Research studies

La Cour Pénale Internationale : 18 ans après, à la croisée des chemins

Prepared by the researcher

Gbandi Benjamin Daré – Chargé de cours et doctorant  – en droit international public à  – l’Université du Québec à Montréal

 published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

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Introduction :

« Il ne peut y avoir de paix sans justice, ni de justice sans loi, ni de loi digne de ce nom sans un tribunal chargé de décider ce qui est juste et légal dans des circonstances données. »

Benjamin Ferencz, ancien procureur au Tribunal de Nuremberg

Si la guerre a été et demeure le théâtre des exactions les plus graves et de la commission des crimes les plus odieux, une paix durable ne peut être conclue et consolidée que si les auteurs de ces crimes -du dirigeant gouvernemental au simple exécutant- sont susceptibles d’être conduits à rendre compte devant la justice de leurs méfaits. Cette justice présente alors une double vertu : celle de la sanction exemplaire de crimes particulièrement odieux, celle de la dissuasion, destinée à prévenir le retour de telles tragédies[1].

L’idée d’une cour pénale internationale remonte au XVe siècle, mais ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que le droit pénal international tel qu’on le conçoit aujourd’hui commence à se dessiner sous forme de règles régissant les conflits militaires. Il faudra du temps et divers efforts et étapes pour en arriver à la forme de justice pénale internationale que nous connaissons aujourd’hui.

La proposition de créer une juridiction pénale internationale est réapparue clairement en 1989, lors de la session de l’Assemblée générale des Nations Unies. L’idée a commencé par prendre forme dans la foulée[2] de la Convention pour la prévention et la répression du crime de Génocide[3]. C’est en décembre 1989 que l’Assemblée générale a demandé à la Commission du droit international de reprendre ses travaux sur la création d’une cour criminelle internationale. Celle-ci remit à l’Assemblée générale un projet de Statut en 1994. Après rapport d’un Comité spécial sur le sujet, le Comité préparatoire pour la création d’une cour criminelle internationale a mis au point un projet de texte en avril 1998. Enfin, c’est la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies réunie du 15 juin au 17 juillet 1998 qui a finalement adopté, par 120 voix pour, 7 contre, et 21 abstentions, le statut de Rome portant création d’une Cour pénale internationale (CPI ou la Cour ci-après). La cour verra le jour après l’entrée en vigueur du traité, 1er juillet 2002.

Avant d’en arriver là, les tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo avaient, pour la première fois, concrétisé une implication concrète de plusieurs États dans la répression des crimes commis par les accusés comparaissant devant chacun d’entre eux. Les conséquences juridiques et politiques de ces innovations ont été et restent considérables. Ces tribunaux avaient, toutefois de nombreuses limites : plus que d’une justice vraiment ” internationale “, il s’est agi d’une justice conduite par plusieurs États contre des responsables ressortissants de deux autres nations, en d’autres termes celle des vainqueurs contre les vaincus. Il faut préciser que la réflexion en vue de la création d’une cours criminelle internationale, et les horreurs des deux guerres mondiales n’ont pas suffi à la communauté internationale pour éviter les massacres de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda, qui ont précédé la création de deux tribunaux spéciaux ad hoc destinés à juger leurs auteurs.

La CPI est un tribunal international permanent qui a été fondé pour mener des enquêtes, engager des poursuites et juger les personnes accusées d’avoir commis les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression. La principale mission de la CPI est de contribuer à mettre un terme à l’impunité pour les auteurs de ces crimes et d’empêcher que ces crimes ne soient à nouveau perpétrés. La souveraineté ne devait dès lors plus « constituer cette enveloppe opaque, protégée par le principe de non-ingérence, derrière   laquelle les dictateurs et les grands criminels peuvent s’abriter, en toute impunité »[4].

Il conviendrait de faire une présentation de la CPI d’un point de vue fonctionnel (I), avant de voir vers quel avenir se dirige cette Cour (II).

  • La Cour pénale internationale : une juridiction internationale née de la volonté politique des États

 A bien des égards, la CPI apparait comme un  «  compromis  entre  idéalisme  et pragmatisme  »[5], puisque le  Statut  de  Rome  met  en  place  un  «  système international  de  justice  pénale  englobant  la  CPI  et  les  systèmes  pénaux nationaux ». Pour y arriver, il a fallu une coordination de volontés politiques (A), même si la l’instrumentalisation politique entrave ses action (B).

