Research studies

Activités traditionnelles en crise et espoir du développement du tourisme :cas du massif des Bni-Znassen (Maroc oriental)

Traditional activities in crisis and hope for the development of tourism: The Bni-Znassen massif as a case stady (Eastern Morocco)

 

Prepared by the researcher

Zerouali Sanae1 ; Zerouali Adnane2

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines. Oujda ; Laboratoire «Littérature générale et comparée, Interculturalité »

Democratic Arab Center

Journal of Strategic and Military Studies : Twelfth Issue – September 2021

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
 ISSN  2626-093X
Journal of Strategic and Military Studies

Résumé

Depuis très longtemps, l’agriculture a constitué une base de l’économie montagnarde dans tout l’espace marocain. La majorité de la population était à caractère rural. Elle pratiquait de l’agriculture irriguée dans les montagnes, alors que la vie dans les plaines était réservée aux pasteurs. Pour des raisons, historiques, surtout, la montagne constituait des zones de refuges. Avec l’arrivée des français, les choses vont être inversées ; la plaine des Trifa est convertie en un espace attractif suite aux transformations spatiales et hydroagricoles, alors que le massif des Bni-Znassen se dégrade et se détériore. A ce moment, la montagne va connaître plusieurs changements en devenant des espaces répulsifs du fait de la crise des activités traditionnelles et de la société. Pour remédier cette problématique, il paraît nécessaire de diversifier les activités rurales, en introduisant le tourisme qui peut présenter une activité de remplacement, surtout le massif regorge de potentialités touristiques prometteuses.

Abstract

For a very long time, agriculture has been the basis of the mountain economy throughout the Moroccan space. The majority of the population was rural in character. It practiced irrigated agriculture in the mountains, as life in the plains was pastoral. For some reasons, namely historical, the mountain constituted areas of refuge. By the French arrival, things changed; they made of ‘Tarifa’ plain an attractive space following the spatial and hydro-agricultural transformations, while the ‘Bni-Znassen’ massif was undergoing degradation and deterioration. At that time, the mountain knew changes and became a repulsive space by dint of the crisis of the socio-traditional activities. To solve the problem, it was compulsory to diversify rural activities by introducing tourism as a substituting activity, knowing that the massif was a reliable promising area four tourist potential.

Introduction

Le massif des Bni-Znassen tire son identité et son singularité de son individualité dans l’espace qui l’entoure et des caractéristiques naturelles particulières liées à l’altitude, à la pente et au climat. C’est pour cette raison et pour d’autres, que ce massif a été toujours marginalisé et n’a jamais constitué un axe majeur de la politique d’aménagement du territoire régional. Ceci a été des handicaps significatifs entraînant des conditions de vie plus difficiles et restreignant l’exercice de certaines activités économiques comme le commerce ou le tourisme.
Comme plusieurs espaces marocains, le massif des Béni-Snassen a connu de grands changements, dont l’impact sur l’environnement physique et humain était de grande importance. Ainsi, l’augmentation de la population rurale et le rétrécissement des terres mises en agriculture, accompagnés de la diminution des précipitations et de l’agressivité des facteurs d’érosion, ont déclenché la dégradation de l’espace et l’exode rural.
Aujourd’hui, tous les acteurs du développement doivent déployer leurs efforts, d’une manière intégrante et participative, afin d’aménager le massif et de le sauver du dépérissement. En se basant sur les potentialités territoriales, le tourisme peut-être perçu comme une activité pouvant secourir cet espace fragile et fragilisé et participer à son développement durable.
Dans cet article, nous essayerons dans une première étape de montrer le développement de l’agriculture du massif qui constituait la base de l’économie de cet espace et l’élément crucial pour l’implantation humaine jusqu’au début du 20ème siècle. Dans une deuxième étape, nous montrerons les bouleversements que ce massif a connus suite aux changements climatiques dont les impacts étaient néfastes sur l’espace comme sur l’économie et la société. Dans une troisième étame, nous mettrons l’accent sur une reconversion économique probable basée sur le tourisme et sa capacité à résoudre la crise de cet espace marginal et marginalisé. Mais la grande problématique qui s’oppose à cette perception est comment peut-on mettre en relation les potentialités touristiques et le tourisme ? Comment peut-on rapprocher les bouts de ces deux variables en l’absence d’une troisième variable qui est la gouvernance territoriale ?

