Les secrets de la séduction féminine dans les cinémas : occidental, égyptien et marocain au XXe siècle
Prepared by the researche : Laaroussi Elmostafa -Professeur au lycée – Université sultan Moulay Slimane, faculté des lettres et des sciences humaines, Beni mellal-Maroc
Democratic Arabic Center
Journal of cultural linguistic and artistic studies : Thirty-second Issue – June 2024
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin
Journal of cultural linguistic and artistic studies
:To download the pdf version of the research papers, please visit the following link
Abstract
Many artistic names at the beginning of their career resorted to the use of the temptation approach to show their artistic talents in the field of acting and impose themselves on the cinematoghraphic scene .These actresses didn’t hesitate to exploit and employ their physical body as a mean to achieve celebrity. In fact, some artists have succeeded in forming and creating a consensus on the good and acceptable reputation on the seventh art shows while the reputation of other names has fallen downin a lightning Speed.
The cinema repertory is abundant with the great number of actresses who have printed the history of the occidental, Egyptian and Moroccan cinema. In light of the different style and performance regarding the seduction theme of some actresses, some of them were able to perform the temptation techniques through body language or by making use of the revelation approach, while others are emancipatin this in a manner that many considered a sophisticated form. Others, on the other hand have exceeded this and appeared naked on the big screens while performing their roles. So, every actress has her own style in playing the role of seduction.
Introduction :
Nombreuses sont les artistes qui, au début de leur carrière, ont fait appel à la séduction pour manifester leurs talents et se faire connaitre sur la scène cinématographique. Ces actrices veulent devenir célèbres et susciter l’intérêt des producteurs afin d’avoir une place devant leur caméra, lesquelles actrices n’hésitaient pas à user leur corps comme ultime moyen. Certaines ont réussi à se forger une bonne réputation sur le grand écran, alors que d’autres sont rapidement éclipsées.
Le répertoire du cinéma mondial est caractérisé par l’éclatement des actrices qui ont marqué l’histoire du septième art occidental, pharaonique et marocain. À la lumière de la différence au niveau du style et de la performance en termes de séduction chez quelques actrices, certaines artistes ont réussi à jouer la tentation tout en déployant un jeu gestuel (mouvements) ou des suggestions. Elles l’ont fait d’une manière que beaucoup considérait comme une forme sophistiquée, tandis que d’autres ont dépassé tout cela en se présentant nues sur le grand écran pour jouer leurs rôles. Donc, chaque actrice avait son propre style en jouant la séduction.
Dans notre travail, nous mettrons l’accent sur les séductrices les plus célèbres du grand écran dans les trois cinémas. En effet, les années trente (cinéma occidental), les années soixante-dix (cinéma égyptien) et les deux dernières décennies (cinéma marocain) sont les moments où la séduction féminines était prolifique, les jeux de rôles étaient plus manifestes et le retentissement avait fait beaucoup de bruit. Ce jeu mettait des procédés cinématographiques au service du sujet, notamment avec l’émergence de quelques stars qui ne se souciaient pas des scènes de tentation ou des vêtements transparents. Au contraire, ces stars ont réussi à accomplir leur mission devant la caméra avec une grande aisance et un engagement professionnel.
I- La séduction dans le cinéma occidental durant la première moitié du XXe siècle
Sont nombreux les films qui ont eu une énorme influence sur les sentiments et l’imaginaire des spectateurs, lorsque les rôles et les moments forts sont joués par les stars du septième art, y compris les scènes d’amour incarnées par des vedettes, notamment dans le genre de la romance. Autrefois, le grand écran nous présentait de belles femmes, et de nombreuses scènes de romance et de séduction dans toutes ses formes et ses dimensions. Par conséquent, les producteurs de films sont devenus conscients de ce qui se passait chez le public, ils ont essayé de créer de nouvelles stars pour l’écran dans le but de faire plaisir au spectateur et l’encourager à maintenir ce contact avec sa star préférée et le film en général. Par exemple, nous avions l’habitude d’attendre jusqu’ à ce que Madonna, Marilyn Monroe ou Sophia Loren apparaissent sous une nouvelle physionomie. Si les films d’aujourd’hui sont porteurs d’un plaisir visuel et spirituel, il est rare qu’ils gardent une trace ou un souvenir que le spectateur pourrait revivre à l’hiver. Souvent, les films de ce type sont considérés comme une attirance trompeuse qui peut détruire d’un coup assez violent les images romantiques. De même, nous sommes confrontés à une panoplie d’images