Research studies

L’Art Amazigh au Sud-Est du Maroc: Une Histoire de Résilience et de Talent Etude composée sur l’Œuvre de Moha Mellal

Amazigh Art in Southeastern Morocco: A Narrative of Resilience and Talent An Analytical Study on Moha Mellal's Works

 

Prepared by the researche  : Hassan BAOUALI –  Doctorant à La Faculté des Lettres et des Sciences Humaines – Sidi Mohamed ben Abdellah Fès -sais.

Democratic Arabic Center

International Journal of Amazigh Studies : First issue – December 2024

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Registration number
R N/VIR. 3366 – 4559 .B
International Journal of Amazigh Studies

:To download the pdf version of the research papers, please visit the following link

https://democraticac.de/wp-content/uploads/2024/12/%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%AC%D9%84%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%AF%D9%88%D9%84%D9%8A%D8%A9-%D9%84%D9%84%D8%AF%D8%B1%D8%A7%D8%B3%D8%A7%D8%AA-%D8%A7%D9%84%D8%A3%D9%85%D8%A7%D8%B2%D9%8A%D8%BA%D9%8A%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%B9%D8%AF%D8%AF-%D8%A7%D9%84%D8%A3%D9%88%D9%84-%D9%83%D8%A7%D9%86%D9%88%D9%86-%D8%A7%D9%84%D8%A3%D9%88%D9%84-%E2%80%93-%D8%AF%D9%8A%D8%B3%D9%85%D8%A8%D8%B1-2024.pdf

Résumé

Cette étude vise à atteindre deux objectifs essentiels. Le premier est consacré à une partie importante sur l’histoire de la peinture au Maroc, en mettant en évidence l’apparition de l’art plastique amazigh dans le sud-est du pays. Ensuite, nous établirons un parallélisme entre deux genres artistiques : la peinture et la poésie. Bien que ces deux formes d’expression diffèrent par leur forme, elles se rejoignent par leurs thématiques communes. Nous proposons ainsi une nouvelle expérience artistique marocaine d’expression amazighe, qui commence à se démarquer en dépit de son jeune âge. D’un point de vue méthodologique, notre propos mettra particulièrement en avant l’étude sémiotique, l’étude thématique, ainsi que l’étude comparative des œuvres de Moha Mellal, illustrant cette dynamique artistique émergente. Le choix de cette étude n’est pas un choix aléatoire; nous avons pris conscience que la plupart des recherches sur la culture amazighe se concentrent principalement sur les études linguistiques et littéraires, tandis que les études sur la création picturale sont quasiment absentes.

Abstract

This study aims to achieve two essential objectives. The first is dedicated to an important part of the history of painting in Morocco, highlighting the emergence of Amazigh plastic art in the southeast of the country. Then, we will establish a parallel between two artistic genres: painting and poetry. Although these two forms of expression differ in their form, they converge through their common themes. We thus propose a new Moroccan artistic experience of Amazigh expression, which is beginning to stand out despite its young age.

From a methodological point of view, our approach will particularly emphasize semiotic study, thematic study, as well as comparative study of the works of Moha Mellal, illustrating this emerging artistic dynamic. The choice of this study is not a random one; we have realized that most research on Amazigh culture focuses mainly on linguistic and literary studies, while studies on pictorial creation are almost absent.

Introduction

Le Maroc a connu un remarquable épanouissement artistique, particulièrement en ce qui concerne l’expression amazighe. Ce développement touche à tous les genres artistiques, y compris le roman, la poésie, le théâtre, la danse, la performance, les arts plastiques et l’art conceptuel. L’art, véritable miroir de l’âme d’une culture, révèle au Maroc des facettes longtemps méconnues de la riche tradition amazighe.

Cette étude se propose d’explorer une problématique contemporaine : comment les différentes formes d’art peuvent-elles se réunir en une seule œuvre, que ce soit à travers la peinture, la poésie ou même la musique ? Cette question s’inscrit dans une esthétique de l’art total, où l’artiste pratique plusieurs disciplines librement et aisément.

Notre étude se subdivisera en deux parties. La première sera focalisée sur l’histoire de la peinture au Maroc, en mettant en lumière l’émergence de l’art plastique amazigh dans le sud-est du pays. Cette région, berceau de nombreuses expressions culturelles, voit aujourd’hui naître une nouvelle forme d’art qui, bien que jeune, commence à se démarquer par sa singularité et sa profondeur.

La seconde partie consistera en une étude comparée entre deux genres artistiques : la peinture et la poésie. Bien que distinctes dans leur forme, ces deux expressions artistiques se rejoignent par leurs thématiques communes, telles que l’enfance, l’instant, le souvenir, la nature, et les conditions sociales de l’homme amazigh. Cette approche offre ainsi une perspective enrichissante sur l’identité et la culture amazighes.