1. Le massif des Bni-Znassen : un territoire avec une spécificité de grande fragilité agricole
1.1. Secteur agricole en crise
Selon les conditions géographiques et topographiques locales, on peut dire que le massif des Bni-Znassen comporte deux types d’exploitations agricoles économiquement valables :
– les versants septentrionaux et méridionaux, qui s’ouvrent sur la plaine des Trifa au Nord et la plaine des Angads au Sud, enregistrent des exploitations plus ou moins grandes dont les pentes sont acceptables, et par conséquent, peuvent comporter une agriculture mécanisée plus ou moins extensive ;
– le reste de la montagne, c’est-à-dire le massif proprement dit, aux reliefs rudes et aux pentes fortes s’adonne à une petite agriculture intensive pratiquée sur des parcelles en terrasses d’une façon traditionnelle et non marchande. Dans cet espace, l’altitude et la pente constituent des freins à l’accessibilité et limitent parfois la productivité du travail. Ainsi, et pour compenser cette faiblesse économique, les habitants recourent aux transferts des émigrés, aux revenus pastoraux, forestiers et/ ou artisanaux.
En parcourant l’espace Znassni, nous rencontrerons de temps en temps des séguias ruinées qui sont des indices d’un développement de l’agriculture de montagne et qui affirment l’impact des changements climatiques (pénurie en eau d’irrigation).
L’étude du patrimoine hydraulique, nous montre que les habitants du massif des Bni-Znassen, pratiquaient de l’agriculture irriguée caractérisée, dans une large mesure comme une agriculture familiale, qui ne fait appel à la main d’œuvre étrangère que très rarement. Ceci montre que les conditions climatiques étaient favorables à cette pratique et à ce mode d’exploitation. La richesse en eau, permettait l’irrigation des jardins et des vergers qui ornaient les paysages montagnards Znassnis. Ces conditions ont permis aussi, le peuplement de cet espace malgré son relief accidenté.
Toute la population du massif était sédentaire (agriculteurs et éleveurs) et rurale et se répartit sur une multitude de douars dont le peuplement diffère d’un lieu à un autre. Les douars sont souvent perchés sur des crêtes ou sur des pentes qui surplombent quelques petites dépressions ou des terrasses construites pour maintenir le sol et l’eau. Ceci a été confirmé par Mouliéras « La chaîne maitresse, appelée par les indigènes Djbel Beni-Znassen, court de l’est à l’ouest, envoyant au sud et au nord, des collines couvertes de villages et de verdure. Ces hauteurs secondaires reçoivent d’habitude le nom de la fraction ou elles se trouvent. La plus connue est le Djbel Tafour’alt (montagne des monstres ou des fruits non murs) au nord-ouest des Beni Atig » .
Toutefois, ce massif abritait de gros douars dont nous citons les plus importants qui dépassent les 50 feux (Tab. 1). Cette grandeur en population a laissé Mouliéras considérer douar Cefrou comme une ville, « Cefrou est une petite ville où les mosquées et les Zaouia sont nombreuses. Les étudiant, forts bien traités, y pullulent » .
Tab. 1. Principaux villages des quatre fractions des Bni-Znassen en 1895
Bni Ourimech Bni Atig Bni Mengouch Bni Khaled
Villages Nbre de feux Douar Nbre de feux Douar Nbre de feux Douar Nbre de feux
Oulad Ali Echchbab 50 Tazarin 300 Sidi Ramdan 100 Aghbal 100
Tagma 100 Zegzel 500 Zaouiat Sidi Ali ElBekkay 100 Taghjirt 100
Sidi El haj Said 100 Moulay Idriss 300 El Helaa 200 Oujni 100
Oulad el bachir oumessoud 100 Bni Moussi 500 My driss ennahkla 50
Oulad Ettbib 50 Oulad Mimoun 100
Sefrou 500

Source : Mouliéras A. 1895. Le Maroc inconnu : étude géographique et sociologique. Exploration du Rif. Bibliothèque nationale de France, pp. 192-195

