Research studies

Les méthodes traditionnelles d’irrigation dans les Oasis d’Algérie Une étude d’anthropologie sociale

 

Prepared by the researcher – Benslimane Abdennour, maitre de conférences, faculté de droit et sciences politiques, université de Saida

Democratic Arab Center

Journal of cultural linguistic and artistic studies : Eighteenth Issue – April 2021

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
 ISSN  2625-8943

Résumé

Cette étude vise à analyser les modes de partage de l’eau agricole et les pratiques traditionnelles instaurées par les anciens oasiens pour que l’agriculture oasienne survive jusqu’à nos jours. La gestion de l’eau agricole se fait dans le respect le plus strict de la part de chacun qui porte le nom du « tour d’eau ». Il s’agit d’un mode de calcul mathématique, complexe, équitable et rigoureux. Les anciens oasiens ont instauré un système de solidarité permettant aux plus démunis d’avoir gratuitement de l’eau d’irrigation à la parcelle durant des périodes connues et comptées pour une autosuffisance. Le commerce de l’eau agricole dans l’espace agricole traditionnel est aussi ancien que les modes de partage. Cet espace est sous la menace des mutations socioéconomiques profondes qui se sont opérées autour des oasis. Outre sa valeur économique, l’eau constitue un facteur de maintien de la
population agricole dans les oasis qui demeurent sous la menace des mutations de
l’environnement socioéconomique.

Abstract
This study aims to analyze the methods of sharing agricultural water and the practices traditional established by the old oasis people so that oasis agriculture survives to the present day. The management of agricultural water is carried out with the strictest respect on the part of everyone who bears the name of the “water tower”. It is a mathematical, complex, fair and rigorous method of calculation. The former oasis farmers have established a system of solidarity allowing the most deprived to have free irrigation water on the plot during periods known and counted for self-sufficiency. The trade in agricultural water in the traditional agricultural space is as old as the modes of sharing. This space is under the threat of profound socioeconomic changes that have taken place around oases. In addition to its economic value, water is a factor in maintaining the agricultural population in the oases which remain under the threat of changes in the socioeconomic environment

Introduction

Les Oasis Saharienne sont une constellation de taches vertes immuables sur cette immensité minérale jaunâtre. Elles représentent un havre de vie, né principalement de la conjonction du soleil, de l’homme, de l’eau, du palmier dattier et du dromadaire.

Le mot Oasis, d’origine égyptienne signifiant un lieu habité, a été utilisé semble-t-il par le géographe Hérodote vers 450 av. J-C ( G.Toutain , Dolle V 1988 , p 7,12).Les Oasis à palmiers dattiers dans le monde englobent une superficie de 800.000 ha (G.Toutain , Dolle V 1988 , p 7,12). En Algérie, la surface agricole des Oasis est majoritairement occupée par le palmier.

A Adrar, le palmier domine la totalité de la surface, à Ouargla le taux d’occupation du palmier est de 80%, il est autour de 50 à 60% pour le reste des Oasis. (Guillermou.Y 1993, p121, 138)

Les Oasis algériennes représentent une mosaïque très variée, avec 93.000 ha de palmeraies et plus de 10 millions de palmiers dattiers, soit 11% du total mondial. (Bouzaher.A 1990, p325, 328).  Elles sont réparties pour 60% au Nord-Est (Zibans, oued Righ, El oued et Ouargla) et pour 40% au Sud-Ouest (M’Zab, Touat et Gourara). Les Oasis sont tantôt isolées, de taille plus au moins modérée comme l’Oasis de Ouargla, qui compte à elle seule plus d’un million de palmiers, tantôt regroupées comme celles d’Oued Righ où 47 Oasis s’échelonnent sur 150 Km avec 1,7 millions de palmiers (Bouzaher.A 1990, p325, 328). La vie de l’Oasis demeure singulière à plus d’un titre. Pour survivre dans un milieu hostile, les Oasiens ont mis au point des techniques ingénieuses, adaptées aux conditions locales, mais également des formes sociales en adéquation étroite avec les premières.

L’oasis peut se définir comme un écosystème développé autour d’un point d’eau dans le désert. De façon très générale, l’oasis est une forme d’occupation de l’espace en milieu désertique ou semi-désertique. Elle est caractérisée par une mobilisation ponctuelle de ressources en eau et par la formation d’écosystèmes particuliers, résultant de l’activité humaine (Lazarev.G 1988, p19, 21). Au sens anthropologique, une oasis est « un terroir créé par la main de l’homme et entretenu par l’introduction d’un système de gestion technique et sociale de la ressource en eau ». Une oasis est en fin de compte l’association d’une agglomération humaine et d’une zone cultivée (souvent une palmeraie) en milieu désertique, dont le fonctionnement est régi par la gestion de l’eau. (Battesti.V, 1998, p 365)

C’est logiquement autour de l’eau que se sont organisées les oasis traditionnelles. Elles ont mis en place des formes d’organisations sociales complexes via des droits et des usages de l’eau. Par définition, l’oasis traditionnelle est « une société où le contrôle de l’eau constitue un pilier de l’organisation oasienne très hiérarchisée, expression d’un consensus général dans certains cas mais plus d’un rapport de force dans d’autres ». (Battesti.V 2002, p 25,33).

Ainsi, en fonction de l’accès à la ressource et des organisations sociales établies, les oasis historiques ont vu se mettre en place diverses modalités de gestion de l’eau. Cette gestion intègre cinq étapes principales : la collecte de l’eau, son stockage, la distribution, la répartition, le contrôle et la gestion des conflits. À chaque étape, un arbitrage est fait entre sphère collective et sphère individuelle.

Notre recherche s’est penchée dans les Oasis traditionnelles d’Algérie, ou la mise en place des nouveaux périmètres de mise en valeur, basés sur l’exploitation des eaux souterraines, est accompagnée par un discours sur le déclin des systèmes hydrauliques ancestraux. Malgré les techniques modernes ont envahies  l’espace Oasien en matières hydrauliques, les paysans de la zone sise à l’étude demeurent toujours à recourir à leurs anciens système d’irrigation.

