Research studies

Quelle contribution du capital humain à la performance globale de l’entreprise

 

Prepared by the researcher : HAMMOUCH Hind – Docteur chercheur en Economie et Gestion – Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales. Fès Maroc

Democratic Arab Center

International Journal of Economic Studies : Twenty-four Issue – February 2023

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin.

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN  2569-7366
International Journal of Economic Studies

Résumé

Les mutations technologiques, économiques et financières, la mondialisation et l’accentuation de la concurrence, sont aujourd’hui les défis auxquels les entreprises doivent faire face.

Plus que jamais, l’entreprise est sollicitée à mettre en place de nouveaux outils afin d’atteindre la performance qui lui permet de survivre dans un environnement de plus en plus turbulent et exigeant.

La performance est une notion polysémique, qui n’est pas seulement d’ordre économique ou financier, mais elle est aussi est surtout d’ordre social. Toutes les fonctions de l’entreprise y contribuent ; aujourd’hui, l’accent est de plus en plus mis sur l’apport du capital humain à la performance globale.

Le capital humain de l’entreprise suscite aujourd’hui un intérêt croissant pour les professionnels et les chercheurs en sciences de gestion conscients de l’intérêt croissant du capital humain dans la recherche de la performance globale de l’entreprise.

Nous serons amenés, donc, au cours de ce travail d’analyser les liens existants entre une bonne gestion du capital humain et la performance globale de l’entreprise.

Introduction 

Au fil du temps, de nombreuses théories ont montré le rôle croissant que joue le capital humain dans la réussite et le rendement d’une organisation. Définis comme étant le rassemblement des ressources intangibles possédées par les membres de l’organisation, le capital humain représente de plus en plus  une ressource stratégique clé pour l’entreprise, lui permettant de se différencier de ses concurrents et d’avoir des réponses originales aux défis qui lui sont lancés.

Une bonne gestion du capital humain fait, alors, en principe augmenter sa valeur et la valeur de l’organisation, ainsi, qu’à l’inverse, une mauvaise gestion contribue à en diminuer la valeur.

L’analyse de la contribution du capital humain à la performance de l’organisation constitue, donc, une problématique récurrente en sciences de gestion. Partant des travaux des économistes (Becker, 1964, Nelson et Winter, 1982, Lucas, 1988 et Romer, 1989), les gestionnaires mobilisent le capital humain pour l’ancrer dans les concepts de gestion des ressources humaines ou encore du management. A cet effet, les entreprises les plus performantes sont celles où on observe les dispositions des niveaux de qualifications et de formation les plus élevées. Le capital humain comprend la scolarité ou les études que les employés ont suivies ainsi que leur niveau de connaissances et qu’ils apportent dans leur emploi, mais aussi les compétences apprises pendant le travail et l’adaptation à de nouvelles technologies.

Une telle assertion génère un questionnement fédérateur : Dans le contexte spécifique des entreprises à haute intensité en connaissance, comment le capital humain peut constituer un levier de performance globale pour l’entreprise ?

Une telle communication sera donc une occasion d’examiner et de synthétiser un ensemble de travaux traitant la notion du capital humain, et par la suite tenter d’appréhender l’impact spécifique que peut avoir le management du capital humain sur les caractéristiques individuelles des employés et aussi sur la performance globale de l’entreprise.

  1. Capital humain : Un concept critiqué

Le concept du capital humain doit beaucoup à l’article fondateur du Prix Nobel Schutz, en 1961, qui définit le capital humain comme la somme des compétences, de l’expérience et des connaissances. Les travaux d’un autre Prix Nobel, Becker, complètent cette première définition en y rajoutant la personnalité, l’apparence et la réputation, et montrent que l’entreprise est un lieu de formation et d’investissement en capital humain. Plus récemment, Bontis définit le capital humain comme : « Le rassemblement des ressources intangibles possédées par les membres de l’organisation. Ces ressources peuvent être de trois types : les compétences (incluant les talents et le savoir-faire), les attitudes (motivation, qualités de leadership des dirigeants), et l’agilité intellectuelle ».

  • Essai de définition du concept

Le capital humain d’un individu peut être défini comme étant l’ensemble des connaissances et des compétences que cet individu maîtrise. Il englobe l’intelligence et la dynamique d’une organisation dans un environnement en évolution, c’est-à-dire sa créativité et sa capacité d’innovation.