 En proposant une nouvelle expérience artistique marocaine d’expression amazighe, cette étude aspire à combler un vide dans la recherche actuelle, souvent focalisée sur les aspects linguistiques et littéraires de la culture amazighe. D’un point de vue méthodologique, notre approche mettra en avant l’étude sémiotique, l’étude thématique, ainsi que l’étude comparative des œuvres de Moha Mellal. Ce choix n’est pas fortuit ; il répond à une prise de conscience de l’absence quasi totale de recherches sur la création picturale amazighe. En illustrant cette dynamique artistique émergente, nous espérons contribuer à une meilleure compréhension et valorisation de l’art amazigh contemporain.

1.Aperçu historique sur la peinture au Maroc

De la préhistoire passant par l’antiquité à l’âge classique et la modernité jusqu’à l’art contemporain, le Maroc a toujours été marqué par une présence humaine active et créative. En attestent les peintures et gravures rupestres éparpillées à travers les milieux montagneux à savoir Tinzouline près de Zagora, Aqqaà Tata et quelques autres lieux au désert marocain,ces gravures représentent des scènes de chasse et de l’agriculture.

Quelques milliers d’années plus tard, le contact s’établit avec les civilisations florissantes du bassin de la Méditerranée et de l’Afrique subsaharienne. Grace à l’apport des civilisations phéniciennes, grecque, romaine, nègre, arabe, la civilisation amazighe s’est enrichie au fil du temps en contact avec les autres. Nous remarquons cette richesse dans la poterie, le tissage, la bijouterie, l’enluminure, la calligraphie, les arts décoratifs dans le même sens Jean-François Clément disait « on pourrait aussi évoquer les femmes qui décoraient des corps humains avec des formes produites au henné ou avec des tatouages. Dans tous les cas, il s’agit bien de  peinture, puisque ces personnes utilisent des pigments et des liants de formes, jouant de formes et de couleurs[1] »cependant   l’auteur revient à dire que «  il ne s’agissait pas de  professionnels, et ces peintres ne se pensaient pas comme artistes […] simplement ils ignoraient le type très particulier de support qu’est la toile voire le papier apparu seulement à la fin de la période médiévale »[2]Pour lui  il s’agit justement de l’art artisanal pratiqué par des hommes ordinaires qui produisent des décors non signés  sur les planches de plafonds et des murs constituant une maison.

La rupture avec la représentation figurative et l’art pictural en général au Maroc, remonte au VII siècle avec les invasions menées par des musulmans, ce qui va détruire un grand héritage artistique accumulé depuis des milliers d’années reflétant une grande civilisation marocaine. Dans le même contexte Farid Zahi dit « Considérée comme une émanation satanique conformément au principe de l’interdit de la représentation tel qu’il a été formulé par la tradition musulmane depuis le VII siècle, l’image a rencontré au Maroc des années 1920,1930 une résistance farouche et plusieurs théologiens musulmans l’ont identifiée constamment à la pénétration étrangère et à sa conquête générale du pays[3] »

Et donc, l’art dans cette situation complexe demeure comme un acte de résistance pour reprendre le grand mot de Gilles Deleuze.

Alors que la peinture de chevalet avec ses normes occidentales n’avait été pas installée au Maroc que jusqu’au XVI siècles lors d’un évènement très intéressant, il s’agissait d’un groupe des peintres occidentaux qui étaient invités par le sultan Saadien au palais pour lui faire des portraits. Cela remonte historiquement selon Jean- François «  au XVI siècle, une chose plus curieuse, il ne s’agit pas d’un phénomène qui a été proposé ou imposé par des peintres venus de l’étranger, on a été en face d’une demande marocaine venue de l’autorité suprême du pays, celle d’un sultan Saadien […] au XVIe siècle avec la venue au Maroc les artistes ayant connu les mutations apparues en Europe dans le domaine de la représentation qui sont l’apparition de la toile , l’usage de l’huile, le recours à  un cadre dans lequel la représentation sera insérée, une figuration mimétique[4] ».

À la fin du XIXe siècle, un autre groupe d’artiste Européens nommé les peintres voyageurs ou les orientalistes sont descendus au Maroc pour justement peindre, parce qu’ils sont fascinés par la lumière et les couleurs du Maroc. En effet, nous pouvons évoquer quelques-uns d’entre eux à savoir Delacroix,Jacques Majorelle, Etienne Dinet, Diego Gamez, Cruz Herrera, Arbey Mathilde, Bertuchi Nieto et les autres.