  • La Cour pénale internationale : Une juridiction internationale née de la volonté politique des États

Certains des crimes les plus odieux ont été commis au cours des conflits qui ont émaillé le XXe siècle. Nombre de ces violations du droit international sont, malheureusement, restées impunies. Une partie de la communauté internationale a œuvré en vue de la création d’une juridiction pénale universelle. Il a ainsi fallu une volonté politique forte afin de fixer les missions et les grands principes sur lesquels repose le fonctionnement de la CPI.

La CPI a pour mission de juger les individus, y compris des chefs d’État, ayant commis un des crimes  les  plus  graves  du  droit  international,  le  génocide,  le crime contre l’humanité, le crime de guerre et le crime d’agression[6]. Elle exerce donc sa compétence dans les situations où ces crimes ont été commis, et ne juge pas les États, ce qui est du ressort de la Cour internationale de justice. La CPI joue aussi un rôle préventif et dissuasif : elle est chargée de promouvoir le droit international et les droits de l’homme.

Elle a été conçue pour compléter les systèmes judiciaires nationaux. Ainsi, elle ne peut exercer sa compétence que lorsque les juridictions nationales n’ont pas la volonté ou la capacité pour juger de tels crimes.

Afin de remplir ses missions, la Cour ne dispose pas de « moyens de contrainte et d’exécution ». Elle est dépendante de la bonne volonté des États à respecter leur obligation de coopérer pendant toute la procédure. Il s’agit de l’un des principes qui permettent un  fonctionnement de la CPI. Cette dépendance se matérialise tout le long de la procédure[7], puisqu’en l’absence de pouvoirs de contrainte et d’exécution la Cour est absolument dépendante de la collaboration des autorités nationales pour recueillir les éléments de preuve et arrêter les accusés à juger[8]. De plus,  « contrairement  aux  tribunaux  pénaux  internationaux,  dont  la  compétence  prime sur celle des États, la compétence pénale des États prime sur celle de la CPI. Celle-ci ne doit en effet servir que de complément à la justice pénale des États »[9]

Selon l’article 1er du Statut de Rome, la Cour est complémentaire des juridictions pénales  nationales  pour le crime de  génocide, les crimes  contre  l’humanité, les crimes  de guerre et le crime d’agression. Dans le cadre de ce principe, les juridictions nationales ont la priorité  mais  la  compétence  de  la  Cour  prend  le  relais  lorsqu’un  État  ne  dispose  pas  des moyens techniques ou juridiques nécessaires pour juger et punir les auteurs desdits crimes ou bien s’il mène un procès truqué.

Dès lors, le régime de complémentarité vise à mettre fin à l’impunité à l’égard des personnes  impliquées  dans  les  crimes  les  plus  graves  qui  touchent  l’ensemble  de  la  Communauté internationale. Le Statut de Rome, notamment par les dispositions de son article 17, indique comment mettre en œuvre la complémentarité selon les critères de recevabilité qui sont  l’incapacité,  le  manque  de  volonté  et  la  gravité.

En outre, bien que n’étant pas une organisation appartenant aux Nations Unies, la Cour a conclu un accord de coopération avec les Nations Unies. Les pouvoirs que le Statut de Rome et le chapitre VII de la Charte des Nations Unies confèrent au Conseil lui permettent de saisir la CPI, de suspendre son activité, d’imposer aux États de coopérer avec la Cour, ou encore de qualifier un acte de crime d’agression, et ceci bien  que  l’indépendance  de  l’enquête  et  du  procès  soit  l’épine  dorsale  de  toute  la justice pénale, si celle-ci veut être efficace.

Les États doivent être en mesure d’enquêter et de poursuivre  les  crimes  relevant  de  la  compétence  de  la  CPI  ainsi  que  de  coopérer  avec  les demandes  faites  par  la  CPI.  La  CPI  vise  aussi  à  la  reconstruction  et  à  la  création  d’une  forte  capacité de justice nationale dans chaque État.

En  réalité,  la  complémentarité  vise  à  laisser  les  affaires  moins  scrupuleuses  aux  juridictions  nationales et les affaires les plus majeures à la CPI[10].

Le principe de la complémentarité est miné par l’incapacité de nombreux États à traiter les procédures judiciaires en raison d’un manque de ressources, de compétences et d’expertise[11]. Au  lieu  d’avoir  la  primauté  juridictionnelle sur  certains  crimes,  la  CPI est  donc complémentaire  aux  cours  nationales.

Les principes de coopération et de complémentarité forment une partie de l’épine dorsale de la CPI, et elle peut plus facilement se projeter sur les missions qui lui ont été confié, si elle peut mettre en pratique ces deux principes. Cela contribue donc à renforcer l’efficacité de la justice pénale internationale.