Des auteurs utilisent le concept de « Capital intellectuel » pour faire allusion au capital humain. Cette notion a émergé de travaux de recherches effectuées depuis le début des années 1990 dans quelques grandes entreprises nord-américaines et scandinaves. Il faudra noter également que ce concept a émergé du besoin des entreprises de trouver d’autres cadres de réflexion, et que la recherche académique ne s’est intéressée que plus récemment à ce sujet[1]. De sa définition préliminaire : « Le capital intellectuel est la détention d’un savoir, d’une expérience concrète, d’une technologie d’organisation, de relations avec les clients et de compétences professionnelles qui confèrent à l’entreprise un avantage concurrentiel sur le marché », à l’équation suivante : « Capital humain + Capital structurel = Capital intellectuel ». Depuis, d’autres auteurs ont contribué à la définition du capital intellectuel autour du capital humain et du capital structurel, subdivisé ou non selon les auteurs en capital client et capital process (Bontis, 1999, Bounfour, 20003). Edvinsson définit le capital humain comme « la combinaison des connaissances du personnel, de son talent, de son esprit d’innovation et de ses capacités ». Le capital humain regroupe donc l’ensemble des ressources intangibles détenues par le personnel, l’équipe dirigeante et les collaborateurs de l’entreprise. Il est possible de les classer en 3 catégories : – Les compétences (talents, savoir-faire, capacités), – Les attitudes (motivation, qualités managériales des dirigeants), – L’agilité intellectuelle (capacité à innover, entreprendre, faire partager). Il faut préciser également que le capital humain constitue pour les organisations leur meilleur outil pour la création d’avantages concurrentiels. Il est à noter que dans la perspective de Edvinsson, le capital humain, s’il est porté par les individus qui composent l’entreprise, est envisagé comme une ressource intangible détenue par l’entreprise et qui à ce titre se doit de le mesurer, de le gérer et de le développer. L’auteur souligne cependant le caractère volatil de ce capital humain, en affirmant qu’il quitte l’entreprise, le soir, en même temps que les hommes, contrairement au capital structurel, qui lui reste. Bounfour propose une définition du capital humain, comme composante majeure du capital immatériel et résultat des typologies généralement utilisées par les entreprises : « Le capital humain peut être réduit schématiquement à l’ensemble des savoirs tacites, et routines portés par les cerveaux des hommes au sein de l’organisation. Un ensemble d’items peut être intégré ici : les savoirs (savoir- pourquoi, savoir-comment, savoir- qui et savoir- quoi,), la qualité des équipes, les capacités collectives, les compétences maîtrisées et la culture interne. Cette valeur invisible qu’est le capital humain est une composante essentielle de l’organisation puisque c’est d’abord par les hommes que les organisations peuvent exister et se développer ».

  • Typologie du capital humain

Si le capital humain se définit, au niveau d’une entreprise, par les connaissances maîtrisées par un individu, force est de constater qu’il recouvre des catégories représentant des enjeux différents pour les firmes en terme de contrôle.

Il est en effet possible de dresser une typologie du capital humain qui distingue les catégories suivantes : capital humain général, capital humain spécifique à la firme, capital humain spécifique à une tâche[2].

  • Le capital humain général : correspond à des connaissances qui ne sont ni spécifiques à une entreprise, ni à une fonction ou à une tâche singulière. Il s’agit de connaissances et de compétences génériques (discernement, capacités d’analyse, intelligence des situations) essentiellement accumulées par les expériences professionnelles et l’éducation.
  • Le capital humain spécifique à la tâche : se constitue essentiellement au moyen de formations professionnelles et d’expériences professionnelles. Il correspond à des compétences qui sont spécifiques à un poste de travail comme assistant de direction, auditeur financier où risk-manager.
  • Le capital humain spécifique à la firme: correspond à des compétences et des connaissances maîtrisées par un salarié, basées sur un corpus de connaissances et de connaissances collectives (capital organisationnel) spécifique à une entreprise donnée. Le capital humain spécifique à la firme octroie à un collaborateur des capacités directement liées à des besoins spécifiques à une entreprise en particulier. Aussi, lorsqu’un individu doté d’un capital humain spécifique à la firme quitte celle au sein de laquelle il l’a essentiellement développé pour une autre société, une grande partie de ce capital humain ne sera pas utilisé puisque les attentes et les besoins de la nouvelle entreprise sont différents de la précédente. C’est pourquoi, ce type de capital humain, parce qu’il se déprécie dès que son détenteur quitte la firme au sein de laquelle il a accumulé le capital, s’avère moins intéressant pour d’autres entreprises.
  1. Conceptualisation de la performance globale de l’entreprise
  • Définition du concept de performance 

