Research studies

Mesure de l’efficience des compagnies d’assurances et ses déterminants : cas de la région Mena

 

Prepared by the researcher : Ismail Boutahra – Doctorant, Département : Sciences de gestion FSJES – Université Mohammed V –Agdal-Rabat-Maroc

Democratic Arab Center

International Journal of Economic Studies : Twenty-fifth Issue – May 2023

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN  2569-7366
International Journal of Economic Studies
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Résumé 

Le présent article analyse et explore l’efficience technique des compagnies d’assurances opérantes dans la région MENA. Cette étude mesure l’efficience technique des assureurs de la région en question et identifie les déterminants internes et environnementaux qui influencent cette mesure. Nous avons utilisé de ce fait, des données de Panel relatives a 35 compagnies d’assurances  qui opèrent dans 11 pays de la région Mena et ce durant la période qui s’étend entre 2017 et 2019. A cet effet,  nous avons utilisé l’approche  à « deux étapes » développé par Coelli, T. et al.(2005) combinant la méthode d’Analyse par enveloppement des données (DEA) et la régression Tobit. Les résultats de l’étude empirique nous ont démontré clairement qu’il ya de grandes différences entre les scores d’efficience technique obtenus par les assureurs qui varient entre 53% et 100%. La décomposition de l’efficience de l’efficience technique nous informe que les scores d’efficience d’échelle moyens sont généralement pus élevés que les scores d’efficience technique pure. Cependant, l’analyse de l’inefficience d’échelle à démontrer que la majorité des assureurs de la région avec une inefficience d’échelle opèrent à des rendements d’échelle décroissants (RED), ce qui explique que ces compagnies sont considérées comme très grandes et devront davantage diminuer leur taille pour atteindre une échelle optimale. Par conséquent, l’analyse des déterminants de l’efficience a révélé qu’une rentabilité positive d’une compagnie et une taille adéquate avaient une influence positive sur l’efficience technique de celle-ci. Par ailleurs, les assureurs Takaful sont plus efficients que les compagnies conventionnelles.  Finalement, nous avons constaté que des conditions économiques favorables comme une croissance économique positive et un faible taux d’inflation,  ont tendance à influencer positivement les performances des compagnies d’assurances de la région Mena en termes d’efficience.

Introduction 

Les changements sociaux économiques, climatiques et réglementaires exercent actuellement une pression concurrentielle sur les marchés financiers et en particulier sur le secteur de l’assurance de la région Mena, une région qui se caractérise par des particularités et fait face à de nombreux défis de tailles qui empêchent le secteur de l’assurance d’exercer efficacement son rôle au sein de la région Mena. De ce fait, la mesure des performances en termes d’efficience  est une étape qui s’avère essentielle pour améliorer la compétitivité des assureurs et de solidifier le secteur de l’assurance en générale.

Le concept d’efficience est une notion auxquelles s’intéressent de plus en plus les économies dans le monde. L’efficience fait référence à la capacité d’une compagnie d’assurance à optimiser ses ressources afin de produire un ensemble de produits ou services (outputs) (Koopmans, T.C .1951). Les méthodes de mesure les plus modernes tels que les méthodes des frontières, permettent d’identifier les assureurs les plus efficients et les moins efficients d’un échantillon. Ces méthodes s’avèrent en effet très appréciées et très utilisées dans les différentes études analysant l’efficience d’instituions financières. Par ailleurs, les méthodes des frontières sont aussi connu par le fait qu’elles surmontent les limites des méthodes traditionnelles, puisqu’elles mesurent l’efficience des compagnies et identifient les distances des compagnies inefficientes par rapport à une frontière ou se situe  références du marché en termes d’efficience et ainsi d’optimisation des ressources. Parmi les méthodes les plus utilisées pour mesurer l’efficience d’instituions financières,  la méthode d’analyse par enveloppement des données (DEA),  une méthode présentée et développée par Charnes et Al.(1978) pour la première fois. Cette dernière permet de mesurer l’efficience d’un ensemble de compagnies d’assurances utilisant un ensemble d’inputs et produisant un ensemble d’outputs, tout en comparant les niveaux d’efficience par rapport aux meilleurs pratiques du marché en termes d’efficience. Pour analyser les forces externes et les facteurs internes qui influencent l’efficience des assureurs de la région Mena, la méthode dite à « deux étapes » développé par Coelli, T. et al. (2005) permet de compléter la méthode DEA en intégrant une méthode de régression intégrant des facteurs internes et externes dans la mesure de l’efficience. Ces facteurs environnementaux peuvent avoir dans certains cas, une influence sur les scores d’efficience et ainsi sur la manière dont les compagnies d’assurances gèrent leurs ressources.