 Ces artistes ont beaucoup marqué l’histoire de la peinture Marocaine par leurs héritages picturaux, cela va influencer inévitablement quelques jeunes artistes Marocains à l’époque, pour se cheminer dans cette voie. Nous pouvons faire appel à Ahmed Cherkaoui , Farid Belkhaïa, Jillali Gharbaoui ces jeunes artistes sont les membres du premier groupe des étudiants ayant allé  à l’école des beaux-arts de Paris vers 1956[5]quand ils sont de retour à leurs pays natal, ces peintres ont consacré leurs recherches dans la quête de l’identité originale Marocaine, c’est ce que nous remarquons dans leurs œuvres picturales, l’emploi important de signe et symbole Amazighes, à vrai dire, ils se sont inspirés dans les traditions artisanaux Amazighes à savoir le tatouage, le tapis, la poterie, l’habitation etc.

2.L’art plastique Amazigh entre l’engagement et rêve 

Parler de l’art plastique dans la société Amazighe est un défi avant tout et plus particulièrement dans une région marginalisée comme le sud-est Marocain. En ce qui concerne l’histoire de la pratique artistique dans cette région on n’a rien trouvé concernant les traces écrites que quelques articles journalistiques mettant en descriptive l’expérience de quelques artistes qui sont effectivement des talentueux autodidactes et amateurs de l’art. Cependant, Il est préférable de faire référence aux artistes eux même ayant pratiqué la peinture dans cette région, pendant la dernière moitié de XXe siècle. En effet, nous pouvons évoquer un groupe d’artistes Amazighes qui font partie d’une même génération et qui sont très connus en milieu Amazighe, il s’agit effectivement d’un groupe d’artistes qui sont nés justement après l’indépendance du Maroc justement vers 1960, ils commencent à exposer depuis leur jeune âge notamment lors des fêtes nationales à savoir la fête du trône qui s’organise dans les écoles Marocaines chaque année. A cette époque, ces artistes n’avaient pas aucun autre endroit pour y exposer, c’est-à-dire pas de soutien et pas d’encouragement de la part du ministère de la culture ou tout autre organisme étatique. Malgré tout cela, ils ont continué jusqu’à nos jours. Nous pouvons faire référence à ces héros de l’art Amazighe, ils sont pareils aux  impressionnistes[6] en France, il s’agit de Lahbib Fouad né en 1955 à Tinjdad dans la province d’Imtghren qui a exposé ses traveaux dans plusieurs pays à travers le monde « dans ses œuvre Lahbib Fouad ne cesse d’explorer la magie de la graphie Amazighe authentique, le  Tifinaghe, en s’inspirant, entre autres des, gravures rupestres, l’architecture amazighe et des tatouage [7]», de Mohamed Charaf qui est une autre figure qui se naviguait librement entre la calligraphie de lettre arabe et celui de Tifinaghe Amazighe, de Omar Aqasbi qui quant à lui a préféré de faire ses recherches sur la mythologie Amaizghe en utilisant la matière et la technique comme une composante discursive, de Moha MALLAL qui a commencé a exposé depuis 1985 une collection d’art caricaturale portant sur un thème un peu compliqué qui est  la cause Amazighe, une année plus tard grâce à  l’aide d’association « Anwar souss » présidé par le grand dramaturge Marocain feu Abdelkader Aababou , l’artiste va exposer en 1986  justement quand il était étudiant à la faculté des lettres et des sciences humains d’Agadir, de Fatima Mallal qui est devenue aujourd’hui célèbre ; elle a exposé un peu partout au niveau national et international. De Mohamed EZZIANI,un grand  artiste natif de Tinghir  un  génie du portrait et paysagiste, réaliste, il a commencé à exposer depuis son jeune âge mais il était méconnu jusqu’à son exposition à Marrakech à la galerie « Bab doukala » en 1992 et depuis cette exposition-là Ezziani commence à être connu grâce à un article publié dans le journal l’opinion[8] .Il est aussi surnaturaliste, sculpteur et autodidacte à la fois. De Hocine ETTALIBI aussi qui est un paysagiste et spécialiste des kasbahs notamment celles de la route des mille Kasbahs de kalaat Mgouna, dernièrement il a organisé un grand événement artistique dans sa ville natale, il s’agit d’un festival international de l’art qui réunit un ensemble d’artistes un peu partout dans le monde. Dans la même région nous pouvons trouver aussi Omar AIT SAID comme chanteur, poète et peintre nous avons également le regretté, feu Mohamed AMZIANE grand  artiste symboliste, il a beaucoup travaillé sur la calligraphie notamment Tifinaghe, en fait, il était professeur des arts plastique à Errachidia, il est natif de Midelt  nous pouvons évoquer aussi Rachid ADIDOU l’un des artistes les plus connus à Errachidia,  c’est le premier qui a exposé ses toiles en plein air avec said  Nejima dans l’avenue Moulay Ali charif à Errachidia. Dans  le moyen atlas,  nous pouvons faire référence à Housti Mohammed[9] né  en 1964 à Sefrou, Ait Youssi, la thématique de l’amazighité a toujours jalonné le travail de cet artiste de bonne qualité, en effet, la femme tamazight est sa réelle source d’inspiration, il a commencé a exposé en 1991 à l’institut goethe et l’IRCAM 2003 à Rabat. Pour ce qui concerne la région de Sousse nous pouvons rappeler le militant et essayiste Rachid Elhahi.