Notre problématique est centré  sur la connaissance de ce type gestion classique qui domine les Oasis en défiant la technique moderne de l’irrigation, ce qu’explique que les communautés sise dans cette région possèdent un savoir-faire pour gérer et contrôler cette  ressource d’eau depuis longtemps. Ainsi qui la maitrise du facteur vital qu’est l’eau a nécessité un effort  collectif d’exploitation de structuration spatiale et de discipline. Est-ce que cette méthode classique a pu satisfaire les besoins économiques des paysans ?

Discussion

Le fonctionnement d’une oasis est basé sur trois éléments essentiels qui sont : l’eau, la palmeraie et l’organisation sociale : l’eau étant l’élément fondamental autour duquel les oasisse sont créées au Sahara. Certain chercheur signale, néanmoins, que cette condition seraitnécessaire mais pas suffisante pour expliquer la création des oasis. L’eau est considéréecomme source de vie (animalière, végétale et humaine) au niveau du désert. Le palmier dattier est la culture la mieux adaptée aux conditions climatiques difficiles des régionssahariennes. Il constitue, pour ces régions, l’élément essentiel de l’écosystème oasien.

L’organisation sociale est le moteur et le pignon de la vie dans les oasis. Pour survivre dans un milieu aussi hostile que le Sahara, les oasiens ont mis au point des techniques, qualifiées « d’ingénieuses », adaptées aux conditions locales de chaque oasis. C’est dans la gestion decette ressource que l’organisation sociale est la plus évidente, car le fait d’utiliser les eauxd’une même nappe, d’une même source, crée entre les irrigants de la même oasis unesolidarité étroite. (Yves Lacoste, 1990, p 228)

Le contrôle de l’eau constitue donc un pilier central dans cette organisation collective très hiérarchisée, expression d’un consensus général dans certain cas, mais d’un rapport de force dans d’autres. Verticalement l’espace Oasien  connait  trois strates végétales dans la quasi-totalité des Oasis. Sous les palmiers poussent les arbres fruitiers alors que le troisième étage, totalement à l’ombre est celui des cultures maraichères et fourragères. Horizontalement, la structure foncière se présente comme un puzzle au sein.(Charoy.J et Torrent 1990, p325, 328)

Dans les Oasis, l’eau joue un rôle très important, c’est un élément vital. Sans eau le sol n’a aucune valeur. La rareté de l’or bleu au Sahara a obligé les paysans de faire des efforts énormes de prospection afin de trouver cet élément vital dans le grand désert.

Le type d’Oasis dépend de la nature du sol et de l’exploitation de la ressource en eau.

On distingue dans cette étude cinq types ou la gestion traditionnelle de l’eau domine le territoire oasien :

  • Oasis de Biskra:

Contrairement à d’autres régions sahariennes profondes, l’espace agricole traditionnel de Biskra se distingue par l’abondance des ressources en eau sous deux formes : superficielle et souterraines. L’eau superficielle devient de plus en plus rare au fur et à mesure qu’on s’enfonce dans Sahara, à l’exception de la présence de quelques oueds qui coulent intermittente, alimentés par les eaux de ruissellement de l’Atlas Saharien ou les pluies torrentielles. En revanche, l’eau souterraine dans la zone de Biskra est très abondante grâce aux nappes aquifères qui superposent dans le sous- sol de tout le bas de Sahara. Issues des épisodes pluvieux du quaternaire, ce sont des nappes calcaires peu renouvelables et fortement exploités dans le cadre des programmes de développement agricole. (Dubost.D et Moguedet.G 1991, p15,20)

Les nouvelles formes capitalistes de l’agriculture se sont construites sur la mobilisation massive des ressources hydrauliques, en l’absence de véritable mécanisme de régulation du rapport terre/culture/eau/climat. En revanche, la forme traditionnelle ou paysanne a toujours fait de l’équité, le partage et la rationalité, la rigueur, la solidarité un mode de gestion. Elle a prouvé un mérite d’exister depuis des siècles, contrairement à certaines exploitations de création nouvelle qui ont disparus après quelques années de leur apparition.

Parmi les Oasis de Biskra, nous avons penché  notre étude sur une localité couverte d’Oasis traditionnelles appelée chettma (figure 1), se situent dans le Ziban dans le Sud-Est algérien. Cette palmeraie fait partie d’un ensemble agro-Oasien préurbain regroupant la localité de Chettma ( Fellach, Mchounech, Sidi Okba, et Banis).Bien que leur espace agricole soit régulièrement grignoté par les extensions urbaines , elles montrent toujours une belle image de résistance à la menace humaine. (A.Foufou, J P. Bord 2016, p44, 54)

Figure n°01 représente les Oasis de Chettma

C’est une Oasis traditionnelle qui se situé à 5 km du chef-lieu de Biskra, sa superficie  Agricole utile (sau) en sec est de 970,93 ha et 786,04 ha en irrigué, soit un total de 1756,97 ha, tandis que le nombre total des exploitations est de 465.

Au niveau de la palmeraie de Chettma, on distingue trois types d’exploitations à savoir :

  • Des exploitations traditionnelles familiales qui sont au nombre de 228 occupants une superficie de 708,97 ha.
  • Des exploitations Agricoles collectives et individuelles (ex coloniale) qui sont au nombre de 33 occupant une superficie de 162,14 ha.
  • Des exploitations APFA (Accession à la propriété foncière Agricole) dont le nombre est 157 environ, occupant une superficie de 879,86 ha.

La palmeraie de chettma est dotée d’une source d’eau qui jaillit sous pression. Elle parcourt plus de 1km avant l’arrivée à la palmeraie, afin qu’elle soit prise en charge par le responsable de l’eau ou le « Mennaa » de toute la localité. (A.Foufou, J P. Bord 2016, p44, 54)

Le tour d’eau est géré par le Mennaa dont la mission consiste à s’occuper de toute l’opération de distribution de l’eau. Au niveau de l’exploitation, chacun s’occupe de l’irrigation de sa parcelle en respectant la part qui lui revient en nombre d’heure attribué. Dans ce type de palmeraie, le manque d’eau et l’irrégularité du tour d’eau est l’une des contraintes auxquelles les exploitations sont confrontées, d’autant plus que les subventions de l’Etat sont rares dans ce type d’espace Oasien.