Le secteur de l’assurance dans la région MENA à connu en effet une croissance considérable depuis le début du 21ème siècle. Néanmoins, une marge d’amélioration reste encore à combler afin  de rattraper le niveau d’efficacité et de performances des secteurs assurantiels des pays développés. En effet, en  comparant les différentes régions du monde, la région Mena se situe à la quatrième position après de nombreuses régions.  Selon le rapport de Suiss Re Institute de 2018,  le taux de pénétration de l’assurance dans le PIB dans la région Mena est de 2.2%.  Ce taux reste relativement bas par rapport aux régions les plus avancées du monde avec une moyenne de 6.1%. Ce taux prouve que la région doit fournir davantage plus d’efforts pour atteindre la moyenne enregistrée du taux de pénétration dans les régions développées. Nous pensons qu’il ya donc un fort potentiel de croissance du secteur assurantiel dans la région Mena,  puisqu’une grande partie de la population des pays de la région ne bénéficie toujours pas des produits d’assurances.  Ceci dit de nombreux efforts et politiques doivent être établis aux niveaux des pratiques, procédures et méthodes de gestion afin d’améliorer les performances en termes d’efficience et de productivité des assureurs de la région.

Cependant, il faut rappeler que les pays de la région Mena font face à de nombreux défis communs qui peuvent limiter le fonctionnement des compagnies d’assurances et les empêcher d’exercer leur rôle correctement au sein d’une économie, comme le soutien d’une classe moyenne dominante, la formation de capital et l’encouragement à l’investissement. Par conséquent, les défis en question sont particulièrement liés à une faible éducation financière de la population, aux faibles niveaux de revenus, au sous développement des marchés financiers et des nombreux changements politiques, économiques et réglementaires qui s’ajoutent et peuvent avoir un impact sur l’activité des assureurs (Keller, B. et al.2012).

L’objectif de ce présent article est de fournir une analyse complète de l’efficience des compagnies d’assurances et d’identifier les déterminants internes et environnementaux qui l’influencent durant la période 2017-2019, en utilisant la méthode DEA dans une première étape et la régression Tobit dans une seconde étape. Actuellement, la littérature existante concernant l’analyse du secteur assurantiel dans la région Mena  est encore  pauvre, ce qui nous amène à combler ce manque par une contribution à la littérature existante. Notre étude vise aussi à fournir aux dirigeants des compagnies d’assurances, des indicateurs et des signaux afin d’apporter les mesures correctives et nécessaires au niveau de la gestion des ressources.

Nous commencerons par présenter dans la section suivante le contexte théorique ou nous évoquerons le concept d’efficience et ces méthodes de mesures, ainsi que les hypothèses à tester concernant les déterminants internes et externes ayant une influence sur l’efficience, et nous passerons ensuite en revue les différents travaux mesurant l’efficience et étudiant les déterminants de celle-ci pour des compagnies d’assurances dans différentes régions.

  • Contexte théorique:
    • Concept d’efficience

L’efficience pour une compagnie d’assurance, est la capacité à produire une quantité d’outputs qui se résume principalement aux primes nettes émises et aux revenus des placements effectués, à partir d’un ensemble de ressources (inputs) qui généralement sont représentées par les charges d’exploitations et les capitaux utilisés. Une compagnie d’assurance gère ainsi deux principales activités, l’émission de primes d’assurances et les activités liées à aux placements. L’efficience technique est le type d’efficience qui s’intéresse à la capacité d’un assureur à maximiser sa quantité d’outputs avec une quantité d’inputs fixe, ou par ailleurs d’atteindre une quantité d’outputs fixe avec le minimum d’inputs (Koopmans, T.C. 1951).

Cependant, une inefficience technique peut être causée par plusieurs facteurs. L’inefficience d’échelle par exemple, est une source principale d’inefficience technique pour une compagnie d’assurance (Farell, M.J.1957). En effet, une taille considérée comme trop grande ou trop petite d’une compagnie entraîne  une inefficience d’échelle, on dit que celle-ci fonctionne à une taille inappropriée (Diacon, S.R. et Al.2002). D’autre part, une inefficience technique peut être causée uniquement par une mauvaise gestion des ressources (inputs), c-à-d une mauvaise combinaison des inputs dans la production d’outputs, on parle dans ce cas d’une inefficience technique pure.

Finalement, il faut rappeler qu’aux cotés de l’efficience technique, il existe différents type d’efficience. Tandis que l’efficience technique fait référence aux quantités d’inputs et d’outputs mesurés en unités, l’efficience allocative concerne l’optimisation des intrants ou la maximisation des extrants compte tenu des prix de ces derniers sur le marché. Finalement l’efficience économique est la combinaison de l’efficience technique et l’efficience allocative (Diacon, S.R.2001).