3.Regard sur l’expérience artistique de Moha Mallal

Moha Mallal est un artiste Marocain d’expression Amazighe très célèbre en milieu Amazighe méconnu chez les autres marocains arabophones. En effet, c’est un artiste aux multiples facettes il est à la fois chanteur, musicien, compositeur, peintre, poète et cinéaste. Né en 1965  à Tamllalt, un petit village se situant dans la région de Dadès  qui appartient aujourd’hui  à la  province  de  Tinghir[10].

Tout d’abord, il met en relief l’amour, la nature avant de dénoncer toutes les entraves à la liberté notamment l’oppression de sa langue et de sa culture. Il est le passage obligé et désiré entre la tradition et la postmodernité comme il est entre deux génération celle de post- colonialisme est celle d’aujourd’hui.

Biographiquement, Moha Mallal est né avec une âme d’artiste autrement dit, il a un don de la nature tout petit déjà, il s’est lancé à affiner ses multiples talents dans le domaine de l’art commençant à tracer des croquis par le moyen du charbon et du crayon sur les murs et sur les feuilles, tout en représentant des scènes populaires locales, avec une dimension culturelle.  Il expérimente alors les courbes et les casbahs de son village caractérisées par des signes et des symboles amazighs. De temps en temps, il peint les paysages de la vallée et les photos accrochées aux murs de la classe.

Le plaisir de dessiner et de peindre fait de lui un artiste de bonne qualité depuis son jeune âge. Il a tenté de représenter même les choses les plus difficiles dans la peinture à savoir les portraits humains en commençant par les membres de sa famille, surtout sa mère et les vieux de la vallée.

Dans la même perspective, il a appris à jouer à la guitare, son père qui travaille dans une mine à Ouarzazate, il lui a acheté une petite guitare avec laquelle, il a commencé à apprendre les notions de base de la musique dite contemporaine. Le jeune Moha s’amusait avec les jeunes du quartier en répétant les chansons appartenant à des grands chanteurs kabyles comme le regretté feu IDIR ou aussi celles de Lounes, celle d’Ait mengulette mais en parallèle, il composait ses poèmes à lui qui se caractérisent par la simplicité.

En fait, Moha a pu continuer ses études collégiales en parcourant chaque jour un chemin très long et difficile à propos de quoi il dit :

« Le chemin pour aller au collège est très difficile, il faut passer par les montagnes où les accès sont très dangereux, pour arriver à Boumalne. Nous avions deux heures de marche. En hiver, venaient s’ajouter la neige, l’obscurité de l’aube, la peur des chacals et des loups. A cause de cela de nombreux élèves ont quitté le collège. Ce qui m’a retenu, c’était la feuille et le crayon. Je crois que les conditions que j’ai vécues ont beaucoup nourri mon imagination »[11]

Par conséquent, quelques années plus tard et il a obtenu sa licence en histoire des civilisations à Agadir puis il a accédé par concours au poste de professeur des arts plastiques. Ce qui va nourrir son expérience en domaine des arts, c’est la formation académique qu’il a faite à l’école des beaux-arts de Grenoble vers 1991-1992 en France. Cette école a renforcé l’expérience du Moha C’est dans cette école qu’il apprise énormément de techniques nouvelles, il s’est même initié aux autres domaines de l’art en l’occurrence l’art-vidéo, l’installation, la performance, l’art conceptuel. De son retour, il a consacré sa vie à partager ses idées et ses techniques avec les autres, à vrai, dire Mallal est un homme gentil et sympathique qui aime aider les autres artistes et les amateurs de l’art aussi. Il a créé son propre studio d’enregistrement à Ouarzazate. Il y enregistre ses propres chansons mais aussi un atelier de la peinture là où il peint et compose ses poèmes et chansons.

