mesure où le but est de permettre in fine, eu égard à la singularité de la personne, une reconstruction adaptée à chacun. Il nous semble nécessaire à ce stade de porter une nuance entre l’acte d’enseigner et l’acte de former. Cette différence contribuera à expliciter le rapport au savoir et à prendre conscience des différentes attitudes par rapport à ce dernier si la situation pratique l’exige. En effet, enseigner met l’accent sur le groupal et répond à une orientation nationale dont l’objectif est de produire un résultat ; alors que former met l’accent sur l’individu parce que pensé comme relevant d’un choix individuel : par le choix de l’objectif à atteindre et par le choix du chemin pour y parvenir. Cette optique favorise l’implication du sujet dans le sens où celui-ci devient l’acteur de sa propre formation. La question du sujet engagé dans une séquence de formation peut se faire illustrer par le choix d’accorder au récit autobiographique la valeur d’une histoire formative.[37] « Visiter » son passé et le reconfigurer, c’est somme toute engager un processus de déconstruction-reconstruction de soi.

Au regard de ces aspects, l’être humain est primordial pour toute pratique de formation. Par conséquent, il faut mettre au cœur de toute réflexion sur celle-ci la question de la complexité qui elle-même porte l’exigence de décloisonner les savoirs et de renouer avec la multidisciplinarité car elle est seule à être en mesure de prendre en charge cette complexité. Le lien entre le sujet et son projet à la lumière de la singularité de son trajet, dans le double sens de cheminement, notamment temporel, et d’acquisition d’outils méthodologiques, voilà donc posés les jalons nous permettant de déplier ce triptyque : sujet, trajet et projet.

1-  Le sujet et le trajet :

  1. le sujet autobiographique :

Le genre autobiographique recouvre aujourd’hui une multitude d’écrits (journal intime, correspondance, essai…) dans lesquels la figure du sujet et de son identité s’inventent et se recomposent et où l’individu est pris dans un travail de création.[38] Il s’agit en effet d’une « découverte progressive de soi-même » dans laquelle le sujet n’est pas « un donné dont on pourrait dresser l’état à partir de ses composantes, mais une construction toujours en acte, autrement dit un ensemble dynamique d’opérations, un processus. »[39]

Tout acteur d’une situation d’apprentissage ou d’un projet éducatif est appelé à faire l’effort de connaître l’autre, jeune ou adulte, dont il a la charge d’accompagner la réalisation d’un projet de formation ou d’apprentissage des savoirs. Il est question de connaître l’autre plutôt que d’avoir des connaissances sur lui. Les histories de vie comme outil méthodologique et expérimental s’avère être un agir formateur.[40] Toujours est-il que la capacité de connaître l’autre passe par une connaissance de soi. En effet, « si nous voulons comprendre l’être humain dans toute sa complexité, nous devons nous rabattre sur la plus ancienne méthode pour comprendre l’homme; se connaître soi-même afin de pouvoir connaître l’autre.»[41]  En se prêtant au jeu de la pratique de l’introspection, laquelle marqua le commencement de la psychanalyse, Freud ne le faisait-il pas au motif d’un désir de se connaître ?[42]

L’autobiographie, comme travail sur soi, passe par la mise en récit de l’identité, une « identité narrative » selon la terminologie de Paul Ricœur. C’est ce qui maintient le soi à travers le temps, en tant que facteur de changement, dans un tout coh érent qui garantirait la permanence de  l’identité.  C’est  par  la  médiation  du  récit,  ce « gardien du temps », que le « je » se donne une prise sur son existence. Son herméneutique de soi, c’est à la fois compréhension et interprétation. Depuis Freud, le cogito est brisé, alors le sujet n’est plus maître chez lui. La première topique de Freud, aussi bien que la seconde topique, mettent en lumière les forces invisibles et l’arrière scène du désir du sujet : le désir d’être (professionnel, de formation, de vie). En effet, « si le sujet ne sait pas la portée de l’acte de dire, le dire, lui, paraît savoir ».[43] Le passé dans un récit de vie peut être considéré « comme pas tout, comme ouvert sur le futur, rempli d’écarts et d’incohérences attendant d’être résolus ».[44] Tel un nœud de Möbius, le chemin emprunté est celui des tournants volontaires, des bifurcations inaperçues ou prises dans le mouvement, mais aussi celui des plis où se logent les questions irrésolues, les regrets inavoués et les erreurs non reconnues. Un nœud de Möbius justement en tant qu’il est structure de l’inconscient.[45]  Mais cet inconscient d’où vient t-il ? :

«  C’est « le discours de l’Autre »  dira Lacan, il est structuré comme un langage, il vient du fait même que nous parlons, de la division introduite par la parole dans notre psychisme. Il nous est transmis par le désir de nos géniteurs qui détiennent eux- mêmes ce fonds de discours qui nous préexiste, que Lacan appelle le grand Autre, le lieu de la parole, le trésor des signifiants, ce lieu qui était à l’extérieur de nous, qui nous précède, dans lequel nous devons prendre place. [46]

En prenant appui sur le point de vue psychanalytique, la mise en récit de l’autobiographie est une démarche formatrice pour le sujet dans le sens où l’autobiographie est une recherche qui fait le lien avec la question de l ’implication. Celle-ci ne peut se déclencher qu’à partir de soi : quel sens peut avoir pour moi telle ou telle recherche autour et pour soi ? La réponse à cette question participe à la construction du sujet. Par conséquent, ce qui est vrai pour soi, il l’est pour autrui. Autrement dit, la démarche qui fait sens pour soi fait sens pour autrui. C’est cet enjeu du sens qui permet d’être sujet, être un sujet digne d’intérêt. C’est une aspiration éthique à une vie digne d’être vécue et qui fasse sens pou soi et, si possible » pour autrui.[47] Au regard de cet enjeu du sens, nous pouvons même parler pour certaines situations d’une « névrose existentielle » qui n’est pas reliée aux traumatismes, mais au fait que la vie ne comporte plus de sens pour soi parce que confronté à un mode inauthentique de l’existence. Autrement dit, s’abandonner aux conditions imposées et à l’impossibilité d’être à la hauteur de ce qu’on voulait être. Ceci nous rapproche de ce que M. Heidegger désigne par le souci : « le souci cherche à rendre l’Etre-là (le Da-sein) authentique, c’est-à-dire à s’approprier soi- même sur la base de sa possibilité la plus propre ; en ce sens, le souci est toujours celui d’une existence, elle-même promesse de possibilité. »[48]

Dans certaine mesure, ce travail sur le récit de vie peut prendre la forme d’une

« autobiographie raisonnée » (H. Desroche).[49]  Raisonnée est à prendre au double sens. Premièrement dans le sens de résonner : ça résonne en moi, laisser résonner en moi des événements de ma vie et oser les énoncer. Cette résonance me confronte au réel, à mon réel. Deuxièmement dans le sens de raisonnée : on passe à la raison et à la transmission. Ecrire, c’est toujours écrire à un autre, y compris à soi- même. Ceci dit, il faut bien souligner que le vécu relaté n’est pas un objectif en soi si ce n’est pour amener à l’agir et au projet. D’où la question suivante : en quoi ce parcours peut-il éclairer mon apprentissage et mon travail en tant qu’acteur d’une conduite à projet ? C’est dans ce sens que cette démarche relèverait d’une maïeutique à même de révéler le potentiel culturel et praxéologique prégnant dans les parcours des individus et de ce dont ils sont aussi imprégnés. L’autobiographie raisonnée est un questionnement et un travail sur soi dans lequel on choisit de nous mettre en déséquilibre en cultivant l’art de nous questionner sans cesse. L’apprentissage est une marche dont il faut intégrer le déséquilibre, synonyme de déconstruction. Replacé dans le contexte des sciences de l’éducation, le travail autobiographique, à travers les histoires de vie, est un moyen de formation pour la recherche-action dans la mesure où il donne la possibilité de repérer des savoirs, aussi bien formels qu’informels. Il y a là un effort de distanciation qui permette de donner sens à un parcours et de pouvoir le regarder autrement.[50]