  • Mesure de l’efficience 

Les méthodes et approches modernes de mesure de l’efficience permettent d’analyser et comparer un ensemble d’unités dans un marché et surmontent par ailleurs,  les limites associées aux méthodes traditionnelles comme les ratios. Les méthodes les plus utilisées pour les instituions financières et les plus répandues actuellement sont les méthodes des frontières. L’efficience dans ce cas,  est mesurée en comparant un ensemble de compagnies d’assurances à une frontière efficiente constituée principalement par les meilleures unités d’un échantillon étudiée en termes de pratiques managériales. Les compagnies qui se trouvent à l’extérieur mais proche de la frontière sont considérées comme inefficientes et devront davantage optimiser plus efficacement leur ressources,  ou par ailleurs, de  produire plus d’outputs en gardant la même quantité de ressources utilisée (Farell, M.J.1957).

Cependant, il existe deux approches différentes pour analyser et comparer l’efficience d’un ensemble de compagnies par la méthode des frontières, l’approche paramétrique et non paramétrique. L’approche non paramétrique qui comprend  la méthode d’enveloppement des données (DEA) est l’approche la plus couramment utilisée pour des instituions financières puisqu’elle ne nécessite pas la spécification d’une forme fonctionnelle de la frontière et tient compte d’un ensemble d’inputs et d’outputs pour mesurer l’efficience, elle permet ensuite  de reconnaître les sources d’inefficience, et finalement suggère les quantités à réduire ou à augmenter pour rattraper  la frontière (recommandations et projections futures). La méthode DEA proposée par Charnes, A et al.(1978) est une méthode qui utilise la programmation linéaire pour la construction de la frontière efficiente et positionner les firmes par rapport à celle-ci. Les compagnies ayant obtenus les scores les plus élevés en termes d’efficience techniques (efficience maximale=1) sont celles qui se situent sur la frontières efficiente, tandis qu’un  score en dessous de 1 signifie que les compagnies sont inefficientes.  La différence est donc considérée comme le potentiel niveau d’amélioration en termes d’efficience technique. Le score calculée par le programme est obtenue par la somme pondérée de l’ensemble des sorties sur la somme pondérée de l’ensemble des entrées (Coelli, T.J. 1996), que l’on écrit selon la notation de Johnes,J.(2004) comme suit :

Avec :

 : Efficience technique

: Quantité d’extrants r produite par la compagnie k

: Quantité de l’intrant consommée par la compagnie k

: Poids de l’extrant

: Poids de l’intrant

 :  Nombre d’extrants

 : Nombre d’intrants

n :  Nombre de compagnies

Cependant, il existe deux modèles de bases sur lesquelles se base la méthode DEA pour mesurer l’efficience technique des compagnies d’assurances, le modèle CRS qui signifie « Constant return to scale » et le modèle VRS qui signifie « variable return to scale ». Le premier à été proposé par Charnes, Cooper and Rhodes (Charnes, A. et al.1978),  appelé aussi CCR en hommage a ses fondateurs, est utilisé lorsque l’on considère que toutes les compagnies de l’échantillon opèrent à leur échelle de production optimale, et que les compagnies de l’échantillon étudié fonctionne  dans un marché a  concurrence pure et parfaite. On considère  qu’une compagnie opère à une échelle constante lorsque l’augmentation des quantités d’inputs est proportionnelle à l’augmentation des quantités d’outputs.  Par conséquent,  le modèle VRS introduit par Banker, charnes et Cooper en 1984(Banker, R.D et al.1984) appelé aussi BCC,  est une extension du modèle CRS. Le modèle VRS reconnait que les compagnies dans un marché ne peuvent toutes fonctionner à une échelle optimale. Banker, RD et al.(1984) considèrent par ailleurs que le modèle VRS fait référence à une situation de concurrence imparfaite. Le modèle VRS permet donc  la décomposition de l’efficience technique en efficience technique pure et efficience d’échelle afin de reconnaitre les sources exactes des inefficiences techniques.

Finalement il faut rappeler l’importance de choisir correctement les inputs et outputs pour mesurer l’efficience technique. Il s’avère dans certains cas que le choix de ses variables soit difficile et délicat surtout quand il s’agit d’analyser des instituions financières tels que les banques et les assurances. Dans la littérature, certains considèrent que les assurances sont des intermédiaires financiers, tandis que d’autres les considèrent comme des compagnies utilisant un processus de production tels que les entreprises qui produisent des bien ou services. Le choix des inputs et outputs reste cependant arbitraire et doit être effectuée en fonction du but à atteindre par le chercheur.