de Rambo et Rain man où les spectateurs accordent davantage d’intérêt aux hommes qu’aux femmes. Cet aspect n’a pas été abordé au cinéma depuis le premier baiser (Linda, 2008, p. 33-38.) à l’écran paru en 1896 dans le film américain Le baiser, réalisé par Heise. Dans ce film l’acteur John C.Rice dans le rôle de Billie Bikes embrassait la veuve Jones incarnée par May Irwin. Cette scène qui n’a duré que 20 secondes est considérée comme la meilleure fin de ce film, même si ce dernier a également suscité la polémique et fit scandale. Ce même film était censuré et les ligues de vertu américaines en profitèrent pour imposer une première ébauche du code moral, le Code Hays, aussi appelé Code de Production, (Gregory 1994, p. 1-2, 149-150 ) instauré par le sénateur William Hays, aux réalisateurs et producteurs de films(, Schwartz [archive] sur le site du journal La Croix (consulté le 17 janvier 2017). Ainsi, pendant près de trente-quatre ans, la nudité, les baisers jugés indécents, les positions suggestives, l’adultère, le sexe illicite et les unions entre différentes races furent interdits à l’écran ( Lieutenant-Duval,Le 2012/2 (n° 19), pages 37 à 49) .En faisant un retour en arrière dans le but d’une simple comparaison, nous découvrons que le cinéma à ses débuts était plus excitant qu’il ne l’est maintenant. Les femmes se démarquent des hommes, en tant que public, par leur justesse et leur subtilité, en distinguant les qualités que possèdent les stars / les hommes du cinéma, tandis que les spectateurs masculins se contentent d’identifier leurs stars préférées au premier coup d’œil à l’écran.
Premier baiser de l’histoire du Cinéma, celui de May Irwin et John C. Rice dans “The Kiss” de William Heise, film de 1896 qui dure moins d’une minute. Une première qui fit scandale.
À cet égard, Theda Bara, de son vrai nom Theodosia Burr Goodman, est considérée comme la reine de la séduction à l’écran en 1917 après son apparition dans le rôle de Cléopâtre.Elle a pu charmer un large public masculin lorsqu’elle a montré son corps en portant ce qui ressemblait à des vêtements de femme de mauvaise réputation, alors que les femmes qui se considèrent de bonne réputation ne savent pas comment mettre ces vêtements. Aujourd’hui les normes de beauté sont si différentes à tel point que Theda Bara” semble être une “pyramide», une actrice vient de faire son retour à la vie après que la “séduction et le nudisme” ont perdu de leur éclat au point qu’on ne peut distinguer une bonne actrice/fille d’une mauvaise actrice/fille en termes de vêtements portés costume. Puisque ce sont les hommes qui produisent/ réalisent la majorité les films, la plupart d’entre eux connaissent, plus que les autres, l’effet des scènes de séduction sur le déroulement de l’intrigue. Dans leurs écrits, les critiques spécialisés font des reproches aux comédiennes plus que les comédiens, comme si ces femmes étaient avant tout responsables de la réussite de l’œuvre. Aussi , les cinéastes dont les réalisateurs et en fonction de leurs instincts sont capables de découvrir que le talent se répartit dans le mouvement de tout le corps, et qu’une partie importante de celui-ci se cache derrière des vêtements inutiles, bien que la déesse de l’amour, puisse suggérer une certaine séduction ou des pensées impures d’après l’esprit de la société conservatrice .
Theda Bara dans un de ses voiles transparents, film Cléopâtre (1917), pour lesquels elle fut et reste célèbre, et qui provoqua la controverse.
En 1915, la nageuse australienne Annette Kellerman a d’abord revendiqué le droit de disposer de son corps et d’en prendre soin en réclamant le port du maillot de bain moderne afin de faciliter la nage et la pratique sportive pour les femmes(Velez, Genre & Histoire [Online], 8 | Printemps 2011). En outre, elle a commencé à jouer des rôles romantiques comme dans son premier film de ce type La Fille des dieux (A Daughter of the Gods).De ce fait, la scène la plus émouvante de ce film était celle où Anitia pataugeait entre les rivières et les cascades alors que sa chevelure (James.1993. ISBN 0-415-09034), pp. 9–10). Seule couvrait son corps. À titre d’information, cette silencieuse fantaisie dramatique écrite et réalisée par Herbert Brenon en 1916 est considérée comme la toute première de l’histoire du cinéma à coûter plus d’un million de dollars. Entre autre, cette scandaleuse scène déterminait les normes de beauté que les films à venir doivent respecter. Ces normes auraient continué à s’imposer si le cinéma parlant n’avait pas mis en avant des conditions supplémentaires en ce qui concerne la séduction, tel que l’actrice soit convaincante dans son dialogue dans le film. Le cinéma, pour une raison ou une autre, présente deux grands types de filles : un modèle qu’on ne peut pas inviter à rencontrer ses parents à la maison, et un autre que l’on ne supporte pas de (le) voir jouer pendant même cinq minutes , Hollywood continue toujours à adopter de tels modèles .