En outre, l’autobiographie raisonnée revêt une dimension politique. N’est-il pas important de retrouver la capacité de donner du sens à sa vie et de se donner, de surcroît, la possibilité de construire des repères dans un monde devenu de plus en plus sans repère ? Un formateur ou un éducateur, en accompagnant des acteurs faibles, il le fait dans l’idée de leur donner le pouvoir de se former tout en changeant la représentation que ces acteurs se font d’eux-mêmes ou à travers le regard des autres. C’est ce positionnement critique qui permet de repenser le système éducatif et d’interroger l’institution. La question de la représentation mérite attention et une mise au point. L’on sait bien que la distinction entre représentations individuelles et représentations collectives remonte au sociologue E. Durkheim lequel donne au collectif un rôle primordial par rapport à celui de l’individu. On considère alors dans les représentations, celles qui « sont partagées par un groupe social essentiellement en termes de contenu qui définissent des modes de pensée communs, des mythes réglant et légitimant les comportements des groupes sociaux ».[51] Cela dit, « la représentation [est aussi bien] une construction et une expression du sujet »,[52] lui permettant d’ordonner ses pensées et de donner du sens à ce tout ce qui l’entoure. En effet, la représentation « comme produit et comme processus d’une élaboration psychologique et sociale du réel » joue la fonction concrète de « construction du réel ».[53] Les individus ou les groupes, en parlant des situations des événements qu’ils ont vécu qui les touchent « ils donnent à voir leurs représentations »[54] qui, tout en permettant d’interpréter le monde, « renvoient simultanément à différentes sources de significations ».[55] Ce qui conduit à « considérer la représentation non seulement comme un contenu mais aussi comme un ensemble de processus, destinée à concilier l’intériorité et l’extériorité, l’individuel et le collectif »[56]

  • Etre sujet-acteur :

Etre un sujet-acteur, c’est se poser en tant personne impliquée. Dans l’optique d’une  élaboration  d’un  projet  éducatif  et  pédagogique,  il  est  question  d’une

« implication épistémologique »,[57] considérée comme étant « un engagement personnel et collectif du chercheur, dans et par sa prix scientifique, en fonction de son histoire familiale et libidinale, de ses positions passée et actuelle  dans les rapports de production et de classes, de son projet socio-politique en acte, de telle sorte que l’investissement qui en est nécessairement la résultante est partie intégrante et dynamique de toute activité de connaissance » [58] Dans l’optique d’une pédagogie du projet, considérée comme une préoccupation éducative, l’implication signifie ceci : comprendre comment en prendre conscience et ensuite savoir comment l’être en situation. Deux questions peuvent orienter et aider à en donner le bien fondé : pourquoi un individu conçoit et vit t-il son implication durant son apprentissage ? Comment peut-il traduire cette implication sur le plan de son action en tant qu’apprenti ?

La recherche-action existentielle peut contribuer à répondre à la problématique de l’implication. Sa démarche insiste sur la relation bicéphale entre la recherche et l’action, et où le concept, comme dirait le poète Y. Bonnefoy, n’est plus «l’artisan d’une fuite ».[59] La recherche ne se limite pas aux critères académiques de la notion mais elle s’établit dans un rapport indissociable à l’action. Cela veut dire prendre des éléments ou des ingrédients des deux univers, dont la situation détermine lequel, afin de « fabriquer » quelque chose qui fait sens. Faire sens pour soi, c’est prendre conscience dans quelle mesure le récit que je fais de ma vie est un cheminement où le savoir, l’action et les valeurs prennent sens dans le contexte personnel, notamment par rapport à ce qu’on en dit, comme par exemple comprendre le pourquoi d’un savoir ou comment se l’approprier pour la réalisation d’un projet. Ce processus de compréhension permet la « conscientisation »  et par conséquent situe la démarche de la recherche-action dans une  optique existentielle où il est question d’élucider le rapport à soi, notamment un parler de soi où il est question de faire place aussi bien à la raison qu’à l’affect (émotion, douleur…). Le but de cette démarche est de donner la possibilité à l’acteur impliqué dans ce processus d’être sujet-maïeuticien, c’est-à-dire être un « accoucheur de la créativité latente », celle qui donne sens au projet créateur du récit de vie. En somme, il s’agit d’un sujet en création impliqué. C’est une création impliquée par la place aussi bien singulière que paradoxale qu’occupe le sujet par rapport au parler de soi que par la mise en forme (en récit) de sa vie comme une œuvre. L’écriture, en l’occurrence, a une valeur émancipatrice.

Comme nous venons de le voir, l’implication, aux yeux de la démarche de la recherche-action existentielle, est essentielle dans et pour tout apprentissage. Et pour tout projet pédagogique. Elle est d’autant plus formative qu’elle permette de donner des indicateurs sur la manière de traduire l’implication comme une forme de rapport entre le formateur-intervenant et le  groupe. Plusieurs cas de figures ou situations peuvent illustrer ce rapport. Donnons cet exemple, devant un groupe d’adultes, il faut considérer que chaque personne ramène avec lui, à travers son parcours de vie, des savoirs et des pratiques qu’il faut valoriser. Le but est de mettre cette personne au centre de la démarche pour qu’il puisse devenir l’acteur de sa formation, de son projet et de sa recherche. Ajoutons tout de suite que la dynamique du groupe permet elle aussi de dégager le rôle de catalyseur. Pour cela, il est important de donner la parole à tout le monde et amener ainsi chaque individu à pouvoir s’exprimer  tout en  veillant à ce  que  la discussion  aille vers un objectif commun (un objectif groupal), de pouvoir aborder les questions du leadership, des résistances, des non-dits et du conformisme. Le groupe est partie prenante dans la résolution de ces problèmes et de ces situations de crise. L’objectif principal est de faire   participer   tout   le   groupe   et   d’impliquer   les   individus,   autrement   dit,

« conscientiser » les personnes pour qu’elles puissent être en mesure de s’approprier la démarche.

En résumé, la recherche-action crée de l’implication de la part des personnes engagées dans cette démarche. C’est un travail qui a pour but d’initier un processus de changement, de transformation, d’évolution ou d’amélioration. Ce qui implique nécessairement des conflits, des tensions et des résistances. Alors comment faire face à une telle situation ? Pour cela la recherche-action fait appel aux sciences

humaines et sociales dont il est nécessaire d’avoir un certain niveau de maîtrise. Pourquoi et comment acquérir cette compétence théorique ?

