La guerre en Ukraine : les prémices d’un nouvel ordre mondial
Prepared by the researche – DAANI ABDELLAH – Etudiant doctorant en droit public et sciences politiques à la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Agdal- Université Mohammed V-Rabat.
Democratic Arabic Center
Journal of African Studies and the Nile Basin : Twenty-Eighth Issue – December 2024
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin
Journal of African Studies and the Nile Basin
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Abstract
The war in Ukraine announced real challenges to many of the admitted word order paradigms. This is a war that was initiated by a permanent member of the United Nations (UN) Security Council against a UN sovereign member state. While Europe was considered to be freed from armed conflicts and from real strategic treats, especially after the defeat of communism, the war in Ukraine brought back this war phenomenon on the soil of the European Continent, with all the strategic implications that it may encompass with regard the balance of power in Europe.
The war in Ukraine also questioned the rationality of the expansion policies of the North Atlantic Alliance Treaty Organization (NATO) to some of the eastern European countries that Russia considers as vital for its national security. In fact, pushing the borders of NATO to the Russian borders by acting Ukraine NATO membership perfectly serves the geopolitical considerations of the United States of America to prevent Russia from possible strategic means to challenge the American leadership of the world. The war in Ukraine didn’t only announce the end of peace parenthesis in Europe; it also triggered the countdown for the transformation of the international unilateral order that procures to the United States the status of the hegemonic power.
This article is an attempt to approach the war of Ukraine from the angle of the transformative forces that it may unleash on the world order and its implications on the interactions between different actors in this world order and most importantly, the most likely upheavals of the classical paradigms used to interpret the international reality. This communication also attempts to develop different possible scenarios to end this war.
Résumé
Le déclenchement de la guerre en Ukraine n’est pas dénudé de sens en matière d’enjeux géostratégiques attenants aux grandes mutations dans le monde post Soviétique et à la concurrence entre des acteurs antagonistes ayant des conceptions conflictuelles de l’ordre mondial et de leur position et rôle dans cet ordre. La guerre en Ukraine interpelle l’Europe par rapport à l’impact sur les équilibres de puissances sur ce continent, de même que l’OTAN sur la rationalité des politiques d’élargissement de leurs frontières vers l’Europe de l’Est que la Russie considèrent comme une menace directe à sa sécurité nationale.
Pour les Etats-Unis, l’élargissement des frontières de l’OTAN jusqu’au frontières de la Russie conforte parfaitement ses intérêts géopolitiques en terme de consolidation de son statut de puissance hégémonique et, par la même, conserve à l’OTAN son rôle de police d’assurance contre un nouvel impérialisme russe. La guerre en Ukraine n’a pas seulement mis fin à la paix en Europe, elle a précipité la libération des forces qui visent à effectuer des bouleversements sur l’ordre international dominé par les Etats-Unis.
Le présent article se propose d’approcher la guerre en Ukraine sous l’angle des bouleversements qu’elle a introduit sur l’ordre mondial et des dynamiques de transformations des rapports entres les différents acteurs de cet ordre et des évolutions des paradigmes d’analyse de la réalité internationale. De même, cet article comporte une tentative de projection sur les éventuels scénarii de la fin de cette guerre.
Introduction.
Le 24 février 2022, la Russie annonce le lancement d’une “opération militaire spéciale en Ukraine”. En faisant référence à la victoire de la Russie contre l’Allemagne Nazi en 1941, le Président Poutine a annoncé dans le discours de lancement de cette opération militaire qu’elle a pour objectif de ” protéger les personnes victimes d’intimidation et de génocide par le régime de Kiev depuis huit ans. Et pour cela, nous lutterons pour la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine”. Dans ce même discours, Poutine a dénoncé l’hégémonie américaine et les menaces à la sécurité de la Russie que représente l’expansion de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et la progression de ses infrastructures vers les frontières russes. Pour Poutine, “l’opération militaire spéciale en Ukraine est une prévention contre les menaces portées aux frontières de la Russie par les visées expansionniste de “l’empire du mensonge” constitué de l’ensemble du bloc occidental. Dans ce même discours Poutine invoque aussi l’obligation de la Russie pour agir et protéger les populations de Donbass et défendre le droit des peuples des ” républiques populaires” de Louhansk et Donetsk à disposer d’eux-mêmes. Hormis les arguments présentés par la Russie pour justifier cette offensive, cette opération marque le retour de la guerre comme instrument politique de règlement des différends sur le continent européen et qui implique en même temps, quasiment, toutes les puissances industrialisées du monde, l’OTAN, l’Union Européenne et interpelle les capacités du système onusien à maintenir la paix dans le monde post soviétique.
La guerre en Ukraine peut être appréhendée sous multiples facettes et les dynamiques de ce conflit sont multiples et complexes. Il est, certes, important d’analyser les motivations invoquées par les parties impliquées dans cette guerre comme étant les causes directes dans ce conflit, mais le plus important c’est de tenter d’interpréter cette guerre par ses significations géopolitiques, sa place dans le renouveau stratégique et dans le processus de la recomposition d’un nouvel ordre mondial.
La guerre en Ukraine intervienne sur une trame de fond caractérisée par un éclatement et transformation des référentielles idéologiques du fait de la chute de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). Les confrontations fondées sur des alliances idéologiques sont remplacées par des débats identitaires centrés sur les questions ethniques, religieuses[1] ou les deux à la fois et sous couvert de la protection et la promotion d’un nationalisme qui ne peut être en sécurité que par la destruction de l’ennemie. A la différence des confrontations de l’époque de la guerre froide qui ont été souvent dénouées selon une théorie de jeu à somme nulle, les conflits post guerre froide tendent vers la destruction, la décomposition, le désarmement et la domination totale de l’ennemie et des richesses de son territoire. Les concepts et modèles qui ont été autrefois utilisés pour justifier et appréhender les conflits qui sont intervenus dans un monde bipolaire ne peuvent être rappelés, dans leur état d’origine, pour expliquer des situations conflictuelles dans un monde unipolaire mondialisé. En effet, les évolutions dans la nature même des conflits contemporains les rendent rebelles aux tentatives d’analyses à partir d’un seul paradigme englobant. La guerre en Ukraine est une guerre conventionnelle qui implique des Etats, mais qui a aussi des aspects d’une guerre irrégulière du fait qu’elle engage également des mercenaires, des milices de combattants volontaires, des groupes armés privés et des entités qui revendiquent le statut d’Etats mais qui ne sont pas reconnues comme telle par la communauté internationale[2].
Le déclenchement de cette guerre n’est certes pas dénudé de sens en matière d’enjeux géostratégiques attenants aux grandes mutations dans le monde post Soviétique et à la concurrence entre des acteurs antagonistes ayant des conceptions conflictuelles du nouvel ordre mondial et de leur position et rôle dans cet ordre en perspective. Ce conflit qui ramène la guerre sur le continent européen et ravive les tensions entre la Russie et les Etats-Unis, n’aurait pas pu se produire sans l’accumulation de facteurs explosives en Europe suite à l’implosion du camp soviétique : les contradictions entre la partie occidentale pro-européenne et la partie orientale prorusse de l’Europe de l’Est, l’impact social de l’avancée de la libéralisation, la corruption, la poussée de l’extrême droite incluant les néonazis[3].