Annette Kellermann,dans La Fille des dieux -Annette Kellermann,dans Neptune’s Daughter, 1914
Mais encore, Clara Bow (vintage 1 janvier , 1962), Mae West (Mae West, 1959, p. 156.) et Jane Harlow (Harlow – Nidottu, Ranska, 2016) furent des premières sex-symbol du cinéma muet(Morgan , 2004 p. 237), même si leurs coiffures ont l’air amusantes et drôles. Elles sont un exemple vivant des filles (Pollack et Alison Landsberg, , 2017) des années 20 et 30, et leur influence peut s’étendre jusqu’aux années soixante .Encore, ces trois filles promettaient aux spectateurs que le plaisir romantique continuerait toujours. Par conséquent, les spectateurs savaient ce que Mae West voulait signifier quand elle disait «J’étais aussi pure que la neige puis je me suis mis hors de mon chemin.L’une des remarques les plus importantes c’est que le romantisme et les comédies romantiques qui ont vu la lumière aux années trente n’avaient pas une vie déterminée ou un âge précis. Cette romance dépendait des talents passionnants d’actrices brillantes telles que : Katharine Hepburn, Greta Garbo, Marlene Dietrich, Joan Crawford et Carole Lombard. Alors, qu’est-ce qui rend la plupart de ces actrices si merveilleuses et immortelles dans la mémoire du public ? C’est peut-être la façon dont elles suggèrent qu’elles peuvent avoir quelque chose d’exceptionnel, mais elles ne montrent rien, même si les hommes/les spectateurs le veulent bel et bien. Ainsi n’importe quelle actrice de ces trois pouvait apparaître vêtue d’un tissu pour suggérer aux autres qu’elles peuvent montrer ce qu’elles veulent si les censeurs ne sont pas là.
Jean Harlow, le premier sex-symbol d’Hollywood–Harlow et Ben Lyon dans Hell’s Angels (1930), sa première apparition au cinéma
Par ailleurs, dans le film Un mauvais garçon (No Man of Her Own) réalisé par Wesley Ruggles, sorti en 1932(85 minutes), Carol Lombard jouait le rôle de la propriétaire d’une petite librairie de la ville, et elle portait une robe séduisante pour attirer l’attention de Clark Gable
Un Mauvais garçon, un film de 1932
D’autre part, si une actrice devait constamment prendre un bain, les réalisateurs réussiraient à utiliser les scènes de baignade dans leurs films. Les scénaristes aussi ont créé des raisons inévitables qui expliquent le déchirement des vêtements de telle fille devant la caméra, et d’autres raisons qui rendent Fay Wray” plus belle, alors qu’elle était entre les mains du gorille, dans le film King Kong d’Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, sorti en 1933.
Photo de Fay Wray – King Kong(1933)
Certains réalisateurs, comme Cecil B. De Mille, se réfèrent aux livres sacrés en décrivant les conséquences de l’infidélité et du péché, et en même temps, ils maudissent la censure qui agaçait leurs films. La séduction a fait un pas en avant avec cette jeune femme blonde aux vêtements moulants, alors que Lana Turner” est devenue une source d’admiration et de fascination pour le public .Elle se fait surtout distinguer dans le film La ville gronde (They won’t forget), réalisé par Mervyn LeRoy en 1937, par le port d’un sweater qui moule remarquablement ses formes. Grâce à ces pull-overs, trop petits pour elle, on la surnomme “sweater girl ” (Pierre – 1991, 1995 – (ISBN 2-258-04027-2).
Suite à l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, les grandes peintures murales de stars de cinéma se sont transformées en « portraits patriotiques », et même le puritain ne pouvait pas se plaindre lorsqu’il voyait de jeunes soldats partir vers une guerre sanglante avec des images érotiques non pornographiques dans leurs valises ou leurs poches. Elles doivent faire naître la nostalgie et le rêve, et non la frustration trop forte ou le manque déstabilisateur et désespérant. Les images de pin-up (Pin-up Ban, 1944, p. 2) sont alors un bon stimulus sexuel et salutaire pour l’autoérotisme, notamment en période de guerre (Favre, 35 | 2012, 239-264), tandis que les pilotes collaient de telles photos sur le devant de leurs avions. Quant à l’actrice Betty Grable, qui portait un maillot de bain, sa photo suffit pour que le jeune soldat fasse n’importe quoi pour la beauté de ses jambes. Suite à ces conditions, Betty Grable avait « assuré ses jambes pour un million de dollars.»( Perreur: 2010PA030038ff. fftel-00719429ff ).