Dans notre présente étude, nous souhaitons d’une part évaluer l’efficience des compagnies d’assurances en tant que compagnie qui proposent des services utilisant des facteurs de production liés principalement à la main d’œuvre, capital, et charges d’exploitation. Cependant il ne faut pas oublier que chaque compagnie fait face à des paramètres environnementaux spécifiques qui peuvent avoir un impact sur les performances en termes d’efficience. Nous essayerons ainsi d’introduire des facteurs internes et externes dans notre analyse afin d’obtenir  une image globale et complète de l’efficience des assureurs dans la région Mena entre 2017 et 2019.

  • Revue de littérature 

Mesurer l’efficience des compagnies d’assurance dans différentes régions et l’identification des déterminants de l’efficience est un sujet qui a suscité ces dernières années, l’intérêt de plusieurs chercheurs en sciences de gestion. Nous allons cependant citer quelques unes des études effectuées à ce sujet.

En commençant par l’étude de Donni, O.(1997), qui a mesuré l’efficience technique d’un ensemble de compagnies d’assurances opérantes dans 15 pays de l’OCDE durant la période 1983-1991, en utilisant la méthode DEA. Les résultats obtenus ont révélé que l’efficience technique moyenne des assureurs est de 70%, et que les meilleurs scores sont attribués aux assureurs opérants aux  Etats Unies d’Amérique, l’Angleterre, France et l’Allemagne, contrairement à la Finlande et le Portugal. L’auteur a étudié ensuite l’influence des caractéristiques structurelles nationales du marché de l’assurance sur les niveaux d’efficiences en utilisant la régression Tobit. Les auteurs ont conclus que le taux de réassurance ainsi que la part de marché semble favoriser les niveaux d’efficiences des assureurs.

Par ailleurs, Diacon, S. et al. (2002) ont examiné l’efficience de 450 compagnies d’assurance opérantes dans l’union Européenne entre 1996 et 1999. L’étude a démontré que les niveaux d’efficience technique à diminué pour la majorité des compagnies durant la période citée. Cependant, les assurances opérantes dans les pays Nordic, Danemark, Suède ont affichées les scores les plus élevé de l’échantillon. D’autre part,  les résultats de la régression Tobit a démontré que la taille a un effet significatif sur l’efficience technique des assureurs. Les auteurs ont constaté aussi que les assurances mutuelles sont plus efficientes que les compagnies par actions. Finalement un ratio de solvabilité élevé est corrélé positivement avec le niveau d’efficience technique

Barros, C. et al.(2005) ont mesurer par ailleurs, l’efficience technique des compagnies d’assurances opérantes au Portugal et ont étudier l’effet des facteurs spécifiques sur l’efficience en utilisant la méthode des « deux étapes » (Coelli, T.J.2005), durant la période 1995-2001. Les résultats des auteurs ont indiqué que la propriété a un effet sur l’efficience des compagnies d’assurances. En effet, les résultats ont révélés que les compagnies étrangères sont plus efficientes que les compagnies locales. De plus, la taille des compagnies à un effet positif sur l’efficience des compagnies. Finalement l’adoption du marché unique européen en 1994 à eu un effet positif sur l’amélioration des performances des assureurs portugais en termes d’efficience. Par conséquent, l’étude a révélé que les assurances Vie seraient moins efficientes que les assureurs non vie durant la période étudiée.

Cependant, l’étude d’Eling, M., Schaper, P. (2017)  à porter sur 970 compagnies d’assurance-vie opérantes dans 14 pays européens durant la période qui s’étend entre 2002 et 2013. Les résultats de la régression ont révélé que des conditions économiques favorables tels que la maturité économiques ainsi que des performances boursières positives favorisaient les performances des assureurs en Europe. Par ailleurs, des taux d’intérêts ainsi que des taux d’inflation et de chômage  élevés ont un impact négatif sur l’efficience des assureurs de l’échantillon.

En 2009, Luhnen, M.(2009) a mesurer l’efficience des compagnies d’assurances en Allemagne et identifie les déterminants de l’efficience, l’étude porte sur une période qui s’étend entre 1995 et 2006. L’auteur a révélé qu’il ya une marge d’amélioration au niveau de l’efficience technique en moyenne de 20%. Concernant  les déterminants de l’efficience, l’auteur à révélé que la taille des compagnies a un effet positif sur l’efficience technique et que les assureurs de grande tailles s’avèrent être plus performants. Par ailleurs, les résultats ont montré que les assureurs mandataires exclusifs sont plus efficients techniquement que les assurances mandataires indépendants.  Finalement,  l’auteur confirme que les assureurs affichant une croissance positif des primes d’assurances émises (supérieur à la médiane) sont moins efficientes techniquement par rapport aux assureurs dont la croissance est inférieur à la médiane.