Jadis, la gestion de l’eau était confiée à une personne âgée du village, qui a hérité ce savoir –faire des anciens Mennaa ou la personne qui s’occupait de la gestion de l’eau. Le transfert de ce savoir-faire a nécessité un accompagnement de plusieurs mois e quelques années pour que toutes les informations concernant les litiges, techniques de gestion soient appris par le futur responsable. Il s’agit de calculs mathématiques, des noms complexes que chaque tour d’eau porte, des propriétaires des exploitations  et des parts qui reviennent à chacun. Le nouveau Mennaa est censé de noter toute opérations dans un registre personnel, y compris les parts et la répartition de l’eau dans le temps et dans l’espace. Ce document est une référence qui sera gradé par le Mannaa et utiliser lors de la gestion de l’eau dans l’Oasis en question. Une copie sera confiée au Maire de la commune. Lors de la prise de fonction du nouveau Mennaa, un jeune apprenti du village est désigné pour l’accompagner afin d’apprendre ce savoir-faire si précieux, car en cas de décès ou de maladie de l’actuel Mannaa, la gestion de l’eau serait assurée régulièrement selon le rythme habituel par l’apprenti avec l’aide des producteurs.

La répartition de l’eau s’opère dans la conduite situant dans l’enceinte de la palmeraie du village (photo 01). Elle a été aménagée pour répondre à des besoins multiples sur le plan quantitatif et temporel (volume/heure).En traversant la palmeraie, la conduite est dotée de nombreux répartiteurs jusqu’à l’exploitation la plus éloignée du village, afin d’assurer l’approvisionnement en eau de toutes les plantations traditionnelles de Chettma( photo 02).

Dans la palmeraie de chettma, il y a 17 tours d’eau, chacun porte un nom diffèrent de l’autre   (par exemple le tour de « Saïd  », c’est une part qui porte le nom d’un ancien  propriétaire de la palmeraie). Chaque tour ou Nouba est destiné à l’irrigation d’un ensemble d’exploitations qui se trouvent dans la même aire géographique. Le tour de Saïd signifie que toutes les exploitations de l’est   de Chettma sont concernées par l’irrigation, pour lequel les agriculteurs concernés commencent à guetter l’eau en comptant les jours et les nuits pour ne pas manquer leur Nouba ; car les secondes sont comptées par le responsable de l’eau. Sachant que la plus petite unité du tour d’eau porter le nom de Tounsia qui dénombre 22 minutes et 30 secondes.

photo (01) représente les répartiteurs princiaux du reseau d’irrigation de chettma : cest un bassin ou l’eau de la conduite principale jaillit avant qu’elle soit distribuée vers les exploitations en fonction du tour et la quantité d’eau qui revient à chacune.

Photo (02) représente la sortie des répartiteurs qui donnent à chacun sa part avec équité.

 Le volume d’horaire de partage aux Oasis de Chettma : La méthode ingénieuse à Chettma concernant le partage d’eau est régie par des règles ancestrales basées sur le mode d’horaires est qui sont comme suites :

1h : 30 minutes équivalent de Tmen 1/8.

2h :15 minutes équivalent  Tmen et Kherrouba.

3h : équivalent de Rbei ou 1/4

3h :45 minutes équivalent de Rbei(1/4) et Kharrouba.

4h :30 minutes équivalent de Teltemen ou 1/3.

5h :15 minutes équivalent de 1/3 et Kherrouba.

6h : c’est le 1/2.

6h :45 minutes : c’est 1/2 et Kherrouba

7h :30 minutes : c’est le 5/8.

8h :15 minutes, c’est le 5/8 et Kherrouba.

9 h : c’est le 6/8.

9h : 45 minutes, c’est le 6/8 et Kherrouba.

Il parut qu’une Nouba [1]dénombre 12 heures ou 16 kherroubas et 2 Noubas équivalent à une Wejba qui dénombre 24 heures.

Tout cela signifie que la distribution de l’eau est soumise à des calculs mathématiques complexes. Elle se base sur des parts revenants à toutes les exploitations : les grandes et les petites d’entre elles. Ces parts sont apprises par cœur par le Mennaa. Cette image forte montre un savoir-faire ancestral en faisant de l’équité et de la rigueur une méthode de gestion et dee partage de l’eau dans les Oasis traditionnelles.

L’autorité et la fermeté du Mennaa sont nécessaires dans toutes les procédures de gestion et de partage de l’eau pour l’irrigation, puisqu’une mission de telle complexité ne sera accomplie si lorsque l’objectif principales atteint. Il s’agit de donner à chacun sa juste part.

BOasis d’Ouargla

Située dans les dépressions de l’erg, comme l’Oasis de Ouargla ou l’eau d’irrigation est extraite de phréatique par puits traditionnels.( figure 1)

Figure (1) représente la carte géographique d’Ouargla

L’eau, à Ouargla comme partout au Sahara, appartient à celui ou au groupe qui l’ont fait jaillir par leur travail physique ou par leurs capitaux indépendamment de toute propriété du sol.

L’appropriation de l’eau repose sur les principes du droit musulman. (Nasser.I Faruqui, AK Biswas.MJ Bino 2003, p 22, 29).Lorsqu’un groupe d’individus réunissent leurs capitaux pour creuser un puits sur une terre réputée vierge (terre blanche), la répartition de la terre et de l’eau se fait au prorata des sommes versées.

Avec le temps, si le débit du puits augmente, les propriétaires peuvent revendre le surplus d’eau dont ils bénéficient à d’autre. Au contraire, si le débit du puits diminue, les propriétaires cherchent à acquérir des parts d’eau supplémentaires, soit d’un puits voisin ou éloigné, soit d’un nouveau puits foré à côté du premier. Les unités de mesure de temps (Kharoubas) peuvent faire l’objet de transactions entre les différents propriétaires en fonction de la superficie de la parcelle, mais aussi selon les moyens financiers dont ils disposent. Il est cependant important de signaler que l’ensemble des transactions (vente et achat d’eau ou de la terre) étaient enregistrées par le tribunal coutumier.