La photo qui rendit Betty Grable populaire auprès des soldats américains durant la Seconde Guerre mondiale.
Bien que Rita Hayworth “ dans une scène [du film Gilda] devenue morceau d’anthologie, [l’actrice], vêtue d’un fourreau de satin noir retire ses longs gants en chantant l’incendiaire chanson Put the Blame on Mame : le dénudement progressif des mains qui suggère un « strip-tease » intégral en biaisant la censure du code Hays, reste un des sommets de l’érotisme au cinéma” ( Kyrou, 1957, p. 279). Il était clair que Margarita Carmen Cansino alias Rita Hayworth invitait les spectateurs à mettre fin à l’image d’érotisme et de l’enlever de leur esprit. Quant à l’actrice française, célèbre pour ses beaux baisers, Brigitte Bardot, apparue dans le film Et Dieu…créa la femme, réalisé par Roger Vadim , sorti en 1956, où il « montre une héroïne fière d’exhiber son corps et qui revendique une liberté amoureuse, se moquant des jugements portés sur elle par les garants de la morale. »(Bacharach, septembre 2018). …Après la sortie de ce film Juliette Hardy (Brigitte Bardot) a donné une nouvelle dose assez forte au romantisme et à la séduction sur le grand écran, à une époque où Carroll Baker -de son vrai nom Karolina Piekarsk– émerveillait les spectateurs par son rôle mythique de femme-enfant Baby Doll réalisé par Elia Kazan, sorti le 18 décembre 1956.
Rita Hayworth dans Gilda retirant son long gant noir
Cependant, aux années cinquante, l’époque de la télévision en Occident, l’industrie cinématographique fut obligée de trouver des matériaux qui n’auraient pas de rivaux au petit écran. Même s’il y a beaucoup d’actrices qui imitent Marilyn Monroe comme Jayne Mansfield et d’autres stars telles que Joan Collins et Gina Lollobrigida, Kim Novak demeure la plus attirante en portant un pantalon de jeans, et cherchant toute raison pour attacher sa chemise pour que son nombril et son ventre soient visibles. Or, le petit écran à cette époque n’était pas autorisé à en montrer qu’à partir des années soixante-dix. Par ailleurs, le niveau d’audace s’est redoublé chez certaines actrices, comme Elizabeth taylor et Deborah Kerr. Cette dernière se déhanchait de façon romantique entre les vagues et sur la plage avec Burt Lancaster dans le film Tant qu’il y aura des hommes“[1] réalisé par Fred Zinnemann et sorti en 1953.Cette scène de la plage figure dans toutes les anthologies de l’érotisme au cinéma .L’actrice Kerr décidait, par la suite, de revoir ses mouvements romantiques en constatant qu’il est difficile pour elle de jouer des scènes sur le sable pendant des heures.
De surcroit, Les années soixante peuvent être considérées comme un tournant important, lorsque le cinéma “pudique” a commencé à porter le nouveau maillot de bain “bikini”, l’homme peut maintenant dire à la fille à côté de lui sur la plage que le “bikini” qu’elle porte ressemble à une robe de gymnaste ou une taie d’oreiller après qu’elle ait été refaite. Alors que les femmes “impudiques” en portaient beaucoup moins. Pour la petite histoire on se souvient de Raquel Welch dans le film Un million d’années avant J.C (A Million Years BC) réalisé en 1966 par Don Chaffey, portant une sorte de “bikini” en forme de peaux d’animaux.
La marge de liberté que l’écran avait pu obtenir, durant des années en ce qui concerne le visionnage des produits audio-visuels, a permis à certaines actrices de performer leur maitrise des scènes et des images séduisantes et érotiques , de sorte qu’elles semblaient non-artificielles, à l’instar de Jane Fonda, Barbara Streisand, Faye Dunaway Jacqueline Bisset et Julie Christie . Le personnage vierge est toujours l’élément le plus fort de la légende filmique .En conséquence, le spectateur réclame des films qui contiennent un degré moins osé de séduction et d’érotisme. Par contre, à cette période il se trouvait de nouvelles actrices, comme Theresa Russell, qui continuaient de souffrir d’un sentiment d’insatisfaction après chaque tournage d’une scène montrant quelque chose de leurs corps. Cela nous ramène aux histoires d’amour de Greta Garbo, qui était l’une des nombreuses femmes ayant joué le rôle de la femme qui doit payer pour ses péchés.