Par ailleurs, Jalloudi, M.M (2019) à étudier l’efficience technique de 22 compagnies d’assurances qui opèrent en Jordanie entre 2000 et 2016. Les résultats de l’auteur ont démontré que les score d’efficiences varient entre 89 et 92.5% durant la période. Cependant  l’auteur a utilisé la régression Logit pour identifier les déterminants de l’efficience, et les résultats de celle-ci ont révélé que les compagnies d’assurances multi branches étaient moins efficientes que les compagnies mono branche. L’auteur révèle aussi qu’une taille trop grande et un ratio de rentabilité des actifs élevé ont tous les deux un effet positif sur l’efficience technique des assureurs jordaniens.

  1. Données et méthodologie 
    • Méthodologie

Dans notre présente étude, nous allons essayer de déterminer les scores d’efficiences techniques pour un ensemble de 35 compagnies d’assurances opérantes dans différents pays de la région Mena, tout en identifiant les déterminants internes et  environnementaux qui affectent cette mesure. Nous allons adopter l’approche non paramétrique DEA associée à une régression Tobit pour notre étude empirique. La combinaison des deux méthodes est proposée par Tim Coelli  (Coelli, T.J., et al. 2005) sous le nom de la méthode « deux étapes ».

  • DEA, orientation, modèle de base

Nous avons choisis la méthode DEA qui est une méthode de programmation mathématique pour mesurer l’efficience technique des compagnies d’assurances de l’échantillon. Nous allons utiliser par ailleurs, le programme DEAP 2.1 développé par Coelli, T. J. (1996) permettant de mesurer l’efficience technique et sa décomposition. Les scores obtenus varient toujours entre 0 et 1, cependant,   les compagnies les plus efficientes sont celles qui obtiennent un score de 1, qu’on exprime aussi en pourcentage par 100%. Bien évidemment, les scores obtenus sont approximatifs et doivent être considérée comme un ordre de grandeur indiquant aux managers et décideurs s’ils doivent réduire leurs inputs (orientation input) ou augmenter la quantité d’outputs (orientation output). En effet,  il existe deux orientations possibles pour mesurer l’efficience technique, l’orientation input qui se focalise sur la minimisation des inputs et l’orientation outputs qui se focalise sur la maximisation des outputs. Par ailleurs, la méthode DEA peut être spécifiée sous différentes hypothèses. La première concerne le rendement d’échelle constant (CRS) qui suppose que les compagnies d’assurances de l’échantillon opèrent toutes à leur échelle optimale. La deuxième hypothèse concerne le rendement d’échelles variables (VRS), qui suppose que les assureurs opèrent à des rendements d’échelles variables.

Dans notre présente étude, les scores d’efficience technique seront obtenus selon une orientation inputs et sous une hypothèse VRS. Nous trouvons qu’il est peu probable de trouver des compagnies qui opèrent toutes à des échelles constantes. Cependant,  le modèle de base VRS est le plus appropriée pour identifier les compagnies qui opèrent à des rendements d’échelles constantes et celles a des rendements d’échelles variables. La  décomposition de l’efficience technique avec la spécification VRS, permet de ressortir les sources d’inefficiences qui peuvent être due à l’efficience technique pure VRSTE (pratiques managériales) ou à l’efficience d’échelle SE (rendement croissant ou décroissant).

L’équation duale du modèle VRS orienté input s’écrit comme suit :

Sous contraintes

Charnes, A et al. (1978) nous décrit la relation qui existe entre l’efficience technique pure et l’efficience d’échelle par la relation suivante :

Avec :

SE : efficience d’échelle.

CRSTE : efficience technique

VRSTE : Efficience technique pure

Ce qui implique que

  • Identification des déterminants de l’efficience:

Pour cette deuxième étape de notre étude, nous allons utiliser la régression Tobit pour étudier l’impact des variables contextuelles et environnementales sur l’efficience technique obtenue lors de  la première étape de notre approche à « deux étapes » (Coelli, T.J et al.2005). Dans la littérature, différentes méthodes sont utilisées pour déterminer les facteurs environnementaux, cependant notre choix s’est porté sur la régression Tobit en raison de la censure de la variable dépendante. En effet la variable dépendante qui dans notre cas, est l’efficience technique est comprise entre 0 et 1, ce qui signifie que le score obtenus est une variable censurée ne pouvant ni dépassé 1 ni être en dessous de 0.

  • Données

Notre étude porte sur un échantillon de 35 compagnies d’assurances qui opèrent dans 11 pays de la région Mena. Le choix de notre échantillon a été impacté par l’indisponibilité des données relative à l’ensemble des assureurs de la région. Cependant, nous avons intégrer les compagnies d’assurances les plus influentes et les plus importantes en termes de quantités de primes émises de la région, ce qui représente plus de 70% de part de marché local de chaque pays. Par ailleurs, notre étude porte sur une durée qui s’étend sur 3 années, entre 2017 et 2019.  Les données utilisées ont été recueillis auprès des états financiers que nous avons obtenus grâce aux rapports d’activités annuels propres de chaque compagnie d’assurance. Concernant les données relatives aux conditions économiques que nous avons utilisées dans la deuxième étape de notre étude empirique, nous les avons obtenus à partir de la base de données de la banque mondiale.