Les tours d’eau :

Le partage de l’eau se fait en unités de temps selon la technique traditionnelle des « tours d’eau ». Le tour d’eau permet à l’ayant droit de disposer dans le temps lui est alloué de tout le débit de l’eau du puits. Chaque puits est divisé en 120 unités d’irrigation appelées « Kharoubas[2]dont la durée varie de 5 à 7 minutes, selon le moment de l’année, car la durée de la journée d’eau varie avec le soleil. (Pérennes J.J., 1993, p 466). Le puits a quatorze journées d’eau, sept jours et sept de nuits. Chaque journée correspond à 12 heures aux équinoxes. Ce qui donne .une variabilité des journées d’irrigation avec le soleil (hiver/été). Chaque puits compte 240 Kharoubas par 24 heures, ce qui donne un total de 1680 kharoubas pour la semaine.

Chaque journée est divisée en cinq (5) périodes d’irrigation, à l’instar des horaires de la prière. Ces périodes sont nommées, à Ouargla (en caractère italique) comme suit :

– Aube ou Ghabassa (Fadjr) : du lever de soleil au milieu de la matinée,
– D’ha ou Erbou mass (quart de la journée) : du milieu de la matinée à midi,
– Dohr ou Tizzarnine (soleil au zénith) : du midi au milieu de l’après-midi,
– Asr ou Tagzine (les quatrièmes) : du milieu de l’après midi au coucher du soleil,
– Maghreb Degguid (coucher du soleil) : du coucher du soleil au lever du soleil.
Le tour d’eau, nommé la Nouba, n’est jamais inférieur à trente Kharoubas, soit un quart de jour. La part d’eau, détenue par chaque propriétaire, est indépendante de la superficie du jardin qu’il détient. Il peut avoir, comme signalé auparavant, des parts dans différentes sources d’irrigation, comme il peut avoir des parcelles dans différents coins et irriguées par différentes sources. Ces parts d’eau constituent un patrimoine, pour le propriétaire et sa famille, du fait qu’elles sont transmises par héritage. Les parts d’eau ont été attribuées en fonction de la participation de chacun dans la réalisation du puits. Les données relatives aux ayants droit et à la part d’eau de chacun des propriétaires du puits sont mémorisées dans un registre tenu au niveau du gérant de la source. Ce registre est tenu à jour, lors des transactions (achat ou cession) des parts d’eau entre les propriétaires, par le gérant du puits.

L’organisation calendaire en tours d’eau ne constitue aucune entrave ni pour le propriétaire ni pour le gérant de la source. Celui dernier détient la liste de tous les adhérents avec leurs parts d’eau dans le puits. Il informe, à chaque tour d’eau, le propriétaire de la journée et de l’heure de l’irrigation. Il arrive parfois que des propriétaires voisins inter-changent, entre eux, les horaires d’irrigation pour des raisons d’indisponibilité ou d’occupation ailleurs.

Parfois, le propriétaire peut demander aussi à son voisin de lui assurer l’irrigation de sa parcelle, pour des raisons d’indisponibilité.

Chaque propriétaire, dans le respect d’une équité d’irrigation, reçoit sa part d’eau de façon fractionnée. Les parts d’eau sont des multiples de trente Kharoubas et correspondent à des cycles de deux, quatre, huit, seize semaines, etc. ( Rouvillois-Brigole M , 1975 , p141).

La hiérarchie sociale ou la vie collective fait que chaque source « puits » ait un chef.

Ce chef est communément appelé Azmin. L’Azmin de la source est un des propriétaires de la source, un riche, un chef de fraction ou un notable. Il détient le registre de la source où sont inscrits les noms des associés et les mesures et la part d’eau de chacun d’eux. (Delheure J., 1988, p 191).

La fréquence des irrigations est très variable d’un propriétaire à l’autre. Chacun en fonction de « sa part d’eau » au niveau du puits. La durée de rotation est de sept jours en une semaine.

L’eau d’irrigation n’est pas toujours donnée aux mêmes jours de la semaine (même journée) ni aux mêmes moments (même heure). Il y a un roulement qui se fait entre les propriétaires de telle sorte que le tour d’eau soit alterné : irrigation nocturne (de nuit) ou diurne (du jour) et pendant les jours de la semaine. Ce processus permet de mettre en exergue l’esprit égalitaire entre les usagers au sein de la communauté oasienne et de mettre en valeur une
organisation sociale toute particulière.

Dans le temps, la journée d’irrigation est évaluée à douze heures. La nouba est nommée blanche (Beida) ou noire (Kahla), selon qu’elle est prise le jour ou la nuit. En particulier à Ouargla, la nuit n’est pas divisée. Celui qui a un tour d’eau et ayant, par exemple, une demi-nouba noire (60 kharoubas), prendra son eau pendant toute une nuit tous les deux tours, pour restituer, en quelque sorte, l’eau empruntée lors du premier tour d’irrigation.

La répartition de l’eau entre les propriétaires est sous le contrôle exclusif d’un élu de la Djmaa1 (Moulias D., 1927, p174).  Il faut ouvrir là une parenthèse pour expliquer le rôle de la Djmaa. A Ouargla  la Dj’maa constitue le véritable pouvoir exécutif.(Dumas. L., 1845, p75)  Elle se compose de douze membres dont chaque tribu (trois tributs : Béni Brahim, Béni Sessine et Béni Ouagguine) fournit un tiers.

Lorsque l’eau est à la tête de la parcelle (à l’entrée de l’exploitation), le propriétaire la dirige, par des moyens archaïques (terre, pierre, chiffons) vers les parcelles. Seul le critère de la couverture totale de la parcelle en eau (submersion) est signe de satisfaction en eau de la culture en place, comme le montre la photo ci-dessous. A cet instant, le propriétaire ferme le tronçon et redirige l’eau vers une autre parcelle par les mêmes façons d’ouverture et
fermeture des parcelles.