II-Du baiser amoureux à la séduction dans le cinéma égyptien (1927-1970)
Les premiers baisers sur le grand écran furent timides avec le film Un baiser dans le désert réalisés par Ibrahim Lama en 1927. À l’époque, ce baiser provoqua un scandale entre un public choqué par l’audace de l’événement, et un autre habitué à voir de telles scènes dans les films occidentaux. Lorsque le cinéma avait commencé à devenir commercial après la Seconde Guerre mondiale, les critères de choix changèrent, de même que l’image de la fille ou de l’épouse qui est généralement aristocratique. Ève, même si elle est pauvre, elle semble être aristocratique à travers son talent et sa performance. Cette image est devenue dominante sur l’écran en commençant par Samira Khouloussi, Raqiya Ibrahim et Raja Abdou, ces actrices ont joué des personnages féminins élégants et conservateurs, jusqu’à ce que de nouvelles idées dominent le cinéma où s’incarne la séduction dans son vrai sens, loin d’être bon marché.
Affiche du premier long métrage muet de l’histoire du cinéma égyptien et arabe qui ne manque pas de séduction.
1-Entre le corps harmonieux et la féminité sans vulgarité
La séduction est apparue comme l’un des types du jeu filmique et réaliste. De sorte que ce type filmique est là pour traduire l’une des réalités de la société : le filmage d’une belle femme avec un corps bien fait, harmonieux et bien présenté sur tous les niveaux (costumes, maquillage, éclairage…). Cette femme est apparue sur le grand écran, dans une société égyptienne conservatrice, incarnée par Tahia KarioKa, Samia Jamal et Naima Akef dans les films des années quarante et ont connu un grand succès .Ceci est dû aux compétences et aux talents des trois actrices qui ne jouaient pas de rôles de séduction explicites, leurs films ne comportant pas de scènes de nudité. C’est une séduction qui se nourrissait de la beauté et l’ingéniosité de leurs danses loin de l’immoralité .Elles ont réussi à émerveiller le public égyptien jusqu’à nos jours. Des actrices contemporaines n’arrivent pas à réussir leurs rôles de séduction loin de la nudité dans les films des millénaires, elles figurent sur les affiches, elles occupent une place sur le grand écran et au box-office juste par leurs beautés et non plus par leurs talents.
Une mère encourage sa fille à profiter de sa beauté pour gagner les faveurs du patron de son père
Bientôt, la star Hind Rostom[2] a bien brillé en passant de petits et éphémères rôles à des rôles que nous avions connus, tels que Hanuma dans Bab al-Hadid (Gare centrale) et Niemat dans le film Elgassad (le corps) réalisé par Hassan Al Imam en 1955. La talentueuse Hind Rostom, morte en 2011, a pu avoir l’admiration et a suscité les envies des spectateurs .Même si elle n’a pas recouru à la nudité ou à la séduction vulgaire, notre actrice a bien réussi sa tâche grâce à la force de sa personnalité et sa féminité tout en dominant les personnages masculins du film, parce qu’elle jouait bel et bien ses rôles de manière captivante et séduisante.
Souad Hosni (Hakem, n 2002, p. 31.), la demi-sœur de la chanteuse Najet Essaghira , n’était pas classée comme une actrice de séduction dans le vrai sens du terme, mais c’était la séduction en elle-même .Elle la jouait avec sa performance féminine déguisée sous un masque enfantin qui faisait l’admiration de son public. “Cendrillon” est peut être apparue dans des scènes en quelque sorte osées comme dans les films Karnak et Le puits de la privation, ces scènes ne sont pas intrusives, mais plutôt font parties de l’intrigue dramatique. Le point de vue de son public en ce qui concerne le contenu que présentait Souad Hosni n’a pas changé jusqu’aux années soixante-dix du siècle dernier, avec le début de l’émergence des mouvements salafistes (les frères musulmans en Égypte) en même temps que les films des entreprises .Par conséquent, chaque actrice qui présentait une scène de baisers ordinaires est dite (une) actrice séduisante.
Le Puits de privation et Karnak sont des classiques du cinéma ou quand la séduction est au service du sujet
Ainsi, les rôles de séduction dans les années cinquante étaient limités aux femmes veuves ou divorcées. Elles séduisaient des hommes plus jeunes qu’elles, tout comme Shafaat (Tahiya Karioka) dans Jeunesse d’une femme (Shabab emra’a), ou le fils riche qui tombe amoureux de la danseuse, c’est le cas de Tamr Henna réalisé par Hussein Faouazi en 1957.Dans ce film Naima Akef attendait avec impatience “Ahmed”, Ahmed Ramzi, le fils du pacha
Une logeuse, femme du peuple, fougueuse et devoyee ,Shafaat (Tahiya Karioka) séduit Emam Beltaji Hassanein (Choukri Sarhane) dans le film La Sangsue
La danseuse du ventre Tamr Henna convoitée par toutes sortes d’hommes, riches et pauvres dont le jaloux Hassan
2-De l’interdiction de projection à l’audace du personnage
Aux années soixante-dix, de nouvelles stars se mettaient contre la règle de l’art de la séduction au cinéma, dont Shams El Baroudi, dans son film, interdit de projection jusqu’à nos jours,” Hammam El malatili حمام الملاطيلي réalisé par Salah Abu Seif en 1973. Par la suite, ses films de tentation se succédaient avant qu’ils ne soient classés comme des films pornographiques, et non seulement de simple séduction.