  • Choix d’inputs et outputs

La mesure de l’efficience par la méthode d’analyse par enveloppement de Données (DEA) nécessite un nombre minimum d’inputs et d’outputs afin d’obtenir des résultats cohérents et éviter toute erreurs de mesure. En effet, Coelli, T.J. (1996) nous informe que le nombre minimum d’unités à évaluer doit être au moins 3 fois le nombre total des variables d’inputs et d’outputs choisis. Dans notre cas, nous avons choisi 4 inputs et 2 outputs, c’est-à-dire 6 variables au total. Ainsi le nombre minimum à inclure dans notre échantillon est de 18 unités. Notre échantillon est composé de 35 unités de production (DMU)  répartis dans 11 pays, ce qui implique que nous remplissons la condition relative au  nombre minimum requis d’observations.

Rappelons aussi que les compagnies d’assurances génèrent des revenus à partir des primes qu’elles émettent et des investissements qu’elles effectuent, ce qui explique ainsi les deux principales activités qu’exerce ces instituions financières,  à savoir l’émission de primes d’assurance et le placement d’une partie des fonds recueillis dans produits financiers. Cependant dans la littérature,  le choix des inputs et outputs est presque similaire dans la majorité des études, les auteurs considèrent que les ressources principales des assureurs se mesurent par la main d’œuvre, les capitaux ainsi que les charges d’exploitation, et les outputs par les primes émises et les revenus de placements. Par conséquent,  le choix des variables utilisées est sensible aussi  à la disponibilité des données. Pour notre cas, nous allons représenter les inputs sous deux catégories, le capital (Capitaux propres, immobilisations corporelles) et travail (réclamations nettes payées et charges générales et administratives). Quant aux outputs, le choix de ces derniers a été fait de manière naturelle tenant compte des deux principales activités d’une compagnie d’assurance. Pour notre cas, nous nous sommes inspirés des études antérieurs dans le choix des variables afin de mesurer l’efficience (Barros, C et al.(2005), Diacon, S.R(2002), Donni, O. (1997), Luhnen, M.(2009), Jalloudi, M.(2019)), voici le choix de nos variables :

Inputs : Capitaux propres, immobilisations corporelles, réclamations nettes payées, charges générales et administratives.

Outputs : Primes nettes émises, revenus de placements.

Le tableau [1] représente une description  des variables d’inputs et outputs utilisés pour notre étude :

Tableau [1]: Descriptions des inputs et outputs

Inputs
immobilisations corporelles Les bâtiments, les locaux, les bureaux, matériels et équipements.
Capitaux propres

 

Les ressources financières dont disposent les compagnies et les ressources détenues par les actionnaires, ainsi que les fonds à long termes servant de financement futures.
Réclamations nettes payées La rémunération des assurés ayant subis des sinistres au cours de l’année payées à partir des provisions techniques.
Charges générales et administratives Principalement les charges de mains d’œuvres
Outputs
Primes nettes émises Primes émises de la part des assurances sans tenir compte des primes de réassurances
Revenus net de placements Les bénéfices de placements et investissements financiers

Source : Elaboré par l’auteur

Les variables d’inputs et d’outputs des compagnies de l’échantillon sont toutes convertis en Dollars US (USD).

  • Variables explicatives

Les variables explicatives qui seront intégrés dans le modèle de régression représentent des caractéristiques spécifiques aux compagnies d’assurance, mais aussi à l’environnement économique dans lequel évoluent ces dernières.  Nous souhaitons dans cette deuxième étape complémentaire,  identifier les variables qui affectent l’efficience des compagnies d’assurances dans la région Mena. Nous avons ainsi choisis 9 variables explicatives dont 5 variables spécifiques qui concernent les caractéristiques de gouvernance et 3 variables macroéconomiques. Nous avons ainsi réussi à constituer des données relatives à la période qui s’étend entre 2017 et 2019, c.-à-d. sur une durée de 3 années.  Nous reprenons les variables explicatives sélectionnées afin de vérifier l’impact de celles-ci sur la variable à expliquer représentée par l’efficience technique :

  • Variables spécifiques : Taille, Propriété, Type, Taux de Réassurance, ROA (Ratio de rentabilité des actifs).
  • Variables environnementales : Chômage, Croissance économique (PIB), Inflation.
  1. Analyse empirique 
    • Résultat de l’analyse DEA

L’efficience technique que nous allons mesurer pour les compagnies d’assurances de notre échantillon porte sur une durée de 3 années (2017-2019). Cette période a été sélectionnée suite aux changements réglementaires qu’a subis le secteur de l’assurance dans la région, mais aussi à  l’augmentation des primes émises durant la période. Nous allons ainsi présenter dans le tableau suivant la moyenne des scores d’efficience technique obtenus selon la spécification VRS.

