L’innovation collaborative au service du design territorial : Cas de l’entreprise MIG
Collaborative innovation at the service of territorial design: Case of the MIG company
Prepared by the researcher : Semia YOUSSFI, Doctorante à l’institut supérieur des arts et métiers de Sfax et Enseignante chercheuse à l’institut supérieur des arts et métiers de Kairouan-Tunisie
Democratic Arab Center
Journal of Urban and Territorial Planning : Sixteenth Issue – June 2023
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin
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Résumé
Dans le cadre du design territorial, l’innovation collaborative est considérée comme une stratégie de co-création qui assure l’innovation et le développement social, culturel, artistique, économique et environnemental d’un territoire. Actuellement, diverses sociétés industrielles suivent cette démarche collaborative dans le but de proposer des idées créatives et des solutions innovantes.
En effet, en s’appuyant sur la collaboration entre les salariés (innovation collaborative interne ou participative) ou sur le partenariat avec des acteurs externes (innovation collaborative externe), la société de MIG crée des projets territoriaux qui consistent à rénover des espaces publics, à présenter des plans et des programmes de planification urbaine et à créer des produits et des services répondant aux exigences des habitants. Ces projets visent à inciter les gens à interagir avec leur environnement, à communiquer entre eux, à raconter leurs histoires ou leurs expériences vécues et à découvrir les spécificités historiques, sociales et spatiales d’un territoire. Pour atteindre ces objectifs, les projets de MIG sont axés non seulement sur l’innovation collaborative mais aussi sur l’implication des citoyens dans ces projets.
Abstract
In the context of territorial design, collaborative innovation is considered as a co-creation strategy that ensures innovation and the social, cultural, artistic, economic and environmental development of a territory. Currently, various industrial companies follow this collaborative approach with the aim of proposing creative ideas and innovative solutions.
Indeed, relying on collaboration between employees (internal or participatory collaborative innovation) or on partnership with external actors (external collaborative innovation), the MIG company presents territorial projects which consist of renovating public spaces, to present plans and programs of urban planning and to create products and services answering the requirements of the inhabitants. These projects aim to encourage people to interact with their environment, to communicate with each other, to tell their stories or their lived experiences and to discover the historical, social and spatial specificities of a territory. To achieve these objectives, MIG projects focus not only on collaborative innovation but also on the involvement of citizens in these projects.
Introduction
Le design territorial répond aux besoins de la collectivité territoriale et à leurs préoccupations environnementales, urbanistiques et socioéconomiques, il présente des enjeux liés principalement à la quête identitaire, à la compétitivité locale, au dynamisme et au développement territorial. Il propose des solutions innovantes, des services plus évolués, des programmes et des plans de développement durable.
Le design territorial interpelle des pratiques et des problématiques dans divers domaines, et également des professionnels et des acteurs différents dans le but de changer et d’améliorer les conditions de vie humaine. En effet, les domaines concernés par le design territorial sont nombreux: l’urbanisme, l’aménagement urbain, l’esthétique, la géographie, l’écologie, la sociologie, l’architecture, etc. À travers l’interaction et la communication entre ces différents domaines, les décideurs et les acteurs territoriaux peuvent créer des pratiques, des politiques et des stratégies urbaines permettant de revitaliser les quartiers et les villes.
De ce fait, la collaboration entre les acteurs concernés est importante pour la rénovation et l’évolution territoriale et pour répondre à la mutation actuelle des espaces publics. L’innovation collaborative assure cette interaction entre les domaines et cette collaboration entre les acteurs. Elle permet de créer une articulation entre diverses approches et questions transversales comme l’environnement, la recherche et l’innovation.
L’innovation collaborative dans le cadre du design territorial permet de créer un processus de transformation à la fois physique, social, culturel et économique. À travers l’innovation collaborative, les sociétés du design construisent des équipes pluridisciplinaires et des groupes de recherche dans le but d’innover le territoire sur le plan local et régional. Ils impliquent aussi le citoyen dans leurs projets visant à créer une forme d’innovation collaborative territoriale.
Cet article met l’accent sur l’innovation collaborative en tant que mode de participation et de collaboration dans le design territorial. Donc, comment la société MIG assure-t-elle le développement territorial à travers l’innovation collaborative? À la lumière des projets présentés par cette société, comment peut-on définir l’innovation collaborative territoriale?