Le film Hammam El malatili évoquait l’homosexualité et la prostitution aussi bien féminine que masculine
La même période a connu aussi l’apparition de Nahid Charif sur la scène de la séduction. Elle acquérait par la suite le titre de première actrice de la séduction pour ses rôles plus audacieux que les autres actrices. Ainsi, Nahid figurait dans le film Les loups ne mangent pas de viande, réalisé par Samir Khouri en 1973,complètement nue dans l’une de ses scènes, un film interdit dans tous les pays arabes, d’autant plus qu’il a été tourné au Koweït, ce qui a suscité la colère du public arabe, alors qu’il était applaudi ailleurs.
Nahed Sherif dans le rôle de Soraya dans le film «Kuwait connection » en 1973
Dès les années quatre-vingt, les principes salafistes se sont enracinés dans la société. Ces mouvements n’hésitaient pas à exploiter les frustrations économiques des couches sociales défavorisées partagées entre la nécessité du respect des traditions et un désir de s’ouvrir sur des cultures moins conservatrices. En conséquence, les gens ont eu recours à la religion et aux pratiques spirituelles face à ce qu’ils considéraient comme une vulgarité artistique.
D’un autre côté, l’industrie cinématographique était confrontée à une grande stagnation, de sorte que ses réalisateurs ont été contraints de recourir à des films de niveau assez médiocre et de chercher à attirer le spectateur à travers des scènes osées. Dans ce sens, les stars Souhair Hassan Ahmed connue par Hayatem, Samira Sedki, Laila Hamada et d’autres actrices de la séduction, recouraient aux costumes transparents et aux danses obscènes injustifiées. Elles sont invitées par les producteurs et les réalisateurs à jouer dans leurs films justes pour éveiller les désirs et les fantasmes du public. Mais cette époque s’est vite achevée avec l’éclat de Nabila Obeid (Sherif. . 2008p. 224.), « la première star d’Égypte » et Nadia El–Gendy (Dwight Fletcher, 2015- p. 167.), « la star du public », avec leurs films au contenu sérieux, tels que La danseuse et le politicien pour la première et Un désir sauvage pour la seconde. Même si la plupart de leurs films contenaient des scènes de danse, une séduction physique toujours forte présente, elles étaient cette fois-ci recouvertes de vêtements transparents qui révèlent plus qu’elles ne cachent.
III-La séduction dans le cinéma marocain est un phénomène polémique
La séduction peut avoir plusieurs significations entre le beau et le vulgaire. De nombreuses actrices marocaines font appel à des moyens qui renvoient et symbolisent la tentation pour des raisons esthétiques ou par volonté de véhiculer des messages importants. Récemment, il y a eu des actrices qui sont devenues synonymes de séduction .Les cinéastes dont les réalisateurs et les producteurs faisaient d’elles des actrices professionnelles et spécialisées dans l’interprétation de rôles qui peuvent créer beaucoup de polémiques.
Dans le cas du cinéma marocain, la question soulève énormément de confusion, soit au niveau de la nature du texte dramatique(scenario), qui ne sert pas du tout la scène qui a pour objectif la séduction, soit au niveau du jeu des actrices qui transforment souvent cette prestation en (une) scène vulgaire ou juste une promotion commerciale du film. Cela est dû à l’absence de créativité qui peut améliorer le niveau de l’écriture cinématographique de la séduction. L’interprétation de ce type de rôles nécessite la maîtrise des outils faisant référence au symbole et à la suggestion. Ces éléments sont des facultés créatives qui ne sont accessibles qu’aux grands réalisateurs .Ceci s’explique par le fait que le jeu de ces rôles au Maroc est une véritable aventure comportant un grand risque dans une société “conservatrice”. En conséquence, les artistes marocaines ont su et pu trouver des (solutions de) compromis soit en rejetant totalement de telles scènes, soit d’une manière en justifiant leur présence par la nécessité dramatique. C’est le cas avec l’actrice Hanan Ibrahimi à un certain temps avant qu’elle ne décide de revoir ses rôles, soit en acceptant tous les rôles, quels qu’ils soient leurs risques, tout comme Nadia Jaouhari, dans le film Rhésus, le sang de l’autre. Alors que la première actrice marocaine qui a créé une polémique de ce type fut Mouna Fattou, qui fit parler de son audace en jouant un rôle osé dans l’histoire du cinéma marocain, dans le film Un amour à Casablanca réalisé par Abdelkader Lagtaâ. Ce rôle audacieux a valu à cette actrice de nombreuses apparitions devant la caméra de plusieurs réalisateurs après la projection de son film scandaleux dans les salles de cinéma, compte tenu de la notoriété qu’elle a pu avoir suite à son interprétation qui a fait couler beaucoup d’encre.