  • Savoir, c’est pouvoir :

Bien que les rôles du formateur, de l’éducateur ou de l’enseignant soient différents par certains aspects, il y a un point commun qui les réunit. Tous, ils ont des contenus de savoirs à transmettre, une compétence à faire acquérir et une performance à réaliser dans le sens d’une pratique et d’une « actionalisation » du savoir acquis. Que chacun d’eux puisse travailler son savoir, son savoir dire et son savoir faire, c’est cela qui les ferait gagner en compréhension des situations, toujours complexes, auxquelles ils seront appelé à faire face, chacun dans son domaine d’intervention et la nature de son public. Afin d’aiguiser cette intelligibilité, il est indispensable d’ancrer leurs connaissances dans le champ des sciences humaines et sociales. Les outils que l’on acquiert grâce à ces sciences permettent de prendre en considération la complexité de la personne humaine et des situations. D’où l’utilité de s’initier à la sociologie, à la psychologie et la psychanalyse, à l’anthropologie et aux sciences de l’éducation. En effet, cette culture théorique générale est susceptible de procurer  une certaine  assurance et d’asseoir la  posture  de chacun sur une compétence nourrie de ces sciences et d’être dans la capacité, si la situation l’exige, de comprendre quelques aspects invisibles de la personne (psychologie et psychanalyse), les incorporations par les individus des comportements sociaux (la sociologie) ou des représentations collectives (l’anthropologie) et d’être enfin en mesure d’avoir une réflexion éclairée sur les différentes situations pédagogique (sciences de l’éducation). C’est par « ces «détours» que l’on peut «voir autrement» ce que l’on voit tous les jours, et c’est parce que l’on voit autrement que peuvent surgir des questionnements qui ouvrent à de nouvelles réponses »[60]

Ce parcours initiatique permet également d’être pleinement un sujet de recherche. Le savoir étant considéré ici dans une démarche heuristique, il est primordial de ne pas perdre de vue la question suivante : comment construire un savoir raisonné ? Bien entendu, ce travail de recherche met en exergue la singularit é de  chacun  dans  le  sens  où  le  « fil  rouge »  qui  se  dégage  à  partir  des questionnements autour du récit autobiographique fait l’unité de la démarche. Des questions vont émerger à partir de ce récit, c’est alors qu’il faut les organiser d’une manière thématique mais sous l’impératif d’une démarche distanciée. Cela veut dire pouvoir les théoriser, choisir une méthode pour les analyser et un métalangage pour les décrire. Cette élaboration se déterminera par des choix bibliographiques. D’où la nécessité de mettre en lumière les étapes élémentaires d’un travail de recherche et donner des repères pour une lecture méthodique, ainsi par exemple : la biographie de l‘auteur, la place de l’ouvrage ou de l’article dans la discipline, la question centrale de l’ouvrage, les thèses défendues par l’auteur, les termes essentiels de l’ouvrage, résumé de l’ouvrage, l’histoire de la thématique et de la production intellectuelle du champ disciplinaire, le type de construction intellectuelle et le langage utilisé.

Il est vrai que jusqu’ici, l’accent a été mis sur le contexte d’un apprentissage fondé sur la transmission du savoir. Est-ce bien le seul mode d’accès au savoir ? Il est intéressant de prendre pleinement conscience du rôle de l’autoformation et de considérer comme importants tous les actes auto formants dans le parcours d’une vie. Mettre au jour ces actes auto-formants et les valoriser aux yeux des personnes en situation d’apprentissage ou d’insertion socio-économique, cela doit être considéré avec intérêt dans toute démarche d’accompagnement. L’autoformation, c’est l’apprentissage par soi-même. [61] Autrement dit, le sujet en est l’acteur principal. Dans ce sens, elle est l’opposé de l’hétéroformation qui, elle, s’inscrit dans la logique de la transmission du savoir par autrui. La première démarche relève de l’autonomie du sujet, la seconde, de son hétéronomie. L’hétéroformation et l’autoformation peuvent   néanmoins   s’épauler.   Cette   dernière   est   un   « acte   intentionnel   et volontaire »[62]   en  vertu  duquel  « l’autodirection  est  [considérée  comme  étant]  un élément central dans la dynamique du sujet apprenant ».[63] Cependant :

« Si l’autodidacte est certes bien un apprenant solitaire [….] il n’en demeure pas moins solidaire du monde dans lequel il évolue. L’égocentrisme de l’autos engendre la solitude, mais la solidarité inhérente à toute existence fait s’inscrire l’autodidacte en synergie interactive avec d’autres existences […] L’isolement total de l’autodidacte n’existe pas, pourtant il apprend bien dans la solitude. »[64]

  • La question du devenir :

L’autobiographie raisonnée donne l’occasion de mettre en lumière tous les avatars de l’histoire transformationnelle auxquelles donne lieu un récit de vie. Toute transformation suppose un processus inscrit dans une temporalité. C’est un mouvement orienté. D’où la question du devenir. Cette fenêtre temporelle exprime un aller vers… une potentialité à faire advenir. Comment penser sa propre historicité et considérer digne d’intérêt celle de l’autre ?

La question de la formation est liée à la situation de transformation des individus, elle engage des dynamiques transitive et réflexive. Une dynamique réflexive représentée par ces deux verbes : se former et se transformer. Une dynamique transitive représentée par ces deux verbes : former et transformer. Un rapport à soi dans la première ; un rapport à l’autre dans la seconde. Savoir et altérité dans celle-ci, savoir et identité dans celle-là. Comment organiser cette rencontre avec soi et avec l’autre ? C’est dans cet espace dynamique que s’opère la rencontre entre formateur et formé, entre apprenant et apprenti, entre professeur et élève. Cette rencontre implique que l’on puisse considérer vraisemblable l’idée suivante : devenir sujet ne relève pas de l’évidence. Sa construction prend du temps, par cela même qui l’inscrirait dans un changement perpétuel. L’inachèvement du sujet est plausible car le conflit (paradoxe, être pris entre deux désirs…) est constitutif de tout sujet.

Ceci est de conséquence : le sujet n’existe pas, il le devient. Il y a des différentes conceptions du sujet qui rendent compte de cette situation, celle de la

transformation, d’un être en devenir. Chaque discipline (psychanalyse, sociologie..) va construire une représentation du sujet. Notre choix dépendra par conséquent de la représentation que l’on veut se faire de ce sujet. Néanmoins, il est utile, si nous ne voulons pas rentrer dans les méandres théoriques des disciplines parlant du sujet, de retenir qu’il y a deux tendances ou conceptions majeures : l’une qui considère le sujet comme inachèvement. Puisque le conflit est constitutif aussi bien de l’intériorité de l’individu (paradoxe, désir…) que de la réalité sociale (conflit de classes, hiérarchie sociale …), alors, il y a toujours du mouvement perpétuel. Quant à l’autre conception, le sujet, bien que défini comme une incomplétude, il est pour autant perfectible.

Partant de là, toute séquence de formation, ou toute situation éducative, est à considérer comme un espace-temps de transition et une enveloppe, dans le sens d’un potentiel à faire évoluer. Cette idée de malléabilité, qui correspond en somme à l’ordre de l’existence, fait en sorte que le temps cesse d’être un temps uniforme dans la mesure où il y a autant de temporalités que de situations éducatives. Ces temporalités éducatives se constituent en partie à travers la pluralité des actions du sujet dans le sens où celui-ci devient le co-auteur des temps qui le portent. C’est un apprentissage de la conquête de son temps. Le temps est l’habitat de l’être, pour paraphraser un célèbre énoncé de Heidegger. Toute quête existentielle nous convoque à vouloir l’habiter harmonieusement. Et autour de la question de la temporalité, se profile celle de l’identité : qu’est ce que je fais de ce qu’on a fait de moi ? Par conséquent, la question du devenir engage celle du projet.

2-  Le sujet et le projet :

La conduite d’un projet éducatif nécessite la mise en place d’un dispositif (institutionnel, matériel, pédagogique et humain) à même de mener à réalisation le projet en question. En supposant que tous ces éléments sont réunis, il faut se poser la question suivante : comment amener la personne prise en charge par ce dispositif à trouver sa place dans ce dernier. Nous prenons comme exemple la posture du formateur dont la démarche mérite attention et réflexion. Car il s’agit de prendre conscience de  l’importance de savoir comment devoir  se situer  dans un travail d’accompagnement et de conduite d’un projet ?

  • Savoir se situer :

Que veut dire accompagner pour un formateur ? C’est savoir adopter la posture adéquate telle que l’intelligence de la situation l’exige. Savoir se situer, c’est développer l’art de « la bonne distance » (C. Lévi-Strauss). Trois fonctions de l’accompagnement serviront de repères pratiques pour se situer dans la relation à la personne accompagnée et inciter à réfléchir d’une manière générale sur la posture à adopter :

-Conduire : c’est initier, inciter et transmettre à un public en situation d’apprentissage et d’acquisition des compétences et des savoir-faire. La position de l’accompagnateur est ascendante. C’est un rapport de force qu’il faut questionner.