Comme partout dans le monde, l’agriculture de montagne se pratiquait sur des exploitations de tailles différentes, mais souvent étroites et petites. Les conditions topographiques (fortes pentes et grandes dénivellations), ne permettent pas l’aménagement de grandes parcelles. Toutefois, cette activité a contribué, pendant des siècles, au maintien de la population sur place tout en assurant un certain développement durable des ressources locales pour qu’elles répondaient aux besoins demandés. L’exploitation de la terre, que ce soit en agriculture, en élevage ou par l’exploitation des forêts, constituait un moyen essentiel de subsistance, d’où sa préservation contre tout genre de détérioration ou de dégradation (repos des parcelles, construction des terrasses). Ainsi, les activités traditionnelles se sont bien développées au fil des siècles dans des environnements souvent rudes et contraignants.
1.2. Déstabilisation des écosystèmes du massif des Bni-Znassen
Avant les années quatre-vingt, le poids démographique ne posait pas beaucoup de problèmes en milieu rural, mais après des années successives de sécheresse, qui se sont répétées sur le Maroc depuis le début de 1980 ont déclenché l’exode rural, qui a touché toutes les campagnes marocaines. Cet exode rural peut être expliqué aussi, en quelque sorte, par la diminution des dépenses de consommation des ménages, dont le rythme d’accroissement est passé de 4,7 % à 2,8 % en milieu rural entre 2007 et 2014, alors que celui du milieu urbain est passé de 2,7% à 3,5 % . L’importance des mouvements de l’exode rural est un indice de crise du monde rural caractérisée par une surpopulation par rapport aux ressources disponibles, ce qui pousse les habitants à fuir leur lieu d’origine comme c’est le cas de notre zone d’étude.
Tab. 2. Evolution de la population des communes du massif des Bni-Znassen
Communes 1982 1994 2004 2014 Variation 1982/2014 Taux d’accr. annuel 1982/2014
Ain sfa 5960 5727 5082 4490 -1470 -0.88
Bni khaled 7526 7509 7104 6745 -781 -0.34
Bsara 2489 2311 1922 1428 -1061 -1.72
Aghbal 11883 12474 13809 14908 3025 0.71
Fezouane 3644 7507 10304 5089 1445 1.05
Boughriba 17124 21800 20560 20513 3389 0.57
Chouihia 9728 12800 12539 12245 2517 0.72
Rislane 8572 6008 5195 4265 – 4307 -2.16
Sidi bouhria 7104 5901 5400 4525 -2579 -1.40
Tafoghalt 4937 3787 3150 2735 -2202 -1.83
Zegzel 12588 13399 32210 16137 3549 0.78
Machraâ hammadi 9617 9400 7435 5646 -3971 -1.65
Total 101172 108623 124710 98726 -2446 -0,08
Source : Recensements de la population et de l’habitat du Maroc
La lecture du tableau ci-dessus, nous montre que de nombreuses communes rurales du massif (Tab. 2), ont connues une hémorragie démographique, d’où un changement profond dans l’organisation spatiale tout en contribuant à l’allégement de la charge démographique en milieu rural.
Le tableau fait ressortir aussi, que de grandes variations entre les communs composants le massif des Bni-Znassen, puisque 58,3 % des communes ont enregistré une régression dans leur effectif, dont les plus prononcées sont Rislane (- 4307) et Machraâ hammadi (- 3971). Si 7 communes ont perdu 16371 personnes, les autres ont gagné 13925 personnes, soit un déficit de 2446 personnes. Une grande particularité qui ressort de ce tableau, est que toutes les communes du flanc nord du massif, c’est-à-dire celles en relation avec la plaine des Trifa, ont enregistré un solde positif, surtout les communes de Zegzel, Boughriba et Aghbal (Tab. 2). Par contre, la crise démographique a touché de plein fouet les communes montagnardes et celles ouvertes sur le couloir Oujda-Taourirt.
Les problèmes de dépeuplement de certaines communes du massif, ont eu des impacts négatifs sur l’économie, sur l’espace et sur la société. La forte migration enregistrée dans tout l’espace du massif, a engendré un recul de la population rurale en quantité et en qualité en particulier la catégorie active, que ce soit du point de vue démographique ou du point de vue économique (en âge de production). Ceci a conduit, d’une part au vieillissement des paysans, et d’autre part à la féminisation de la main d’œuvre locale. Ainsi, les activités traditionnelles ne sont plus en mesure d’assurer du travail pour une importante population en quête d’emploi. Peut-être même, les jeunes ne sont plus intéressés par l’activité agricole, parce qu’ils ont vu leurs parents vieillir sans pouvoir améliorer leurs conditions de vie. Cette situation a causé une certaine désertification humaine partout dans le massif des Bni-Znassen, d’où le dépeuplement de plusieurs douars, appelés aujourd’hui « douars fantômes » (photos 3 et 4).