Le droit de partage de l’eau entre les membres de la communauté se fait en unité de temps, selon la technique subtile des tours d’eau, en cours dans de nombreuses Oasis. L’ayant droit dispose ainsi pendant un laps de temps donné de tout le débit du puits. Celui-ci est partagé en 14 jours d’eau (7 jours et 7 nuits). Chaque journée d’eau comporte douze heures de service et chaque jour est divisé en 120 minutes dites « kharoubas » dont la durée varie de 5 à 7 minutes. (Kassah.A 1998, p95, 102)

 Le tour d’eau de chaque ayant droit est donc plus en moins long, selon l’importance des parts d’eau qu’il possède sur un puits. On cite que un même propriétaire peut avoir des parts sur plusieurs puits parfois éloignés de sa palmeraie, ce qui entraine des réseaux de rigoles très enchevêtrés. Pour assurer une irrigation régulière, chacun reçoit sa part d’eau de façons fractionnée. Ces parts étant des multiples de trente kharoubas, elles correspondent à des cycles de deux, quatre, huit et seize semaines. Le comité des sages veille à la bonne utilisation des tours d’eau.

bOasis des Dunes

Elles sont connues sous le nom des « Ghout » (phots 2-3). C’est un système d’exploitation agraire typique et propre à la région du Souf (Wilaya d’El Oued, Figure 1). La localisation de cette région en plein milieu du Grand Erg Oriental n’a pas occulté le génie du Soufi pour s’adapter et s’acclimater à son rude milieu et de le transformer en sa faveur. Les oasis sont développées sur les nappes phréatiques du Grand Erg Oriental. Elles sont comme des oasis en Bour (en sec et sans irrigation).( Figure 1)

Figure 01 représente la carte géographique de Oued Souf

Photos 1 et 2  représentes : Ghout de la région du Souf

 Les techniques locales et spécifiques d’excavation permettent à la palmeraie d’atteindre l’eau des nappes superficielles. Ces techniques aussi délicates et onéreuses ne permettent pas l’excavation de l’Erg sur de vastes superficies.

Marc Côte estime des superficies entre 1/10° et 1/4 d’hectare. (Marc. Cote 2006, p 135).

  Le palmier dattier est alors planté au ras du sol et touche la nappe phréatique. C’est ce qui permet l’imbibition des racines du palmier dattier toute l’année. Le Ghout est le résultat d’un travail acharné et pénible de la famille Soufi durant une longue période. Elle est ainsi une propriété privée et familiale.

 Comme celle d’el Oued ou l’eau d’irrigation est puisée par capillarité. Le principe repose sur la réalisation d’un cratère ou d’une cuvette concentrique d’un mètre de profondeur par rapport au niveau initial du sol.

 L’excavation du sable hors de la cuvette se fait manuellement par les hommes « les Rammalas ». Le creusement s’arrête à l’approche du toit de la nappe. Au fond de la dépression, on y installe la palmeraie.

 Les racines du palmier baignent dans les horizons humides du sol, alimentés par capillarité depuis la couche saturée, sans avoir recours à, une mobilisation d’eau classique. L’avantage de cette technique originale, permet de créer un microclimat à l’abri des siroccos où se développent d’autres cultures. Néanmoins, ce projet exige un entretien permanent d’évacuation des dépôts de sables, sinon la palmeraie serait engloutie sous des tonnes de sables déposés par les tempêtes. Pour minimiser les effets des tempêtes de sable, les berges de ses cratères sont surélevés tout autour d’un clayonnage fait de palmes sèches.

En effet, contrairement à la signification générique d’El oued, dans cette région endoréique de 70m d’altitude, il n’existe pas d’émission naturelle d’évacuation des eaux. Le manque d’un réseau de drainage a favorisé la remontée de la nappe et tous les rejets d’eau domestique, industrielle et agricole s’y ajoutent régulièrement.

L’agriculteur doit contrôler en permanence le niveau de la nappe et procéder à un pompage de l’eau, hors de Ghout en cas de surélévation.

En outre, on remarque que chez la population Oasiens rurales de Souf, des pratiques agricoles ancestrales telles que certaines méthodes qui ont permis de transformer de dunes en constellation de jardins. (Photo 3)

Photo (3) relative à la méthode de transformation de dunes en formes de jardin.

Enfin, on signale que plusieurs Oasis sont déjà mortes par asphyxie et des milliers d’emplois directs ont disparus dans cette région où l’on dénombre quelques 9500  Ghouts (Perenes.J 1999, p461).  Si des solutions ne sont pas apportées à temps, la région vivrait une catastrophe  par la disparition totale des Oasis ayant survécus en tant que bases de vie durant des milliers d’années. Un méga projet est lancé ces derniers temps par les pouvoirs publics pour endiguer ce phénomène en évacuant les eaux excédentaires vers le chott limitrophe.il constitue un espoir pour les populations locales et la survie de l’Oasis.

cOasis de M’Zab :

 C’est des Oasis fluviale, approvisionnée en eau des Oueds, tel que l’Oasis de M’Zab sise dans la wilaya de Ghardaïa. (Figure 1)

 C’est justement l’aridité de cette vallée qui a motivé, semble –t-il les Kharidjites musulmans venet de leurs villes Tihert à l’ouest et Sedrata à l’est, de s’y installer sur une bande de 20km de long sur 2kl de large, le long du Oued M’Zab. ( Benyoucef .B 1988,p103,112)

Figure (1) représente la wilaya de Ghardaia

Ce choix devait les isoler et les protéger d’éventuelles belligérantes. Ces peuples fondent alors entre les années 1012 et 1347, cinq villes Oasiennes : Ghardaïa, Mélika, Beni sguen, Bounoura et El Atteuf, sur des terres arables au fond de la vallée fertilisée par les crues saisonnières de l’Oued M’Zab et ses influents. (Djennane. A 1990, p 40)

Les oasis de Ghardaïa ont une caractéristique de plus par rapport aux autres oasis de la région, car elles sont le lieu d’habitation des mozabites dans la saison estivale. Où on trouve dans chaque habitat dans la région de Ghardaïa un jardin de palmiers et d’autres cultures comme le montre la photo(1).

Photo 01 : Vue extérieure des Oasis de Ghardaia

Cette installation s’est opérée grâce à la maitrise des crues, à l’exhaure des eaux et leur distribution collective.

