Research studies

De l’échec pragmatique dans les expressions idiomatiques en amazighe : Cas du sens littéral et de l’ambiguïté

On pragmatic failure in Amazigh idiomatic expressions: The case of literal meaning and ambiguity

 

Prepared by the researche  : EL-HAJIM Ali –  Doctorant LRALLARC à la faculté des Lettres et des Sciences Humaines – Beni Mellal, Maroc.

Democratic Arabic Center

International Journal of Amazigh Studies : Second issue – March 2025

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN 2944-8158
International Journal of Amazigh Studies

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Résumé

Le point de départ de cet article est que les expressions idiomatiques suscitent des débats et des controverses qui divergent quant à leurs aspects définitionnels et analytiques. L’objectif de notre travail est de dépasser toute conception usuelle des expressions idiomatiques comme étant des unités suffisantes à elles-mêmes pour transmettre un sens. Méthodologiquement, cette recherche ne vise pas uniquement à montrer la particularité de l’échec pragmatique que présentent des expressions idiomatiques, mais aussi, à analyser le fonctionnement de l’ambiguïté ainsi que le sens littéral et leur impact sur la formation et la déformation du sens en contribuant à l’échec pragmatique.

Abstract

The starting point of this article is that idiomatic expressions give rise to debates and controversies that diverge in their definitional and analytical aspects. The aim of this research is to surpass the usual idiomatic expressions’ conception as being self-sufficient units to convey meaning. Methodologically, this article does not aim only to show the pragmatic failure presented by idiomatic expressions but also to analyse the functioning of ambiguity as well as the literal meaning and their impact on the formation and the deformation of meaning in relationship with pragmatic failure.

Introduction

Le présent article vise à mettre l’accent principal de l’analyse sur les expressions idiomatiques en amazighe. Toujours d’actualité, la composante idiomatique dans les langues naturelles est devenue au centre des études linguistiques qui ne cessent de s’enrichir et se multiplier. Inspiré par l’importance qu’occupent le sens littéral et l’ambiguïté à travers les EI dans la réussite d’une interaction communicatives entre les interlocuteurs, et par le rôle des EI dans la transmission du sens, la présente recherche se donne pour objectif de montrer à quel point les expressions figées peuvent contribuer à un échec pragmatique.

La problématique dans cet article porte sur la dimension pragmatique des expressions idiomatiques en relation avec l’échec pragmatique dans la mesure où l’emploi d’une expression idiomatique est susceptible de soulever la question de l’échec pragmatique dans les rapports communicationnels entre les locuteurs en interrogeant les processus d’interprétation des séquences idiomatiques.

Pour atteindre notre objectif, qui n’est pas tout simplement d’identifier ni de classer les EI en amazighe, nous avons adopté une démarche double : descriptive et analytique. A l’aide du corpus notre tâche est de décrire et analyser le fonctionnement des EI dans la contribution de l’échec pragmatique. Pour délimiter notre recherche, nous nous sommes fondés sur un corpus constitué d’expressions idiomatiques en amazighe. Le choix de cette langue est justifié de sa richesse en ce qui concerne les expressions idiomatiques autant qu’elle constitue à notre temps un champ peu exploiter linguistiquement et littérairement. L’actualité de ce sujet (l’échec pragmatique dans les EI) et l’envie de découvrir d’autres aspects de la langue amazighe nous a amenés à choisir et développer ce thème.

  1. De la définition aux critères des expressions idiomatiques

Toutes les langues contiennent des séquences qui ne sont pas immédiatement transposables ni traduisibles mot à mot, sans difficulté, dans une autre langue, que l’on nomme idiomes ou expression idiomatique. Grace à leur rôle primordial, pour apprendre une langue, il n’est pas suffisant à maîtriser son lexique mais s’ajoutent d’autres syntagmes dont les EI deviennent par l’usage bien soudées, s’adaptant aux contextes de production.

  • Pour une définition des expressions idiomatiques

         Avant d’étaler des lignes d’analyse des EI relation avec l’échec pragmatique, il est à proposer une définition de base pour le domaine de notre étude à savoir une EI.  Le champ des expressions idiomatiques est important dans la langue amazighe, constituant un élément enrichissant pour la recherche scientifique.