Il est également possible d’observer un aspect politique dans les volontés de déstabiliser ou d’instrumentaliser la CPI de la part de différents acteurs étatiques pour la plupart.

  • La Cour pénale internationale : une juridiction internationale entravée par l’instrumentalisation politique des États

Le crime international est fondamentalement politique par nature[12]. Par conséquent, souvent lorsqu’une personne se retrouve devant la CPI, bien souvent en amont il y a une volonté parfois politique qui a conduit aux actes incriminés.

Aujourd’hui, 123 pays sont États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Parmi eux, 33 sont membres du groupe des États d’Afrique, 19 sont des États d’Asie et du Pacifique, 18 sont des États d’Europe Orientale 28 sont des États d’Amérique Latine et des Caraïbes, et 25 sont membres du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États.[13].

Cela fait de la CPI un acteur du jeu diplomatique, qui peut être utilisé à des fins dissuasif afin de mettre fin à une situation de violations des droits humains, ou à un crime. Mais, cet effet dissuasif ne tient plus dès lors que le politique s’imbrique dans le système judiciaire, car  “Pour agir, le procureur s’appuie principalement sur les États qui le saisissent. Mais s’ils font appel à lui, c’est souvent dans un intérêt stratégique. Et c’est d’autant plus problématique, quand les États sont eux-mêmes responsables d’exactions”[14].

Afin de soutenir cette affirmation, l’on peut prendre comme exemple le cas de l’”Ouganda, le président Yoweri Museveni avait demandé à la CPI d’intervenir. Pourtant, l’armée ougandaise avait elle aussi commis des exactions”[15].

Si le président ougandais et le procureur de la CPI ont un intérêt politique,  au  moins  ponctuel,  à  collaborer,  la  compétence  de  la Cour pénale internationale dans cette affaire est en revanche contestable. En effet, le principe de base de la CPI est de n’intervenir que par défaut. Ce sont les juridictions nationales qui sont sollicitées au premier  chef.  Et de manière subsidiaire,  la  Cour  intervient,  lorsque les justices nationales  n’ont  pas  la  volonté  ou  la  capacité  de  rendre  justice. La compétence de la CPI est ainsi  discutable, mais la stratégie pénale du procureur l’est également. Celui-ci intervient sur demande du président Museveni contre la LRA[16] (en français, l’Armée de Résistance du Seigneur), alors que les forces gouvernementales ont, elles aussi, commis des crimes contre les populations acholies[17], mais ne sont pas poursuivies par la CPI: d’où le risque évident d’apparaître comme le bras judiciaire du gouvernement ougandais.

Des faits de même nature peuvent être relevé en Côte d’Ivoire à la sortie de la dernière crise électorale de 2010. En effet, L’impartialité de la juridiction a été remise en cause, lorsque le Président ivoirien Alassane Ouattara avait saisi la CPI pour y déférer son adversaire, perdant des élections et de la guerre qui s’en était suivi, le Président sortant Laurent Gbagbo.

Aujourd’hui, bien que seuls l’ex-président et son ancien ministre Charles Blé Goudé aient été jugé, la CPI annonce que les faits commis par les partisans d’Alassane Ouattara éventuellement constitutifs de crimes internationaux, demeurent sous enquête. Mais en attendant l’aboutissement de ces enquêtes, l’on ne peut s’empêcher de d’entrevoir une instrumentalisation de la CPI, par le pouvoir ivoirien actuel afin de se débarrasser de ces adversaires, ce qui constitue un exemple supplémentaire d’une instrumentalisation de la Cour à des fins politiques.

Si dans certains cas, l’on assiste à un recours à la CPI à des fins politiques par certains dirigeants, il arrive également que d’autres dirigeants s’opposent à la Cour pour des raisons politiques.

Le 5 mars 2020, la Chambre d’appel de la CPI avait décidé à l’unanimité d’autoriser le Procureur à ouvrir une enquête[18] pour des crimes présumés relevant de la compétence de la CPI en lien avec la situation en République islamique d’Afghanistan. Le Procureur peut enquêter sur les crimes présumés commis sur le territoire de la République islamique d’Afghanistan depuis le 1er mai 2003 ainsi que sur d’autres crimes présumés qui ont un lien avec le conflit armé en Afghanistan et sont suffisamment liés à la situation en Afghanistan et ont été commis sur le territoire d’autres États parties au Statut depuis le 1er juillet 2002. Les Etats-Unis ont été à l’initiative de la guerre en Afghanistan et y sont très actifs. Le Procureur pourra mener une enquête entre autres sur les abus commis par des membres de l’armée américaine[19].