Discuter de la notion de la performance nous amène avant tout aux origines historiques du terme. Pesqueux rappelle qu’étymologiquement, le mot performance vient de l’ancien français parformer qui, au XIIIème siècle, signifiait « accomplir, exécuter ». Au XVème siècle, il apparaît en anglais avec to perform dont vient le mot de performance. Il signifie à la fois accomplissement d’un processus, d’une tâche avec les résultats qui en découlent et le succès que l’on peut y attribuer.

Ainsi, le mot performance tire ses origines du français, auquel il revient après un détour « outre-manche ». Pour Guenoun ce détour confère deux acceptions possibles au concept : la première le définit comme le processus de formation de la perfection, mot avec lequel il partage son préfixe « per », « formance » renvoyant à l’idée de « processus en cours de formation ». L’autre définition, plus étroite et inspirée de l’anglais, renvoie à l’idée de conduire une action jusqu’à son terme, de réaliser les objectifs. La différence entre ces deux définitions repose sur la portée normative ou non du concept. La première acception lie la performance à la recherche de quelque chose que l’on ne peut améliorer, tandis que la seconde renvoie à la simple réalisation d’un acte.

Historiquement, c’est cette dernière acception qui a été la plus utilisée. En effet, Bourguignon rappelle que le terme, avant d’être adapté pour les entreprises, s’utilisait initialement dans deux domaines particuliers : le sport ; pour caractériser les résultats d’une compétition ou d’une course, et la mécanique pour caractériser les possibilités et les capacités techniques d’une machine. Ainsi, pour cet auteur, parler de performance pour une entreprise, revient presque à utiliser une métaphore sportive ou mécanique.

La même idée est développée par Pesqueux qui insiste sur toute la difficulté d’appréhension de ce terme, faute à sa très grande polysémie. Il cite pour cet effet quelques exemples d’utilisation du terme :

– Dans le domaine de la physique : la performance est considérée comme un effet « utile » au regard de l’objet qui est le sien, d’où la référence possible à la définition du Larousse : « Ensemble des qualités qui caractérisent les prestations (accélération, vitesse maximale, autonomie etc.) dont un véhicule automobile, un aéronef sont capables ».

– Dans le domaine du sport : pour Pesqueux la référence la plus courante du terme performance est aujourd’hui relative au sport considéré comme un jeu conventionnel, les conventions venant fixer les références à la fois de la mesure et du jugement de la performance, les deux aspects venant constituer le processus d’évaluation de la performance. La notion comprend également l’idée de la victoire acquise sur un adversaire mieux classé, donc également celle d’exploit ou de réussite remarquable, d’où le lien entre la performance (invisible car combinaison d’aspects divers et variés) et le succès (visible). Avec la performance triomphe l’aspect performatif du discours (l’effet obtenu) dont un des aspects contribue à la construction du mythe de la performance et des héros qui l’incarnent.

– Dans le domaine artistique : cette signification apparaît au début des années 1970 dans le vocabulaire de la critique d’art aux États-Unis, et s’applique à toute manifestation artistique dans laquelle l’acte ou le geste de l’exécution a une valeur pour lui-même et donne lieu à une appréciation esthétique distincte. Ce qui caractérise la performance est son aspect de jaillissement, c’est sa configuration de présence ici et maintenant (le happening) plus que son résultat. La performance retrouve ici la référence à une forme ancestrale de la tradition orale.

Pesqueux conclut enfin que « le mot est en quelque sorte “ attrape tout ” dans la mesure où il comprend à la fois l’idée d’action (performing) et d’état (performance comme étape franchie)»

Ces deux sens signifiés ont contribué à l’ambigüité et au flou véhiculés par le terme performance. La performance n’est-elle alors pour l’organisation que le simple résultat d’une action ? Ou insinue-t-elle de facto le résultat positif des réalisations dépassant les objectifs fixés initialement ?

Pour Aubert c’est plutôt cette deuxième acception qui est en train de prendre le pas sur la première. Elle explique que l’acception sociologique du terme a évolué : de l’idée initiale d’une perfection en train de s’accomplir, la notion de performance est passée à celle d’un dépassement exceptionnel des résultats, suggérant une élévation des exigences sociales et une mise sous pression continue des individus.