Les changements climatiques, survenus sur tout l’espace marocain, dont le massif des Bni-Znassen fait partie, ont déstabilisés les écosystèmes de montagne influant sur les disponibilités en eau à l’échelle locale. Ils ont aggravé la désertification et la dégradation des terres, contribuant ainsi au recul des terres arables déjà gagnées sur des espaces pentus et accidentés.
La migration, le vieillissement de la population paysanne, la féminisation de la main d’ouvre agricole et le désintéressement des jeunes à la pratique des activités traditionnelles, ont participé ensemble à la crise du secteur agricole. Les conditions topographiques et les changements climatiques ont certainement impacté le paysage agraire qui s’est détérioré. En fait, les fortes pentes, dans la partie centrale et orientale du massif en particulier, s’impose comme un obstacle technique dans les divers travaux d’aménagement. Elles demandent des entretiens permanents et une présence continue des propriétaires pour pérenniser les parcelles gagnées sur des pentes et soutenues par des murailles (augmentation des coûts de construction et d’entretien) (photos 5 et 6).
2. Le massif des Bni-Znassen : un espace aux potentialités touristiques prometteuses
2.1. Potentialités touristiques non valorisées
Bien que les montagnes marocaines constituent 21% du territoire national, et malgré leur richesse naturelle et historique, elles souffrent depuis des décennies de la pauvreté et de la marginalisation, résultant de la crise de l’économie montagnarde. Cette dernière, qui est devenue incapable de garantir un niveau de vie décent à la population, en particulier aux groupes vulnérables d’entre elles, car les systèmes agricoles et pastoraux traditionnels sont devenus incapables de couvrir les besoins de la population locale.
Pour le massif des Bni-Znassen, dont les ressources traditionnelles en crise, peut profiter de sa richesse en patrimoine, que ce soit à l’échelle physique ou à l’échelle culturelle. Malheureusement, le patrimoine et le tourisme constituent des éléments qui ne se complètent pas et ne se croisent pas pour participer ensemble au développement local. Ainsi, comme nous l’avons vu précédemment, les habitants, pour remédier à cette situation, se sont trouvés dans l’obligation de quitter leur patrie natale vers des lieux plus ou moins profitables. Malgré la pluriactivité qu’offrait le massif à ses habitants, la productivité était insuffisante pour amortir le départ de la population active en quête du travail. Toutes ces activités dépendent des conditions climatiques caractérisées ces dernières décennies par la sécheresse et la pénurie en eau.
En l’occurrence, le massif dispose de nombreux atouts qui peuvent créer d’autres activités qui peuvent venir en aide en cas de crise des activités agricoles. Chose qui ne peut se faire que par la valorisation du patrimoine à des fins touristiques, afin que tous les habitants du territoire puissent en profiter. C’est dans ce sens, qu’il faut œuvrer pour impulser tous les facteurs du développement pour la relance d’un dynamisme qui touchera l’espace et ses utilisateurs qui vont lui donner beaucoup plus d’importance, à cause de ses incidences sur l’économie et sur la société, et par conséquent, sur le développement durable du territoire en question. Dans cette perception, il faut que toutes les potentialités locales soient exploitées et managées rationnellement, dans la perspective de développer l’activité touristique, qui dynamisera les activités traditionnelles et participeront ensemble au développement durable du massif des Bni-Znassen.
Parmi les potentialités qui peuvent déclencher l’activité touristique, nous pouvons dire que le patrimoine culturel du massif des Bni-Znassen est riche par la qualité des éléments et des expressions enracinées qui le composent. Sa mise en valeur peut constituer une base pour un développement économique durable, à condition que les festivités et les sites culturels soient exploités d’une manière économique. Ceci peut générer des capitaux, développer des services, créer des emplois et donc assurer des revenus pour les habitants du territoire concerné. Le massif est riche en mosquées et Zaouia qui peuvent constituer un axe touristique de grande importance pour les fidèles Znassnis, qui n’hésitent pas à se rendre à leur village natal. Cette visite est presque estivale lors des « moussems » qui sont organisés dans les mosquées ou dans les Zaouia.
Il est fort demandé de valoriser toutes les potentialités locales, pour une relance du tourisme rural, « Pour le moment, il parait nécessaire de faire de ces moussems un levier pour la participation au développement du tourisme interne, peut-être même externe, eu égard à leur impact sur l’activité économique et la valorisation de la culture locale. Ailleurs, dans certains espaces du Maroc, les moussems constituent des pôles touristiques de divertissement et de développement durable » .
Malheureusement, ces événements à caractères religieux, ne sont pas profitables pour la population locale, car ils ne sont pas encore orientés vers le tourisme, générateur de revenus ; « La célébration de ces fêtes religieuses doit être bénéfique pour tout le monde mais surtout pour la population locale, qui doit tirer profit de ces festivités. En d’autres termes, ces dernières ne doivent pas se limiter aux pratiques religieuses. Au contraire, elles doivent constituer un vecteur pour le développement local, et par conséquent, elles sont appelées à gagner encore en importance afin de déclencher une dynamique de croissance économique et sociale. Jusqu’à présent, les moussems sont surtout l’occasion pour les gens appartenant à telle ou telle tribu, venus parfois de loin, de se rassembler et de partager leur identité culturelle (lieu de spiritualité), célébrer et honorer un saint, et exprimer leurs vœux en contrepartie d’une offrande. Donc, économiquement, ils ne sont pas encore rentables pour la population locale, qui doit saisir l’occasion pour écouler certains produits de terroir » .
D’autres potentialités patrimoniales peuvent constituer des éléments de base pour le développement du tourisme, à savoir le patrimoine hydraulique. En fait, en raison de son altitude, ce massif était plus arrosé et par conséquent, l’eau était abondante. Des sources jaillissent de partout, dont les débits sont très variables au cours de la même année, ce qui montre leur relation étroite avec les précipitations. Ces sources ne servaient pas seulement à l’alimentation en eau potable des populations locales, mais elles irriguaient plusieurs vergers et plantations. A cet effet, les paysans avaient construit de remarquables réseaux d’irrigation, qui partent des sources pérennes jusqu’aux champs en contrebas.
L’état actuel des séquias et des parcelles ruinées (témoignage d’une longue histoire) constitue un patrimoine qu’il faut mettre en relief, et le faire connaître aux visiteurs pour partager le savoir-faire entre les générations d’hier et celles d’aujourd’hui concernant l’installation des réseaux hydrauliques, ainsi que les techniques de gestion de l’eau, qui remontent à des périodes très lointaines.
A ces ressources territoriales, de grande importance touristique, le massif des Bni-Znassen (berceau de l’humanité), est de grande célébrité en termes du patrimoine archéologique qui mérite une attention particulière, du fait de sa valeur historique, puisqu’il constitue une véritable mine d’or témoignant de l’histoire de l’humanité. Ce fut le cas de la grotte des pigeons, qui constitue un site archéologique national d’une importance patrimoniale mondiale. N’oublions pas aussi la grotte du chameau, riche par les stalagmites et les stalactites, dont la formation a demandé certainement des milliers d’années. Dans cette caverne, malgré les difficultés d’accès, des visites spéléologiques sont possibles pour les aventuriers séduits par le tourisme souterrain (spéléologie).
Le massif des Bni-Znassen est connu aussi par son patrimoine folklorique qui peut représenter une ressource pour le développement du territoire, du fait qu’il pourra s’inscrire dans un processus de production de services et de développement à plusieurs échelles. Aujourd’hui, ce patrimoine se répand un peu partout au niveau national et s’est récemment internationalisé par sa diffusion dans de nombreux albums de compilation et grâce notamment à la diaspora marocaine en Europe, et par sa présence en de nombreux festivals internationaux . Malheureusement, la valorisation marchande de ce patrimoine n’est pas encore prise en compte dans les projets de développement, alors qu’il peut constituer un atout capable d’augmenter l’attractivité des visiteurs pour cet espace riche en folklore.