    Concernant la définition de l’EI, Dubois Jean définit une expression idiomatique comme étant « toute forme grammaticale dont le sens ne peut être déduit de sa structure en morphèmes»[1]. Selon cette définition, on attribue le titre de ‘’expression idiomatique’’ à toute combinaison grammaticale et structurale dont le sens ne peut être déduit de sa structure en morphèmes isolés ; ces éléments sont obligés d’être utilisés ensemble formant une construction de structure sémantique qui ne permet pas de transformer ni permuter l’un de ses éléments constitutifs. Selon Alain Rey :

« Parmi les éléments de la langue qu’il faut acquérir pour s’exprimer figurent non seulement des mots, mais aussi des groupes de mots plus ou moins imprévisibles, dans leur forme parfois et toujours dans leur valeur. Ainsi des milliers de particularités expressives, non traduisibles telles quels dans d’autres langues, forment l’immense part du lexique connu sous le nom d’expressions idiomatiques. »[2]

      Etant donné l’un des caractères marquants les séquences figées, l’idiomaticité relève du caractère arbitraire du sens offert par la totalité de l’expression dont les signifiés ne sont plus ce qu’ils signifient indépendamment. D’une manière, les unités formées en combinaisons sont dotées d’une nouvelle signification totalement ou partiellement indépendant des unités qui ont contribué à sa construction.

  • Les critères d’une expression idiomatique

     A travers les définitions citées, intéressons-nous, à présent, aux principaux critères, entre autres, de reconnaissance d’une expression idiomatique : unité de forme, unité de sens (non-décomposabilité), le blocage des propriétés transformationnelles, le rapport à la référence, la substitution paradigmatique, et un enrichissement sémantique ou valeur métaphorique. Ici, la liste peut être lourde si nous suivons la collecte de ces critères dans la littérature consacrée aux EI. Les séquences figuratives, à travers les études, ont été objet de recherche et d’étude multipliés. Concernant les linguistes ont étudié les EI, chacun part de son angle de vue, mais le point de convergence entre eux est que tous se sont accordés sur le fait que l’EI est une pratique fréquente et présente dans la majeure partie de nos pratiques langagières. Ainsi, une expression idiomatique « se définit comme un ensemble figé de mots qui se caractérise par une unité lexicale et syntaxique, par une unité de sens, par un emploi métaphorique et par un fonctionnement dans le discours comme un mot simple. »[3]

   En relation avec les interactions communicatives entre les locuteurs, les expressions figées passent d’une manière inaperçue aux yeux de ces derniers, pourtant pour un non-natif ou celui qui les rencontre pour la première fois sont repérées facilement.

  • Le figement comme atelier des EI 

          Malgré la diverse et la richesse de la documentation scientifique dans le domaine de la phraséologie comme étant le champ où les EI s’analysent, la plupart des questions sont liées au figement pour son critère crucial pour l’identification des expressions figuratives. Pour traiter de ce qui est du figement, prenons la définition proposée par le dictionnaire de linguistique Larousse : ‘’Le figement est le processus par lequel un groupe de mots dont les éléments sont libres devient une expression dont les éléments sont indissociables. Le figement se caractérise par la perte du sens propre des éléments constituant le groupe de mots, qui apparaît alors comme une nouvelle unité lexicale, autonome et a un sens complet, indépendant de ses composants.’’

      Il est à signaler que la lexicalisation nous permet de créer des unités lexicales à travers un ensemble de procédés tels la dérivation et la composition. En réalité, le figement se place aussi dans cet ensemble de procédés à travers lequel les unités se figent dans un ordre donné sans aucune marque spécifique. Face à ce problème de délimitation, plusieurs linguistes ont tenté d’étudier le problème de figement et la réponse définitive à un tel fait de langue. D’un point de vue pragmatique, le figement est lié à son usage puisque ‘’En outre, le figement a également une dimension pragmatique, encore peu explorée’’ voire ignoré en linguistique mais qui a une forte présence dans les usages quotidiens du langage. De plus, ‘’tout segment du discours est candidat au figement’’

    C’est en particulier dans cette perspective que notre travail trouve un nouveau cheminement en étudiant de près l’échec pragmatique à travers ses expressions idiomatiques. Il est ici question, non pas de détailler les phénomènes de figement surtout celles qui relève de l’idiomatique, mais de s’intéresser aux phénomènes de l’ambiguïté discursive et le littéral dans les EI.