-Guider : c’est guider l’accompagné à cheminer dans ses parcours de formations et l’aider à se réaliser dans son projet en  adoptant un retour bienveillant sur son expérience individuelle. Le rôle de l’empathie est fondamental dans cette relation.

-Escorter : c’est une relation d’aide dans une perspective de réparation. Pour un public en situation de handicap par exemple, escorter a le sens de réaliser des actions formatives avec sensibilité. D’une part, cela éviterait que des événements liés à la vie de la personne accompagnée, en l’occurrence le handicap, surgissent et risquent de le freiner. De l’autre, cette sensibilité aide à la modification de  ses représentations.

Ces postures sont mobiles. Elles doivent changer en fonction de la situation. Au besoin, l’accompagnateur peut enrichir son intervention par différentes approches : psychologique, sociologique, anthropologique…Ces approches vont déterminer la nature de l’intervention ainsi que les éléments pris en charge par cette dernière.[65]

  • Besoin d’une « parole qui fait destin » :

Accompagner une personne dans un processus de changement dont l’identité est en devenir, invite à poser également la question suivante : pourquoi et comment interroger le parcours de cette personne ? Il faut pour cela un accompagnement formateur permettant la reconnaissance, la validation et la valorisation des acquis

que l’on peut identifier à partir de son expérience.[66] Faire le bilan par rapport à un parcours relève d’une dimension biographique. L’identité qui s’y rattache se pose en terme de reconnaissance, c’est-à-dire ce qu’on croît être et ce que l’autre nous renvoie. Alors, tout travail d’évaluation d’un bilan doit poser comme centrale la question du sens. Si la personne accompagnée dans cette démarche de reconnaissance des acquis se situe lui-même dans une quête du sens générale par rapport à sa propre vie, alors celui qui évalue doit veiller à ce que la construction du bilan ne perd pas de vue la nécessité de donner du sens à ce parcours.

La validation des acquis de l’expérience, ce n’est pas qu’une temporalité personnelle. Elle revêt aussi une temporalité institutionnelle. C’est un analyseur de la société et un reflet de celle-ci car dans la nouvelle manière d’être adulte, il y a une dynamique identitaire à l’œuvre dans laquelle l’adulte est le maître de son parcours aussi bien dans l’espace privé que public. L’enjeu ? C’est celui de pouvoir vivre son émancipation.[67] « La problématiques des acquis est en fait au centre de l’articulation entre l’exercice d’un métier, la formation et les différentes activités sociales et personnelles qui constituent le parcours des individus. Elle s’inscrit dans la logique d’une demande sociale émergente traduisant les réalités nouvelles de la société tant au niveau de la formation, de l’entreprise que de l’individu ».[68]

Dans cette perspective, ces évolutions inscrivent l’individu dans une nouvelle définition de « sa singularité et de ses rôles pluriels d’acteur sur la scène sociale. Les changements les plus importants pour l’individu se situent en fait dans la construction sociale de sa trajectoire caractérisée par la multiplication d’événements formels et informels tels que sa profession, sa formation, ses expériences sociales, familiales, culturelles. Dans ce contexte, l’individu est censé se transformer en une «personne projet» en se responsabilisant vis-à-vis de son parcours »[69]. Ainsi défini, l’individu est à même de se connaître, de se faire connaître et de se faire reconnaître.

Un bilan, comment l’établir et l’évaluer ? Et tout d’abord pourquoi faire ? Il est destiné à qui ? C’est ces objectifs qui orientent la manière de faire un bilan et explicitent son contenu. Bien entendu, un  bilan vise au préalable à travailler la représentation que l’individu a de lui-même, notamment la représentation négative. En effet, la représentation de soi oscille entre les images sociales et les images propres que le sujet intègre progressivement comme faisant partie de son Moi. Il en résulte une image de soi construite par cet individu en fonction des modes de valorisation et d’amour dont il est l’objet et en réponse à l’image reflétée dans le regard de l’Autre dans ce couple Moi-Autrui.[70] En effet, la représentation que se font les acteurs de l’apprentissage d’eux-mêmes, de la réalité sociale, du contenu du savoir et de la langue qui en assure la communication, ce sont ces éléments qui influencent en partie le rapport à l’apprentissage, si bien qu’il soit nécessaire d’établir des liens entre les moments de ce dernier.

Cependant, une question se pose : est-il suffisant d’apprendre par l’expérience ? Certainement pas. Car il faut un travail d’analyse qui permet  de repérer et de valoriser l’expérience pour que celle-ci soit changée en connaissances. C’est un travail d’objectivation par l’intermédiaire du langage. Rendre communicable l’information que l’on possède sur soi par rapport une expérience est nécessaire. Ce réexamen de l’expérience pour le transformer en apprentissage est rendu possible grâce à la relation d’interaction entre théorie et pratique. Car tout apprentissage par l’expérience demande de la réflexivité, un retour sur la pratique. En somme, un « praticien réflexif » (The  reflexive practitioner) selon l’expression du penseur et pédagogue D. Schön.[71]  Ce tournant réflexif (The reflexive turn), qui articule pratique et théorie, action et réflexion, ambitionne d’élaborer une épistémologie de l’agir professionnel où il est question d’attirer l’attention des praticiens, par un retour réflexif, sur leur pratique du savoir.[72]

III-    Ne pédagogie du projet :

1-    Conduite        du     projet professionnel : Activation du Développement Vocationnel et Personnel.

Le projet pédagogique esquissé plus haut participe à une réflexion théorique nourrie de l’expérience sur ce que pourrait être une conduite à projets. Cependant, ce projet pédagogique doit être en mesure de se muer en une ingénierie dont reviendrait le rôle de s’occuper aussi bien du contenu des apprentissages,  du support pédagogie et de l’évaluation, que de l’environnement juridique, économique et financier des formations en tant que projet éducatif. Ces éléments sont nécessaires pour concevoir et mettre en place la conduite de projets. Toute une série d’actions (comme par exemple l’orientation professionnelle, la remise à niveau pour les savoirs fondamentaux, la qualification technique et les apprentissages linguistiques) ont pour finalité l’insertion sociale et professionnelle de la personne : insertion par la qualification et par les savoirs, insertion par l’éducation et insertion par la langue.

Mais, en raison des difficultés que rencontre un certain public en bute à des difficultés de tout ordre, il est important d’inscrire les actions à mener dans une démarche de sécurisation des parcours, nécessitant pour cela un accompagnement global. La formation, considérée alors comme un temps de la vie, n’est efficace que si les autres aspects du quotidien de la personne sont en cohérence avec son projet global d’une part, de l’autre, si les freins qui pèsent sur son action sont levés. Dès lors, solliciter l’aide de quelques partenaires du champ social permet la résolution des problèmes qui entravent à court et à moyen terme le projet de qualification, de reconversion professionnelle ou d’insertion socio-économique des individus. Quant au travail relatif à l’émergence d’un projet professionnel, il faut insister le fait que la démarche à adopter doit être centrée sur l’individu, sur son histoire, sur ses appétences, sur ses choix et sur sa capacité de transformation. Il s’agit par là de baliser le terrain à l’émergence du projet et d’ordonner au travers quatre moments clés, les questionnements auxquels ce dernier fait appel, à savoir :

  • Quels sont mes attentes, mes représentations, mes potentialités ?
  • Dans ce que me propose l’environnement, quelles sont les décisions que je vais devoir prendre ?
  • Parmi les possibles qui s’ouvrent à moi, lequel me convient-il le mieux, lequel est le plus accessible ?
  • Quel plan d’action dois-je mettre en œuvre pour réaliser mon projet ?

A ces questionnements, nous proposons comme réponse possible à la conduite des projets la démarche éducative suivante : Activation du Développement Vocationnel et Personnel.