Entre autres, c’est un espace ouvert devant tous les artistes, chanteurs, peintres, poètes, réalisateurs, journalistes. Il a aidé autant d’artistes en leur organisant des vernissages en faisant à la fois des ateliers au profit des enfants. Mallal enchaine de formidables exploits dans sa carrière riche par ses productions et ses expositions nationales et internationales depuis 1985 jusqu’à aujourd’hui.

Au niveau de la musique, à partir du milieu des années 1990. En 1997 précisément, il sort son premier album, « Asif n Dadès »[12], un noble hommage à la source de vie dans la vallée de Dadès, son fleuve. Et depuis cet album se sont sept autres qui viendront enrichir le répertoire du groupe Mallal dont Mohamed est, pour précision, le fondateur et le chanteur aussi. Le dernier album de ce groupe, intitulé « tafsut » qui veut dire printemps en amazighe.

En Artiste pluriel Mallal a publié aussi en 2006 un recueil de poèmes intitulé Anzwum (le souci) la traduction de ces poèmes en français a été assurée par Omar Akesbi. Et pour donner une dernière touche esthétique à son œuvre poétique, Mohamed Mallal a choisi d’habiller la couverture de son livre d’une belle peinture de Fatima, sa sœur. Il a publié un autre recueil de poésie intitulé Afafa (l’éveil) en 2014.

La peinture et l’écriture sont deux activités qui se rejoignent dans l’œuvre de Malla l’une influence l’autre, l’une sert d’inspiration à l’autre, et même, dans le cas des grands artistes pluriels qui ont marqué l’histoire de l’art depuis la renaissance à nos jours dans ce nous pouvons citer William Blake un artiste peintre, graveur et poète de XVIIIe siècle il s’inscrit dans le mouvement artistique préromantique britannique. Consacré également à la poésie inspirée de visions bibliques à caractère prophétique. Son style halluciné et moderne le distingue de ses thèmes classiques[13].Nous évoquerons également le cas du grand poète, écrivain, dramaturge, et dessinateur français Victor Hugo, connu et bien connu, génie précoce de tous les arts. Dans le même sens  nous ferons appel à un autre artiste multiple à savoir Jean Cocteau, la  vie de ce dernier est alors marquée par une création incessante dans tous les domaines : Dessinateur, peintre, dramaturge, cinéaste, on peut citer dans ce sens « il utilise toutes les formes d’expression pour traduire une perception originale du monde et revient au mythes antique( Orphée , Œdipe) pour en souligner la modernité dans l’opéra »[14]Bob Dylan également est l’une des figures artistique contemporaine  en icône absolue, il a pu marier chansons engagées et poèmes surréalistes et la peinture expressionniste s’étant aussi essayé à la fiction et la biographie, mêlant tradition musicale et “diarrhée verbale” selon ses propres mots pour définir “like a Rolling stone” son tube classé numéro 1 des meilleures chansons de tous les temps.

3.1. La poétique de la peinture étude comparée

Dans cette étude nous allons mettre en similitude deux mondes d’expressions artistiques. Tout d’abord, depuis notre étude profonde des œuvres picturales de l’artiste avec une lecture attentive à ces textes de poésie, on constate que l’un ne va pas sans l’autre, l’un utilise le verbe et la plume, l’autre emploi le pinceau et les couleurs, la différence qui s’établissent entre les deux portes nettement sur ce qui concerne la technique. Entre autres, on peut en avoir énormément de points communs qu’ils se partagent à savoir la composition, ceci indique que la poésie se compose par le moyen des unités significatives basé sur la sémantique et la rhétorique mais aussi l’esthétique, alors que la peinture se compose par le bais des dessins et des croquis fondés par un système entièrement attesté ; consistant à former des unités ayant du sens. La peinture rejoigne la poésie également dans ce qui est relatif à l’expression émotionnelle de l’individu, en d’autres termes l’une nourrit l’autre par le moyen des retrouvailles thématiques, c’est-à-dire l’une inspire l’autre.

3 .2. La représentation de l’enfance

3.2.a. Œuvre (1)[15] :  huile sur toile / titre : l’enfance

La toile (1) représente une mère qui porte son bébé dans ses bras, cette relation d’amour et de tendresse entre la maman et ses fils a beaucoup marqué l’esprit de l’artiste, tout en gardant en lui un long moment de souvenir de son vécu intime, l’enfance pour le protagoniste reflète une période de joie et d’innocence. En revanche, la jeunesse de l’individu met l’accent sur un moment de mélancolie et de tristesse c’est ce que montre le poème ci-dessous dans l’énoncé suivant :

Arba lliɣ ur t giɣ, tiwurga lliɣ ddant

Iẓṛi lliɣ ur isul, tifiras zlant”