  • Performance globale

La performance financière ne suffit plus pour apprécier la performance d’une entreprise. C’est au cours du XXème siècle que la performance s’élargit pour prendre en compte la responsabilité sociétale de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes. Le concept de la performance globale émerge en Europe avec l’apparition du développement durable, mais ses prémices se trouvent dans des concepts plus anciens tels que la responsabilité sociétale.

La préoccupation d’une performance globale et de son évaluation apparaît dès que l’entreprise n’est pas seulement soumise à l’exigence d’une reddition de type financier par ses propriétaires, mais doit également rendre compte de ses comportements en matière sociétale et environnementale à une multitude de parties prenantes. Dans des travaux précurseurs (CGP, 1997), un groupe de travail du Commissariat Général au Plan français avait mis en valeur qu’une « juste évaluation » de la performance d’une entreprise devait prendre en considération trois dimensions :

– La dimension publique qui s’attache à tous les biens ou services produits qui ont, d’une manière ou d’une autre, un caractère collectif,

– La dimension écologique qui s’affirme du fait des rejets ou prélèvements de l’activité productive vis-à-vis de la nature,

– La dimension sociale qui s’exprime au travers de phénomènes tels le chômage et l’exclusion.

Ces différents aspects, appelés « externalités » par les économistes, ne sont pas spontanément pris en compte par les entreprises, puisque, par définition, elles apparaissent lorsque la satisfaction ou les bénéfices d’un agent sont affectés par les décisions d’autres agents, sans que le marché évalue et fasse payer ou rétribuer cette interaction (Commission des Comptes et des Budgets Economiques de la Nation, 1992).

  1. Capital humain : Un concept au cœur la performance globale de l’entreprise

Dans un contexte où l’entreprise s’interroge sur l’amélioration de sa compétitivité, de sa réactivité et de sa flexibilité dans la poursuite de ses objectifs stratégiques, le capital humain est appelée à jouer un rôle essentiel dans le processus du management de la performance globale.

La contribution du capital humain à la performance globale de l’entreprise est une problématique récurrente en management et en économie.  De nombreux articles et manuels présentent le capital humain comme un facteur clé de succès de la performance des entreprises[3].

La prise en compte du capital humain par l’entreprise s’inscrit dans la stratégie de cette dernière, désireuse de se démarquer d’une concurrence forte et de développer un avantage concurrentiel durable, au travers des connaissances et des compétences dont elles disposent.

  • Lien Capital humain – Performance globale

En se référant à la définition de la performance développée plus haut, nous pouvons faire référence à deux approches couramment évoquées dans la littérature, apportant des explications sur les sources de la performance organisationnelle. Il s’agit de l’approche économique et de l’approche organisationnelle. Selon la première, les facteurs relatifs à une bonne gestion des ressources internes ont une contribution très marginale à la performance de l’entreprise, celle-ci étant surtout due à des facteurs externes à l’entreprise. Pour la seconde, la performance organisationnelle est fonction d’un ensemble de facteurs internes : individuels, collectifs et organisationnels. Au début des années 1980, cette seconde approche est confortée par la théorie des ressources internes. Selon cette théorie, les écarts de performance entre les entreprises d’un même secteur d’activité proviennent d’une exploitation des ressources internes plutôt que d’une adaptation de l’organisation au marché et à l’environnement. Coff (1997) souligne que les ressources humaines constituent des actifs difficilement duplicables ou transférables, en raison de leur spécificité, de leur imbrication dans les systèmes sociaux (interne et externe à l’entreprise) et de la relation ambiguë (difficile à établir) qu’elles entretiennent avec la performance et la création de valeur. La réflexion sur les sources de la performance de l’entreprise affirme que le capital humain et la manière de le gérer sont en relation étroite avec l’atteinte des objectifs de l’entreprise.

L’identification d’une relation entre la gestion du capital humain et la performance de l’entreprise amène à axer une réflexion sur la nature de cette relation. Selon des auteurs comme Louarn (2001), les pratiques ressources humaines, bien qu’elles soient mises en œuvre pour réaliser une meilleure performance organisationnelle, produisent d’abord et surtout des résultats directs sur le capital humain et, par la suite, des résultats indirects sur les plans organisationnel, financier et de la valeur de l’action. A ce jour, deux approches ont été développées pour tenter d’expliquer la relation entre les pratiques ressources humaines et la performance de l’entreprise. Il s’agit d’une approche « universelle » et une approche « de contingence ».