1. L’innovation collaborative comme stratégie de développement territorial
Actuellement, l’innovation collaborative, l’innovation participative et l’innovation sociale sont des moyens utilisés par les designers pour atteindre le progrès et le développement social, économique, environnemental et esthétique. À l’échelle urbaine, l’innovation collaborative est associée, dans le cadre du design territorial, au développement local et au changement territorial.
1.1. Qu’est ce que l’innovation collaborative?
L’innovation collaborative est un acte de relier divers acteurs autour d’un projet de développement et d’innovation. Elle consiste à regrouper les différents acteurs ou services existant dans la même société visant à construire une entité ou une unité de collaboration et d’innovation (innovation collaborative interne) ou à faire appel à des partenaires et à des spécialistes extérieurs pour enrichir en collaboration les idées et pour faciliter l’exécution d’un projet (innovation collaborative externe).
Il existe plusieurs termes similaires qui montrent cette interaction entre les acteurs, citons comme exemple l’innovation ouverte, le partenariat, la coopération, la co-innovation, la co-conception et le codéveloppement.
L’innovation désigne la nouveauté d’un produit, d’un service, d’une méthode ou d’une stratégie organisationnelle, et la création des nouvelles valeurs stratégiques, économiques ou financières. Elle représente des solutions innovantes et des idées créatives. Dans ce contexte, l’innovation est définie dans le manuel d’Oslo par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) comme suit « une innovation est la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures.»[1]
Selon le manuel d’Oslo, l’innovation se caractérise par quatre types: l’innovation du produit, l’innovation de procédé, l’innovation organisationnelle et l’innovation marketing. En effet, l’innovation du produit signifie l’amélioration de ses caractéristiques techniques et de ses spécificités fonctionnelles. L’innovation de procédé est un changement au niveau des méthodes de production et de distribution. Pour l’innovation organisationnelle, elle concerne les méthodes d’organisation du travail dans une entreprise et ses relations extérieures. L’innovation marketing désigne l’évolution des méthodes de la conception, d’emballage, de la commercialisation et de la promotion d’un produit.
L’innovation collaborative présente de nombreux avantages pour les sociétés industrielles notamment pour les PME « l’innovation collaborative n’est pas une nouveauté. Elle est aussi ancienne que la bonne vieille boîte à idées des salariés ou les tables rondes de consommateurs. Ce qui est nouveau, c’est l’effacement des frontières entre les “silos” où on a longtemps cantonné les processus d’innovation collaborative. De nouvelles frontières et de nouveaux rôles se dessinent, transformant radicalement la mission des directions de l’innovation, promues au rôle non plus d’instigateur mais de chef d’orchestre. »[2]
L’innovation collaborative interne ou l’innovation participative permet de créer, de collecter et de discuter des idées différentes, d’améliorer la motivation des salariés, de soutenir la stratégie globale adoptée par la société et de développer la participation et la coopération au sein de l’entreprise.
L’innovation collaborative externe consiste à articuler diverses compétences à travers un partenariat entre des acteurs appartenant à différents domaines. Elle a pour objectif d’ouvrir le champ de vision et de trouver des solutions et des réponses aux questions posées par les usagers sur le plan environnemental, social, esthétique, écologique et économique. Ces différents acteurs, spécialistes et compétences cherchent à travers leur collaboration à réduire les coûts et les risques lors de la réalisation d’un projet. L’innovation collaborative (interne ou externe) est considérée comme une méthode ou une stratégie de développement et d’innovation permettant d’atteindre les objectifs souhaités par une entreprise.
1.2. L’innovation collaborative et le design territorial
L’innovation collaborative et le design territorial partagent des concepts et des notions communes telles que la collaboration, la co-conception, la participation citoyenne, la multiplicité des acteurs et la diversité des domaines.
Le design territorial est une co-création des solutions innovantes avec les habitants d’un territoire. C’est une forme de coopération, de coproduction, d’intelligence collective et du développement local. Il vise à répondre aux changements sociétaux et environnementaux en renforçant l’identité nationale d’un territoire «le design territorial se voit associé à une appellation plus au moins synonyme de “design local” reposant sur la conception, la production et l’usage de produits et services à une échelle réduite.»[3]
La notion de design territorial est très similaire à la définition du design urbain, la différence entre eux réside principalement dans l’échelle ou le champ traité. En effet, le design urbain traite les éléments, les produits, les espaces et les services existant dans les places publiques et dans les quartiers. Par contre, le champ du design territorial est plus vaste, il concerne la ville, le territoire et la région. Au niveau du processus, le design territorial est axé sur la collaboration et la communication avec les acteurs concernés (les habitants, les usagers, les associations, les entrepreneurs, les spécialistes dans plusieurs domaines).