  1. De l’échec pragmatique dans les EI

         La maîtrise de compétences linguistiques telles que la grammaire, la syntaxe et la phonologie ne signifie pas que l’on dispose d’une compétence pragmatique équivalente. Il est à souligne l’importance de la compétence pragmatique dans l’usage des expressions idiomatiques en discutant de la nature de l’échec pragmatique. Le terme ‘’l’échec pragmatique’’ est introduit dans la littérature scientifique par Jenny Thomas dans son article intitulé “Cross-cultural Pragmatic failure”[4]. Pour lui, l’échec pragmatique renvoie à « the inability to understand what is meant by what is said »[5]

    A partir des recherches réalisées dans le cadre de l’échec pragmatique, l’échec pragmatique peut être classé « into two types : pragma-linguisticfailure and socio-pragmatic mpkfailure. »[6]

       Autrement, soit pragma-linguistique, lorsque des moyens linguistiques inappropriés sont utilisés, soit socio-pragmatique lorsque l’interlocuteur n’arrive pas à saisir l’interprétation d’un énoncé. L’interprétation des données linguistiques est le résultat des connaissances et de l’ensemble des expériences vécues dans les environnements culturels. Toujours avec Jenny Thomas dans “Cross-cultural Pragmatic Failure’’, il est suggéré que les locuteurs qui appartiennent à des systèmes sociaux et linguistiques différents trouvent une profonde difficulté de dépasser l’échec de mieux se comprendre tandis que ce défi peut être vu surmonté si ces interlocuteurs sont du même système culturel et linguistique. Toutefois, l’interprétation d’un signe linguistique peut être mal vu ou mal interprété par des individus quoiqu’ils appartiennent au même groupe social. C’est le cas de l’usage des EI par les locuteurs surtout si l’on manque de connaissances sur les différents usages de l’expression en question.

  • De l’ambiguïté à l’échec pragmatique dans les EI en amazighe

         Vue sa complexité et ses origines plus discutées, l’ambiguïté, étant un phénomène touchant divers aspects langagiers, occupe une grande importance dans la littérature linguistique. En effet, les chercheures ainsi que les grammairiens avancent plusieurs définitions servant à délimiter le phénomène depuis l’antiquité gréco-latine. A titre d’exemple, prenons la définition d’Apollonius Dyscole qui souligne que « l’ambiguïté (amphibolia) est expression signifiant deux ou plusieurs sens. »[7]

      Partant de cette approche définitionnelle, tout énoncé produisant une pluralité de significations est appelé ambiguë. Tandis que pour Kerbrat-Orecchioni Catherine, l’ambiguïté dépasse la phrase pour atteindre la langue dans sa nature en affirmant que « On admet généralement qu’en langue, toutes les phrases sont potentiellement ambiguës : elles possèdent plusieurs significations »[8]. LeGoffic, lui, ajoute à travers la suivante, que « un énoncé (une phrase) est ambigu quand il possède une description (représentation)à un niveau donné et deux ou plusieurs descriptions (représentations) à un autre niveau. »[9]

      Ici, le sens ambigu est à voir à deux niveaux : la description et la représentation d’un énoncé lors d’un échange communicationnel. Selon la nature de la source qui en responsable, l’ambiguïté recouvert différents types.

      Sans s’attarder sur les variations de définitions, en général, les expressions figées restent un champ riche en ce qui concerne le phénomène d’ambiguïté dans la mesure où elles contribuent à une diversité incontournable de sens.

Soit le corpus suivant :

Tableau 1 : des EI traitant de l’ambiguïté

Expression idiomatiques Traduction littérale Ses interprétations possibles
11  

 

Illa ddaw ufus ness

 

 

A portée de mains

-Garder qqch. Soigneusement

-Il faut les garder précieusement/ les garder en lieu sûr.

-Être en difficulté

-Il est sous contrôle quelqu’un

-Sans pitié

22  

 

iḍṛas afus

 

 

Il lui tombe dans la main

-Être accessible, facile d’accès.

-Tout est entre ses mains

-Il a tout à sa disposition.