L’Activation du Développement Vocationnel et Personnel (ADVP) est une démarche éducative en orientation originaire du Québec permettant d’aider à analyser et résoudre un problème social ou humain en favorisant l’autonomie des bénéficiaires en orientation et insertion professionnelle. Elle a été développée et formalisée par Denis Pelletier, Gérard Noiseux et Charles Bujold.[73]  Ce modèle peut être rattaché à trois bases conceptuelles : la psychologie développementale, la psychologie existentielle et l’humanisme. L’ADVP a été pratiquée avec des publics extrêmement variés, que ce soit au niveau de l’âge, au niveau d’étude ou de la situation sociale. Elle accorde de l’importance à la personne dans son sens global. L’individu devient central dans cette démarche. La réinsertion ou l’orientation ne passent pas sans un travail approfondi prenant en compte tous les paramètres personnels et périphériques de l’individu. La “Liberté” de l’individu et la “responsabilisation de ses choix professionnel” sont donc les maîtres mots de cette démarche. Nous proposons dans ce qui suit quelques repères pour expliciter le référentiel théorique et la démarche pratique de l’ADVP.

2-  Le référentiel théorique :

  • La psychologie développementale :

Dans le but de mettre en place une théorie opératoire du développement vocationnel, E. Ginzberg et ses collaborateurs observaient et décrivaient un processus d’orientation mettant en lumière trois étapes. Une étape de l’enfance où les choix sont fantaisistes au gré des influences, une étape de l’adolescence où le jeune commence à prendre en considération ses propres intérêts. Ses choix sont en fonction de son propre désir et non pas sous l’influence de ses proches mais sans pour autant tenir en compte des réalités et enfin une troisième étape qui culmine avec le moment où le jeune prend conscience des facteurs de réalité dans la réalisation de ses aspirations.

Des chercheurs québécois rapprochent les travaux de Ginzberg avec ceux de

  1. Super (La psychologie des intérêts, PUF, 1964) qui faisait connaître sa conception du développement vocationnel. Chaque période importante de la vie personnelle ou professionnelle d’un individu implique chaque fois le déroulement d’une séquence qui comprend quatre tâches : l’exploration, la cristallisation, la spécification et la réalisation. Il est question ici de s’interroger sur les habiletés, les opérations et les attitudes auxquelles ce processus fait appel.[74] Les fondateurs de l’ADVP recourent pour répondre à ces questions au modèle de l’intellect de Guilford et à sa théorie de l’intelligence. « En 1971, Guilford et son collaborateur Hoepfner analysent précisément les habiletés impliquées dans le raisonnement et la résolution de problèmes. Ce sont ces habiletés qu’il conviendra de développer ou de faire acquérir si l’on veut réellement parler de processus éducatif. »[75]

Dans cette psychologie comportementale, il y a également une considération accordée au principe expérientiel. En effet, l’approche éducative prônée par l’ADVP donne une place importante à l’expérience. En se référant aux travaux de G. Piaget pour qui l’individu se construit par l’action en relation avec son environnement, D. Pelletier « définit le développement comme une démarche dans laquelle l’individu explicite son expérience dans le but de se connaître, de comprendre, d’intégrer et de réaliser ses désirs, ses aspirations, ses valeurs de telle sorte que sa vie ait du sens et qu’elle exprime sa véritable identité. »[76] Le développement n’a qu’une  seule finalité : permettre au sujet d’être ce qu’il est. Et il n’y a pas de développement sans expérience. C’est la raison pour laquelle dans tout travail d’orientation il faut proposer des situations à vivre. Car ces situations favorisent l’implication personnelle.

La théorie du développement humain approfondit la connaissance de l’être humain et en se basant sur l’analyse dynamique des processus psychiques mobilisés par la confrontation du sujet à la réalité du travail, elle fournit une approche positive et dynamique aux professionnels de l’accompagnement plutôt qu’une approche de contrôle du comportement humain. Dans cette perspective, le modèle de l’homme est celui de la théorie du sujet : sujet d’une histoire singulière, porteur d’espoirs, de désirs et tout ce que les hommes et les femmes s’ingénient à inventer pour trouver les meilleurs compromis entre ce qu’ils doivent faire, ce qui leur est possible de faire, et ce qu’ils souhaiteraient faire.

  • La psychologie existentielle :

Le projet professionnel ou vocationnel ne peu être introduit de l’extérieur et sans l’intervention du sujet lui-même dans la mesure où ce projet est l’élaboration et la concrétisation d’un besoin personnel. Il s’agit bien de concevoir une approche éducative qui place l’individu au centre du processus d’orientation. Avec l’ADVP,

« l’orientation est présentée comme étant une démarche de recherche qu’entreprend l’individu dans le but d’approfondir ses motivations personnelles, les influences et les impacts de sa culture pour en arriver à la formation d’un projet d’ordre professionnel ou existentiel. Il s’agit donc d’engager l’individu dans son devenir personnel de telle sorte qu’il intègre ses expériences, ses buts, ses motivations et arrive à une définition de lui-même qui le conduit à un choix, le plus adéquat possible, en regard de lui-même et du contexte social dans lequel s’exercera ce choix. »[77]

Toute la problématique est de savoir comment dans une situation d’accompagnement pour l’élaboration d’un projet, se mettre en retrait et faire l’impasse sur son propre avis et d’admettre que seul lui-même peut déterminer ce qui est bon pour lui ? Tout cela s’inspire de la psychologie existentielle, notamment la théorie de la personnalité de Carl Rogers. Ce Psychologue américain a étendu à la pédagogie ses conceptions issues de ses expériences et ses travaux de psychothérapie et de rééducation. Il définit la relation d’aide comme « une relation dans laquelle l’un au moins des deux protagonistes cherche à favoriser chez l’autre la croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une plus grande capacité à affronter la vie ».[78] Pour Carl Rogers, les attitudes et la qualité de la relation sont fondamentales dans les processus de changement. Il a développé trois concepts essentiels mais qui sont liés : l’empathie, la considération positive inconditionnelle et la congruence. L’empathie : c’est écouter avec compréhension. Autrement dit, la relation d’aide est fondée sur cette écoute dans le sens où elle permet de percevoir l’idée et l’attitude exprimées du point de vue de l’autre personne. Elle permet d’assimiler son cadre de référence à l’égard de la chose dont il parle comme si on était l’autre personne. Cela demande de se mettre à sa place pour le comprendre sans pour autant s’identifier à lui. Il est essentiel de rester soi-même. Le conseiller d’orientation cherche à saisir le caractère personnel de la communication, à comprendre correctement le problème, tel qu’il est vécu par l’autre et tel qu’il se le représente avec les sentiments qu’il éprouve.

La considération positive inconditionnelle est une attitude qui accorde  une valeur positive à toutes les manifestations de la personnalité de la personne accompagnée. Cette attitude se manifeste par l’attention que l’on porte à lui et l’intérêt qu’on accorde à ce qu’elle exprime. Cette attitude doit s’abstenir de porter un jugement ou la volonté d’évaluer cette personne. L’empathie reste la manifestation concrète de cette mise en valeur de la personne. La congruence, quant à elle, fait référence à l’authenticité du conseiller ou du formateur dans la concordance entre les paroles et les sentiments, la cohérence entre les propos et les actes entre le ressenti et le comportement manifeste. Etre congruent, c’est être soi-même.