  • L’approche universelle postule une relation directe entre les différentes pratiques ressources humaines, prises de manière isolée ou dans un système (grappes), et la performance organisationnelle[4],
  • En revanche, l’approche de contingence postule que l’impact des pratiques ressources humaines sur la performance de l’entreprise dépend de leur cohérence avec la stratégie globale de l’entreprise[5]: plus le degré de cohérence entre la stratégie globale de l’entreprise et sa politique de gestion du capital humain est important et plus l’influence de la gestion du capital humain sur la performance organisationnelle est forte.

Dans la même logique, Wrigth et al. (1995) affirment que les entreprises affichent de bonnes performances lorsqu’elles possèdent des compétences humaines compatibles avec sa stratégie. La relation peut être également envisagée dans le sens inverse : les entreprises affichent de bonnes performances lorsqu’elles développent des stratégies cohérentes avec les compétences de leur personnel.

L’absence d’unanimité sur la nature du lien entre le capital humain et la performance ne réduit pas cependant l’utilité évidente d’une évaluation de la contribution de cette fonction au succès de l’entreprise.

  • Capital humain : Une valeur capitale pour la performance globale de l’entreprise

Les entreprises sont traditionnellement observées sous l’angle de leurs capacités à investir en moyens productifs matériels, donc selon une vision à court terme, réductrice de la performance où le travail est mesuré à un seul coût. Avec les nouvelles organisations, l’enjeu est fort, le travail n’est pas qu’un simple coût, il est aussi un facteur de valeur ajoutée, d’innovation, de compétence et de qualité où le succès se dessine à long terme. Les Hommes permettent donc aux organisations d’atteindre les performances recherchées. C’est en sous estimant leurs potentiels que les organisations peinent à inventer de nouvelles manières de faire. Huselid et Becker (1995) ont testé l’efficacité du capital humain sur la performance économique et ont démontré que la valeur du marché augmente avec l’intensité de cette pratique. C’est ainsi que De Geus (1997) explique, à partir d’une étude effectuée sur trente entreprises à forte longévité, que la grande mortalité des entreprises est due à un management centré exclusivement sur la production de biens et de services et sur l’optimisation des ressources financières. Selon Pfeffer (1995), les cinq entreprises les plus performantes aux Etats-Unis ont un point commun : des politiques de ressources humaines novatrices et mobilisatrices. Ainsi, les Hommes constituent les seuls leviers de formation et de fertilisation de savoirs et donc le développement d’avantages compétitifs durables sur le marché. Selon cet auteur, le capital humain constitue la principale source d’avantage concurrentiel et non uniquement un simple coût à minimiser.

Dans la même veine, Grisé et al. (1997) ont mis en évidence l’apport d’une bonne gestion du capital humain à l’avantage concurrentiel de l’entreprise en proposant un modèle intégrateur original qui sert à expliquer la perspective basée sur les ressources ou Resource-Based View of the Firm[6]. En effet, cette théorie trace la relation entre les ressources, les compétences et l’avantage concurrentiel. Les ressources sont les unités d’analyse qui incluent des actifs financiers et physiques ainsi que les compétences des employés et les processus sociaux organisationnels[7]. En d’autres termes, les ressources se regroupent en trois catégories : les ressources physiques (équipements et installations, technologie…), les ressources humaines (leadership, expériences et formations des salariés…) et les ressources organisationnelles (structures formelle et informelle de l’entreprise…). Toutefois, ces ressources doivent répondre à deux principes : Le principe de l’hétérogénéité, c’est-à-dire qu’au sein d’une même industrie, les ressources internes sont distribuées d’une façon inégale entre les entreprises et donc les aptitudes organisationnelles qui découlent sont spécifiques à chacune d’entre elles; Le principe d’immobilité, c’est-à-dire que les ressources ne doivent pas être parfaitement mobiles à travers cette industrie[8]. Cette perspective considère l’entreprise comme « un ensemble unique de ressources tangibles et intangibles ou comme un portefeuille de compétences distinctives qui contribuent à la réalisation de produits ayant une fonctionnalité unique ».