Tableau [2] : Efficience technique et efficience d’échelle moyennes des compagnies d’assurances de l’échantillon durant la période 2017-2019.

Année N° Compagnies CRSTE PTE SE Compagnies efficientes
2017 35 0,801 0,838 0,959 15
2018 35 0,811 0,851 0,952 13
2019 35 0,767 0,849 0,907 11

Source : Elaboré par l’auteur

Le tableau [2] nous résume le score d’efficience technique moyen obtenu pour chaque année de la période étudiée. Les résultats montrent en générale, que l’année 2018 est caractérisé par le score moyen d’efficience technique  le plus élevé avec 81.1% contre 80.1.% et 76.7 en 2017 et 2019. Cependant, les résultats nous montrent qu’il ya plus de compagnies efficientes durant l’année 2017 (15 compagnies). La décomposition de l’efficience technique nous montre aussi que les scores d’efficience d’échelle en moyenne sont plus élevés que les scores d’efficience technique pure, ce qui signifie que le score d’efficience technique à été motivé par l’efficience d’échelle que par l’efficience technique pure. Malgré cela, les résultats du score d’efficience d’échelle nous montre qu’il ya eu un léger ralentissement durant  la période étudiée passant de 95.9% en 2017 à 90.7% en 2019.

Nous allons présenter dans le tableau [3] les scores d’efficience technique moyens obtenus par chaque compagnie d’assurance de notre échantillon durant la période étudiée :

Tableau [3] : Score d’efficience technique moyenne et sa décomposition des assureurs durant 2017-2019

DMU TE PTE SE
1 1 1 1
2 0,810 0,848 0,957
3 0,899 0,913 0,985
4 0,679 0,762 0,886
5 0,693 0,740 0,935
6 0,829 0,867 0,956
7 0,927 0,999 0,928
8 0,857 0,870 0,986
9 0,774 0,795 0,969
10 1 1 1
11 0,909 0,957 0,950
12 1 1 1
13 1 1 1
14 0,784 0,803 0,976
15 0,601 0,898 0,693
16 0,602 0,617 0,977
17 0,629 0,658 0,957
18 0,546 0,563 0,972
19 0,543 0,718 0,804
20 0,723 0,731 0,988
21 0,811 0,872 0,924
22 1 1 1
23 0,956 1 0,956
24 0,531 0,552 0,964
25 0,754 0,760 0,993
26 0,686 0,713 0,963
27 0,699 0,740 0,947
28 0,766 0,792 0,970
29 0,589 0,619 0,950
30 0,941 1 0,941
31 1 1 1
32 0,919 1 0,919
33 0,815 0,897 0,909
34 0,722 0,930 0,779
35 0,759 1 0,759
Moyenne 0,793 0,846 0,940

Source : Elaboré par l’auteur

Les résultats détaillés des scores d’efficience technique des assureurs dans le tableau [3] nous montre que seulement 6 compagnies d’assurances représentées par les DMU : 1;10;12;13;22;31 ont pu garder un score un niveau d’efficience technique élevé de 100% durant les 3 années (2017-2019). Ces compagnies sont considérées comme les compagnies de référence pour l’ensemble des compagnies inefficientes. Parmi ces compagnies, nous citons Aksigorta (Turquie), Kuwait insurance company (Kuwait), Alrajhi insurance company (Arabie saoudite), Bupa Arabia (Arabie Saoudite), Qatar general insurance (Qatar). En effet, ces compagnies sont considérées comme  les meilleures pratiques du marché en termes de gestion des ressources. Cependant, nous constatons que les scores d’efficiences techniques varient en moyenne entre 53.1% (DMU 24) et 100%. Par conséquent, parmi les compagnies les moins efficientes de l’échantillon, nous retrouvons Dhofar assurance (Oman) avec 53.1%, First assurance (Jordanie) avec 54.3%, Star assurance (Tunis) avec 58.9%, Solidarity Bahrein assurance (Bahreïn) avec 60.1%… Ces dernières sont considérées comme des compagnies inefficientes caractérisées par une mauvaise gestion au niveau des ressources. Elles devront donc davantage diminuer leurs quantités d’intrants pour améliorer les niveaux d’efficiences techniques.