Le design territorial se focalise sur des enjeux environnementaux, sociaux et artistiques. En effet, il permet de valoriser les ressources et les biens locaux, créer des nouvelles pratiques qui favorisent un développement local durable et renouveler l’usage dans les espaces publics à travers des nouveaux services. Le design territorial consiste aussi à créer une forme de réflexion collective et de coopération entre les citoyens et les décideurs urbains (les communes, les conseils municipaux ou régionaux…). Il est considéré comme une « forme publique en émergence » [4] permettant d’interroger sur les pratiques et les politiques de création locaux et de proposer des nouvelles formes d’action publique.
Le design territorial s’entend alors comme un design local basé sur une approche participative et sociale. Il prend en considération les dimensions sociales, affectives, sensorielles et historiques d’un territoire à travers l’implication des citoyens dans le processus de conception. En reflétant l’identité, l’héritage ou le patrimoine matériel ou immatériel d’un territoire, la démarche de ce design contribue à sensibiliser le citoyen et à améliorer sa conscience et sa responsabilité sociale et environnementale.
La participation des citoyens à cette démarche exige de suivre des méthodes et des outils précis tels que les ateliers participatifs, les entretiens, les rencontres, les enquêtes, les plateformes et les réseaux d’échange et de partage les avis et les opinions des citoyens. De plus, l’implication du citoyen dans les projets de la planification urbaine et dans la prise de décision permet de présenter le processus du design territorial comme un processus social (interaction, collaboration et communication entre les individus) et organisationnel (création des nouvelles stratégies urbaines et des programmes de développement local) «le design territorial, en ouvrant un espace d’exploration, se présente comme un outil pour franchir une étape vers la reconfiguration de cadres institutionnels : le design comme agencement innovant, mais aussi comme outil pour faire advenir des innovations.»[5]
2. L’entreprise MIG: synergie entre innovation collaborative et design territorial
Dans le cadre de développer la relation entre le citoyen et son territoire, la société de MIG crée en collaboration avec les usagers des produits et des espaces reflétant l’identité, les spécificités et les caractéristiques territoriales et régionales de la ville. Elle suit une démarche axée sur l’innovation collaborative. Pour cela, nous appuyons dans notre analyse une approche hypothético-déductive visant à montrer la démarche utilisée par cette entreprise pour créer une synergie entre le design territorial et l’innovation collaborative.
2.1. Démarche et méthodes
La société MIG est fondée à San Francisco en 1982 par des chercheurs et des spécialistes en psychologie environnementale: Robin Moore, Daniel Iacofano et Susan Goltsman. MIG est une abréviation des noms de ses fondateurs: Moore, Iacofano et Goltsman. Elle regroupe plus de 200 employés, expertises et spécialistes dans divers services (la conception événementielle, l’ingénierie web, le marketing, la communication, la planification, le marketing social, les ressources humaines, l’architecture paysagère, la stratégie urbaine et du développement, la planification et la conception de la préservation, la planification environnementale, l’engagement numérique, l’analyse biologique, la conception et la planification urbaine, le contrôle et la gestion de la qualité).
MIG est une communauté de scientifiques, d’ingénieurs et de concepteurs qui travaillent en collaboration à travers une planification inclusive et participative. La résolution créative de problèmes est l’enjeu majeur de cette communauté. Pour atteindre cet objectif, la démarche de MIG est axée sur l’innovation collaborative interne (collaboration entre les spécialistes dans MIG) et externe (collaboration avec des entreprises et des acteurs extérieurs). Les projets de MIG sont centrés également sur la vision communautaire et sur une planification stratégique à travers laquelle MIG élabore un plan stratégique pour atteindre leurs objectifs et pour transformer les méthodes de travail et de collaboration des équipes visant à construire une vision commune.