“Je ne suis plus l’enfant que j’étais, les rêves d’antan sont partis

Le regard d’autrefois n’est plus, les traits ont disparu”[16]

Nous pouvons constater dans l’énoncé souligné, un parallélisme profond entre le vécu et l’instant de personnage ceci autrement dit que la fuite de temps et le découlement des jours renvoient à la tristesse et le chagrin du protagoniste, alors que son enfance réveille un moment de plaisir et de joie. Et donc, ce va et vient soit entre un passé bienheureux et un présent souvent décevant soit entre la peinture et la poésie où les sensations ontologiques de l’être sont à la base de création sont des techniques et des moyens exploités par Moha Mellal pour produire son art. Dans ces cas, l’artiste cherche toujours à redonner la valeur à l’individu tout en dévoilant ses intimités par le biais de lyrisme. Autrement dit, le personnage lui-même devient une source d’inspiration c’est-à-dire le « je » redevient le régisseur indispensable de l’opération créatrice nourrie par l’expérimentation de l’être en rapport avec son environnement socioculturel.

Cette dualité interminable et indispensable entre la joie et le chagrin introduit un sentiment de la mélancolie chez l’individu.

3.2.b. Contraste des couleurs :

On appelle contraste à une différence entre deux choses (forme, valeur, couleur etc.…). C’est ce que nous observons dans le tableau souligné   contraste entre le rouge foncé, le bleu, le jaune foncé, le brun foncé plusieurs couleurs sont contrastées. Chaque couleur contient sa famille Exemples : Le rouge, l’orangé le jaune suggèrent le feu les braises, les flammes cela traduit un sentiment de chaleur, c’est ce que nous avons trouvé complètement dans la robe portée par la mère ce symbole de vie, la terre, la tendresse, la chaleur, la terre, l’identité. Et donc, La mère est bien souvent la figure centrale de la vie de l’enfant, son premier contact avec le monde. Elle est aussi le soutien et le réconfort traduit par cette main soutenant que la maman pose sur la poitrine de l’enfant pour le redresser et le réconforter.

Cette harmonie des couleurs employées forme un ensemble agréable à l’œil obtenu par la juxtaposition de trois couleurs nettement différenciées comme les trois couleurs primaires. Cela crée un effet psychologique de vivacité, de vigueur, d’énergie. Cela justifie nettement l’utilisation des pigments très foncés et dégradés par les couleurs froides exemple le rouge avec l’orange et le bleu avec le vert pistage et le jaune froid.

Par contre la représentation (2) incarnant un visage triste et malheureux reflètent l’angoisse de l’être face à la fuite de temps en suite nous pouvons constater entre autres l’effet du contraste entre la couleur chaude et la couleur froide et les dégradations des pigments c’est ce que nous remarquons en observant l’œuvre (2) cela connote peut-être les contraintes du bien et du mal que l’individu trouve dans la vie. Le contraste peut refléter aussi l’état psychologique de l’être c’est ce que nous allons voir dans le tableau suivant (2)

4.La représentation de l’instant en art plastique

4.1. Toile (2) Acrylique sur toile / titre : Visage triste 

L’œuvre suivante représente un portrait poignant d’un homme dont l’expression trahit une profonde tristesse et un sentiment de malheur. La dégradation des pigments colorés, visible sur la toile, accentue les traits du visage, évoquant clairement la vieillesse et l’avancement dans l’âge. Cette détérioration des couleurs n’est pas seulement un effet visuel, mais elle traduit également la mélancolie et le spleen qui habitent le protagoniste. Les rides marquées et les yeux fatigués racontent une histoire de vie, de pertes et de regrets, instillant un sentiment de compassion chez le spectateur.

 La technique utilisée pour cette œuvre est particulièrement notable. L’artiste a employé un pinceau pour appliquer de l’acrylique sur une toile, choisissant délibérément une approche qui met en avant la texture et la profondeur des émotions plutôt que la pureté et la finition des détails. Cette méthode permet de capturer l’essence brute et authentique du sujet, en accord avec les principes du réalisme contemporain. Ce courant artistique se distingue par son intérêt pour la vérité émotionnelle et la représentation fidèle de la condition humaine, souvent au détriment de la perfection technique.

Dans ce contexte, le réalisme contemporain ne cherche pas à idéaliser ou à embellir la réalité. Au contraire, il met l’accent sur l’importance du sujet et de son histoire, considérant que la technique doit servir à renforcer le message plutôt qu’à le dominer. Ainsi, l’œuvre devient un puissant témoignage de l’expérience humaine, où chaque coup de pinceau et chaque nuance de couleur contribuent à raconter une histoire de vie, de vieillesse et de mélancolie.