Cette approche reconnaît en profondeur la valeur de la personne humaine : l’être humain est digne de confiance. Le mot « personne » est employé avec respect. Elle se fonde sur la positivité de la nature humaine et sur la confiance en la sagesse intérieure de chacun. Le climat relationnel, avec comme support la parole, cr éé entre l’aidant et l’aidé est un outil nécessaire. Il suffit de fournir les ingrédients : le terreau, eau et soleil pour la plante, sécurité et liberté relationnelle pour un être humain, pour que la vie émerge, se développe et s’épanouisse pleinement. La méthode d’accompagnement de la relation d’aide se base sur la non-directivité, laquelle respecte entièrement la liberté de l’individu. En effet, apprendre à quelqu’un qui en fait la demande et la démarche est différent d’apprendre à un quelqu’un qui est obligé de le faire. Par conséquent, les méthodes vont différer en fonction des deux attitudes.

  • La pensée humaniste et la philosophie existentielle :

L’ADVP assume ses présupposés philosophiques en affichant ses valeurs humanistes. Ceux-ci s’articulent autour du courant existentialiste pour lequel la situation de l’homme ne relève pas de son choix au départ mais qu’il peut néanmoins la dépasser grâce à la liberté dont il dispose bien malgré les déterminismes qui pèsent sur lui. L’existentialisme est un humanisme car elle s’intéresse principalement à l’homme et à sa raison d’être dans le monde. Son existence est prise dans sa réalité concrète, au niveau de son individualité, dans le souci de lui-même, dans l’orientation de sa destinée et selon les exigences de son affect (sentiments et émotions). L’existentialisme n’enseigne ni la fuite ni le repli sur soi. Il encourage l’agir et l’ouverture. L’être humain est un être doué de liberté. Mais pour la vivre le plus pleinement possible, il doit s’engager dans son milieu en réalisant des projets à l’intérieur d’une communauté humaine. Selon Jean-Pierre Cartier, « l’Homme, par les choix qu’il fait, s’engage, c’est-à-dire décroche du réel pour aller vers le possible, et ainsi peut se dégager de sa condition initiale [….] Etre en situation, c’est aussi se choisir en situation. »[79] C’est le sens que l’homme donne à sa situation qui est source de liberté.

En somme, l’ADVP a une conception du monde des activités humaines comme étant un espace dynamique et interactif dans lequel l’individu a une réelle marge d’action. Etre une personne autonome consiste à reconnaître ses dépendances et en prendre conscience à fin de pouvoir leur donner un sens avant d’être en mesure de les dépasser, ou du moins les limiter.

3-  La démarche pratique [80]

La démarche de l’ADVP s’adresse à des personnes qui s’interrogent sur leur choix professionnel. Le projet tel que le conçoit l’ADVP est constitué de quatre étapes bien identifiées : l’exploration, la cristallisation, la spécification et la réalisation.

  • L’exploration, où il s’agit de découvrir : cette étape consiste à identifier les centres d’intérêts et les valeurs des personnes accompagnées. Elle sert à comprendre l’importance et le rôle déterminant des représentations dans les décisions et le parcours d’un Ainsi, identifier le rôle et la place du travail dans le développement de son identité et dans son équilibre psychique, analyser ses expériences et les traduire en termes de compétences, développer des habiletés à explorer son environnement… Tout cela aboutit à l’établissement d’une synthèse, sorte de photographie de la personne. Choisir, c’est d’abord inventorier et envisager tout ce qui est possible. C’est un temps d’investigation qui appelle l’ouverture la plus large possible et la curiosité. L’individu s’engage dans une exploration de lui-même, de son environnement afin d’élargir son horizon professionnel, d’échapper à des influences qui restreignent parfois son champ de recherche et le contraignent à des choix de métiers traditionnels, propres à son milieu d’origine. L’individu en phase d’exploration n’a pas à prendre de décision finale. Il doit être en mesure de voir tous les aspects possibles d’une situation et tous les éléments d’un problème.

La cristallisation, où il s’agit de comprendre : dans cette phase, il est question de dégager des pistes possibles d’orientation à partir des éléments explorés avec la personne suivie. Ensuite, il faut se centrer sur ses intérêts professionnels, en lien avec le travail précédent, en proposant une liste assez conséquente des métiers différents qui sont susceptibles de rencontrer ses intérêts. Exemple : pour quelqu’un qui est passionné par les voitures, il existe une multitude de métiers possibles, tels que mécanicien, vendeur, concepteur, concessionnaire, etc. Sur la base de cette liste, on demande à la personne de sélectionner quatre ou cinq métiers qui l’intéressent a priori et dont elle voudrait en savoir plus. Cette étape permet donc de clarifier la phase exploratoire afin de mettre de l’ordre dans les informations recueillies, organiser ses perceptions. Un travail de conceptualisation commence alors pour discerner les caractéristiques communes à certains métiers et pour repérer si elles correspondent à ses intérêts, à ses valeurs et à ses aptitudes

  • La spécification, où il s’agit de hiérarchiser et de choisir : il s’agit de savoir où et comment rechercher des informations permettant de valider un projet ? C’est l’étape où il va falloir faire un choix parmi toutes les possibilités dégagées lors des deux phases précédentes. Faire un choix qui tienne compte des désirs de la personne et des possibilités de réalisation. Trois facteurs essentiels interviennent pour faire ce choix : la désirabilité (repérer les envies, les ..), la faisabilité (prendre consciences des contraintes internes et externes) et l’intégration (travail de synthèse et de compromis). La spécification peut être considérée comme le point d’intersection des valeurs de l’individu avec les possibilités du milieu, c’est-à-dire un point lui permettant d’expliciter les diverses possibilités et de les confronter avec la réalité du terrain à fin d’être en mesure d’identifier ce qu’il désire le plus.
  • La réalisation, où il faut agir : comment établir un plan d’action pour atteindre les objectifs? Ici, il s’agit de passer des intentions à l’action. Le sujet décide, s’engage, se lance, fait des démarches, suit des procédures, planifie des actions, conçoit éventuellement des stratégies de Le sujet doit veiller à protéger sa décision qui sera éprouvée par des oppositions, des obstacles, des contrariétés. La phase de réalisation s’articule autour de 4 thèmes : l’opérationnalisation de la décision, la planification, la prévision des obstacles possibles et enfin, la stratégie. L’ADVP part des premières questions que la personne se pose sur elle-même pour aller jusqu’au plan d’action de son choix personnel et professionnel.

Pour favoriser le développement de chacune des étapes du projet, l’ADVP propose des actions d’orientation constituées de mises en situation collectives basées sur l’expérience et adaptées à chacune des étapes. La personne y travaille sur le soi (sa personnalité, son histoire personnelle, etc.), sur le monde des activités humaines (liens entre personne et travail, formations, organisation des entreprises, métiers, etc.), et sur l’entourage (famille, pairs,… etc.). Soulignons enfin, qu’au-delà des choix professionnels à court terme, cette méthode reste valable pour aider les personnes à se situer dans le monde social et in fine à donner plus de sens à leur vie.

Conclusion 

Nous avons essayé, autant que faire se peut, d’articuler le sujet, le projet et le trajet à l’aune d’une situation éducative de formation et d’apprentissage, où ce triptyque est « jeté » comme l’ancre dans une existence : marquer un point d’arrêt réflexif sur soi, c’est par cela-même qu’un sujet-acteur arrive à modaliser son expérience vécue en se donnant la possibilité de « mieux esquisser, voire de comprendre ou mieux se réapproprier son propre trajet personnel qui est un trajet sans cesse orienté ».[81] Le sujet est projet. C’est ce qui donne sens à son aspiration à la liberté. Le sujet est trajet. Trajet dans le double sens de parcours personnel et de méthodologie à mettre en place pour la conduite d’un projet. La recherche-action existentielle à laquelle nous nous sommes référée, qui en mettant l’accent sur une approche endogène, donne la possibilité de prendre conscience de l’importance pour un acteur de s’assumer comme il est, d’assumer ses projets inaboutis, d’être un sujet impliqué dans sa propre histoire où la connaissance de soi est l’expression d’une singularité assumée. C’est cette « conscientisation » qui éclaire d’un nouveau jour le parcours de ce sujet-acteur en lui donnant sens : signification et direction. L’appréhension de l’homme est ici non seulement « comme personne vivant mais aussi éprouvant et s’épanouissant dans la continuité de son expérience vécue se constituant en histoire. ».[82] Aussi bien, le triptyque sujet-projet-trajet agit sous une condition de possibilité politique. C’est son fonctionnement dans un dispositif de politique publique institutionnalisée qu’il devrait prendre place et sens. Le référentiel théorique et la démarche pédagogique auxquels nous nous sommes référées font une place de choix à la question du sujet qui tout en étant le produit d’un parcours, est porteur d’un projet personnel. C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient pour tout projet pédagogique de mettre en place une démarche d’accompagnement éducatif approprié.