En s’appuyant sur cette démarche, MIG cherche à refléter les aspirations de la collectivité, les spécificités culturelles, historiques et géographiques d’un territoire. De plus, réunir plusieurs acteurs et communautés autour d’un projet permet de créer diverses perspectives, de partager une expérience enrichissante et commune, de connecter les individus et de créer une forme de connectivité sociale. Les projets de MIG sont orientés principalement vers l’amélioration des politiques urbaines et la création des projets et des programmes de développement environnemental.
MIG s’intéresse alors aux questions environnementales et territoriales et aux problématiques actuelles liées à la santé des individus telles que la réduction des accidents routiers, la conservation de l’eau, la consommation de l’énergie, l’aménagement des espaces publics et la conception urbaine. La diversité de ces sujets incite la société MIG à relier ses différents départements dans une équipe multidisciplinaire dans le but de non seulement répondre à ces questions et à ces exigences mais aussi d’imaginer des nouveaux scénarios, de construire et de planifier l’avenir de la ville. De ce fait, cela affirme que le processus de MIG est basé sur la communication et la collaboration interne (innovation participative).
De plus, à travers divers projets urbains, MIG crée des nouvelles unités de collaboration, d’innovation et de recherche à travers sa coopération avec des entreprises et des acteurs externes (innovation collaborative). En effet, la planification des villes et l’amélioration des conditions de vie exigent la coopération avec plusieurs partenaires (la population, l’autorité locale et régionale, les services urbains appartenant au secteur public) «N’étant plus réservé à une corporation de spécialistes, le projet urbain supposait donc la participation active de tous les acteurs urbains, y compris les habitants, non pas seulement pour les informer au terme des études mais dans l’élaboration même du projet d’aménagement.»[6]
Les méthodes et les outils utilisés par MIG sont basés sur une analyse holistique axée sur les témoignages, les rencontres et les entretiens avec les individus. En effet, la société de MIG invite ses acteurs et les citoyens à des réunions où elle écoute, découvre et construit des liens entre les différents intervenants et forme par la suite une équipe pluridisciplinaire qui assure la création des solutions innovantes et collectives. Elle implique également les citoyens à travers des meetings en ligne et à travers l’utilisation des sites et des réseaux d’internet.
Après les rencontres, l’analyse et l’idéation, MIG présente des essais et des prototypes à grande échelle visant à tester et à évaluer les expériences des usagers et leurs réactions.
2.2. Projets, produits et services
Divers projets de MIG s’inscrivent dans le cadre du design territorial «un projet de design territorial implique la mise en place d’outils favorisant la participation citoyenne dans toute sa palette, de la simple consultation à la coconception.»[7]
Ces projets permettent de créer des interactions entre l’usager et son environnement et de redéfinir l’identité, l’héritage ou le patrimoine culturel, naturel et écologique d’un territoire dans le but de sensibiliser la population et d’améliorer sa conscience et sa responsabilité. Ils invitent l’usager à interagir avec son milieu et à poser des questions liées aux caractéristiques historiques, spatiales, climatiques et naturelles de son territoire. Le design territorial permet à travers les projets de MIG de stimuler l’imagination, la réflexion et l’interprétation et d’inciter les citoyens à découvrir et à préserver un patrimoine et un héritage territorial.
Le projet SR 530 Mudslide Memorial Park s’inscrit dans le cadre du design territorial, il consiste à créer un espace commémoratif dans la ville d’Oso. En effet, le 22 mars 2014, le quartier de Steelhead Haven a connu un glissement de terrain SR 530, ce qui conduit à la mort de quarante-trois personnes, à la destruction de quarante-neuf maisons et à la détérioration de plusieurs structures.
Le comité de l’Oso Slide Memorial et le département des parcs, des loisirs et du tourisme du comté de Snohomish travaillent en collaboration pour créer un mémorial permettant d’honorer les perdus et les victimes de l’événement de glissement et de remercier les survivants, les participants et les habitants des quartiers environnants pour leurs efforts fournis pendant des mois pour retrouver les disparus.
De ce fait, ce projet est basé sur une démarche collaborative, ses principes généraux ont été déterminés par les survivants, les personnels des parcs et les consultants de MIG/Portico. La société MIG accueille le groupe Portico pour élargir ses connaissances et ses compétences dans les domaines de l’architecture, de la conception des jeux, d’exposition et de la conception interprétative. Portico est un groupe spécialisé dans la conception et l’aménagement des milieux naturels (les zoos, les parcs, les jardins botaniques et les aquariums) et culturels (les musées, les paysages culturels et les centres d’accueil).