4.2. Comparaison de souvenir et l’instant de l’individu 

Le contraste des couleurs et les effets d’ombre et de lumière que la peinture peut introduire dans les représentations figuratives (1) et (2) trouvent un écho saisissant dans la poésie. Ces techniques picturales, en jouant sur les nuances et les intensités, permettent de créer des atmosphères et des émotions profondes, similaires à celles évoquées par les mots dans un poème. C’est ce que nous allons explorer à travers l’énoncé poétique suivant :

« Nega amm ifrawen, nddudy naɣ akal

Tazzela tusy-aɣ nn, tekks-aɣ nn g uxam

tbḍa -yaɣ d ufus, d urebi lliɣ n mma

Ur dmiɣ a yafud , Ad-i tzrit g usawen [17]»

« Nous sommes comme des feuilles, agités et nous voilà tombés par terre

Le gagne-pain nous emmène loin, nous arrache du foyer

Nous éloignons de la main et du sein de notre mère

Je ne m’attendais pas que mes forces M’abandonnent en pleine côte (asawn) »

Dans ce poème, les images poétiques évoquent des sentiments de déracinement et de nostalgie, similaires aux émotions que l’on peut ressentir en observant une peinture où les contrastes de couleurs et les jeux d’ombre et de lumière accentuent la mélancolie du sujet. Les feuilles agitées et tombées par terre symbolisent la fragilité et l’instabilité de la condition humaine, tandis que l’éloignement du foyer et de la mère renforce le thème de la perte et de l’exil.

La technique picturale, avec ses nuances de couleurs et ses effets de lumière, peut ainsi être comparée à la manière dont le poète utilise les mots pour créer des images mentales puissantes. Les deux formes d’art, bien que différentes dans leur médium, partagent une capacité commune à exprimer des émotions profondes et à toucher l’âme du spectateur ou du lecteur.

En explorant ces parallèles entre la peinture et la poésie, nous pouvons mieux comprendre comment les artistes amazighs contemporains utilisent ces techniques pour exprimer des thèmes universels de l’humanité, tout en restant ancrés dans leur culture et leur histoire. Cette approche multidisciplinaire enrichit notre appréciation de l’art amazigh et souligne l’importance de la préservation et de la valorisation de cette riche tradition culturelle. 

Conclusion

En guise de conclusion, l’entrecroisement entre le pictural et le littéraire semble être une théorie de genre artistique qui remonte à des siècles bien éloignés, notamment à l’Antiquité gréco-latine avec les pionniers et les pères fondateurs de ces disciplines. À cette époque, les arts visuels et la littérature étaient souvent considérés comme des expressions complémentaires de la même quête esthétique et philosophique. Les œuvres d’art et les textes littéraires se répondaient, créant un dialogue riche et complexe qui a traversé les âges.

Cet éclatement et cette interaction entre les deux types d’expression artistique se poursuivent jusqu’à nos jours, avec des précurseurs contemporains tels que Moha Mellal, Aissa Iken, Mahi Benbine, et bien d’autres. Ces artistes continuent de repousser les frontières entre les genres, explorant de nouvelles façons de fusionner la peinture et la poésie, la musique et la performance, pour créer des œuvres d’art totales qui captivent et interrogent.

Dans ce sens, il convient de rappeler que les études académiques et les recherches scientifiques actuelles ont un rôle crucial à jouer. Elles doivent creuser davantage pour ouvrir de nouvelles pistes et perspectives épistémologiques très profondes. En explorant les intersections entre les différentes formes d’art, les chercheurs peuvent révéler des aspects inédits de la culture amazighe et enrichir notre compréhension de cette tradition artistique dynamique.

Il est essentiel de continuer à valoriser et à étudier ces expressions artistiques pour préserver leur héritage et encourager leur évolution. Les travaux de recherche doivent non seulement documenter et analyser les œuvres existantes, mais aussi soutenir les artistes contemporains dans leurs explorations créatives. En faisant cela, nous pouvons espérer voire émerger de nouvelles formes d’art qui continueront à inspirer et à émouvoir les générations futures.