2.2. Moyens pour la relance de l’activité touristique dans le massif des Bni-Znassen
(d’un espace répulsif à un espace attractif)
Parmi les résultats auxquels nous nous sommes parvenus, est que la présence des potentialités touristiques ne permet pas automatiquement un développement de l’activité du tourisme. C’est le cas de notre zone d’étude, dont les nombreux atouts du massif, devraient déclencher l’activité du tourisme, alliant tourisme culturel, tourisme rural, thermalisme et tourisme vert, surtout la zone dispose d’un fort potentiel sylvicole. La problématique consiste à trouver les moyens efficaces pour la mise en tourisme de cet espace, resté pendant longtemps marginalisé, dans le développement des projets régionaux. Ainsi, l’infrastructure de base était toujours insuffisante et dérisoire. Cet état n’a pas encouragé les investisseurs à s’intéresser du massif en termes d’infrastructure d’accueil. Pour les agriculteurs aussi, ils ne se sont pas n’arrivés à s’engager dans des démarches leur permettant de valoriser leurs produits malgré leur caractère biologique et dégager de la valeur ajoutée. La commercialisation de ces derniers ne se fait qu’à une échelle très restreinte. L’étroitesse des marchés locaux (commercialisation des produits en circuits courts), n’arrive pas à absorber toute la marchandise, du fait du faible niveau de vie et de la faible fréquentation des souks hebdomadaires par des clients hors de la commune détenant le marché. Souvent, les produits sont abandonnés dans les champs, ce qui n’encourage pas les producteurs à développer les conditions de travail de la terre et ne visent pas l’amélioration de la productivité.
Comme nous l’avons vu précédemment, le massif est passé d’un espace d’implantation humaine à un espace répulsif, à cause des changements climatiques, de la dégradation des terres agricoles et du désintéressement des jeunes à s’adonner aux activités traditionnelles, d’où le déclenchement de l’exode rural et de l’émigration. Aujourd’hui, le massif a connu des grands changements en termes du réseau routier (carte 1), ce qui a facilité l’accès au massif. Le dédoublement de la route reliant ElAioune et Berkane, via le village de Tafoghalt, augmentera certainement le trafic vers le massif. D’autres tronçons ont été aménagés, comme c’est le cas du tronçon reliant le synclinal perché d’Ouled Yahya et la route menant à Berkane, et le tronçon reliant Ain Sfa et Tinissan (Ras Foughal). Cette accessibilité donnera plus de valeur aux produits de terroir de ces deux lieux (agriculture biologique).
Carte 1. Un réseau routier encore insuffisant