-Se venger

-Exercer une pression sur quelqu’un

33  

Tomzagh agrou

 

Il est nous a tenu la grenouille

-Sans résultat ET en vain

-Déception

-Il n’a pas de soutien ni aide

-Il cherche l’impossible

      Concernant l’expression 1, puisqu’il présente une particularité de l’emploi, sa signification peut paraître indéterminable vue un ensemble de variables d’usage. Quant à cet exemple, la pluralité de sens est due au locuteur qui l’emploi en envisageant le sujet (le possédant), ici, ce dernier est désigné métonymiquement par les unités ‘’afus ness ‘’ (sa main), ou en envisageant le possédé ‘’illa’’ (il est). Dans cet exemple, nous ciblons la dichotomie de possédant-possédé parce que l’usage pragmatique de cette expression donne à celle-ci deux interprétations :

  1. Si le locuteur envisage le fait de posséder ou d’avoir quelque chose sous sa main, il, le locuteur, vise à mettre l’attention sur l’impitoyabilité du possédant.
  2. Si le locuteur envisage le fait d’être possédé sous la main de qlq, le possédé serait traité sans pitié.

          Reprenons notre exemple 2, en envisageant-le avec un regard touchant ces possibilités d’interprétation, nous déduisons que cette EI est ambiguë ; on peut l’interpréter de plusieurs façons radicalement diverses. Même si cette EI fournit une information communicationnelle dépendant de la situation de communication, elle étale et expose devant l’interprétant un ensemble de significations desquelles il est à choisir l’interprétation adéquate. Cette ambiguïté, générée par une expression figée, mobilise tous ses sens conventionnels, ce qui peut entraver la capacité des locuteurs à en dégager un sens précis. Devant cette richesse interprétative, l’acte d’interpréter pourrait être difficile ou même bloqué vu la difficulté de saisir avec exactitude la valeur recherché pad son emploi dans l’échange.

    Dans le troisième exemple dans le tableau, l’animal la grenouille ‘’agrou’’ est employé dans cette expression pour, bien entendu, transmettre une signification. Pourtant, cette EI, à travers ses usages, peut donner naissance à une liste assez lourde d’interprétations ce qui rend l’interaction verbale échoue. L’échec pragmatique dans les exemples cités dessus trouve son origine dans l’ambiguïté. Cette dernière est en relation avec le phénomène de plurivocité en envisageant des cas où l’interlocuteur se trouve hésitant et incapable pour déterminer une interprétation déterminée et précise de l’EI. A ce niveau, une EI est dite capable de transmettre une information comme une seule unité suffisante à elle tandis que le récepteur, dans l’élaboration du sens, est, donc, appelé à rechercher d’autres indices qui lui permettraient de compléter le vide provenant de possibilités sémantiques dans l’EI. Malgré la richesse et la diversité interprétatives des EI, le locuteur doit pouvoir reconnaitre tous les usages fonctionnels, discursifs et pragmatique de l’expression employée et aussi pour l’interlocuteur dans la mesure où il obligé de se charger par multiples habilités afin de saisir pourquoi son locuteur a employé cette même expression dans leur échange interactif.

  • Le sens littéral versus le sens figuratif des EI 

        Quelques suppositions semblent incontournables dans l’étude du langage comme celle du sens. Face au figement, le sens littéral constitue un autre palier dans la construction du sens alors qu’il était considéré, pendant longtemps, comme étant un fait mis à l’écart dans les expressions figuratives. Il convient de signaler qu’une même expression peut être interprétée soit d’une façon littérale ou figurative selon son emploi dans une interaction. Dans cette optique, Salah Mejri souligne que « le sens global est celui de l’emploi courant de la séquence figée ; l’autre sens, littéral, toujours sous-jacent, peut être activé toutes les fois que cela est nécessaire. »[10]

   Il est clair, à nos yeux, que certaines expressions peuvent acquérir une double lecture :  figurée et littérale. Soit le corpus suivant :

Tableau 2. Corpus en matière d’expressions idiomatiques traitant du sens littéral

  Expression en amazighe Traduction littérale Sa signification
1 Ibbi addar Il a coupé son pied Il ne nous visite plus
2 Ighziif omggerd nes Son cou est long Qlq qui est curieux de savoir tout
3 Ourdaysaqol flan s ljiht negh Il ne voit/regarde pas vers nous Il nous déteste / il n’a pas de pitié pour nous…
4 Iwat afous nes Il a frappé sa main Il a gagné un trésor/il a trouvé une fortune
55 Igga lhna Il a teint (ses mains) au henné Il ne peut pas bouger (pour dire de quelqu’un qu’il ne fait rien)
66 Issird ifassn nes Il s’est lavé ses mains Ne plus compter ni considérer qqn ou qqch.