Face à cette situation, la réaction américaine n’avait d’ailleurs pas tardé, et elle avait été particulièrement virulente. Le 11 juin 2020, le gouvernement des États-Unis, à travers un décret[20] du président  Donald Trump, avait annoncé de nouvelles mesures contre la CPI. Au nombre de ces mesures, on peut citer le gel des avoirs des responsables de la CPI et l’interdiction pour ces dernières et leurs familles d’entrer aux Etats-Unis.

Ceci est un exemple d’une opposition de la CPI qui s’appuie sur des raisons politiques, sans qu’il y ait des éléments de droit, d’autant plus que les Etats-Unis sont de farouches opposants de longue date de la CPI.

A la suite de ce point sur la CPI aujourd’hui qui s’axe sur ses missions, principes de fonctionnement et l’opposition à laquelle elle doit faire face, il convient de s’attarder sur les perspectives d’avenir.

  • La Cour pénale internationale : quel chemin emprunter?

Le traité portant création de la CPI est entré en vigueur en 2002. Il  y a quelques semaines, la Cour fêtait les 18 ans du début de son existence formelle. Il est donc naturel de procéder à un bilan de son activité (A), voir comment elle est apprécié, afin de dégager les défis (B) qui se présentent à elle, et voir quels chemins elle devrait emprunter.

  • La Cour pénale internationale : un bilan mitigé source de critiques croissantes

Avant toute chose, il faut mentionner que sur  un  nombre  total  de  193  États  membres  de  l’Organisation des Nations  Unies, seulement  123  sont  parties  au  Statut  de  Rome,  ce  qui  contraste avec l’idéal  du principe  d’universalisme dont la CPI est à la quête. Loin de cette ambition universaliste, la Cour rencontre  une opposition  forte  aussi  bien  en  interne qu’à l’extérieur[21].

Dès la création de la Cour, en 1998, plusieurs puissances se sont ainsi opposées à sa juridiction, dont les États-Unis, la Russie, la Chine et Israël. Certains affirment que la CPI est affaiblie faute d’avoir le soutien de ces pays. Et les 123 États qui en sont parties coopèrent avec elle au gré de leurs intérêts nationaux, favorisant ou au contraire freinant ses investigations. La Cour enquête en effet sur des pays oscillant entre guerre et paix, et subit des pressions plus ou moins subtiles[22].

Si «la CPI ne vise pas à avoir beaucoup d’affaires, mais plutôt à inciter les justices nationales à faire leur travail[23]», il  n’en demeure pas moins que la Cour a connu ou traite encore présentement de nombreuses affaires à des niveaux divers de la procédure. L’on peut ainsi relever que 28 affaires ont été ouvertes devant la Cour.

A ce jour, trente-cinq (35) mandats d’arrêt ont été délivrés par la CPI, parmi lesquels dix-huit (18) mandats d’arrêt ont été exécutés et trois ont été retirés en raison du décès des intéressés[24]. Il convient de noter que le Bureau du Procureur mène présentement treize (13) enquêtes[25], et examine les situations dans neuf (9) examens préliminaires[26] à travers le monde.

A ce jour, quatre (4) acquittements ont été prononcé par la Cour (au bénéfice de Mathieu Ngudjolo Chui, Jean-Pierre Bemba Gombo, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé). La Cour a prononcé au total cinq (5) condamnations pour crimes internationaux (il s’agit de Thomas Lubanga, Germain Katanga, Ahmad Al Faqi Al-Mahdi et Bosco Ntaganda).

Le bilan de la CPI tel que présenté peut interpeller, et donner l’impression d’une institution inefficace et coûteuse. Mais les critiques formulées à l’endroit de la CPI sont nombreuses, et certaines existaient  déjà à l’époque du Tribunal de Nuremberg après la deuxième guerre mondiale.

Il a été avancé que la  loi  appliquée  à  Nuremberg  n’était pas ultimement appliquée à tous, notamment à ceux  qui  jugeaient. Selon  ce  raisonnement,  si  on  jugeait  les  Allemands,  il aurait fallu  aussi  juger  les  violations  commises  par  les  États-Unis,  la  Grande-Bretagne  et l’Union soviétique. Cette  idée  ne  s’est jamais réalisée. On peut prendre l’affaire de Karl Dönitz comme exemple. Il était le commandant de  la  flotte  de  sous-marins  allemands  qui  a  été  accusé  d’avoir  commandé  de  cibler  sans  restriction  des navires  non armés. Son  avocat  et  lui ont  démontré  aux  juges  que  les  puissances  alliées  avaient  agi  de  même.  Il  a  été jugé  non  coupable  pour  ses  actions[27].