Ces différents intervenants élaborent dans une première étape un plan conceptuel, qui a été discuté et modifié par la suite avec les membres de la communauté et les familles des victimes. Puis, dans une autre étape les architectes, les ingénieurs civils et les paysagistes prennent en considération ces modifications pour présenter la conception finale de ce projet.
De plus, la participation du comité de l’Oso Slide Memorial et du département des parcs, des loisirs et du tourisme comprend également la collecte de fonds (4.3 millions) pour couvrir les frais de la conception et de la construction. Ces deux intervenants continuent jusqu’à nos jours à collecter des dons supplémentaires pour l’entretien et les travaux futurs de ce projet.
Les objectifs de ce projet sont des enjeux locaux et territoriaux liés principalement à la conservation collective du souvenir d’une manière durable. D’ailleurs, ce projet vise à créer un espace communautaire de rassemblement et de commémoration qui invite les visiteurs à découvrir l’histoire de l’événement à travers des expositions permettant d’expliquer la géologie locale et les événements de glissement. Cet espace offre à la communauté des expériences personnalisées à travers lesquelles le visiteur peut laisser des messages et créer des souvenirs individuels ou collectifs. Dans ce contexte, ce projet présente les noms et les photos des personnes perdues sur des panneaux en acier visant à partager des souvenirs avec leurs familles et à vivre des moments spéciaux.
Par ailleurs, ce projet est considéré également comme un lieu de relaxation, de paix et de guérison qui met l’accent sur la nature et les spécificités spatiales de ce terrain (la végétation, la végétation riveraine, la rivière…), il incite les visiteurs à réfléchir à la résilience de la nature et des habitants (Fig. 1).
Fig. 1: Le projet SR 530 Mudslide Memorial, Steelhead Haven, 2019 (MIG, www.migcom.com)
Le projet SR 530 Mudslide Memorial reflète la participation citoyenne dans les différentes étapes de ce projet (identification, idéation, expérience, exécution), et définit les caractéristiques régionales (naturelles, géologiques, sociales, artistiques) de ce milieu qui devient un lieu social de communication et d’interaction. Ces deux raisonnements permettent d’inscrire ce projet et cette réflexion locale dans le cadre du design territorial.
L’intervention de plusieurs acteurs (les experts, les professionnels, les spécialistes dans divers domaines, la communauté, etc.) et la collaboration entre la société MIG et le groupe Portico affirment que la démarche de ce projet est basée principalement sur l’innovation collaborative. Cette démarche montre le rôle primordial de l’innovation collaborative dans l’évolution locale, l’amélioration des territoires et le développement environnemental et social «l’innovation collaborative, que l’on peut aussi appeler design collaboratif, correspond selon nous à des activités collectives de conception basées sur des principes de coopération et de participation stimulant la créativité, la résolution de problème et la prise en compte des parties prenantes.»[8]
Malgré l’importance de ce projet sur le plan territorial, social et affectif, la question qui se pose ici : Comment ces différents intervenants dans ce projet ont-ils fait face aux aléas naturels qui menacent ce lieu ? En effet, la nature géologique du lieu et les catastrophes naturelles précédentes auxquelles il a été exposé en font un lieu dangereux pour les habitants. Cela peut impliquer la nécessité de prendre en compte ces caractéristiques spatiales et de créer des équipes pour un suivi continu dans le but d’éviter les catastrophes et les événements naturels et de préserver la santé humaine et l’environnement.
En se basant sur l’innovation collaborative, MIG développe et supervise aussi un comité composé d’un groupe d’artistes locaux, dont la mission principale est de sélectionner un ou plusieurs artistes pour créer une fresque sur un mur de huit étages. MIG travaille en collaboration avec ce comité pour réaliser le processus de la sélection, la gestion du projet, la discussion et la communication, la mise en œuvre et l’installation.
Le support choisi pour réaliser ce mural est un immeuble connu sous le nom de Framework et situé à San Diego dans le quartier d’East Village. Framework est un bâtiment réalisé par la société Carleton Management, il comprend 87 studios meublés et un espace commercial.