En effet, cette guerre s’explique, partiellement, par l’incapacité des antagonistes de concevoir, pacifiquement et par le bais de tractations politiques, de nouveaux équilibres dans cette région. Le recours à la guerre et l’appel à son référentiel en Ukraine, interpelle sur les dimensions internationales de ce conflit en matière de rapports futures entre les grandes puissances et leurs intérêts géopolitiques respectifs, en particulier les puissances nucléaires, impliquées dans cette guerre. L’analyse de ces démenions renseigne d’abord sur leur nature complexe, mais aussi sur la nécessité de les rapprochés selon une méthode combinée faisant appel à l’histoire, à la géopolitique et ses enjeux, à la science politique et même, pour certains[4], à la psychanalyse. A la lumière de ce qui a précède et après plus de deux ans et demi de son déclenchement, quelle est la place de la guerre en Ukraine dans la précipitation de nouvelles tendances de recomposition de l’ordre mondial ? Comment, l’Union Européenne, la chine, les Etats-Unis et les puissances émergentes inscrivent ils cette guerre dans leurs agendas politiques pour la mettre au profit de leurs intérêts et leurs positions respectives sur l’échiquier mondial[5] ? Ces questions permettront d’identifier des pistes pour l’intelligibilité de cette guerre et révéler à quel point elle peut constituer un moment d’affirmation de la tendance vers le déclin de l’hégémonie occidentale et l’avènement sur la scène internationale de nouveaux blocs lui faisant contre poids.
En vue de tenter des répondre à ces questions, les développements qui suivent se proposent de présenter les implications de la guerre en Ukraine en matière des (I) grandes tendances des bouleversements provoquées par cette guerre, (II) les bouleversements des postures des parties concernées par ce conflit, et (III) les perspectives de dénouement de cette guerre. Dans cette entreprise, il sera fait appel à un référentiel de concepts attenants à la « théorie des conflits [6]», la « théorie de jeux [7]», la « théorie de l’équilibre de la puissance[8] », la stratégie du « Grand échiquier[9] » impliquant une confrontation entre ” l’expansionnisme ” américain et “l’expansionnisme ” russe.
- Les grandes tendances de bouleversement provoquées par la guerre en Ukraine
Deux grandes catégories de tendances de bouleversements sont provoquées par la guerre en Ukraine. Une première catégorie porte sur les conditions, les stratégies et moyens de conduite de la guerre elle-même. La deuxième catégorie porte sur les bouleversements qui touchent aux fondements de l’ordre international dominé par la puissance américaine.
- La guerre en Ukraine et le bouleversement attenants à la conduite de la guerre :
Le déclenchement de la guerre en Ukraine confirme l’existence d’un conflit d’intérêt entre les protagonistes. Il annonce aussi la fin de l’heureuse parenthèse[10] de la paix en Europe et le retour à la guerre salle[11] comme moyen de gestion des différends entre Etats souverains. En effet, cette guerre fait ressurgir en Europe, entre autre, la question de l’occupation des parties du territoire d’un autre Etats par la guerre que les européens croyaient désuète sur leur continent.
La Guerre en Ukraine est une guerre qui a réhabilité la dissuasion par l’usage effectif des forces et des armes conventionnelles en Europe. La dissuasion nucléaire s’est révélée non suffisante pour empêcher le déclenchement de la guerre en Ukraine. De surcroit, des puissances nucléaires participent directement ou par procuration à la guerre en Ukraine, avec comme particularité de ce conflit que les combats sont menés sur le territoire du pays qui agit en défense, l’Ukraine, et non pas sur celui du pays qui attaque, à savoir la Russie. Dans cette guerre, l’importance de la dissuasion nucléaire compte plus pour la limitation du niveau d’implication des occidentaux dans la guerre, du coté de l’Ukraine, contre la Russie que pour l’empêchement d’une telle implication ou de lancement de ripostes ukrainienne contre le territoire russe.
De point de vue des stratégies et des équipements militaires déployés dans cette guerre, il y a deux constats à faire:
- La guerre a été entamé, dans ses premiers jours, par la mobilisation dans les combats des armes lourdes et le Président Poutine avait même soufflé du chaud et du froid sur un possible recours à l’arme nucléaire, donnant l’impression qu’il s’agissait d’une guerre éclaire ;
- Devant les données du champ des batailles de cette guerre, la Russie avait modifié sa stratégie. La guerre s’est transformée en une guerre d’attrition et les équipements lourds ont été remplacés par des équipements légers, de petites tailles et moins couteux. Le drone est arrivé sur le champ des batailles et a bouleversé les données de la guerre et s’est révélée comme une arme déterminante à deux niveaux :
(1) en matière de support et de la conduite des opérations militaires, notamment la collecte des informations et des renseignements, les attaques kamikaze, les drones tireur de missiles à longue portée, les drones supports des opérations terrestres, et
(2) en matière de la réduction des coûts de financement de l’effort de la guerre : le plus important bouleversement induit par la dronisation de la guerre c’est le coût des drones par rapport à leurs efficacité sur le champ des batailles et comparativement à d’autres armes.
Il en découle des bouleversements précités et du caractère d’attrition de cette guerre qu’il s’agit d’un conflit qui a confirmé le retour de la guerre de longue intensité en lieu et à la place de la guerre de haute intensité. Le dénouement de ce conflit, long et permanent, devient ainsi tributaire de la capacité de chacun des deux camps à supporter le plus longtemps possible les pertes engendrées par cette guerre.
Un autre aspect de bouleversement du concept de la guerre qui a été accentuée par la guerre en Ukraine est le lawfare ou la guerre de la loi. Les Etats-Unis s’en servent de cette arme de juridiction globale pour faire la guerre économique, la guerre financière, la guerre par les échanges commerciaux, l’usage du Dollars dans les transactions avec la Russie, les sanctions économique contre la Russie, etc. La riposte russe à l’usage de l’arme de lawfare dans la guerre en Ukraine est la contestation du dollar comme monnaie internationale et la recherche d’une autre devise alternative dans ses échanges commerciaux, la monnaie nationale russe ou le Yuans dans le cas d’espèce.
- Les bouleversements géopolitiques touchants aux fondements de l’ordre international :
Le nerf de la guerre en Ukraine c’est sa dimension géopolitique. La question qui se pose par rapport à cette dimension concerne les bouleversements géopolitiques escomptés par chacun des deux camps protagonistes. En effet, de l’avis de Pascal Boniface, la guerre en Ukraine à ramener les européens à “reconsidérer la géopolitique en sa juste valeur, telle qu’elle a toujours été depuis l’Antiquité : la dynamique centrale qui dicte la vie des peuples et des Etats”[12]. L’implosion du camp soviétique avait nourri une illusion en Europe, celle de la disparition et l’absence de toute menace d’un niveau stratégique et, par conséquence, l’existence et les missions d’une alliance comme l’OTAN doivent être adaptées, du moins en ce qui concerne le vieux continent, aux nouvelle conditions de l’Europe post soviétique. Le président français scandait même en 2019 que l’OTAN était en état de mort cérébrale[13]. Or, pour les Etats-Unis, dans sa poursuite de statut d’hégémonie permanente et en “dépit de l’absence de menace susceptible d’unir l’ensemble du camp atlantique, la géopolitique reste un élément déterminant de la politique internationale. C’est ainsi que l’OTAN conserve son rôle de police d’assurance contre un nouvel impérialisme russe”[14].