 Le système ancestral commence à presque 1.5 Km de l’oasis, avec tout un système de digues, déversoirs, tissembat ( Benhmed  Cheikh Salah 2000,p 22). Concernant la composition du système traditionnel d’irrigation, on trouve deux types d’irrigation dans les Oasis de Ghardaïa :

C-1- En temps ordinaire :

Le système d’irrigation est composé de :

C-1-1- Les puits :

  La première tâche faite par ces hommes est de creuser des puits sur toute la vallée de M’Zab avec des profondeurs variées entre 10m et 80m d’environ. (Photo 3) Ce travail prenait des années pour être terminé, parfois deux (02) générations successives qui font ce même travail. (DELHEURE J., 1975, p 75,77)
On prend comme exemple, le nombre de puits creusés en 1900 est d’environ 3300 puits, de même qu’il y a 175.200 palmeraie dans les sept (07) ville du M’Zab.
Les moyens utilisés pour le puisage sont spéciaux à la région, parce que la profondeur a fait éliminer le principe appliqué dans la Khottara (principe de bascule).
Les mozabites utilise un mécanisme plus simple, et ce système se compose
essentiellement de l’outre de peau (Dalou) servant à extraire l’eau, sa capacité est entre 40 et 50 litres, retenue par deux (02) cordes, la plus longue glisse sur une polie longitudinale. Ce récipient contient une manche de cuir de 50 à 60 cm de longueur qui est manœuvrée pa une corde secondaire.

On peut abaisser ou relever la manche pour ouvrir ou bien fermer l’ouverture (relever durant toute la montée pour éviter les pertes des eaux.
Lorsque l’outre atteint le niveau du sol, on peut abaisser la manche pour permettre à l’eau de s’écouler.( Benhmed  Cheikh Salah 2000,p22)

On tire la corde en s’éloignant du puits pour faire remonter l’outre, le tirage se fait par un homme ou par un animal sur une piste, la longueur de cette piste est égale à la profondeur du puits qui s’appelle Aghlad Noulam « le chemin de chameau ». (Makni.H., Delheure J 1948, p75)

Photo (2) : Les puits mozabites traditionnels.

C-1-2 Les canaux

Appelés aussi Tardja, ils sont rendus étanche avec un plâtre de fabrication locale
(Timchemt). Ces canaux servent à transporter les eaux vers tous les points à irriguer.

C-1-3 La seguia

 Situé Juste après les puits, elle assure le transport des eaux jusqu’au jardin, elle ne prenne aucune prise sur son parcours. (Photo 3) représente la Seguia dans les jardins

C-2- Le temps de crue

Durant cette période de crue, les mozabites ont développés le système de répartition de ces eaux depuis huit (08) siècles. Ce système joue plusieurs rôles :
1. La répartition des eaux de crue sur les jardins selon leur périmètre, nombre de palmier, la participation dans les travaux de maintenance. (La partie finale de chaque jardin est estimée par les gens de la mosquée).

  1. Faire réduire la grande pression de ces eaux en diminuant la charge de ces eaux pour éviter les dégâts.
  2. Remplir les barrages et les puits profonds qui alimentent la nappe phréatique, pour réutilisés ces eaux dans les périodes de sécheresse.
  3. Récupérer le maximum de ces eaux pour couvrir le manque d’eau dans les jours ordinaires. Le système de répartition et de captage des eaux de crue est compose de;
  4. 2. 1. Tissembades (fameux partage des eaux)

C’est une petite digue sous forme de bouche (Photo 4), elle se compose de plusieurs ouvertures verticales. Chaque ouverture à presque (85cm40cm) de surface, contienne une vanne plate métallique pour la fermeture ou l’ouverture (Photo 7 et 8), toutes les 3 ou 4 ouvertures forment une entrée d’un canal souterrain.

Photo (4) : Tissembades

  • 2-2Conduites souterraines

Elles Sont des canaux souterrains qui commencent juste après les Tissembades, pour transporter les eaux de crue vers les oasis.

Il y a plusieurs déviations dans ses chemins, elles sont reliées entre eux par plusieurs canaux pour briser le jet d’eau (éviter les inondations), et pour assurer la répartition dans tous ces canaux. Au long de ces canaux, il y a des puits verticaux d’un diamètre d’environ de 90cm sa longueur se varier selon la distance entre les puits et les Tissembades, par exemple: Le premier puits situé à 10 m de Tissembades, sa profondeur est d’environ 1.5m, Le dernier puits avant l’oasis, sa profondeur dépasse 70m.Le rôle principal de ces puits c’est l’aération, le contrôle et la maintenance de ces conduites souterraines. Ces conduites souterraines atteignent l’oasis avec le même niveau que les petits chemins
qui sont utilisés par les habitants pour marcher et qui sont aussi des conduites à ciel ouverts qui distribue les eaux entre les jardins.( photo 5)

Photo (5) : La sortie d’une conduite souterraine au niveau d’oasis.

C-2-3Les conduites (chemins) entre les jardins

Ce sont des chemins pour la circulation humaine dans le temps ordinaire. Au temps de crue, les canaux souterrains alimentent ces chemins avec de l’eau, qui s’infiltre dans les jardins à l’aide d’El-koua.

C-2-4- El-khana (Koua)

C’est une petite ouverture située au sol sur le mur du jardin , elle permet à l’eau
de pénétrer là-dedans, chaque jardin a une seule Koua, son épaisseur varie d’un jardin à un autre, et plusieurs jardins ont un seul puits qui alimente l’ensemble des ouvertures avec de l’eau. (Photo 6)

Photo (6) : El-khana. (L’orifice qui alimente le jardin au temps de la crue)

Concernant la législative des eaux chez les mozabites, elle se base sur des documents manuscrits connus par le nom « ittifaqat » autrement dit les conventions.[3]Ce sont à l’origine des procès-verbaux de délibérations, prises par l’assemblée générale des villes du Mzab et consignées en minutes par le secrétaire de la dite assemblée sur des registres dits « Mawani al oumma ».Ces registres sont détenus par des personnages qu’eux seuls peuvent donner communication ou copie à autrui. Parmi les documents manuscrits, on cite par exemple un document très important daté 1704 et qui nous fait remonter aux origines de la répartition des eaux pluviales. Ce document résume les principes du régime des eaux de l’Oasis de Ghardaïa, tel qu’il se pratique depuis des siècles et il contient le passage suivant : «  le partage de l’eau sera fait sur pied de la plus stricte égalité, non pas par tête, mais proportionnellement au nombre des jardins. Tout propriétaire d’un jardin aura droit à une part, celui qui possédera deux jardins aura droit à deux parts et ainsi de suite. Les prétentions de qui réclamera une part supérieure à la sienne seront nul et nul effet. Le propriétaire d’aval amènera sa part dans son jardin sans opposition de qui ce soit. ».