Dans le cadre du développement artistique et territorial, MIG propose alors l’idée de traiter les façades de ce bâtiment en utilisant l’art visant à renouveler l’image urbaine, à présenter une empreinte artistique locale et à établir des nouveaux liens sociaux et affectifs entre la communauté et son environnement. Ce projet permet également de créer une alliance entre la modernité (la conception et l’architecture du bâtiment) et la tradition (la valeur, la culture et la production artistique locale) et de refléter l’identité territoriale de ce quartier «l’identité territoriale s’exprime grâce à un répertoire de signes et de symboles dont on doit comprendre l’importance, car bien souvent les conduites des groupes et des individus, avec lesquels va s’établir un partenariat au moment de l’établissement d’un projet, sont cristallisées autour de ces réalités emblématiques de façon d’autant plus forte qu’elle est inconsciente.»[9] (Fig. 2).
Fig. 2 :Le projet artistique d’immeuble Framework, San Diego (MIG, www.migcom.com)
Parallèlement à ces avantages, ce projet présente des inconvénients. En effet, l’intervention de plusieurs acteurs et la multiplicité des avis peuvent influencer les fonctions traditionnelles et les caractéristiques définitionnelles de l’art urbain. D’ailleurs, la collaboration entre l’artiste et le citoyen peut enrichir le scénario ou le sketch présenté dans l’œuvre, mais en même temps l’art urbain peut perdre, à travers la variété des acteurs intervenants et la communication entre eux, son aspect éphémère et spontané, son authenticité et son instantanéité.
En s’appuyant sur une équipe des consultants en art public, MIG réalise ce projet et divers autres projets qui sont basés sur le développement des territoires par l’art. Il utilise comme un processus de réflexion et de création l’innovation collaborative interne (équipe en art public) et externe (la collectivité territoriale, les artistes locaux et d’autres compétences).
Ces projets permettent de réunir l’art et le design dans une création territoriale collaborative. Ils visent à créer un dialogue fécond entre des domaines différents et des acteurs multiples. Ils invitent le citoyen à raconter des histoires, à vivre des moments et des expériences participatives et à participer comme un acteur actif dans le développement et l’amélioration de son quartier.
Dans ce contexte, MIG transforme les quartiers de San Diego à travers un plan de développement basé sur l’interaction entre l’art et le design. Ces quartiers se caractérisent par la diversité socioculturelle, ils regroupent nombreuses communautés (des résidents afro-américains, hispaniques, philippins, soudanais, caucasiens, somaliens, chamorros, etc.). Pour élaborer un plan qui représente cette richesse et cette diversité socioculturelle, MIG dirige une équipe pluridisciplinaire composée de plusieurs acteurs (représentants de la communauté, commission des arts et de la culture de San Diego, les résidents locaux, les acteurs et des responsables culturels et artistiques régionaux) et collabore avec divers intervenants (National Endowment for the Arts et Jacobs Center for Neighborhood Innovation) et des compétents spécialisés dans l’art urbain, l’aménagement, la planification et le design urbain.
MIG permet de créer un processus d’engagement communautaire à travers des réunions mensuelles, des ateliers et des activités interactives où la communauté peut présenter ses avis, discuter et identifier les concepts. Le plan final dans ce projet consiste à relier des zones commerciales, des parcs, des rues et divers autres espaces publics à travers des éléments artistiques et des produits d’interprétation pédagogique. Ce document de planification permet d’attirer et d’inviter les acteurs politiques et financiers pour soutenir le développement artistique, culturel et territorial dans ces quartiers (Fig.3).
Fig. 3 : Le projet plan d’innovation des quartiers, San Diego (MIG, www.migcom.com)
Ce projet est une réponse à une exigence des groupes communautaires qui ont un besoin d’appartenir à un territoire, de créer une identité commune et de communiquer entre eux. C’est un processus de revitalisation basé sur la stratégie de « écouter-apprendre-concevoir-faire ». De plus, ce projet met l’accent sur la communication interculturelle dans un groupe hétérogène. Il soulève de nombreuses interrogations sur les méthodes de coopération et de communication au sein de ce groupe et sur les difficultés et les obstacles rencontrés lors de la discussion entre eux et lors de la prise de décision. En effet, les citoyens intervenants dans ce projet sont des groupes sociaux d’origines ethniques différentes, et provenant de multiples cultures. Leur différence culturelle et sociale peut créer des difficultés lorsqu’il s’agit de travailler sur un projet régional, sur une identité territoriale et sur une culture locale.