L’usage de ce genre d’expressions discursivement nécessite une connaissance parfaite. Produisant ces expressions lors d’une situation interactive n’aboutit pas à une seule et unique signification qui est le sens figuratif. A ce niveau, l’interlocuteur n’est pas face à une phrase où il est question de décoder son sens en déconstruisant ses éléments constitués mais plutôt il est invité à choisir un sens particulier : soit un sens littéral comme le fournit chaque expression, soit le sens figé comme les fournissent aussi.

   Prenons la première expression ‘’ibbi flan addar’’ lors d’une interaction discursive ; elle crée entre le locuteur et son interlocuteur une distance d’interprétation ce qui aide à l’apparitions de l’échec pragmatique. Du coté interprétatif, cette expression et ses similaires font naitre chez le récepteur de cette expression un premier sens à savoir la signification littérale vraiment ‘’flan’’ la personne a coupé/tranché sa jambe alors le locuteur l’a employé dans un sens figuratif ou le contraire.

  Autrement, ces EI laissent paraître une certaine probabilité d’interprétation littérale, fortement ou faiblement envisageable. Dans l’exemple ‘’ Iwat afous nes’’ le verbe ‘’iwat’’ (frapper-blesser…) n’a aucune relation avec ce qu’il indique dans l’EI si elle est employée figurativement, et la main ‘’afous’’ désigne la partie organique du cops ; mais, en réalité, ‘’Iwat afous nes ’’ offre une double lecture / interprétation :

  • Blesser sa main
  • Gagner une fortune / trouver un trésor

     Dans plusieurs cas, comme nous l’avons déjà mentionné, l’interprétation littérale reste pourtant possible dans des contextes spécifiques. Du coup, Les expressions figées sont typiquement représentatives de ce type de conflit entre le sens littéral et son interprétation (sens idiomatique et/ou métaphorique). Puisque « native speakers activate not only the idiomatic meaning of idioms but also their literal meaning. »[11] D’une autre manière, les natifs semblent activer le sens littéral d’une EI qui reste profondément associé à ladite expression puisqu’il apparait le plus pertinent pour eux dans la prise et la construction du sens. Suite aux exigences communicationnelles, les interlocuteurs de la même langue peuvent confronter l’échec pragmatique. Ce dernier est dû à la dichotomie du sens littéral-figuratif   dans les EI. Dans le cas des EI, il est question de la nature aussi de l’EI elle-même dans la mesure où « It stands to reason that the likelihood of a language user being conscious that a literal reading of an idiom is available too will depend on the nature of the idiom and on the circumstances in which it is used. » [12] Pour ce cas d’EI dont la lecture littérale est la première dans l’interprétation, le sens figuratif n’est pas ignoré totalement mais au contraire il devient secondaire voire facultatif.

     Si le henné est un produit servant aux femmes pour se colorer les mains et les cheveux dans la culture amazighe, comme plusieurs d’autres cultures, l’expression ‘’igga lhanna’’ reste un idiome qui comporte en lui-même ce premier sens loin de tout usage figuratif alors qu’il est, implicitement, figé en justifiant une signification métaphorique celle de traduire l’état de quelqu’un fainéant qui ne peut pas bouger ou qui ne peut rien faire.

     Pour la troisième expression idiomatique ‘’Ourdaysaqol flan s ljiht negh’’, cette expression idiomatique, lors d’une interaction verbale entre les interlocuteurs, nous amène aussi à une dichotomie de sens entre le littéral et le figé. Composé du verbe à la forme négative ‘’ourdaysaqqol ’’ [ne regarde/voie pas], sa portée sémantique serait [ne pas regarder à notre direction]. Tandis que cette EI fournit aussi un deuxième sens, figé, à savoir [il nous déteste / il n’a pas de pitié pour nous]. En effet, le sens littéral dans ce sens, peut constituer un obstacle, en tout cas un problème pour le locuteur ainsi que l’interlocuteur. Partant des exemples du tableau cité, les EI fournissent un bon exemple justifiant qu’un EI n’est pas toujours une expression ayant uniquement un sens figé que l’on peut exploiter discursivement pour transmettre une information figurativement. Par conséquent, elles deviennent conçues littéralement comme elles peuvent être perçues figurativement.