Dans le même ittifaq, nous lisons dans l’article 08 : «  celui qui amène dans son jardin ou son canal une quantité d’eau courante supérieure à celle qui lui revient, est puni de 25 réaux d’amende et de l’exil » ( Miliot.L et Giacobetti.A  1930, p24),donc la répartition des eaux exige un organisme de surveillance et de coordination, un corps de fonctionnaires de l’eau des experts en droit de l’eau qui le maitrisent en tous ses détails, et auxquelles en s’adresse en cas de litige sur le partage.

D Oasis d’Adrar :

C’est parmi les Oasis de dépression alimentée en eau par les foggaras tel que les Oasis d’Adrar et de Timimoune et de Touat. La foggara est système de captage horizontal des eaux souterraines, connue sous le nom de qanat ou kariz en Iran ; elle s’appelle foggara en Algérie et kettara au Maroc.

Elle est d’origine perse, où l’Oasis d’Irbil semble être la première, à la fin du VIIé siècle av. J-C à utiliser cette technique. (Salem .A 1988, p 88).  Elle est propagée ensuite en Inde et en Chine. En Afrique du Nord, elle est a été introduite par les musulmans Almoravides au cours du X  et XIé siècle. En Algérie la foggara s’est développée dans les régions Sud-Ouest du pays notamment à Adrar, à Touat et à Gourara où les conditions hydrogéologiques et topographiques sont idoines à ce type de captage.

Notre recherche s’est penchée dans les régions de Touat, qui font partie de la circonscription d’Adrar dans le Sud-Ouest d’Algérie (figure 01). Elle est motivée par la mise en place des nouveaux périmètres de mise en valeur, basés sur l’exploitation des eaux souterraines, accompagnée par un discours sur le déclin des systèmes hydrauliques ancestraux que sont les foggaras.

Figure 1. Localisation de la zone d’étude, région de Touat dans le Sahara algérien

Jalonnées par d’anciennes voies caravanières transsahariennes qui liaient la Méditerranée à l’Afrique subsaharienne, le Touat et ses multiples chapelets d’oasis jouissaient d’un rôle de plaque tournante dans le commerce et une zone de refuge pour des populations exogènes.

Malgré son aridité hostile, le Touat bénéficie d’un immense réservoir d’eau d’origine fossile, la nappe albienne, où les anciens paysans ont creusé d’importantes galeries d’eau souterraine, dénommé foggara, drainant la nappe albienne du plateau du Tademaït, fournissant des débits d’eau continus et minimisant les pertes par évaporation. (Dubost D 1992, p85, 96)

C’est plus précisément à Tamentit (à une vingtaine de kilomètres au Sud d’Adrar), que cette technique des qanat a été introduite pour la première fois par EL Malik  EL Mansour au 11eme siècle (El Faiz M. 2002,p 89,93).Dénommée localement foggara, elle s’est rapidement propagée dans le reste des oasis algériennes (Touat – Gourara – Tidikelt), à la faveur des eaux fossiles de la nappe du continental intercalaire (albien). Il s’est suivi une dynamique remarquable des jardins palmerais et d’habitat sédentaire qui les accompagnent. Ainsi, et compte tenu des conditions topographiques et hydrogéologiques précises qui commandent cette région saharienne de Touat, un mode de vie oasien s’est imposé dans ces zones arides, par l’acheminée une eau profonde et de qualité, donnant naissance à des espaces fertiles et viables, dénommés les oasis. La longévité de ces espaces de vie est conditionnée par la performance de la foggara et l’entretien régulier de ses différentes composantes (figure 2).

Figure 2 : Différentes  composantes d’une Foggara

Exploitée de manière collective, la foggara appartient à un groupe de copropriétaires qui veillent à la distribution individuelle de l’eau.(Garnier.J-C 1980 , p664,663).Les familles riches, membres de la copropriété disposent de plus d’eau que les membres des familles les moins fortunées.( Marouf.N 2010,p 69,80)

La répartition de l’eau se fait par un système de peignes appelés « el qasria » et qui commence à la fin de la galerie souterraine (figure 3).

Figure 3. Peigne de partage (el qasria)

Au plan juridique, la gestion des conflits sont assurés par un comité de sages qui lui a été confié la rédaction d’un code des galeries drainantes souterraines, comportant toutes les règles qui régissent la répartition et la gestion des eaux de la foggara, dénommé localement Zemam (figure 4).

Figure 4. Le Zemam, la mémoire de la foggara

Ce code devrait mettre fin aux conflits entre les usagers. De plus, les populations notables de cette région accordent aux foggaras un caractère sacré comparable à celui des écoles coraniques, des zaouïas et des mosquées. ( Moussaoui.A 1980, p291).  En cela, sa destruction ou sa profanation devient un crime impardonnable.

Toutefois, l’ingérence des technologies modernes de pompage d’eau conduit à nos jours à engendrer à l’individualisation des pratiques agricoles, alors que jusqu’ici le collectif dominait, notamment dans les oasis à foggara de Touat, dont seule une action collective, pouvait expliquer l’existence. (Marouf.N 1980,p 78,85)

La propriété de l’eau est acquise à ce qui par son travail ou ses deniers a contribué à la réalisation de la foggara. Chaque individu est propriétaire d’une part de l’eau proportionnelle à sa contribution. Compte tenu de l’aridité de la région, la jurisprudence ordonne que la propriété de la terre et liée à celle de l’eau. Sans eau, la terre n’a aucune valeur. A la sortie de la foggara, l’eau est canalisée par rigole vers un partiteur en forme de peigne dite «  El qasria » réalisé en argile. L’eau sort partagée puis conduite par un faisceau de rigoles vers les parcelles à irriguer dans l’Oasis. L’excèdent d’eau s’achemine vers un bassin de collecte appelé « madjen » ( Flye Sainte-Marie 1904 , p110)  pour irriguer d’autres parcelles à l’aval.