Pour conclure, les projets de MIG visent à marquer et à présenter l’identité territoriale et les spécificités régionales (sociales, culturelles, historiques, géologiques, écologiques, climatiques, artistiques…) des quartiers à travers la création commémorative, l’intégration de l’art dans la planification urbaine et la co-conception écologique et environnementale en impliquant les citoyens dans ce processus de conception.
3. Les apports de l’innovation collaborative au design territorial
Selon les projets de MIG, l’innovation collaborative dans le design territorial exige la collaboration entre les spécialistes de cette entreprise pour créer des solutions innovantes, et nécessite également la création des équipes pluridisciplinaires composées des compétences extérieures appartenant aux divers domaines: l’art, la science environnementale, l’écologie, la géologie, la biologie, l’économie, l’architecture, etc.
De ce fait, les projets de MIG présentent une approche pluridisciplinaire déterminée à travers cette variété des disciplines. Cette approche redéfinit le design territorial comme:
– un design environnemental
– un design sociétal
– un co-design
– un design sensoriel
– un design humanitaire
Ces projets s’intéressent aux préoccupations environnementales et au développement territorial qui est lié principalement à l’amélioration de la qualité de vie, à l’émergence des nouveaux modes de consommation et à la création des services plus améliorés. Dans ce sens, répondre à la question environnementale dans ces projets nécessite l’intervention des professionnels dans la science, la santé et l’écologie dans le but de non seulement proposer des solutions écologiques innovantes mais aussi de prendre en considération les ressources, les matériaux, les enjeux et les besoins locaux. Le designer est appelé alors dans le cadre du design territorial à améliorer les stratégies et les politiques urbaines en mettant l’accent sur les caractéristiques environnementales, géographiques, géologiques et naturelles du territoire.
Sur le plan social et dans le cadre de l’innovation collaborative, le design territorial présente une réflexion basée sur une démarche collaborative et participative qui offre aux individus une autre manière de penser, d’agir et de proposer des idées reflétant leur identité et leur culture. Cette démarche consiste à inviter les gens (des artistes et des experts locaux, des bénévoles, des associatifs et des citoyens) à améliorer le dynamisme et la cohésion sociale dans un quartier et à résoudre les problèmes régionaux à travers des pratiques et des solutions collectives.
Le design territorial à travers la société de MIG représente également des dimensions sensorielles. Il incite les usagers à découvrir et à percevoir autrement leur territoire. D’ailleurs, les messages et les signes transmis par la production artistique locale ou par la rénovation des espaces publics offrent aux individus le champ pour interpréter et pour représenter le territoire selon leurs expériences vécues et selon leurs compréhensions.
Ces différentes dimensions environnementales, sociales et sensorielles représentent le design territorial comme un champ plus ouvert, il dépasse la dimension régionale et locale vers une autre dimension humanitaire et universelle. Conformément au slogan « Penser global, agir local », le design territorial répond aux préoccupations mondiales et aux questions communes liées à l’environnement, à la santé humaine et à la communication intercommunautaire. L’innovation collaborative dans le cadre du design territorial est basée sur une démarche globale qui articule diverses approches et méthodes d’analyse.
4. Vers une innovation collaborative territoriale
Le développement d’un territoire s’est construit à travers une démarche à multiples partenaires visant à créer une politique présentant les aspects organisationnels, législatifs, techniques, socioéconomiques, scientifiques, sociaux et esthétiques. L’innovation collaborative assure ce partenariat et cette démarche coopérative «les pôles de compétitivité sont un regroupement sur un territoire identifié d’acteurs publics et privés tels que des petites, moyennes et grandes entreprises, organismes de formation et centres de recherche, travaillant sur une thématique commune. Les pouvoirs publics les soutiennent financièrement. Ces pôles visent à promouvoir l’innovation, à développer des projets collaboratifs et favoriser la croissance dans le territoire.»[10]
Bien que l’innovation collaborative garantisse l’innovation, la collaboration et la communication entre diverses disciplines, elle exige aussi l’implication du citoyen comme un acteur principal dans le développement urbain et l’évolution territoriale. Cela nous invite à réfléchir à un nouveau processus d’innovation collaborative territoriale axé non seulement sur la collaboration entre les professionnels et les experts mais aussi sur l’implication des citoyens dans ce processus.