   À l’aide de cet échantillon non-exhaustif, les EI partagent un point commun à savoir l’ambiguïté dont le principe est la pluralité de significations. Implicitement, nous avons vu à quel point les EI en amazighe comme le montrent les exemples cités offre des enjeux liant l’usage d’une EI à un ensemble de sens dont le locuteur est invité à les faire face pour tirer le sens exact. Les ambiguïtés que présentent ces EI sont involontaires c’est-à-dire elles ne sont pas recherchées mais elles sont inhérentes dans les EI ce qui pourrait contribuer à l’échec pragmatique entre les locuteurs. Ce dernier surgit dans une spécifique interaction lorsque le locuteur pense avoir réussi à encoder un sens en employant une expression idiomatique alors que l’interlocuteur attribue au même énoncé-expression une autre interopération fournit, bien entendu, par ladite expression employée.

Conclusion

        Le présent article, sert de ce qui précède à savoir à quel point une expression idiomatique pourrait être facile à détecter dans un échange mais il constitue en elle-même un élément contribuant à l’échec pragmatique. Il est clair qu’une expression idiomatique en général offre au locuteur un stock bien riche d’interprétations. L’emploi d’une expression idiomatique et non une autre reste un choix parmi plusieurs pour créer chez mon interlocuteur implicitement un sens bien déterminé. Du fait, les enjeux du sens littéral et de l’ambiguïté caractérisant les expressions idiomatiques impliquent un effort particulier pour atteindre le sens précis et l’interpréter. Toutefois, l’échec pragmatique à travers des EI est dû, d’un côté, à l’ambiguïté comme un mécanisme langagier préconisant l’usage des EI et, d’autre coté, le sens littéral que fournissent certaines EI.  L’échec pragmatique dans les expressions citées suscite une pluralité de lectures et d’interprétation.

Bibliographie :

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  • LALLOT Jean, (1988), Apollonius Dyscole et l’ambiguïté linguistique : problèmes et solutions, in I. Rosier (éd.), L’ambiguïté : cinq études historiques, Histoire de la linguistique 2, Lille, PUL, p. 33-49. p.33.
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  • THOMAS, Jenny, (1983), Cross-cultural pragmatic failure. Applied Linguistics, 4(2), p. 22.

[1]Dubois Jean et al, Dictionnaire de linguistique, Larousse, Paris, 1973. P 239.

[2] REY Alain. Dictionnaire des expressions et locutions. Ed. Du Robert. 1979. P 10

[3]Ivan Jovanovic. Le traitement des expressions idiomatiques dans certains manuels de FLE. Revue du      CEES : Centre Européen d’Etudes Slaves, Enseigner le français langue étrangère à des apprenants natifs de langues modimes. 2017. p.5.

[4]THOMAS, Jenny, Cross-cultural pragmatic failure. Applied Linguistics, 4(2), 1983. P 22.

[5]THOMAS, Jenny, Cross-cultural pragmatic failure. Applied Linguistics, 4(2), 1983.P 91.

[6]LICHENG Lu, Pragmatic Failure in Interpretation and the Development of Students’ Pragmatic Competence in Interpreting, English Language Teaching; Vol. 12, No. 3; 2019. P 37

[7]LALLOT J. Apollonius Dyscole et l’ambiguïté linguistique : problèmes et solutions, in I. Rosier (éd.),

L’ambiguïté : cinq études historiques, Histoire de la linguistique 2, Lille, PUL, 1988. p. 33-49. p. 33

[8] Kerbrat-Orecchioni Catherine, L’ambiguïté : définition, typologie. In: Les jeux et les ruses de l’ambiguïté volontaire dans les textes grecs et latins. Actes de la Table Ronde organisée à la Faculté des Lettres de l’Université Lumière-Lyon 2 (23-24 novembre 2000) Lyon : Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2005. pp. 13-36. (Collection de la Maison de l’Orient méditerranéen ancien. Série philologique, 33);

[9]LeGOFFIC Pierre, Ambiguïté et ambivalence en linguistique. In: Documentation etre cherche en linguistique allemande contemporain – Vincennes, n°27, 1982. Des bords au centre de la linguistique. P 84.

[10]MEJRI, Salah. La phraséologie : cotexte, contexte et contenus culturels, Lublin studies in modern languages and literature,42(4), 2018

[11]LITTLEMORE Jeannett, John R. Taylor, The Bloomsbury Companion to Cognitive Linguistics. Bloomsbury, 2014. P 189

[12]LITTLEMORE Jeannett, John R. Taylor, The Bloomsbury Companion to Cognitive Linguistics, Bloomsbury, 2014. P 189

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