Le type d’irrigation est dominé par la submersion et les doses dépassent souvent 30.000 m3/ha. A la différence des autres Oasis où l’eau est répartie entre les propriétaires au tour d’eau ou « nouba », dans ce type d’Oasis la distribution s’effectue au volume. (Guillermou.Y 1993, p121, 138). La mesure du débit est réalisée par un aiguadier appelé « kyal el ma, responsable du jaugeage des débits, assisté d’assesseurs sous le contrôle de la Djemaa. Le débit est évalué par un instrument appelé le luth ou chekfa  selon les Oasis. Il est constitué par une plaque en bois recouverte de cuivre et percée de trois rangées de trous de dimensions différentes. La première rangée de trous égaux, située en haut du luth correspond à l’unité le « thmane », c’est le 1/8, les deux rangées suivantes représentent les multiples et sous multiples de cette unité. Le débit de la foggara est divisé en 24 parts ou « guesma », divisée elle-même en 24 sous parts. (Perenes.J 1999, p461)

La gestion des eaux de la foggara obéît à des lois coutumières de répartition appelé «  droit de l’eau ».Le détenteur d’un droit d’eau peut en faire usage, le vendre ou le louer pour une période déterminée. Il peut également en faire associer d’autres usagers.

Comparée au mode d’exploitation par puits, la foggara offre l’avantage de fournir une eau en permanence par gravité, ce qui sous-entend en toute gratuité. Les contraintes techniques et économiques sont épargnées. Cependant le débit continu, pouvant atteindre 400 l/s, est un inconvénient majeur car il entraine beaucoup de pertes en période de non utilisation.

De manière générale, l’accès à l’eau reste primordial dans la mise en valeur des parcelles
oasiennes. On distingue clairement un développement fort des gestions individuelles de la
ressource, mais également l’existence de périmètres historiques encore dépendants des modalités de gestion collectives. L’un et l’autre présentent un intérêt, soit en favorisant l’initiative individuelle, soit en constituant un moyen durable de gestion de la ressource.

Ainsi, il semble nécessaire de sécuriser l’accès à l’eau des nouveaux périmètres individuels tout en se donnant les moyens de maîtriser leur impact sur la ressource en favorisant l’enregistrement des nouveaux puits et forages.

Concernant les oasis traditionnelles, il est important de soutenir l’organisation collective, à devenir autonome vis-à-vis de l’Etat en aidant les djemââs à poursuivre leur implication dans la gestion des ressources tout en y assurant un accès équitable.

Enfin, nous avons conclus que Les techniques d’irrigation, et  législation des eaux dans les Oasis d’Algérie représentent un savoir typiquement local, ces origines remontent à un passé très ancien, enrichi par des doctrines diverses emmenant de la charia (législation islamique). Actuellement des efforts  se font par des associations locales tout au long des oasis, pour dévoiler plus de fonds manuscrits concernant le droit de l’eau sans oublier les efforts des institutions qui prennent le contrôle de la gestion de l’eau afin de garantir la durabilité des Oasis.

Conclusion :

Les Oasis Sahariens voient se juxtaposer actuellement deux systèmes hydrauliques, le plus traditionnel et le plus moderne ; le premier centré sur la gestion ancestrale de l’eau à écoulement gravitaire et gratuit et le deuxième favorisé par le progrès technique utilise le forage et l’énergie électrique payante. Ce nouveau mode d’accès à la terre avant l’eau a bouleversé les valeurs traditionnelles d’accès aux ressources agricoles basées sur l’appartenance sociale et sur la notabilité. La part de l’eau qui revient dans le premier mode est fonction de l’effort fourni, au contraire, elle est acquise dans le deuxième mode par la loi qui a mis à pied d’égalité tous les groupes sociaux oasiens. Dans le premier mode, l’eau est précieuse et exploitée parcimonieusement, tandis que dans le deuxième mode elle est abondante, utilisée parfois à outrance, mais aussi non exploitée.

Face à des palmeraies au foncier émietté et en appauvrissement continuel en eau, la mise en valeur agricole s’est présentée comme un nouveau souffle pour l’agriculture oasienne. Mais c’est aussi une forme d’alternative, voire une substitution qui s’effectue progressivement et qui a redessiné partiellement le paysage rural oasien. Le processus de privatisation des terres publiques ne s’est pas accompagné d’un travail conséquent des terres, mais il est venu bouleverser un milieu rural oasien déjà affecté par des transformations socioéconomiques transgressant les règles traditionnelles et basculant les logiques d’accès aux ressources en passant de l’appropriation de « l’eau avant la terre » à l’appropriation de « la terre avant l’eau ». Sur cette nouvelle recomposition spatiale de l’agriculture se sont calqués l’appropriation individuelle et le faire-valoir direct.

L’utilisation des moyens modernes en hydraulique a permis le développement d’une agriculture marchande, mais elle a en revanche augmenté la pression sur une eau d’origine fossile peu renouvelable et la salinité des sols.

En dépit des confrontations entre les deux agricultures, une cohabitation se manifeste par le transfert du savoir-faire et par des adaptations matérialisées par l’introduction du salariat et la pluriactivité des ménages, le travail agricole féminin et le recours à l’hydraulique moderne pour renforcer l’élément vital à l’Oasis en utilisant en partie les énergies renouvelables. Les Oasiens gardent des permanences et, tant bien que mal, maintiennent fonctionnel leur système irrigation traditionnel pour simple une autosuffisance.

Références

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[1]– Nouba : c’est une méthode classique exprime le tour d’eau en égalité entre les Oasiens.

[2] – Kharrouba : Considérée comme unité de temps utilisée pour l’irrigation.

[3] -conventions entre les représentants des « azzaba » (institution religieuse) et celles des « awam »( notables, représentants des fractions), qui forment l’assemblée supérieure qui représente les corps législatif dans la société mozabite.

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