De là est né l’expression « syndrome de Nuremberg », les  vainqueurs  jugent  les  vaincus  parce  qu’ils  ont  le  pouvoir[28], et les deux   Tribunaux Militaires  Internationaux  étaient vu comme des  institutions  qui prônaient une  «  justice  des  vainqueurs  ».  En  effet,  les  juges  des  deux  tribunaux  étaient issus  des  États  vainqueurs  de  la  Première  Guerre  mondiale[29]pour  cacher leurs propres crimes. Le même reproche est formulé à l’encontre de la CPI, notamment dans les exemples ivoirien et ougandais présentés plus haut.

Cependant, même si ces deux tribunaux ont mis en œuvre une politique  des  Alliés, il faut reconnaitre qu’ils  ont  jugé  des  crimes  internationaux. Il en est de même pour la CPI, qui malgré ces critiques, jugent tout de même des personnes considérées comme responsables d’un crime international grave.

Bien des commentateurs craignent que la CPI fasse obstacle à la réconciliation et à la résolution des conflits[30]. Par le passé, de nombreux pays ont accordé des amnisties pour mettre fin à des conflits. On craint, en fait, que si la CPI se mêle de conflits en cours ou récents, les guerres durent plus longtemps, que les processus de négociation de paix soient perturbés et que les dirigeants hésitent à renoncer au pouvoir s’ils doivent faire face à des actes d’accusation.

Il convient d’opposer à cet argument que, l’article 53 du Statut de Rome autorise le procureur à refuser d’ouvrir une enquête ou d’entamer des poursuites si cela ne sert pas l’intérêt de la justice. Cette décision est soumise à l’examen de la Chambre de première instance.

Une autre critique formulée à l’endroit de la CPI est la grande attention que le procureur de la CPI semble porter à l’Afrique[31], ce qui a poussé certains observateurs à parler d’un universalisme subjectif ou théorique[32]. D’aucuns expriment d’importantes réserves devant cette réalité et déclarent redouter un parti pris. Ils craignent, en outre, que cette attention ne donne l’impression que la CPI n’est qu’un autre instrument d’intervention étrangère dans une longue histoire d’ingérence de pays occidentaux ou du Nord dans les affaires africaines[33]. Bien que les pays africains aient été favorables à l’instauration de la Cour au départ, le président de l’Union africaine est allé jusqu’à dire, à une réunion en mai 2013, que certains dirigeants africains sont maintenant convaincus que les poursuites intentées par la CPI « dégénèrent en une sorte de chasse raciale »[34].

Les nombreux reproches essuyés par la CPI, parmi lesquels quelques-uns viennent d’être présentés permettent de se rendre compte des nombreux défis qui se dressent sur le chemin de cette institution, après moins de vingt ans d’activités.

  • La Cour pénale internationale face à ses défis

Avant toute chose, il faudra voir la capacité de la CPI à étendre ses poursuites à d’autres affaires sur d’autres continents et à éviter l’image d’iniquité qui apparait dans certaines de ses poursuites sur le continent africain. Cet élément est particulièrement scruté afin de mesurer son aptitude à justifier un meilleur universalisme ; ce serait tendre vers une universalisation objective.

En ce sens, un certain nombre de dossiers, à diverses étapes de la procédure devant la CPI peuvent contribuer à mener une analyse plus complète de la vocation universalisante qui s’attache à la CPI. Nous citerons ici trois situations pour appuyer ces propos. Premièrement, un nouvel examen préliminaire[35] a été initié par le Procureur le 13 mai 2014, après réception de nouvelles informations essentiellement sur des crimes qui auraient été commis par des ressortissants du Royaume-Uni dans le cadre du conflit en Iraq et de l’occupation ultérieure de 2003 à 2008. Il s’agit de crimes de meurtre, torture, et autres formes de mauvais traitements infligés de façon systématique à des détenus en Iraq.

Ensuite, dans une déclaration[36]en date du 20 décembre 2019, sur la clôture de l’enquête préliminaire de la situation en Palestine, la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda annonçait être arrivé à la conclusion qu’il existait une base raisonnable justifiant l’ouverture d’une enquête dans l’a situation de la Palestine en application de l’article 53.1 du Statut de Rome. Cela concernait des crimes de guerre qui ont été commis dans la bande de Gaza et en Cisjordanie et qui sont donc susceptibles d’avoir été commis par Israéliens et les Palestiniens.