Les troubles géopolitiques qui peuvent être observées, par rapport à cette guerre, révèlent essentiellement la tendance vers des transformations de l’ordre international, résultant des modifications structurelles internes qui touchent les acteurs dans cet ordre, de la nature des gouvernements et de la généralisation de la globalisation économique. Compte tenu de ce qui a précédé, les bouleversements géopolitiques de la guerre en Ukraine peuvent être appréhendés selon leurs objectifs ultimes soit comme (1) des bouleversements qui visent soit à conserver les équilibres de l’ordre international dominé par les Etats-Unis ou (2) à introduire des changements sur cet ordre et, particulièrement, mettre fin à un ordre international unipolaire qui permet aux Etats-Unis de jouir du statut de puissance hégémonique.
En effet, pour contrer les bouleversements qui visent à challenger la posture hégémonique des Etats-Unis, le défi pour les américains c’est, selon H. Kissinger[15] de maintenir les équilibres stratégiques au sein de quatre différents systèmes internationaux qui coexistent dans le monde et assurer la domination américaine sur l’ensemble des systèmes, par une recherche permanente de formules qui conjuguent valeurs américaine et puissance. Il s’agit de :
- Un système où les idéaux historiques de l’Amérique peuvent cadrer les relations entre les Etats-Unis et l’Europe occidentale et même tout le Continent américain. La paix dans ce system est fondée sur la démocratie et le progrès économique. Les Etats sont démocratiques, les économies sont libérales, les guerres sont inconcevables. Les différends ne sont pas réglés par la guerre, ni par la menace de guerre.
- Les grandes puissances de l’Asie se considèrent comme rivales stratégiques : L’Inde, la Chine, le Japon, la Russie avec la Corée et les Etats d’Asie du Sud-Est. Le danger serait plus grand si plusieurs de ces pays s’associent. Le risque de guerre entre ces pays n’est pas nul, mais le maintien de l’équilibre des forces au sein de ce system jouera un rôle décisif.
- Le proche orient qui est caractérisé par des conflits de fondements religieux et qui ressemblent à ceux qui ont déchiré l’Europe du 17ème siècle.
- L’Afrique : Ce système est caractérisé par une situation explosive et par le sous développent hérités de la période coloniale ainsi que les rivalités des grandes puissances à propos de l’Afrique.
Pour les Etats-Unis, la doctrine stratégique est construite au tour deux objectifs principaux, qui sont : (1) empêcher l’émergence d’une puissance rivale et (2) renforcer et pérenniser le statut de puissance hégémonique sur le grand échiquier mondiale. L’implication des Etats-Unis dans la guerre en Ukraine s’inscrit dans ces objectifs et leur intervention dans ce conflit s’interprète comme une volonté d’affaiblir la Russie et de l’empêcher de réaliser une victoire militaire stratégique. L’intervention en Ukraine conforte parfaitement l’objectif de confirmer et renforcer le leadership américain dans les relations atlantiques, sur le continent européen et au niveau mondiale.
En effet, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont œuvrés à la construction d’un ordre mondiale favorable à leur position de puissance mondiale. Les piliers de cet ordre en Europe sont l’OTAN et, à partir du plan Marshall, la reconstruction d’une Europe qui serait économiquement et politiquement liée aux Etats-Unis. L’appui américain à la construction de l’Union Européenne s’inscrit aussi dans cette perspective. La fin de la guerre froide et l’implosion du bloc soviétique ont entrainé l’introduction de certaines adaptations à cet ordre pour tenir comptes des nouveaux défis stratégiques imposés par la disparation de l’URSS. Deux processus ont été lancé dans ce sens : (1) l’élargissement de l’Union Européenne vers l’Europe de l’Est et (2) l’adhésion des pays de l’Europe de l’Est à l’OTAN. Il s’agit pour les Etats-Unis de construire un nouvel ordre qui permet d’aboutir à une situation de containement[16] de la Russie post soviétique. Ce qui constitue un prolongement naturel de la politique étrangère américaine, qui depuis la rupture avec la tradition d’isolement et l’implication dans la guerre en 1917, repose sur le principe qu’il est de l’intérêt géopolitique des Etats-Unis d’empêcher toute puissance potentiellement hostile de dominer l’Europe. Par rapport à la Russie, le tournant dans cette politique expansionniste vers l’Europe de l’Est a été la décision de l’OTAN en 2008 au sommet Bucarest que l’Ukraine et la Géorgie deviendraient des pays membres de l’OTAN[17]. Pour la Russie, cette déclaration de l’OTAN est une déclaration de guerre contre ses intérêts stratégiques et une menace directe à sa sécurité. La déclaration de l’OTAN à Bucarest confirme un choix de l’Occident de développer son système militaire trop près du territoire russe, en particulier, avec l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie. Ce qui justifie déjà l’annexion, par anticipation, de la Crimée à la Russie en 2014 et l’enclenchement du compte à rebours pour la guerre en Ukraine.
Le lancement de l’opération militaire Russe en Ukraine est une réaction de la Russie à la stratégie expansionniste américaine dans cette espace. Il s’agit pour la Russie d’empêcher le déploiement de la stratégie américaine dans des zones stratégiques pour ses intérêts. De l’avis de Brezinski, l’Ukraine est un pivot géopolitique et sans l’Ukraine la Russie n’est plus un empire eurasien[18]. La révélation de la guerre en Ukraine c’est la confrontation entre deux stratégies expansionnistes divergentes : l’expansionnisme occidental, sous le leadership américain, vers les pays limitrophes de la Russie et l’expansionnisme russe, post soviétique, dans ses zones de domination classiques et en particulier en Ukraine. Autrement dit, la guerre en Ukraine est le résultat de confrontation d’enjeux hégémoniques russes et américains sur ce territoire. Il est à rappelé dans ce sens que l’Ukraine occupe une place centrale dans les trois leviers identifiés par Brezinski en 1997 dans le grand Echiquier à même d’assurer aux Etats-Unis la position de puissance mondiale hégémonique permanente au 21ème Siècle, à savoir : (1) contenir la Chine, (2) poursuivre la division des européens et (3) couper la Russie de l’Ukraine. La guerre en Ukraine est déterminante dans la poursuite des objectifs stratégiques définis pour ces trois leviers. La décision en 2008 de l’admission de l’Ukraine à l’OTAN, malgré la réticence de la France et de l’Allemagne[19], confirme cette orientation américaine. L’impact immédiat de l’intervention des Etats-Unis dans la guerre en Ukraine c’est qu’elle à fragilisé la position stratégique de l’Union Européenne au profit d’un leadership américain incontournable, au sein de l’Alliance Atlantique et sur le continent européen, comme seule puissance garante de la sécurité.