Bibliographie:

  • ALAMI, Ikram, peinture marocaine et jugement esthétique à travers « Regard sur la peinture contemporaine au Maroc d’Alain Flamand. Ed, Edilivre, France, 2014.
  • AZDOUD, Driss, La résidence des artistes peintres. Edition, IRCAM , Rabat 2012
  • BARTHES, Roland, critique et vérité. Edition du seuil, Paris, 1966.
  • BARTHES, Roland, mythologie, Paris : Ed du seuil, 1957.
  • BENAZIZ, Mohammed, la création artistique. Ed, Société Sijelmassa, Meknès,2013
  • BENOIST, Luc, signes, symboles et mythes, Paris : Ed, Point Delta 2012, ( coll, que sais-je)
  • BOUKOUS, Ahmed, Aasinag , Patrimoine culturel matériel : les arts décoratifs. IRCAM- Numéro6 , Rabat, 2011.
  • CLEMENT, Jean – François, Dessinateurs et peintres de chevalet au Maroc aux XVIe et XVIIe siècles. Ed Les infréquentables, Marrakech, 2019. P, 6
  • ZAHI,farid, d’un regard, l’autre L’art et ses médiations au Maroc, éditions marsam, Rabat, 2006.P 11
  • KHATIBI Abdelkebir- BENNONA Mohamed – ALAOUI Brahim et les autres , Ahmed Cherkaoui – la passion du signe, Paris. Edition institut de monde arabe. P 176
  • Mallal Moha, recueille de poésie intitulé « AFAFA » « l’éveil », Edison. BJ PRINT, publié Agadir en 2014,p
  • TIFINAGH vol. 1 numéro 3-4, Rabat, avril/juillet 1994
  • Article sur William Blake consulté sur Wikipédia en français). Consulté Le 23/02/2024
  • Cocteau Jean 1889-1963, artiste, peintre, compositeur, poète et dramaturge français
  • Journal, L’opinion, Ezziani Mohamed : « les yeux pour voire » 11 septembre 1992
  • HOUSTI Mohammed, artiste peintre consulté sur le site ci-dessus, plusieurs fois.2 /7/2019
  • LAHBIB Fouad, poète et peintre marocain consulté sur le site plusieurs fois, (biographie de l’artiste) consulté le 23 Juin 2020.

[1]CLEMENT, Jean – François, Dessinateurs et peintres de chevalet au Maroc aux XVIe et XVIIe siècles. Ed Les infréquentables, Marrakech, 2019. P, 6

[2]CLEMENT, Jean – François, Dessinateurs et peintres de chevalet au Maroc aux XVIe et XVIIe siècles. Ed Les infréquentables, Marrakech, 2019. P, 5

[3]ZAHI,farid, d’un regard, l’autre L’art et ses médiations au Maroc, éditions marsam, Rabat, 2006.P 11

[4]CLEMENT, Jean – François, Dessinateurs et peintres de chevalet au Maroc aux XVIe et XVIIe siècles. Ed Les infréquentables, Marrakech, 2019. P,12

[5]  KHATIBI Abdelkebir- BENNONA Mohamed – ALAOUI Brahim et les autres , Ahmed Cherkaoui – la passion du signe, Paris. Edition institut de monde arabe. P 176

[6] Groupe d’artistes qui remontent vers la moitié dernière de XIX siècle en France, il s’agissait de Claude Monet, Paule Cézanne, Auguste Renoir et les autres, ils sont marginalisé par l’académie des beaux-arts  du Paris injustement parce qu’ils sont révolutionnaristes contre l’art romantique et académique.

[7] http//www.Amazighnews.net/livres/Lahbib-Fouad.html (biographie de l’artiste) consulté le 23 Juin 2020.

[8] L’opinion, Ezziani Mohamed : « les yeux pour voire » numéro 11 septembre 1992

[9] https://vosartistes.com/artiste/housti-mohammed/

[10] Une petite ville situant géographiquement au sud-est Marocain entre Ouarzazate et Errachidia caractérisé par ses ressources naturelle et touristique comme les grands Gorges de Toudgha.

[11] Entretien avec moha le 25/5/2020 par le moyen de whatsApp

[12] Ce poème et publier à la revue Tifinaghe

[13]Article sur  William Blake consulté sur Wikipédia en français). Le 23/02/2024

[14] Cocteau Jean 1889-1963, artiste, peintre, compositeur, poète et dramaturge français

[15]  La plupart des peintures de Moha Mallal sont exposées sur son compte d’instagrame, cette toile est consultée le 4/6/2018

[16] Mallal Moha, recueille de poésie intitulé « AFAFA » « l’éveil », Edison. BJ PRINT, publié Agadir en 2014,p 30

[17] Ibid, page, 35

5/5 - (1 صوت واحد)

المركز الديمقراطى العربى

المركز الديمقراطي العربي مؤسسة مستقلة تعمل فى اطار البحث العلمى والتحليلى فى القضايا الاستراتيجية والسياسية والاقتصادية، ويهدف بشكل اساسى الى دراسة القضايا العربية وانماط التفاعل بين الدول العربية حكومات وشعوبا ومنظمات غير حكومية.

مقالات ذات صلة

زر الذهاب إلى الأعلى