En effet, les pratiques de gestion du capital humain influencent les compétences des employés à travers l’acquisition et le développement du capital humain de l’entreprise. En proposant des expériences formelles et informelles d’apprentissage, que ce soit des formations de base ou de management, la firme peut influencer le développement de ses employés. Ainsi, « Les pratiques de gestion des ressources humaines jouent un rôle déterminant dans l’obtention d’un avantage concurrentiel à travers le développement d’un réservoir de capital humain de qualité et la mise en œuvre de pratiques de mobilisation des ressources humaines »[9]. Ces pratiques de gestion regroupent la sélection, l’évaluation, la formation et la rémunération des employés mais aussi d’autres pratiques pour encourager les employés à se comporter d’une façon qui supporte les objectifs de l’organisation. Il s’agit par exemple d’impliquer les employés à travers la mise en place de tableaux de bords auxquels chacun adhère afin d’en déduire les actions pertinentes et d’intégrer des données de l’environnement de l’entreprise, qui permet à celle-ci de mieux se situer par rapport à son univers concurrentiel.

Selon Martory (1999), les salariés sont créateurs de performance ce que l’on a appelé assez précocement par Schultz (1950) le capital humain de la nation ou de l’entreprise. D’après UNI le capital humain est « l’actif le plus précieux que puisse détenir une organisation…Pour conserver un profil compétitif sur les marchés d’aujourd’hui, les organisations doivent utiliser leurs salariés- leur capital humain aussi efficacement que possible ».

Or, le capital humain au sein d’une entreprise est confronté à une dichotomie court terme/long terme, répondant à la fois aux exigences de l’opérationnel et à une nécessaire gestion anticipée des Hommes et de leurs compétences pour répondre aux besoins présents et futurs de l’entreprise.

Le capital humain constitue un enjeu majeur pour les entreprises qui doivent croiser une logique de marché (court terme) avec une logique de développement (long-terme), en s’appuyant sur leur principale ressource : leurs collaborateurs et les réseaux de compétences où ces derniers créent, acquièrent et diffusent des savoirs[10].

Au sein de l’économie moderne, le capital humain est appelé à jouer un rôle majeur, bien supérieur à celui qu’elle assure encore aujourd’hui dans la plupart des entreprises. Cependant, la majorité des entreprises ne possèdent pas d’outils de pilotage et de mesure qui permettent de vérifier l’impact réel du capital humain, tant sur le résultat et la performance de l’entreprise que sur l’employabilité des salariés. Il est donc primordial de mettre en place un système de mesure qui démontre sans équivoque l’impact de la stratégie et la gestion du capital humain sur la performance globale.

Conclusion :

De nos jours, la production de biens, services et informations est basée en grande partie sur la connaissance. Nous entrons dans la « Société de la connaissance » dans laquelle la ressource de base n’est plus le capital matériel ou les ressources naturelles mais le capital humain. Cette dernière ressource est souvent le garant de l’avantage concurrentiel durable pour l’entreprise.

Il ressort, alors, que la fonction RH, comme toutes les fonctions au sein de l’entreprise, sous l’effet de la mondialisation, est mise à contribution, désormais elle doit justifier ses dépenses, son effectif et démontrer sa participation à la création de la valeur pour les différentes parties prenantes.

De ce fait, la gestion du capital humain est devenue au centre du dispositif économique, responsable de l’actif qui régénère tous les autres contribuant, au même titre que les autres, aux résultats économiques et sociaux de l’entreprise.

C.H. Besseyre des Horts qualifie les ressources humaines par « la seule ressource qui différencie l’entreprise performante de l’entreprise non performante. Tout le reste peut s’acheter, s’apprendre ou se copier », c’est ainsi que les entreprises sont dans l’obligation de mettre en œuvre des stratégies de développement, fondées sur la mobilisation des hommes et des équipes.

Bibliographie :