En plus des enjeux géopolitiques au niveau du continent européen, la guerre en Ukraine a accentuée la dynamique de divorce West- Sud. Cette guerre a agit comme un révélateur de la distinction du Sud Globale comme acteur géopolitique tenant une position différente de celle de l’occident quant à sa manière de riposter à l’attaque russe de l’Ukraine. Le Sud Globale, terme qui désigne des pays mobilisés autour des préoccupations et d’intérêts économiques collectifs et la promotion de la coopération Sud-Sud, commence à se distinguer avec acuité autour d’une position de contestation de l’ordre international existant dominé par l’occident. Cette dynamique risque de tourner au bénéfice de la Russie et de la Chine et alimenter leurs stratégies visant la création de blocs de contrepoids à l’hégémonie américaine.
Ceci nous amène à discuter les bouleversements provoqués par la guerre en Ukraine par rapport aux interactions, à connotations géopolitiques, entre les différentes parties concernées par cette guerre : les Etats-Unis et l’union Européenne, la Russie et l’Ukraine, et la Chine et les Etats-Unis ainsi que les autres puissances émergentes.
II/ les bouleversements des postures des parties concernées par ce conflit
- L’Union Européenne et les Etats-Unis:
A l’inverse de ce qui a été escompté par la Russie, la Guerre en Ukraine, au lieu de révéler une division dans les positions respectives des européens et de l’OTAN, c’est l’inverse qui s’est produit avec notamment, l’abandon de la Suède et de la Finlande de leur neutralité et leur adhésion à l’OTAN. Face à la menace russe, ces deux pays n’avaient d’autres recours que l’OTAN et les autres pays européens ont demandé une présence américaine accrue en Europe. La France et l’Allemagne[20], deux pays déterminants dans la construction de l’Union Européenne, sont les plus perdants sur le plan stratégique. Leurs aspirations de vouloir se rapprocher de la Russie et développer des relations privilégiées avec elle pour élargir leur marge de manœuvre par rapport aux Etats-Unis prend fin avec le déclenchement de la guerre en Ukraine. L’horizon d’une autonomie stratégique de l’Union Européenne est fortement compromise avec ce retour plus accu des Etats-Unis pour gérer les conflits armés sur le continent européen. Les pays baltes poussent vers l’option de confrontation avec la Russie dans l’horizon d’une partition du territoire russe et la réduction de sa population à 50 millions d’habitants pour assurer la paix en Europe[21]. De l’avis de pascal Bonifas, “ce sont les fondements même de l’organisation d’un continent qui sont en cause(…) Ce sont une fois de plus les États-Unis qui apparaissent, comme les acteurs majeurs de la sécurité européenne. L’Europe aura par ailleurs beaucoup du mal à ne pas sortir affaiblie de l’épreuve, ne serait-ce qu’en raison des coûts économiques et du défi énergétique qui s’imposent aux Européens”[22].
Les grands vainqueurs de cette guerre sont les États-Unis qui se sont accordé un nouveau positionnement moral d’une puissance qui se mobilise pour la défense d’un pays agressé selon une diplomatie qui avance une cause morale. Pour ne citer que quelques raisons qui font des Etats-Unis les grands vainqueurs de cette guerre, même avec l’adhésion de l’Ukraine, l’Union européenne ne sera jamais une puissance politique en mesure de faire contre poids aux Etats-Unis. De même, devant les risques de sécurité posés par la Russie, la seule garantie qui puisse exister pour les pays européens c’est l’OTAN et les Etats-Unis. Avec cette posture en Europe, les américains ont la main mise sur le sort de l’intégration en Europe. Celle-ci n’est plus envisageable que dans la mesure où elle sert à renforcer l’Alliance Atlantique, outil privilégié de la politique étrangère américaine.
- La Russie et l’Ukraine :
S’agissant des ces deux pays, il est à rappeler qu’ils ont signés en 2014 et 2015 les accords de Minsk I et Minsk II définissant les conditions pour mettre fin aux confrontations armées en Ukraine orientale (républiques populaires de Louhansk et de Donetsk). Ces accords n’ont pas pu tenir devants la complexité des enjeux géopolitiques en Ukraine et les deux pays se trouvent en guerre en 2022.
Pour l’Ukraine, l’objectif c’est de se détacher de l’influence russe au profit d’une adhésion à l’OTAN et à l’Union Européenne. Pour la Russie, l’objectif c’est d’assurer sa propre sécurité et sa domination sur ses zones d’influence stratégiques en empêchant la concrétisation de ce plan d’admission de l’Ukraine à l’OTAN.
Il est incontestable que la puissance militaire russe dépasse de loin celle de l’Ukraine, mais les occidentaux, pas cobelligérants, se sont ralliés à l’Ukraine pour lui fournir les armes et l’assistance technique nécessaires pour se défendre contre l’attaque russe. Les occidentaux ont aussi déployés un arsenal énorme de sanctions visant à isoler la Russie et à l’obliger à se plier devant leurs stratégies en Ukraine. Sans prétendre prédire le sort final de cette guerre, il est d’une grande importance de chercher à expliquer son impact sur la position géopolitique des deux belligérants : la Russie et l’Ukraine. En effet, la situation sur le front de guerre semble être statique et les changements sur les lignes de confrontation entre les deux armées ne sont pas très significatifs. La guerre à atteint un stade d’enlisement et les deux parties sont devant une situation d’impuissance pour réaliser des percées qui peuvent changer significativement ses données stratégiques. Tenant compte des conditions et des tactiques de conduite de cette guerre, un rapprochement est possible avec la première guerre mondiale. Selon les termes de Fabrice Ravel, “On se retrouve dans une configuration qui est celle de la première guerre mondiale : guerre de positions dans laquelle l’avantage est clairement donné à la défensive et qui va durée plus longtemps parce que aucun des adversaires n’arrive à prendre l’avantage. Ce n’est pas une guerre éclaire”[23].
La situation de l’Ukraine ne semble pas être confortable. Le pays est en guerre pour entrer à l’OTAN, mais à présent l’Ukraine n’est pas encore dans l’OTAN et, depuis le déclenchement de la guerre, c’est l’OTAN qui est dans l’Ukraine. L’autonomie militaire de l’Ukraine est compromise, de point de vue fourniture et financement des armes, et sa résistance devant l’attaque russe est tributaire de la fourniture des armes par les occidentaux, principalement les Etats-Unis. Les occidentaux évitent de remettre à l’Ukraine des armes dont l’utilisation pourrait provoquer une escalade vers le recours à l’arme nucléaire. Ce risque de dépendance est de plus en plus éminent avec les élections présidentielles américaines de 2024 et la déclaration de Donald Trump de sa position défavorable aux subventions militaires accordées à l’Ukraine et de son plan pour mettre fin à cette guerre en 24 heures une fois de retour à la Maison Blanche[24].