Réalisation : les chercheurs
Source : – Ministère de l’équipement et du transport. Carte du réseau routier. Direction des routes. (2012)
– Travail de terrain (2019).
Mais, aujourd’hui, grâce aux aménagements par des routes, plusieurs sites et lieux ont ét désenclavé, ce qui peut valoriser leurs potentialités et participer au développement local. Avec cette nouvelle infrastructure, le massif peut devenir un espace de loisir offrant à ceux qui s’y rendent des moments de loisir et de bien-être. Un plaisir unique en son genre, qui ne laisse indifférent chaque personne ayant l’opportunité de passer un moment d’évasion en ce magnifique lieu.
Pour garantir le passage du massif d’un espace répulsif à un espace attractif, d’autres artères doivent être aménagés, car elles sont encore dans très dégradées. La plupart d’entr’elles sont très étroites, et présentent des sections très dangereuses et nécessitent une grande attention, et par conséquent, n’encouragent pas les visiteurs à les emprunter.
Pour ce qui est de l’infrastructure d’accueil, il n’existe jusqu’à présent aucun hôtel. Toutefois, d’autres formes d’hébergements touristiques spécifiques au milieu montagnard commencent à s’implanter dans le massif comme on peut le dégager de la carte suivante. Ces lieux d’accueil, situés en montagne offrent aux amoureux des paysages ruraux de pratiquer une activité physique et exploratrice.
Carte 2. Gîtes et sites touristiques dans le massif des Bni-Znassen

Réalisation : les chercheurs Source : Travaux de terrain (2019).