  • Autier F. (2006), « Vous avez dit : « capital humain » ? », Gérer et comprendre, n°86.
  • Autissier D, Gaillard A. et Moutot J, (2010), « La capacité de transformation comme composante du capital humain : une étude exploratoire dans un groupe coté », Management & Avenir, vol. 1, n°31.
  • Baayoud M. et Zouanat H. (2006), « La GRH au Maroc : histoire et perspectives de reconfiguration » Ressources Humaines en Euro méditerranée, volume 2, Marseille, Editions Euromed.
  • Barney, J. (1991) « Firm Resources and Sustained Competitive Advantage». Journal of Management.
  • Bessire D. (1999), « Définir la performance », Comptabilité Contrôle Audit, Tome 5, vol. 2, Septembre.
  • Bosquet R. (1989), « Fondements de la performance humaine dans l’entreprise », coll Personnel ANDCP, Paris, Editions d’Organisations.
  • Cappelletti L. (2010), « Vers un modèle socio-économique de mesure du capital humain ? » Dossier, Revue Française de Gestion.
  • Denoël F. (2005), « L’économie de la ressource humaine : lectures croisées de François Perroux et Samuel Pisar », in François Perroux, Le centenaire d’un grand Economiste, Economica.
  • Drucker P. (1993), «Innovation and Entrepreneurship: Practice and Principles», Harper Collins Publishers, Inc., New York.
  • Fourmy M. (2012), « Ressources humaines, stratégie et création de valeur », Ed. Maxima.
  • Gates S. et Langevin P. (2010) « Usage des indicateurs de capital humain et pilotage de la performance », Revue française de gestion, Vol. 8, n°207.
  • Gendron C. (2010) « La responsabilité sociale comme symptôme d’une modernisation de l’entreprise », Alternatives économiques, L’économie politique, Vol.1, n°45.
  • Gibbons R. et Waldman M. (2004), « Task-specific human capital ». American Economic Review. Vol 94(2),
  • Guillard A. et Roussel J. (2010), « le capital humain en gestion des ressources humaines : éclairages sur le succès d’un concept », Management & Avenir, vol. 1, n°31.
  • Grisé J, Asselin J.Y., Boulianne F. et Lévesque A. (1997), « Les ressources humaines en tant que source d’avantage concurrentiel durable », document de travail, Université Laval, Québec, Canada.
  • Lebas M. (1995), « Oui, il faut définir la performance », Revue Française de Comptabilité, juillet- août.
  • Lewin A.Y., Minton J.W.(1986), « Determining organizational effectiveness : another look, and an agenda for research », Management Science.
  • Lorino (2003), « Méthodes et pratiques de la performance », 3eédition, Les Éditions d’Organisation, Paris.
  • Matmati M., (2005), « La gestion des ressources humaines au Maghreb » Perspective sur la GRH au Maghreb, Paris, Editions Vuibert.
  • D et Fernandez.P.D, (2000), « La Performance Globale de l’Entreprise» Editions d’Organisation.
  • Poulain E. (2001), « Le capital humain, d’une conception substantielle à un modèle représentationnel », Revue économique, vol. 52, n°1.
  • Sultan-Taëb et al. H. (2009), « Capital humain et coûts de friction, Quels critères de choix pour l’évaluation des pertes de production ? », Revue économique.

[1] Bontis, N, Managing Organizational Knowledge by Diagnosing Intellectual Capital: Framing and advancing the state of the field, International Journal of Technology Management, 1999, P: 433.

[2] Gibbons R. et Waldman M. ,Task-specific human capital,  American Economic Review, Vol 94(2), 2004, P:203.

[3] Pfeffer J, Competitive Advantage through People, Management Review, P:36, 1994.

[4] Pfeffer J, Competitive Advantage through People, Management Review,P:40, 1994.

[5] Wright, P. et all. , Matches between human resources and strategy among NCAA basketball teams, Academy of Management Journal, P: 438, 1995.

[6] Barney, J. Firm Resources and Sustained Competitive Advantage, Journal of Management, P: 17, 1991.

[7] Hart, O. Corporate Governance: Some Theory and Implications, The Economic Journal, P:105, 1995.

[8] Barney, J, Firm Resources and Sustained Competitive Advantage, Journal of Management, P:17, 1991.

[9] Grisé J., Asselin J.Y., Boulianne F. et Lévesque A, Les ressources humaines en tant que source d’avantage concurrentiel durable, , Université Laval, 1997.

[10] Drucker, P, Innovation and Entrepreneurship: Practice and Principles, Harper Collins Publishers, Inc., New York, 1993.

5/5 - (4 أصوات)

المركز الديمقراطى العربى

المركز الديمقراطي العربي مؤسسة مستقلة تعمل فى اطار البحث العلمى والتحليلى فى القضايا الاستراتيجية والسياسية والاقتصادية، ويهدف بشكل اساسى الى دراسة القضايا العربية وانماط التفاعل بين الدول العربية حكومات وشعوبا ومنظمات غير حكومية.

مقالات ذات صلة

اترك تعليقاً

لن يتم نشر عنوان بريدك الإلكتروني. الحقول الإلزامية مشار إليها بـ *

زر الذهاب إلى الأعلى