Quant à la position de la Russie dans la guerre, certains[25] considèrent qu’elle a perdu sa guerre sur le plan géopolitique. Toutefois, il est question de relativiser ses positions. Après deux ans et demi de guerre et, en dépit des sanctions que l’occident lui avait imposées, la Russie n’est pas isolée sur le plan international. L’objectif géopolitique escompté par les pays occidentaux des sanctions n’a pas été atteint. De même, le plan d’admission de l’Ukraine à l’OTAN est suspendu. Certes, la guerre est couteuse pour la Russie, mais l’état final recherché par la Russie c’est d’empêcher le déploiement des dispositifs ou infrastructures militaires permanentes de l’OTAN en Ukraine qui pourrait menacer la sécurité de la Russie. Cet état final n’est possible qu’à partir de deux conditions :
- La non-intégration (la neutralité) de l’Ukraine à l’OTAN,
- La démilitarisation de l’Ukraine et la “dénazification” du pouvoir en place et l’installation d’un régime inféodé à Moscou.
La Russie n’a pas encore réalisé les conditions pour imposer cet état final recherché à l’Ukraine, mais il est question aussi d’admettre qu’avec la guerre en Ukraine, elle a pu empêcher, à présent, la concrétisation de l’admission de Kiev à l’OTAN.
Un autre facteur déterminant aussi dans la stratégie Russe en Ukraine c’est qu’elle a enclenché une guerre dont l’arrière plan nucléaire est fortement présent et détermine le niveau d’implication des occidentaux dans le conflit. Dés les premiers jours de la guerre, la Russie a élevé son niveau de dissuasion nucléaire. Le Président Poutine a menacé d’utiliser des armes nucléaires tactiques et a ordonné dés le 27 février 2022 un niveau d’alerte supérieur à l’ensemble de ses forces de dissuasion.
De point de vue stratégique aussi, par sa guerre en Ukraine, la Russie a initié un bouleversement à l’ordre international. Cette guerre à lancé une dynamique de recomposition de l’ordre international faisant de la contestation de l’unilatéralisme américain l’un de ses objectifs principaux[26]. Les sanctions occidentales contre la Russie et le mandat d’arrêt émis contre le Président Poutine par la Cour Pénale Internationale (CPI) n’ont pas aboutit à leur objectif d’isoler la Russie[27]. Celle-ci, avec l’appui de la Chine, à créer autour d’elle plusieurs cadres de coopération internationale lui permettant de promouvoir sa politique sur une vision différente de l’ordre international. Elle a créé l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) en 2001, l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) en 2002 , le Groupe de Brésil, Russie, Inde et Chine (BRIC)[28] en 2006 et l’Union Economique Eurasiatique en (UEEA) en 2015. La Russie a également institué un sommet Russie-Afrique en 2019.
- La Chine – les Etats-Unis et les autres puissances émergentes:
3.1 : la chine et les Etats-Unis :
La guerre en Ukraine revêt une grande importance pour la position de la Chine sur l’échiquier mondial au moins à trois niveaux :
a/ Les rapports de la Chine avec les Etats-Unis :
La Chine soutienne politiquement la Russie, mais évite de s’exposer à des sanctions occidentales en s’abstenant d’afficher son soutien économique et militaire à Moscou. La riposte occidentale unifiée contre la Russie a permet à la Chine d’évaluer à juste titre la trajectoire projetée du “déclin de l’Occident” et d’ajuster sa politique en conséquence. La prudence empêche la Chine de prendre le risque d’une confrontation directe, en appui à la Russie, avec les Etats-Unis. La chine est encore dans la phase de développement de sa ” force nationale complété”[29] avant de pouvoir défier la puissance américaine. Mais de l’autre coté, la Chine ne souhaite pas une victoire occidentale, même si cette guerre de la Russie en Ukraine vient perturber la dynamique de l’ascension de la chine au rang de première puissance économique avec les perturbations qu’elle a causé au prix des produits et aux chaines d’approvisionnement. La poursuite du rencontre du dialogue stratégique entre la Chine et les Etats-Unis le 27 Aout 2024 à Pékin s’inscrit dans cette stratégie. L’essentiel pour la chine, à ce stade, c’est ” d’ancrer la direction générale du respect mutuel, de la coexistence pacifique et de la coopération gagnant-gagnant”[30]dans ses relations avec les américains. Vis-à-vis de la Chine, les américains tentent de louvoyer au milieu d’un triangle de relations complexes, Pékin, Washington, Moscou, en veillant à empêcher que la Russie et la Chine ne soient pas plus proche l’une de l’autre. Tenant compte de cette donnée de la guerre en Ukraine, les Etats-Unis doivent s’efforcer d’instituer un cadre souple de coopération avec la Chine, qui ne reposerait pas sur l’hypothèse de confrontation et en même temps leur permettrait de limiter les aspirations hégémoniques chinoises.
b/ La question de Taiwan :
L’un des bouleversements provoqués par la guerre en Ukraine c’est sa résonance sur la question de Taiwan. Pour les occidentaux, cette guerre a créé un antécédent dans les relations internationales consistant dans l’agression d’un membre permanent du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies contre un pays voisin. Une victoire Russe dans cette guerre constituerait une confirmation de cette pratique. De ce fait, le risque de recours de la Chine à la force militaire pour précipiter une solution de la question de Taiwan est désormais plus pesant. La concrétisation d’une telle option serait un défit à la puissance américaine et, auquel cas, il serait difficile d’éviter l’affrontement militaire entre les Etats-Unis et la Chine. Rappelons dans ce sens, que les Etats-Unis, depuis 1972, ont réitéré leur engagement en faveur d’une seule Chine et la Chine s’est engagée à parvenir à une solution pacifique à la question de Taiwan. La tentative d’entorse de la part de l’une des deux parties à cet accord ouvrira la voie vers l’escalade militaire[31].
c/ Les équilibres en Asie :
H Kissinger à distingué deux équilibres stratégiques en Asie[32] :
- Un équilibre stratégique en Asie du Nord- Est : Cet ordre est fondé sur une interaction entre la Chine, le Japon, la Russie et les Etats-Unis avec un risque d’explosion en Corée.
- Un équilibre en Asie du Sud -Est dont les principaux acteurs sont la Chine, l’Inde, les Etats-Unis et le Japon qui doivent s’efforcer de concilier leurs intérêts avec ceux du Vietnam, de la Thaïlande, de l’Australie et des Philippines.
Le Japon intervient dans les deux équilibres stratégiques et cherche à endiguer l’influence de la Chine. De même, l’Inde est appelée à devenir de plus en plus présente en Asie du Sud – Est. La Chine va revendiquer un rôle politique à la mesure de sa puissance économique croissante. Le risque pour chacune de ses puissances asiatiques c’est l’association des pays voisins contre l’une d’elle.
Ces équilibres sont également sous l’impact de la guerre en Ukraine. La Chine et la Russie œuvrent pour instituer des partenariats stratégiques à même de lutter contre l’hégémonie américaine. L’autre axe qui pèse aussi sur ces équilibres c’est l’axe Moscou- Pyongyang. Cette alliance qui a été scellée le 19 Juin 2024 avec la visite de Poutine à la Corée du Nord et qui risque de faire exploser la péninsule coréenne procure également à la Russie une source d’approvisionnement en munition et en armes. En plus, cette alliance inquiète la Corée du Sud, le Japon, les Etats-Unis et même la Chine[33].