L’innovation collaborative territoriale est une démarche collaborative et sociale basée sur les avis, les pratiques sociales, les croyances et les narrations d’une population. En effet, revaloriser les caractéristiques environnementales, historiques, artistiques, culturelles et sociales d’un territoire nécessite la participation du citoyen aux projets urbains dans le but de présenter son environnement, son quartier et sa ville à travers ses témoignages, ses histoires, ses expériences et ses pratiques. De plus, la participation citoyenne permet de « développer un sentiment d’appartenance à une communauté, l’engagement, la générosité, le sens de la moralité, l’intérêt pour les affaires publiques, le dépassement des intérêts individuels, etc.»[11]
L’innovation collaborative territoriale relie alors la communauté locale et les acteurs compétents dans une équipe pluridisciplinaire créée par une entreprise. Dans ce contexte, MIG stimule cette innovation collaborative territoriale et le développement régional à travers l’implication du citoyen dans ses projets urbains. En s’appuyant sur l’innovation collaborative territoriale, MIG crée des produits, des services et des espaces qui s’inscrivent dans le cadre de la communication visuelle, de la sensibilisation citoyenne et de la responsabilité sociale et environnementale. Il invite l’usager à réfléchir, à expliquer et à découvrir le patrimoine, l’héritage, l’écosystème et l’identité d’un territoire.
Conclusion
Dans le cadre d’interroger sur le rôle de l’innovation collaborative dans le design territorial, nous analysons des projets territoriaux réalisés par la société de MIG. L’innovation collaborative se présente comme un processus participatif résultant de l’interaction entre plusieurs acteurs et intervenants. Ce processus est un vecteur d’innovation, d’évolution et du développement local.
À travers le renouvellement des espaces publics, l’installation des nouveaux équipements et le développement de la planification urbaine, MIG s’intéresse à innover le territoire en interpellant des professionnels, des experts et des spécialistes et également en impliquant la communauté locale dans ses projets. Sa démarche est orientée vers l’innovation collaborative territoriale qui consiste à collaborer et à innover pour le progrès et l’évolution territoriale.
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[1] Manuel d’Oslo, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2005.
[2] Denervaud, I. Gérardin, O. Noé, M. Souplet, CH. Tartar, M. (2010). L’innovation collaborative dans tous ses états, L’Express, Roularta « L’Expansion Management Review ». Repéré à https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2010-3-page-110.htm.
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[4] Poudray, V., Mao, P. , et Senil, N. (2018). Le design est-il une nouvelle forme de l’action publique territoriale ? Agronomie, Environnement et Sociétés, 25–30. Repéré à https://agronomie.asso.fr/aes-8-2-5.
[5] Bertrand, F. Petit, S. Vergote, M. Brayer, J. (2017). Design territorial et changement climatique : innover pour s’adapter à une ressource en eau incertaine. De Boeck Supérieur | « Innovations ». Repéré à https://www.cairn.info/revue-innovations-2017-3-page-41.htm
[6] Toussiant, J-V. et Zimmermann, M. (1998). Projet urbain: ménager les gens, aménager la ville. Belgique: Mardaga.
[7] Jolivet-Duval, M. Safin, S. Huron, S. (2021). Design territorial, représentations spatiales et participation citoyenne : revue de cas et analyse d’outils. Presses Universitaires de France | « Sciences du Design ». 2/n°14. Repéré à https://www.cairn.info/revue-sciences-du-design-2021-2-page-55.htm.
[8] Zacklad, M. (2020). Les enjeux de la transition numérique et de l’innovation collaborative dans les mutations du travail et du management dans le secteur public. A. Gillet (Éd.), Les transformations du travail dans les services publics. Presses de l’EHESP.
[9] Donadieu, P., Mazas, E. (2002), Des mots de paysage et de jardin. France: Educagri Éditions.
[10] Aouinaï, C. (2021). Innovation collaborative et innovation ouverte : caractéristiques de leur mise en œuvre. ISTE OpenScience. London, UK, Repéré à http://www.openscience.fr.
[11] Jouve, B. (2005). La démocratie en métropoles : gouvernance, participation et citoyenneté, Presses de Sciences Po, « Revue française de science politique » 2 Vol. 55. Repéré à https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2005-2-page-317.htm.