Le désenclavement de la montagne et l’accélération de l’équipement et de l’accès aux sites touristiques sont des conditions fondamentales de l’avenir du tourisme dans ce massif, appelé à élargir la palette des choix de destinations qui doivent être offertes aux consommateurs.
A ceci, il faut impulser les décideurs à considérer la montagne comme composante essentielle de l’espace, et par conséquent, elle doit être incluse dans les programmes de développement régional. Car souvent, l’aménagement et l’investissement en montagne sont des projets non rentables pour les acteurs du développement, car l’environnement est difficile et fragile, la productivité est faible, les catastrophes naturelles sont omniprésentes, le manque de terres arables conduisent les paysans à une exploitation non soutenable. Tous ces handicaps n’encouragent pas les investisseurs à instaurer des projets du développement, et préfèrent investir en plaines ou les conditions sont favorables. Pour plusieurs, la montagne doit être conservée comme un patrimoine qu’il faut préserver pour qu’elle garde son identité, alors que les plaines constituent des espaces vouées au développement économique. Nous assistons donc à un certain dualisme ou à une rivalité entre amont at aval, au lieu d’une certaine solidarité spatiale entre les espaces en difficulté (les montagnes), et les espaces en pleines développement (les plaines).

Conclusion

Aujourd’hui, il parait indispensable, pour les acteurs du développement régional, d’aménager le massif des Bni-Znassen et de coordonner cet aménagement afin de sauver cet espace du dépérissement. Le tourisme est alors perçu comme une activité pouvant secourir cet espace et comme un levier voué à contribuer à cet objectif. Le développement du tourisme contribuera certainement à la lutte contre l’exode rural, et participera à l’amélioration de la vie des populations de la zone concernée. Il peut donc, compenser le faible niveau de leurs revenus, ou la plus forte saisonnalité des travaux, et par conséquent, il peut offrir à la population locale une autre activité génératrice de revenus.
Toutefois, il faut maintenir le tissu agricole qui représente un enjeu particulièrement fort dans ce massif, puisque les autres activités alternatives (tourisme) ne sont pas encore en mesure de concurrencer cette activité traditionnelle. Les agriculteurs, via leur présence et les services qu’ils rendent, contribuent à entretenir les paysages et les espaces naturels. Ainsi, au-delà de sa fonction productive première, en préservant l’ouverture des paysages, l’activité agricole conforte l’attrait de la montagne en tant que lieu de loisirs et de ressourcement.
Bibliographie
Aubertin C., 2001, La Montagne, un produit du développement durable. Revue de Géographie Alpine, pp. 51-57.
Moulières A. Le Maroc inconnu : étude géographique et sociologique. Exploration du Rif. Bibliothèque nationale de France. Librairie coloniale et Africaine. Joseph André). Paris. 1895
Zerouali Ad. Potentialités locales, variabilité climatique et développement du tourisme de montagne (cas du massif des Béni-Snassen). Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines. Oujda. Imprimerie Houdayfa. Oujda, pp. 79-87. 2019
Zerouali A., Zerouali Ad. et Bouberria A. Potentialités patrimoniales naturelles et culturelles pour la mise en tourisme du massif des Béni-Snassen. Livre commun sur « Espace, Territoire et Société au Maroc : mutations, dynamiques et enjeux ». Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines-Mohammedia. Imprimerie : El mottaki Printer, pp. 345-354. 2019.
Zerouali Ad. Potentialités territoriales et développement durable du massif des Bni-Znassen. Thèse de Doctorat. Faculté des Lettres et des Sciences Humaines. Fès-Sais. 2021.
Zerouali Ad. Potentialités touristiques et tourisme : un couple divorcé (cas du massif des Bni-Znassen). Librairie Ettalibe. Oujda. 2021.
عدنان زروالي. الموسم أو ‘الوعدة” تراث لا مادي للمحافظة على الهوية الثقافية والتنمية السياحية (حالة بني يزناسن)”مجلة المجال الجغرافي والمجتمع المغربي. العدد: 31. ص. 295-305. 2020.

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