Les enjeux des deux équilibres en Asie et les interactions entre les différents intervenants pèsent également sur les stratégies américaines en Asie et en Ukraine. Une stratégie américaine fondée sur l’hypothèse d’une agressivité américaine contre la Russie et la Chine, risque d’être contreproductive et incitera les deux pays à s’engager dans une alliance plus poussée et hostile aux intérêts américains.
3.2 : La guerre en Ukraine et les puissances émergentes:
La guerre en Ukraine a aussi constitué un moment d’affirmation de certaines puissances moyennes comme la Turquie, l’Arabie Saoudite ou l’Inde. Le poids acquis par ces pays à l’occasion de cette guerre leur a permet de renforcer leurs liens économiques avec la Russie sans provoquer des représailles occidentales. Le rôle joué par la Turquie dans les négociations de l’accord sur les exportations des céréales ukrainiennes en mer Noire en juillet 2022 et le véto turque contre l’adhésion de la Finlande et la Suède à l’OTAN témoignent de cette ascension vers une capacité d’influence politique sans précédent et le positionnement en qualité de médiateur dans des éventuelles négociations au sujet de cette guerre. L’Inde, qui est plus qu’une puissance moyenne, a adopté une position qu’elle a qualifié d’équilibrée. Elle n’avait pas condamné l’attaque russe et elle s’est abstenue lors du vote à l’Organisation des Nations Unies (ONU) des décisions sur la guerre en Ukraine. L’Inde continue à entretenir des relations économiques et politiques privilégiées avec la Russie. La politique des ristournes adoptée par la Russie pour contourner les sanctions occidentales sur ses exportations de pétrole a été une aubaine pour l’Inde qui a augmenté ses importations du pétrole russe en payant en Rouble, devenant son deuxième client derrière la Chine et faisant de la Russie son premier fournisseur. Cette donnée a amélioré les capacités concurrentielles de l’Inde vis-à-vis de la Chine.
III / Les perspectives de dénouement pour cette guerre
La guerre en Ukraine est une guerre d’attrition. Il a été enclenché pour des objectifs stratégiques divergents des deux camps adverses. Les perspectives de son dénouement dépendent essentiellement de deux facteurs principaux :
- La détermination et la capacité de chaque partie à supporter des pertes supplémentaires.
- Le dégrée d’atteinte des objectifs respectifs définis par chacun des deux camps.
Le premier facteur est tributaire de conditions endogènes et conditions exogènes de chacune des deux parties. La détermination de chaque partie à remporter cette guerre dépend largement des la solidité du front interne et de l’assise du pouvoir en place. L’autre élément déterminant par rapport à ce premier facteur est celui de l’autonomie dans le financement et l’approvisionnement pour maintenir un niveau élevé de l’effort de guerre.
Du coté russe, le facteur démographique constitue un avantage décisif dans cette guerre. La Russie compte plus de 144 millions d’habitant contre 42 millions pour l’Ukraine. Sauf intervention de facteurs externes, comme se fut le cas de la première guerre mondiale, l’Ukraine sera négativement impacté sur ce plan. Elle aura à faire face à un manque de ressources pour remplacer ces pertes en vie. A ce stade de la guerre, les armées des occidentaux ne sont pas directement impliquées dans la guerre et se contentent de fournir les armes à l’Ukraine.
Un autre déterminant de la capacité des parties à tenir le plus longtemps possible dans cette guerre est l’autonomie de chacune des deux parties en matière de production des armes. L’Ukraine est fortement dépendante des approvisionnements des occidentaux qui évitent de lui fournir des armes sophistiquées par crainte de provoquer une escalade vers une riposte nucléaire de la part de la Russie. Ce constat risque d’être déterminant à supposer que les élections présidentielles américaines ramèneraient Donald Trump à la maison Blanche.
En dépit de la guerre et l’insurrection du chef de Wagner contre le pouvoir centrale en Russie, le pouvoir en place en Russie a organisé des élections présidentielles en mars 2024 qui, hormis les doutes qui planent sur sa transparence, ont confirmé confortablement le maintien du Président Poutine à la tête du pouvoir en place. Quand-à l’Ukraine, le mandat présidentiel de Zelensky devrait prendre fin en mois de mai 2024, mais la loi martiale en vigueur en Ukraine depuis le déclenchement de la guerre écarte la possibilité de l’organisation des élections dans les conditions de la guerre. Sa légitimité à la tête du pouvoir est contestée[34]. Rappelons de passage que depuis son indépendance en 1991, l’Ukraine a connu deux révolutions : la Révolution orange (2004) et la Révolution de Maïdan (2013-2014). Ces révolutions signifient aussi le manque de lisibilité quant à la capacité du pouvoir en place en Ukraine de se maintenir et demeurer autonome des instrumentalisations externes.
S’agissant du deuxième facteur qui concerne le degré d’atteinte des objectifs de chacun des deux belligérants. Il semble qu’une situation de victoire totale de l’une des deux parties est visiblement improbable. De ce fait, La fin de la guerre est largement tributaire du sort et des conditions de négociations entre les parties. De même, les Etats-Unis veulent finir avec ce confit pour concentrer leurs forces sur les défis stratégiques que leur pose la Chine. En tout état de cause, les scenarii qui se présentent pour cette guerre sont comme suit :
- Une victoire de l’Ukraine entrainant avec elle l’effondrement du régime politique de Poutine et l’adhésion de l’Ukraine au l’OTAN. Ce scénario requiert une implication plus profonde et plus longue des occidentaux dans cette guerre, avec tous les risques d’escalade et d’élargissement de la guerre sous-jacents à cette implication.
- La victoire de la Russie. Ce scenario est possible dans la limite ou l’effet de la guerre sur le plan démographique et militaire et économique continue à peser sur l’Ukraine et les subventions militaires occidentales ne seraient plus en mesure de permettre la résistance à l’attaque Russe. ce scénario présente de réels défis stratégiques aux Etats-Unis et à leurs alliés, à commencer par l’échec de la stratégie de l’élargissement de l’OTAN, la domination russe sur l’Ukraine, la perturbation des équilibres en Europe, l’accroissement des aspirations hégémoniques de la Russie et l’escalade de vers l’élargissement de la Guerre et le recours à l’arme nucléaire.
- L’armistice : c’est un scenario possible et plausible dans la limite où une victoire totale de l’une des deux parties ne serait pas possible. Les deux parties vont chercher une situation de compromis comparable au scénario de la guerre entre la Corée du Nord et la Corée du Sud en juillet 1953. Les deux parties ne sont pas en paix, mais acceptent un statut quo. En effet, en Ukraine, l’objectif stratégique des Etats-Unis et ses alliées n’est pas de détruire la Russie, mais l’empêcher de chercher à reconstruire un empire selon une approche traditionnelle de sécurité consistent à dominer ses voisins. Autrement dit, assurer que ce que la définition russe de ce qui est légitime soit compatible avec l’indépendance de ses voisins[35]. En contre partie, les préoccupations sécuritaires de la Russie doivent être respectées par les occidentaux.