Bibliographie 

  • Bruno Bettelheim, La forteresse vide, traduit de l’anglais par Roland Humery, Gallimard, 1969
  • J.-P. Boutinet, Grammaires des conduites à projet, Presses Universitaires de France, 2010,
  • Pelletier, Noiseux et Bujold : Développement vocationnel et croissance personnelle, éd. Mc Graw-Hill, Montréal, 1974. Egalement : Pelletier, Bujold et collaborateurs, Pour une approche éducative en orientation, éd. Gaëtan et Morin, 1983.
  • Delory-Momberger, « Le récit de vie ou la «fabrique » du sujet », J.-Y Robin, B. de Maumigny- Garbin et M. Soëtard (sous la dir.), Le récit biographique. Fondements anthropologiques et débats épistémologiques, Paris-Budapest-Torino, L’Harmattan, 2004, p. 69 et 75.
  • Delory-Momberger, Les histoires de vie. De l’invention de soi au projet de formation, Paris, éd. Economica, 2004 (2ème édition),
  • Mias, « L’autobiographie raisonnée, outils des analyses de pratiques en formation », OSP (l’Orientation Scolaire et Professionnelle), éd. INETOP, 34(1), 2005
  • Christian Verrier, Autodidaxie et L’infini des possibles, Anthropos, 1999.
  • Anzieu et J.-Y. Martin, La dynamique des groupes restreints, Presses Universitaires de France, 1986 (1ère éd. 1968),
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  • Darrault-Harris & -P. Klein, Pour une psychiatrie de l’ellipse : Les aventures du sujet en création, Presses Universitaires de Limoges, 2007 (PUF 1993).
  • Enriquez, L’organisation en analyse, Presses Universitaires de France, 1992.
  • Plaisance et G. Vergnaud, Les sciences de l’éducation, Paris, éd. La découverte, 1993.
  • Pineau (éd.), Accompagnements et histoire de vie, Paris- Montréal, L’Harmattan, 1998.
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  • Desroche, Théorie et pratique de l’autobiographie raisonnée, Document UCI (Université Coopérative Internationale), vol. 1, Québec, Université d’Ottawa, 1984.
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  • -Cl. Coquet, Le discours et son sujet, I, Paris, Klincksieck, 1984.
  • -D. Nasio, Les yeux de Laure. Le concept d’objet a dans la théorie de J. Lacan , Paris, Aubier, 1987
  • J.- Boutinet Anthropologie du projet, Paris, Presses Universitaires de France, 2015 (1990).
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  • Fabre, « Faire de sa vie une œuvre », OSP (l’Orientation Scolaire et Professionnelle), éd. INETOP, 33(4), 2005
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  • Farzad & S. Paivandi, Reconnaissance et Validation des acquis en formation, Paris, Anthropos, 2000,
  • Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 49. Cité par J.-
  • Sumputh, Vivre la construction identitaire en formation. Savoir exister, se situer, devenir, Lyon, Chronique sociale, 2015
  • -Cl. Mouillet & Cl. Colin, Collection Chemin faisant 2, éd. EAP, Paris, 2002
  • Jamet, Le nœud de l’inconscient. Nouer la clinique, Erès, 2006, p. 95.
  • Ricœur, « Avant propos », Temps et récit. L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983, t. 1,
  • Barbier, La recherche action, Paris, éd. Economica, collection Anthropos, 1996
  • Žižek, Moins que rien. Hegel et l’ombre du matérialisme dialectique, Fayard, 2015,
  • Compas, « Représentations de soi et réussite scolaire », Les représentations de soi, Roger Perron (sous la direction de.), éd. Privat, 1991

[1] – Pour une vue d’ensemble concernant cette discipline, nous renvoyons au livre synthétique de E. Plaisance et G. Vergnaud, Les sciences de l’éducation, Paris, éd. La découverte, 1993.

[2]– Sur la problématique de la formation, nous renvoyons à M. Fabre, Penser la formation, Paris, éd. Fabert, 2015.

[3] – Pour élucider le concept/paradigme de projet et les différentes acceptions qu’il recouvre, nous

renvoyons à J.-P. Boutinet Anthropologie du projet, Paris, Presses Universitaires de France, 2015 (1990).

[4] – I. Darrault-Harris & J.-P. Klein, Pour une psychiatrie de l’ellipse : Les aventures du sujet en création, Presses Universitaires de Limoges, 2007 (PUF 1993).

[5]– J.-P. Boutinet parle d’une sémiotique des acteurs impliqués où il développe, en s’inspirant du modèle actantiel d’A.-J. Greimas, une approche sémiotique des projets. Une grammaire de l’action est alors analysée sur le modèle d’une grammaire du raconté. Cf. J.-P. Boutinet, Grammaires des conduites à projet, Presses Universitaires de France, 2010, notamment le chapitre VII : Pour une sémiotique des acteurs impliqués, pp. 153-171.

[6] – J.-Cl. Coquet, Le discours et son sujet, I, Paris, Klincksieck, 1984, quatrième de la couverture.

[7] – J.-P. Boutinet, Grammaires…, op. cit., p. 154.

[8]Ibid., p. 154.

[9] – . Ibid., p. 158.

[10]Ibid., p. 161.

[11]Ibid., p. 154.

[12]Ibid., p. 231-232 et 252.

[13]Ibid., p. 251.

[14]Ibid., p. 75

[15]Ibid., p. 80.

[16]Ibid., p. 255.

[17]– E. Delassus, Le sujet, éd. Bréal, 2015, p. 9 et 25

[18]Ibid., p. 13.

[19]Ibid., p. 20.

[20]Ibid., p. 20.

[21]Ibid., p. 21.

[22]Ibid., p. 19.

[23] Ibid., p. 47.

[24] – A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, Presses Universitaire de France, 1999.

[25] – J.-P. Boutinet, Anthropologie du projet, op. cit., p. 44.

[26]Ibid., p. 44.

[27] – M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 49. Cité par J.-

  1. Boutinet, Anthropologie…, op. cit., p. 44

[28] – E. Delassus, Le sujet, op. cit., p. 121.

[29]Ibid., p. 122.

[30] – . P. Ricœur, « Avant propos », Temps et récit. L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983, t. 1, p. 12.

[31] – Sur ce point, nous renvoyons à R. Barbier, La recherche action, Paris, éd. Economica, collection Anthropos, 1996, notamment le chapitre III : La recherche-action existentielle, intégrale, personnelle et communautaire, pp. 43-57.

[32] – D. Anzieu et J.-Y. Martin, La dynamique des groupes restreints, Presses Universitaires de France, 1986 (1ère éd. 1968), p. 29. Sur l’historique du mot et du concept ainsi qu’une typologie des différentes catégories de groupes, ibid., p. 17-19 et 29-45.

[33] – E. Enriquez, L’organisation en analyse, Presses Universitaires de France, 1992, p. 101.

[34]Ibid., p. 22-23

[35]Ibid., p. 102.

[36]Ibid., p. 102.