Enfin, plus récemment le 5 mars 2020, la Chambre d’appel de la CPI a décidé à l’unanimité d’autoriser[37] le Procureur à ouvrir une enquête pour des crimes présumés relevant de la compétence de la CPI en lien avec la situation en République islamique d’Afghanistan. A cette liste, s’ajoute un autre dossier, la Cour a décidé de s’intéresser à l’Ukraine et à la Géorgie. En avril 2014, le Bureau du procureur a annoncé l’ouverture d’un examen préliminaire sur les crimes commis en Ukraine, et en janvier 2016, une enquête sur la guerre de l’été 2008 opposant la Russie à la Géorgie.

Comme on peut le voir, même si la Cour instruit des dossiers à différents niveaux de la procédure, touchants plusieurs Etats, considérés comme de grandes puissances, de sorte à lever le reproche de s’attaquer uniquement aux « faibles », il lui est demandé de faire plus encore, et les observateurs attendent de voir l’issue de ces différents dossiers mentionnés plus haut avant de donner plus de crédit à l’institution.

Au niveau du fonctionnement de la Cour, la dix-huitième session de l’Assemblée des États Parties (AEP) s’est conclue par l’adoption d’une résolution[38] confiant la mission de réaliser une évaluation des performances de la Cour à un groupe de neuf (9) expert.e.s indépendant.e.s. Il s’agit de procéder à un examen externe et indépendant sous l’égide l’AÉP en sa qualité d’organe chargé du « contrôle de gestion en ce qui concerne l’administration de la Cour ». L’Examen n’est donc pas une fin en soi, mais bien l’une des premières étapes d’un processus d’évaluation et de renforcement de la Cour s’inscrivant dans la durée. Le groupe d’expert.e.s se trouve réparti en trois sous-groupes, des clusters thématiques, suivant leur champ de spécialisation : la gouvernance; le judiciaire et la procédure judiciaire; ainsi que les examens préliminaires, enquêtes et poursuites. A terme il s’agira d’évaluer le fonctionnement et les travaux de la CPI et de procéder à des recommandations, fournir ainsi des moyens d’améliorer la justice pour les victimes d’atrocités. Le groupe dispose d’au plus neuf mois pour compléter ses travaux, son rapport final devant être déposé au plus tard le 30 septembre 2020.

Il faudra que ces expert.e.s fassent des propositions concrètes afin d’aider la CPI aussi bien dans son organisation que dans sa méthode de fonctionnement. Parmi les attentes dans ces recommandations attendues, il faudra trouver le moyen de raccourcir les procédures jugées trop longues devant la Cour, ce qui permettrait d’avoir aussi des procès moins couteux. Cela aurait pour mérite d’améliorer le bilan de la Cour, et éviter le reproche d’être inutile.

A terme, l’élection du procureur qui se déroulera lors de la dix-neuvième session de l’Assemblée des États Parties prévue à New York, du 7 au 17 décembre 2020 sera importante. Elle permettra de désigner la personne qui aura la charge d’impulser certains changements et continuer certains des chantiers ouverts par la Procureure actuelle Fatou Bensouda, qui arrive à la fin de son mandat.

Le 30 juin dernier le comité de sélection mis en place en vue de l’élection du Procureur, pour tenter de dépolitiser l’élection à venir, a publié[39] une liste restreinte de quatre noms[40]. Si des critiques sont venues accueillir la publication de cette liste, un autre défi sera d’arriver à choisir une personne qui réussisse à faire oublier, par son travail et son audace, les reproches actuellement formulés. Cette personne devra faire face à des adversaires comme les États-Unis qui s’opposaient à l’institution avant d`être ciblé dans une enquête de la Cour.

Conclusion

La poursuite  des  crimes  internationaux  grave reste  une mission d’une difficulté qu’on ne peut aisément mesurer. Le  Statut  de  Rome  a  créé  une  cour  internationale  désespérément  débordée  et  peu efficace de l’avis de plusieurs acteurs, ce qui se rajoute à nombre de critiques formulées à l’encontre de cette Cour, et amplifie les défis déjà existant.

Cependant, malgré les critiques exprimées à l’endroit de la CPI, il est important de se rappeler que la Cour est une toute jeune institution et, au fond, la première de ce type. La CPI s’appuie sur l’expérience du Tribunal de Nuremberg et sur celle du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie[41] et du Tribunal pénal international pour le Rwanda[42]. Mais la CPI, contrairement à ces dernières est une cour permanente, dont la compétence géographique et la nature des missions sont plus importants.

Cela peut expliquer le reproche parfois sévère de lenteur et d’inefficacité qui lui est fait.