1-Séduction entre remplissage et créativité
Le film Much loved de Nabil Ayouch fait partie de ces films marocains qui montrent « l’Interdit ».Ils sont des films classés dans ce qu’on appelait le cinéma réalité dans la mesure où ce genre est construit de telle manière à « faire apparaître plus de réalité sur l’écran »( Bazin, [1975] 1985.P.270.). Ce cinéma qui est une « représentation de la réalité » (Bazin, 1958, p.157.). S’appuie essentiellement, comme dans ce cas, sur des scènes chaudes, des danses en vêtements transparents, et sur des thèmes comme le recours au langage de la rue, à la drogue…etc.
Ce film renvoie aux choix de certains cinéastes du cinéma marocain. Cette époque(les deux dernières décennies) est caractérisée par une polémique divisant l’opinion des récepteurs entre ceux qui soutiennent le traitement des tabous sur le grand écran et ceux qui le rejettent en faisant appel à l’éthique et aux traditions d’une société marocaine conservatrice.
La question des scènes torrides et du langage obscène dans le cinéma marocain est de retour créant des discussions et des polémiques après qu’une des plus grandes salles de cinéma au Maroc (Megarama) eut suspendu la projection du film Film de son jeune réalisateur Mohamed Achaour, moins d’une semaine après sa sortie. La direction de cette salle de cinéma a fait savoir que le public n’acceptait pas le langage du film et ses scènes dites chaudes, alors que le réalisateur du film considérait que c’était la taxe de la représentation de la réalité dans une société qui a peur de son vécu quotidien. Cet évènement fait ressurgir la polémique et le débat qui s’éclatent au sein de la société marocaine chaque fois qu’un film sort dans les salles de cinéma, un film semblable à ceux réalisés ces dernières années, à tel point que l’on en parle comme une mode caractérisant le cinéma marocain.
Après ce film beaucoup de réalisateurs marocains ont choisi la même voie en invitant d’autres actrices, comme Malika Rouimi, l’héroïne de La porte close de Abdelkader Lagtaâ, ainsi que les films Les casablancais» et Amours voilées et d’autres qui se nourrissent de ce tabou, tels que Samira au village, Yasmine et les hommes, Oud elward, Les amours de Hadj Mokhtar Sold, MarocK, et Casa by Night. Les réalisateurs de ces films quittaient alors ce que l’on peut appeler un “cinéma propre” pour faire des films qui reposent sur des sujets de chambre à coucher. Ces réalisateurs estiment que leurs productions reflètent la réalité marocaine dans tous ses états. Dans ce sens, Laïla Marrakchi, réalisatrice du film Marock en 2005, s’est interrogée à la sortie de son film « Avons-nous inventé quelque chose de nouveau ?»
De même, nombreuses critiques sont adressées aux films contenant des “scènes chaudes». Les actrices et les réalisateurs sont accusés de violer les normes et de se révolter contre les traditions. Ces accusations sont adoptées par les partis islamistes au Maroc et ont porté la polémique au Parlement, exigeant l’interdiction de ce type de films afin que l’État soit responsable de la préservation des valeurs de la société.
D’autre part, l’incident du Festival international du film d’Oran en Algérie (2010) a constitué l’événement marquant de cette édition, là où un grand nombre de familles algériennes ont quitté la salle de projection en protestant contre ce qu’elles ont appelé les scènes chaudes contenues dans le film marocain Les Oubliés de l’histoire de Hassan BenJelloun qui a participé à la compétition de ce festival. La presse algérienne lançait à l’époque une campagne contre le cinéma marocain, d’autant plus que l’une des actrices de ce film marocain est d’origine algérienne, ce qui était considéré, pour eux, comme une insulte voulue destinée aux Algériens. .