[37] – Ch. Delory-Momberger, Les histoires de vie. De l’invention de soi au projet de formation, Paris, éd. Economica, 2004 (2ème édition), notamment le chapitre IV : Les histoires de vie en formation: l’expérience du sujet, pp. 241-271.

[38] – Ch. Delory-Momberger, Les histoires de vie…, op., cit., p. 1-11.

[39] – Ch. Delory-Momberger, « Le récit de vie ou la «fabrique » du sujet », J.-Y Robin, B. de Maumigny- Garbin et M. Soëtard (sous la dir.), Le récit biographique. Fondements anthropologiques et débats épistémologiques, Paris-Budapest-Torino, L’Harmattan, 2004, p. 69 et 75.

[40] – Sur ce point nous renvoyons à G. Pineau (éd.), Accompagnements et histoire de vie, Paris- Montréal, L’Harmattan, 1998.

[41] – Bruno Bettelheim, La forteresse vide, traduit de l’anglais par Roland Humery, Gallimard, 1969, p. 19.

[42]Ibid., p. 19.

[43]– J.-D. Nasio, Les yeux de Laure. Le concept d’objet a dans la théorie de J. Lacan , Paris, Aubier, 1987, p. 29.

[44] – S. Žižek, Moins que rien. Hegel et l’ombre du matérialisme dialectique, Fayard, 2015, p. 526.

[45] – P. Jamet, Le nœud de l’inconscient. Nouer la clinique, Erès, 2006, p. 95.

[46]Ibid., p. 90. Cependant, ce renvoi à Lacan doit être amendé par la citation de la note n° 3 (voir supra).

[47] – M. Fabre, « Faire de sa vie une œuvre », OSP (l’Orientation Scolaire et Professionnelle), éd. INETOP, 33(4), 2005 (travail biographique, construction de soi et formation-1).

[48] – J.-P. Boutinet, Anthropologie, op. cit., p. 35. Le terme de souci a été chargé d’un pathétique excessif. Selon M. Heidegger, exister, c’est y penser. « Y penser », telle est « la structure du Dasein à laquelle Heidegger donne le sens de souci pour en faire un existentiel de premier rang ». Car « ce qui est premier pour le Dasein, ce n’est pas le cogito, c’est qu’il-y-pense. Il pense à la mort certes, mais il pense aussi à faire sa déclaration d’impôts, à arroser les plantes, à se marier ou à ranger se chambre. » Cf. Le Dictionnaire Martin Heidegger, sous la dir. De Ph. Arjakovsky, F. Fédier et H. France-Lanord, éd. Du Cerf, 2013, p. 1241-1242.

[49] – H. Desroche, Théorie et pratique de l’autobiographie raisonnée, Document UCI (Université Coopérative Internationale), vol. 1, Québec, Université d’Ottawa, 1984.

[50] – Ch. Mias, « L’autobiographie raisonnée, outils des analyses de pratiques en formation », OSP (l’Orientation Scolaire et Professionnelle), éd. INETOP, 34(1), 2005 (travail biographique, construction de soi et formation-2).

[51] – . F. Giust-Desprairies, L’imaginaire collectif, éd. Érès, 2003, p. 45.

[52] –  D. Jodelet & alii, Les représentations sociales, Presses Universitaires de France, 1989, p. 61.

[53]– F. Giust-Desprairies, L’imaginaire, op. cit., p. 15.

[54]Ibid., p. 15.

[55]Ibid., p. 15.

[56]Ibid., p. 15-16.

[57] – R. Barbier, La recherche action, op. cit., , p. 72.

[58]Ibid., p. 71.

[59] – Cité par R. Barbier, La recherche action, op. cit., p. 18.

[60] – J. Biarnès, Universalité, diversité, sujet dans l’espace pédagogique, Paris-Montréal, L’Harmattan, 1999, p. 277.

[61] – L’autoformation prend plusieurs formes. C’est une « galaxie ». Et au cœur de celle-ci il y a soi- même. Voici les différentes formes de l’autoformation : l’autodidaxie (l’appropriation hors système éducatifs du savoir et du savoir faire. La personne assume par elle-même l’ensemble des fonctions d’enseignement habituellement dévolues à un tiers.), l’autoformation existentielle (un processus de

« formation de soi par soi » qui se situe sur le registre de « l’apprendre à être » et du savoir

devenir.), l’autoformation sociale (apprendre dans et par le groupe social. Elle renvoie aux formes d’apprentissage que les sujets réalisent par eux-mêmes à l’extérieur des systèmes éducatifs mais en participant à des groupes sociaux.), l’autoformation éducative (apprendre dans des dispositifs ouverts. Elle prend en compte les diverses pratiques pédagogiques facilitatrices des démarches autonomes d’apprentissage) et enfin l’autoformation cognitive : c’est une psychologie de l’apprentissage individuel. C’est un champ de recherche s’intéressant aux processus internes aux sujets lors d’un apprentissage autonome. Sur ces questions, nous revoyons à Christian Verrier, Autodidaxie et autodidactes. L’infini des possibles, Anthropos, 1999.

[62]Ibid., p. 20.

[63] –  Ibid., p. 24.

[64]Ibid., p. 219

[65] – M. Sumputh, Vivre la construction identitaire en formation. Savoir exister, se situer, devenir, Lyon, Chronique sociale, 2015, p. 78-91.

[66] – Sur le rôle de l’autobiographie raisonnée dans la reconnaissance et la validation des acquis, nous renvoyons à M. Farzad & S. Paivandi, Reconnaissance et Validation des acquis en formation, Paris, Anthropos, 2000, p. 155-159.

[67]– D’autres enjeux sont à prendre en considération, ainsi par exemple la question de la reconnaissance et la validation des acquis comme une des modalités d’accès à l’enseignement supérieur. Cf. M. Farzad, « Université :

[68]– M. Farzad & S. Paivandi, « Introduction », Reconnaissance…, op. cit., p. VI.

[69]Ibid., p. VII.

[70] – Y. Compas, « Représentations de soi et réussite scolaire », Les représentations de soi, Roger Perron (sous la direction de.), éd. Privat, 1991, p. 94.

[71] – Nous renvoyons ici à certains de ses travaux : D. Schön (ed.), The reflexive turn. Case Studies In

and On Educational Practice, New-Work, Teachers College (Columbia), 1991; id., Educating the reflexive Practitioner, San Francisco, Jossey-Bass, 1987; id., The reflexive practitioner: How professionals think in action, New-Work, Basic Books, 1983.

[72] – Sur ce point G. Pineau : Les réflexions sur les pratiques au cœur du tournant réflexif. Communication à la Faculdad de Ciencias humanas y Eduacion Universidad Diego Portalis, Chili, janvier, 2007.

[73]– Cf. Pelletier, Noiseux et Bujold : Développement vocationnel et croissance personnelle, éd. Mc Graw-Hill, Montréal, 1974. Egalement : Pelletier, Bujold et collaborateurs, Pour une approche éducative en orientation, éd. Gaëtan et Morin, 1983.

[74]– M.-Cl. Mouillet & Cl. Colin, Collection Chemin faisant 2, éd. EAP, Paris, 2002, p. 68. Le premier tome de cette collection est édité en 1997.

[75]Ibid., p. 69.

[76]Ibid., p. 69.

[77]Ibid., p. 71.

[78]Ibid., p. 31.

[79]Ibid., p. 28.

[80] – Pour plus de détails concernant toute la démarche, qui inclut un livret pédagogique comportant des exercices et des mises en situation pratiques, aux deux volumes de la collection Chemin faisant (1997 et 2002). Nous renvoyons également au troisième volume de cette collection. Cf. M.-C. Mouillet et D. Barberet, Le projet sans la plume, éd. Qui plus Est, Paris, 2005.

[81] – J.-P. Boutinet , Anthropologie…, op. cit., p. 388.

[82]– L. Binswanger, Introduction à l’analyse existentielle, Minuit, 1971, p. 39.

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