Il est important que les uns et les autres laissent le temps à cette institution, de grandir, de s’épanouir, d’apprendre de ses expériences passées, pour s’améliorer et répondre mieux aux attentes très grandes qui sont placées en elle. Une Cour de sa taille et de son ampleur ne peut fonctionner au maximum de ses compétences et avoir une efficacité qui réponde aux attentes en peu de temps.

Néanmoins, les crimes graves sur lesquels porte la compétence de la Cour ainsi que les attentes des victimes de ces crimes sont d’une importance telle qu’il est difficile d’envisager rester dans une espérance sans cesse déçue. Il faut que la CPI fasse l’effort de son côté de répondre mieux aux attentes diverses, en relevant les nombreux défis qui se trouvent sur son chemin. La réalisation de la mission pacificatrice qui lui est confiée, ainsi que sa survie et celle de victimes assoiffées de justice dépendent de la capacité de la Cour à se transformer et choisir la meilleure voie, aujourd’hui qu’elle se trouve à la croisée des chemins.

Les options sont peu nombreuses, et il n’existe pas d’autres institutions de cette nature pouvant éviter que la quête de justice face à des crimes internationaux graves se résume à une quête de la vengeance. C’est la survie du monde qui semble en dépendre.

«Fiat justitia ne pereat mundus»

(Que justice soit faite, sinon le monde périra),

HEGEL, 1821

[1] Commission des Affaires étrangères du Sénat français, Rapport d’information sur la Cour pénale internationale, 313 (98-99), procès-verbal de la séance du 8 avril 1999.

[2] ONU, AG, résolution 177 (II), 21 novembre 1947.

[3] Eric David, « Introduction, » dans La Cour pénale internationale dans Recueil des cours, (Académie de Droit International de La Haye, 2005), 333p.

[4] Hervé Ascensio, Emmanuel Decaux, Alain Pellet, « Droit international pénal », CEDIN Paris X, Pedone, 2000, 1053 p.

[5] Ibid.

[6] Article 51 du Statut de Rome sur les crimes relevant de la compétence de la Cour :  «  La  compétence  de  la  Cour  est  limitée  aux  crimes  les  plus  graves  qui  touchent  l’ensemble  de  la communauté  internationale.  En  vertu  du  présent  Statut,  la  Cour  a  compétence  à  l’égard  des  crimes suivants :  a) Le crime de génocide ;  b) Les crimes contre l’humanité ;  c) Les crimes de guerre ;  d) Le crime d’agression »

[7] Pierrot Damien Massi Lombat, « Les sources et fondements de l’obligation de coopérer avec la Cour pénale internationale », RQDI, 2014, pp. 113-141.

[8] Muriel Ubeda-Saillard, « La coopération des États avec les juridictions pénales internationales », thèse de doctorat soutenue en 2009.

[9] Eric David, « Une institution dépendant de la bonne volonté des Etats, » dans La Cour pénale internationale dans Recueil des cours, (Académie de Droit International de La Haye, 2005), 348.

[10] Phillip Wolfgang Pymm, « Un géant sans bras ni jambes » : Une critique sur la Cour Pénale Internationale, Revue d’Études internationales de Glendon (REIG), Vol 9 (2016), p.15.

[11] Olympia Bekou, « Building national capacity for the ICC: Prospects and challenges, » dans The International Criminal Court in Search of its Purpose and Identity, ed. Triestino Mariniello. (New York, NY: Routledge, 2015), 136.

[12] Laura Barnett, « La Cour pénale internationale : histoire et rôle », Bibliothèque du Parlement, Ottawa, numéro 2002-11-F, révisée le 28 juin 2013.

[13] Cour pénale internationale, https://www.icc-cpi.int/resource-library/Pages/default.aspx?ln=fr, consulté le 20 juillet 2020.

[14] Pierre Hazan, « Juger la guerre, juger l’histoire : Du bon usage des commissions Vérité et de la justice internationale», Presses Universitaires Françaises, 2007, p. 207-215.

[15] Ibid

[16]Lord’s Resistance Army,  mouvement rebelle contre le gouvernement de l’Ouganda, créé en 1988. Il est les populations en République centrafricaine, au Soudan du Sud, et en république démocratique du Congo.

[17] Population d’Afrique de l’Est vivant principalement en Ouganda, au nord-est du lac Albert, mais également au Soudan du Sud. Elle s’est opposée au pouvoir du président Museveni lors de sa création à la fin des années 1980, avant de se muer en groupe armé aux objectifs flous.

[18] Cour pénale internationale, la situation en République islamique d’Afghanistan, voir https://www.icc-cpi.int/afghanistan?ln=fr, consulté le 10 août 2020.