Le film “Amours voilées”
Le film “Les jardins de samira”
Conclusion :
Suite au développement technologique, qui a mis le monde entier entre les mains des utilisateurs de la nouvelle technologie, et de ceux qui manipulent et maitrisent les dernières innovations en termes de médias électroniques. Il n’y a plus aucun prétexte justifiant l’utilisation sensorielle de scènes émotionnelles, qu’elles fassent partie de l’histoire dramatique ou qu’elles soient incluses dans le texte, (mais toutes les deux) elles ne constituent plus un souci pour le public. Ce dernier, à un certain temps, était considéré comme le grand partisan de l’économie cinématographique. Aussi, il imposait son goût et son choix aux cinéastes au niveau de l’industrie, du commerce ou au niveau du marché de consommation. Par conséquent, les producteurs ne pouvaient pas s’opposer aux choix et aux envies du public .Mais une fois que l’ancienne règle est changée et que les théories commerciales divergent, il serait absurde de se nourrir entièrement des scènes de séduction ou de la renommée et la beauté des actrices. La tentation, surtout d’après l’expérience réaliste, n’est plus un moyen pour combler les salles (avoir les salles bien remplies), et pour augmenter le taux de revenu tout en Jouant sur les désirs, les envies et les caprices. Ceci trouve son explication dans la forte présence de tout ce qui fait référence à la technique et à la technologie qui rivalisent avec ce qui est classique grâce aux grandes capacités pour répondre à tous les besoins juste par un simple clic. Alors, les sociétés de production artistique commerciale s’effondrent.
Bibliographie :
- Kyrou, A. (1957). *Amour-érotisme et cinéma*. Le Terrain Vague.
- Velez, A. (2010). Les filles de l’eau. Une histoire des femmes et de la natation en France (1905-1939). *Thèse de doctorat en histoire contemporaine*, Université d’Angers.
- Schwartz, A. (2012, November 12). *The Kiss 1896*. Retrieved from the La Croix newspaper website: [archive] sur le site du journal La Croix (consulté le 17 janvier 2017)
- Bacharach, P. (2018). *Et Dieu… créa la femme (1956) de Roger Vadim et La Vérité (1960) d’Henri-Georges Clouzot. Scandales cinématographiques et débats dans la société française.* (Mémoire de master 2), École nationale supérieure des Sciences de l’information et des bibliothèques (ENSSIB – Université de Lyon).
- Bazin, A. (1958). *William Wyler ou le janséniste de la mise en scène*. In *Qu’est-ce que le cinéma?*, tome 1, Ontologie et cinéma. Paris: Editions du Cerf.
6.Bazin, A. (1985). *Qu’est-ce que le cinéma?*. Paris: Éditions du Cerf.
- Boy, P. (1944, November 16). *Courrier des lecteurs*. *Stars and Stripes*, 116.
- Favre, C. (2012). “La pin-up US, un exemple d’érotisme patriotique”. *Clio. Femmes, Genre, Histoire*, 35.
- Caper. (1962). *Vintage Adult magazine, Jean Harlow, Mae West, Garbo, Clara Bow, more!* Paperback, Caper magazine.
- Perreur, C. (2010). *Le rêve américain dans l’œuvre de Romain Gary*. (Thèse de doctorat, Université de la Sorbonne nouvelle – Paris III).
- Clair Love, J., Pollack, J., & Landsberg, A. (2017). *Silent Film Actresses and Their Most Popular Characters*. *National Women’s History Museum*.
- *Egyptian screen legend, seductress Hind Rostom dies at 82*. (2011, August 9). *The Daily News Egypt*.
- Black, G. D. (1994). *Hollywood Censored: Morality Codes, Catholics, and the Movies*. Cambridge, New York, and Melbourne: Cambridge University Press.
- Hakem, T. (2002, June 26). *Souad Hosni, star libérée de l’Egypte nassérienne*. *Le Monde*.
- Harlow, J. (2016). *Jean Harlow, femme, sex symbol*. Nidottu, Ranska.
- Coursodon, J.-P., & Tavernier, B. (1995). *50 ans de cinéma américain*. Éditions Nathan.
- Lieutenant-Duval, V. (2012). *Le continuum des représentations sexuelles dans le film «10» (1979) de Blake Edwards: du baiser amoureux au sexe explicite pour le plaisir.* *Le Temps des médias*, 2012(2), 37-49.
- Williams, L. (2008). *Screening Sex*. Durham: Duke University Press.
- Drowne, K. M., & Huber, P. (2004). *The 1920’s*. Greenwood Publishing Group.
- West, M. (1959). *Goodness Had Nothing to Do With It*. Prentice-Hall.
- Bakrim, M. (2018). *Le miroir et l’écho : Cinéma et société au Maroc*. Imprimerie Bidaoui.
- Robertson, J. C. (1993). *Le cinéma caché: la censure du cinéma britannique en action, 1913-1975*. Routledge. ISBN 0-415-09034.
- Boraie, S. (2008). *The golden years of Egyptian film: Cinema Cairo, 1936-1967*. American University in Cairo Press.
- Reynolds, D. F. (2015). *The Cambridge Companion to Modern Arab Culture*. Cambridge. ISBN 9780521898072. OCLC 894670642.