La concrétisation d’un scénario d’armistice n’est pas en contradiction avec une hypothèse de renonciation de la part des Etats-Unis à leur politique incrémentale dans la fourniture de l’aide militaire, au profit d’une politique plus audacieuse en la matière[36]. Une telle politique permettra de fournir plus d’armes à l’Ukraine pour repousser les forces russes vers les frontières de 2022, avant d’entamer le processus de négociation d’un armistice[37]. L’offensive de l’armée ukrainienne depuis le 06 aout 2024 à Koursk en territoire russe peut être interprétée dans ce sens.
Le statut- quo ne règle pas les dimensions géopolitiques de cette guerre, mais permet aux deux camps d’en discuter dans des conditions de paix et de reconstruire la confiance. La Russie cherche une neutralité totale, voir même une soumission de l’Ukraine à sa domination, alors que les occidentaux veulent avancer les infrastructures militaires de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Les négociations autour de cette question pourraient être menées selon un scénario testé dans l’histoire de l’OTAN, qui est celui de la Norvège[38]. Il s’agit d’un pays fondateur de l’OTAN et voisin de la Russie. En février 1949, deux mois avant la formation de l’OTAN, la Norvège avait émis une déclaration unilatérale d’autolimitation. La Norvège s’était interdite de créer ou de recevoir sur son territoire des bases pour des forces militaires étrangères, tant qu’elle n’est pas attaquée ou sous la menace d’une attaque. Ces autolimitations ont été adoptées pour couvrir aussi les armes nucléaires. Le cas de la Norvège peut servir de référence pour concevoir un scénario qui permet de concilier entre l’objectif de l’admission de l’Ukraine à l’OTAN et les exigences de sécurité de la Russie. Selon ce scénario, l’admission de l’Ukraine à l’OTAN pourrait être possible sans expansion des infrastructures militaire de l’alliance sur le territoire ukrainien.
Conclusion.
L’option d’une victoire totale de l’un des deux belligérants en Ukraine semble impossible et l’armistice est l’option la plus plausible, mais sa durabilité et son évolution vers une paix soutenable restent tributaires de plusieurs conditions, à savoir :
Les confrontations entres les doctrines stratégiques des Etats-Unis, ses alliances connexes et l’Union Européenne avec celle de la Russie. Il est à rappeler, dans ce sens, que Les Etats-Unis dans le cadre de la continuité de leur stratégie d’engagement sur le continent européen, avaient annoncé au début de juillet 2024 leur décision de commencer à déployer des armes à longue portée en Allemagne à partir de 2026. En reposte à cette décision, dans un ton qui rappel la guerre froide, le Président Poutine annonce le 28 juillet 2024, lors de la cérémonie de la parade navale organisée à l’occasion de la journée annuelle de la marine russe à Saint-Pétersbourg, que si les Etats-Unis mettent en œuvre de tels plans, la Russie envisagera de renoncer au moratoire unilatéral sur le déploiement d’armes de frappe à moyenne et courte portée, y compris en augmentant les capacités des troupes côtières de sa marine et de les déployer dans d’autres régions du monde. La Russie, continuera à renforcer ses forces de surface, sous-marines et aéronavales, et à les équiper de systèmes de missiles hypersoniques de nouvelle génération. Autrement dit, il s’agit d’une nouvelle confrontation entre doctrines stratégiques sur fond de trame de relance de la course à l’armement.
Le rôle de la Russie dans le nouvel ordre international : la Russie ne peut admettre d’être traité comme un Etat sujet, et non pas acteur principal, des relations internationales. En effet, dans son histoire et ” a deux reprises, la vastitude de ce pays et l’endurance de son peuple ont empêché un concurrent de dominer l’Europe : Napoléon au19ème siècle, et Hitler au 20ème siècle”[39]. Il est donc plausible d’espérer une amélioration des relations américaines et atlantiques avec la Russie sur de nouveaux fondements. Une défaite totale et la soumission de la Russie aux stratégies expansionnistes occidentales ne peuvent être envisagées. La Russie demeure une puissance nucléaire qui a des aspirations profondes pour le statut d’un empire. De même, les rapports entre la Russie et l’OTAN doivent être repensées pour définir, de communs accords, le rôle futur de ce type alliances militaires dans l’espace postsoviétique. Le Conseil OTAN- Russie (COR) institué en 2002 entre les deux parties pourra être réactivé sur de nouveaux fondements et servir d’enceinte pour recadrer les rapports entre les deux parties.
Le règlement de la question des armes nucléaires et de la géopolitique des énergies en Europe, sont aussi des conditions sine-qua non pour assurer la durabilité de la paix et réduire la probabilité de l’escalade vers la concrétisation d’un scénario basé sur l’hypothèse de confrontation qui aura des résonnances intenses à l’échelle mondiale.
Bibliographie :
- Alain Bauer, Au commencement c’été la guerre. Ed Fayard, 2023.
- Nouvelle Guerre, l’état du Monde 2015, sous la Direction de Bertrand Badie et Dominique Vidal, édition la Découverte, Paris, 2014.
- Henry Kissinger, La nouvelle puissance Américaine, (traduit de l’Anglais par Odile Demange), Ed Fayard, 2003,
- Pascal Boniface, La guerre en Ukraine et ses conséquences géopolitiques : Les Possibles, n° 34, Hiver 2023
- Zbiginiew Brezinski, le grand échiquier: l’Amérique et le reste du Monde, 1997. (The Grand Chessboard: American Primacy and Its Geostrategic Imperatives).
Webographie :
- Fabrice Ravel et Olivier Jacquemond, Rendez- vous de la géopolitique, deux ans de guerre, des nouvelles perspectives, ESCE International Business School, https://www.youtube.com/@ESCEbusinessSchool
- https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/202408/t20240828_11480482.html
- https://www.iris-france.org/187403-rapprochement-entre-la-russie-et-la-coree-du-nord-une-menace-securitaire-en-peninsule-coreenne/
· V Jacob Grygiel, The Right Way to Quickly End the War in Ukraine: Instead of Abandoning Kyiv, Washington Should Give It the Tools to Win, Foreign affairs, July 25th, 2024, https://www.foreignaffairs.com/ukraine/right-way-quickly-end-war-ukraine?utm_medium=newsletters&utm_source=twofa&utm_campaign=The%20Right%20Way%20to%20Quickly%20End%20the%20War%20in%20Ukraine&utm_content=20240726&utm_term=FA%20This%20Week%20-%20112017
- E. Sarotte, a better path for Ukraine and Alliance: What Kyiv could do now for a place in the Alliance?, Foreign Affairs, July 8, 2024, https://www.foreignaffaires.com/ukraine/better-path-unkraine-and-nato
[1] Elie Tenenbaum, “des guerres « nouvelles » ? Petite généalogies de guerre irrégulières, in Nouvelle Guerre, l’état du Monde 2015, sous la Direction de Bertrand Badie et Dominique Vidal, édition la Découverte, Paris, 2014, pp. 43-54.
[2] Pour faire face à l’attaque Russe, l’Ukraine a fait appel aux combattants mercenaires, la Russie a également engagé le Groupe Wagner dans cette guerre et les groupes séparatistes affiliés aux républiques de Donetsk et Lougansk, qui n’ont pas encore le statut d’Etat.