[19] Gbandi Benjamin Daré, La Cour pénale internationale: d’un universalisme subjectif à une universalisation objective ?, Blog de droit international pénal, 28 juin 2020, voir https://www.blogdip.org/analyses-et-opinions?author=5ed43c3f5271535663041e24#show-archive, consulté le 20 août 2020.

[20] Maison blanche, Sécurité nationale et défense, Décret exécutif sur le gel des avoirs de certaines personnes liées à la Cour pénale internationale,11 juin 2020, voir https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/executive-order-blocking-property-certain-persons-associated-international-criminal-court/, consulté le 5 août 2020.

[21] Alexandre Negrus (dir.), « La Cour pénale internationale, quel bilan et quel avenir ? », Ambassadeurs de la Jeunesse, décembre 2018.

[22] Stéphanie Maupas, « La Cour pénale internationale face aux critiques », Revue internationale et stratégique, 2019/4 (N° 116), p. 83-93.

[23] Fadi El Abdallah, Porte-parole et Chef de l’Unité des affaires publiques, Cour pénale internationale, Juin 2018.

[24] Cour pénale internationale, op. cit., consulté le 10 août 2020.

[25] Dans le cadre des situations en Ouganda, en RDC, en RCA, en RCA II, au Darfour (Soudan), au Kenya, en Libye, en Côte d’Ivoire, au Mali, en Géorgie, au Burundi, au Bangladesh/Myanmar et en Afghanistan.

[26] La Colombie, de la Guinée, de l’Irak, du Nigéria, de la Palestine, des Philippines, de l’Ukraine et du Venezuela (I et II).

[27] Phillip Wolfgang Pymm, « Un géant sans bras ni jambes » : Une critique sur la Cour Pénale Internationale, Revue d’Études internationales de Glendon (REIG), Vol 9 (2016),

[28]   Antonio Cassese, « International Criminal Law », Second Edition, Oxford, GB: Oxford University Press, 2008,  p. 318.

[29] Le procès de Nuremberg a été jugé par Henri Donnedieu de Vabres (juge français), Francis Biddle (juge  américain),  lord  justice  Geoffrey  Lawrence  (juge  anglais),  et  le  Général  Nikitchenko  (juge soviétique).

[30] Alexis Arieff et al, “International Criminal Court Cases in Africa: Status and Policy Issues (CRS Report for Congress)”, Congressional Research Service, 35 pages, 22 Juliet 2011.

[31] Sur les treize situations sous enquêtes à la CPI, dix concernent des pays africains. Toutes les personnes condamnées à ce jour par la CPI pour un crime international sont des africains.

[32] Gbandi Benjamin Daré, op. cit., note 19.

[33] Laura Barnett, « La Cour pénale internationale : histoire et rôle », Bibliothèque du Parlement du Canada, Publication no 2002-11-F, 34 p., 2008.

[34] Kirubel Tadesse, « African leaders urge International Criminal Court to transfer charges against Kenyan president », The Associated Press, 27 mai 2013.

[35] Cour pénale internationale, voir https://www.icc-cpi.int/itemsDocuments/2017-PE-rep/2017-otp-rep-PE-Iraq_FRA.pdf, consulté le 15 août 2020.

[36] Déclaration du Procureur de la CPI, à l’issue de l’examen préliminaire de la situation en Palestine et demandant une décision sur l’étendue de la compétence territoriale de la Cour, voir https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=20191220-otp-statement-palestine&In=fr, consulté le 10 août 2020.

[37] Communiqué de presse ICC-CPI-20200305-PR1516, Cour pénale internationale, voir https://www.icc-cpi.int/afghanistan?ln=fr, consulté le 20 août 2020.

[38] Résolution ICC-ASP/18/Res.7, Résolution sur l’examen de la Cour pénale internationale et du système du Statut de Rome, Adoptée à la 9e séance plénière, le 6 décembre 2019, par consensus.

[39] Cour pénale internatione, op. cit., voir  https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP19/NV%20Prosecutor%20election-FRA.pdf, consulté le 20 août 2020.

[40] Ces quatre candidats sont : Morris Anyah (Nigeria) ; Fergal Gaynor (Irlande) ; Susan Okalany, la seule femme (Ouganda) ; et Richard Roy (Canada).

[41] Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, crée par la résolution  808, du 22  février  1993 par le Conseil de sécurité des Nation-Unies suite à la guerre en ex-Yougoslavie et dans les Balkans.

[42] Tribunal pénal international pour le Rwanda crée par la résolution 955, du 8 novembre 1994 par le Conseil de sécurité des Nations-Unies suite au génocide rwandais.

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