[3]Pour plus de détails, voir Dominique Vidal, “Aux quatre coins du Monde. Panorama des conflits contemporains ” , in Nouvelle Guerre, l’état du Monde 2015, sous la Direction de Bertrand Badie et Dominique Vidal, édition la Découverte, Paris, 2014, pp.25-42.
[4]Alain Bauer : Au commencement c’été la guerre. Ed Fayard, 2023. Pour l’auteur, la guerre en Ukraine est aussi l’expression d’une nostalgie de la Russie à son statut de l’époque soviétique.
[5] Zbiginiew Brezinski : Le grand échiquier : l’Amérique et le reste du Monde, Zbiginiew Brzezinski, 1997. (The Grand Chessboard : American Primacy and Its Geostrategic Imperatives).
[6] La théorie du conflit de George Simmel présentée dans son livre Soziologie qui a paru originalement en 1908
[7] Référence est fait au règlement des situations conflictuelles par l’application d’un modèle de la théorie des jeux à somme nulle, les gains d’un camp se traduisant par les pertes pour l’autre.
[8] L’équilibre des puissances (traduction de balance of power) est un concept central de la théorie réaliste des relations internationales. Dans un système d’équilibre de la puissance, les États choisissent de se ranger aux côtés du plus fort (bandwagoning) ou tentent d’équilibrer celui-ci en se coalisant (balancing).
[9] Zbiginiew Brzezinski, Op.cit.
[10] Pour Alain Bauer : la paix en Europe est juste une trêve qui sépare deux guerres et non pas le contraire : https://www.lenouveleconomiste.fr/alain-bauer-la-paix-est-une-treve-entre-deux-guerres-et-pas-linverse-99833/
[11] Alain Bauer, Op.cit. P 115.
[12] Pascal Boniface, La guerre en Ukraine et ses conséquences géopolitiques, Les Possibles, n° 34, Hiver 2023
[13] “Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’Otan”, a déclaré le Président E. Macron dans une interview à l’hebdomadaire The Economist, le 8 novembre 2019.
[14] Henry Kissinger, La nouvelle puissance Américaine, (traduit de l’Anglais par Odile Demange, Ed Fayard, 2003, pp 53-54.
[15] H Kissinger, op cit, pp 22-23.
[16] Concept développé en 1947 par George Frost Kennan et qui renvoi à la politique d’endiguement visait à arrêter l’extension de la zone d’influence soviétique.
[17] Déclaration du sommet de l’OTAN en 2008 à Bucarest, paragraphe 23, ” L’OTAN se félicite des aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine et de la Géorgie, qui souhaitent adhérer à l’Alliance. Aujourd’hui, nous avons décidé que ces pays deviendraient membres de l’OTAN”.
[18] Zbiginiew Brezinski , op.cit.
[19] Voir dans ce sens Pascal Bonifas, op.cit.
[20] Rappelons dans ce sens que les gazoducs Nord Stream I et II assuraient la livraison du Gaz bon marché depuis la Russie à l’Allemagne et le modèle économique allemand comptaient beaucoup sur ses sources d’énergie.
[21] Lech Walesa, ancien Président de la Pologne, suggère de «ramener» la Russie à «moins de 50 millions d’habitants», publié par le journal le Figaro du 10/07/2022, https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-lech-walesa-suggere-de-ramener-la-russie-a-moins-de-50-millions-d-habitants-20220710
[22] Pascal Bonifs, op. cit.
[23] Fabrice Ravel et Olivier Jacquemond, Rendez- vous de la géopolitique, deux ans de guerre, des nouvelles perspectives, ESCE international business school, https://www.youtube.com/@ESCEbusinessSchool.
[24] Déclaration le 03 septembre 2024 lors dune interview avec le podcasteur américain Lex Fridman
[25] Le Président Biden a annoncé plusieurs fois que Poutine à perdu la guerre. De même, pour Pascal Bonifas la Russie à perdu la guerre et elle a eu tout a fait l’inverse de ce qu’elle avait escompté de la guerre : les occidentaux plus unifiés qu’avant la guerre et la Suède et la Finlande ont abandonné leur neutralité au profit de l’adhésion à l’OTAN.
[26] « Un changement qui n’était pas arrivé depuis un siècle arrive et nous conduirons ce changement ensemble », déclare Xi Jinping à Vladimir Poutine, en mars 2023,
[27] Le 09 septembre 2024, le Président Poutine a effectué une visite officielle en Mongolie, pays membre à la CPI, malgré le mandat d’arrêt lancé contre lui.
[28] Ce groupe compte aujourd’hui dix pays membres, Brésil, Chine, Inde, la Russie, Afrique du Sud, Égypte, Iran, Russie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, et Éthiopie. La Turquie est voie d’adhésion à ce groupe et elle est invitée à prendre part au 16ème sommet des BRICS qui se tiendra en octobre 2024 en Russie à Kazan
[29] H. Kissinger, op.cit, p 162.
[30] Communiqué du Ministère des affaires étrangères de la Chine: https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/202408/t20240828_11480482.html
[31] La visite de Nancy Pelosi, Présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis d’Amérique le 02 aout 2022, avait suscité des mesures de rétorsion intenses de la part de Pékin qui avait lancé des manœuvres militaires intenses autour de l’ile de Taiwan signifiant à quelle point le détroit de Taiwan constitue une ligne de fracture géopolitique entre la Chine et le reste du monde.
[32] H Kissinger, op.cit, p 123.
[33] https://www.iris-france.org/187403-rapprochement-entre-la-russie-et-la-coree-du-nord-une-menace-securitaire-en-peninsule-coreenne/
[34] Lors de sa visite à Minsk le 24 mai 2024, le Président V. Poutine a soutenu que Moscou était prêt à discuter de la guerre en Ukraine, mais il a rappelé que le mandat de cinq ans de M. Zelensky devait se terminer le 20 mai dernier (2024).
[35] H Kissinger, op.cit, p 82.
[36] En date du 03 septembre 2024, le même jour de la visite officielle de Poutine au Mongolie malgré le mandat d’arrêt émis par le CPI, les Etats-Unis ont déclaré être proche de livrer à l’Ukraine des missiles de longue portée capable d’atteindre la profondeur du territoire russe.
[37] Voir Jacob Grygiel, The Right Way to Quickly End the War in Ukraine: Instead of Abandoning Kyiv, Washington Should Give It the Tools to Win, Foreign affairs, July 25th, 2024, https://www.foreignaffairs.com/ukraine/right-way-quickly-end-war-ukraine?utm_medium=newsletters&utm_source=twofa&utm_campaign=The%20Right%20Way%20to%20Quickly%20End%20the%20War%20in%20Ukraine&utm_content=20240726&utm_term=FA%20This%20Week%20-%20112017
[38] Voir M.E. Sarotte, a better path for Ukraine and Alliance: What Kyiv could do now for a place in the Alliance?, Foreign Affairs, July 8, 2024. https://www.foreignaffaires.com/ukraine/better-path-unkraine-and-nato
[39] H. Kissinger, Op.cit, p 76.