Par ailleurs, la décomposition de l’efficience technique nous informe qu’en générale, le score obtenu est plutôt motivé par l’efficience d’échelle (94%) que par l’efficience technique pure (84.6%). Cependant, pour améliorer le niveau d’efficience technique, les compagnies d’assurances inefficientes devront suivre les meilleures compagnies du marché en termes de pratiques managériales afin d’atteindre la frontière efficiente. Prenons l’exemple de DMU 35 (Wafa assurance), une compagnie d’assurance marocaine ayant obtenus un score d’efficience technique de 75.9%. La décomposition de ce score nous montre que la source principale d’inefficience est causée par l’inefficience d’échelle (75.9%) et non au score d’efficience technique pure qui lui, affiche un score de 100%, ce qui signifie que Wafa assurance gère efficacement ses ressources. Cependant, pour améliorer son efficience technique globale, Wafa assurance devrait plutôt se focaliser sur l’ajustement de sa taille pour réduire les quantités d’inputs de 24.1% (100-75.9=24.1%) tout en gardant les mêmes quantités d’outputs produites. Wafa assurance opère ainsi à une taille inadéquate et devrait davantage augmenter ou diminuer sa taille (en fonction des rendements d’échelles dont elle opère) pour atteindre une efficience d’échelle maximale de 100%.

Par conséquent, un score d’efficience technique pure bas signifie qu’une compagnie gère de manière inefficace ses ressources, tels est le cas de plusieurs compagnies parmi elles DMU 20 (Jordan insurance company). Cette dernière a obtenu un score d’efficience technique pure de 73.1%, ce qui signifie que Jordan insurance company devrait diminuer ses quantités d’intrants d’approximativement de 26.9% (100-73.1=26.9%) pour atteindre une efficience technique pure maximale et ainsi améliorer le score d’efficience technique globale. La différence entre les scores obtenus et les résultats souhaités s’appellent les marges d’améliorations ou « Slacks d’inputs » tels que définis par coelli, T.J et al.(2005).

Nous avons tenu à utiliser l’hypothèse VRS afin de connaître les sources d’inefficience des compagnies de l’échantillon. En effet,  l’inefficience d’échelle est une source d’inefficience technique causée principalement par des  tailles inadéquates permettant aux compagnies d’opérer à des rendements d’échelles inappropriés. Le tableau suivant nous résume le nombre moyen de compagnies affichant une inefficience d’échelle durant la période étudiée (2017-2019) :

Tableau [4] : Sources d’inefficience d’échelle durant la période 2017-2019

Année REC RED Totale
2017 9 9 18
2018 6 21 27
2019 6 22 28
Moyenne 7 17 24

Source : Elaboré par l’auteur

Avec :

REC : rendements d’échelle croissant

RED: rendements d’échelle décroissant

RECT : rendement d’échelle constant

Nous constatons en moyenne que les compagnies d’assurances avec une inefficience d’échelle  opèrent majoritairement à des rendements d’échelles décroissants (RED) tels est le cas des trois compagnies d’assurances marocaines qui font partie de notre l’échantillon (DMU 33, DMU 34, DMU 35). Cette situation de déséconomies d’échelle signifie que ces compagnies sont considérées comme trop large et devront davantage diminuer leur taille afin de pouvoir atteindre une taille optimale, leur permettant ainsi de réduire leurs consommations moyennes de ressources. Par conséquent, nous constatons qu’il existe des compagnies opérantes à des rendements d’échelle croissants (REC) tels est le cas de DMU 15 (Solidarity Bahreïn assurance) ou  de DMU 19 (First assurance Jordanie). Cette situation d’économie d’échelle signifie que les compagnies sont considérées comme trop petites. Ces dernières devront davantage penser à augmenter leur taille en s’associant à d’autres compagnies ou d’essayer de produire plus de quantités d’outputs.

  1. Déterminants de l’efficience

Dans certains cas, les inefficiences peuvent être justifiées et expliquées par des variables environnementales qui ne rentrent pas expliquée par les quantités d’inputs et d’outputs, et sont généralement hors de contrôle des gestionnaires. En effet, certains auteurs (Diacon, S.R.2002 ; Huguenin, J.M. 2013 ;Barros, C. et al.2005) expliquent que les conditions environnementales et spécifiques diffèrent d’une compagnie à une autre, ce qui peut expliquer la différence dans les niveaux d’efficiences constatées entre les différents assureurs de notre échantillon, malgré les efforts fournis en termes d’optimisation. Dans ce cas, une analyse des conditions environnementales sur les performances des assureurs de notre échantillon est nécessaire. Nous allons à présent, régresser le score d’efficience technique obtenus par la méthode DEA par des variables explicatives de nature environnementales. Puisque le score d’efficience technique est toujours compris entre [0, 1], nous allons utiliser la régression Tobit puisque le score d’efficience technique est censurée (compris entre 0 et 1).  Voici le modèle de régression retenue pour notre étude ainsi que la description des variables sélectionnées :

Avec :

  • : Score d’efficience technique.
  • Propriété : 1 pour une compagnie étatique et 0 pour une compagnie privée.
  • Type : 1 pour une compagnie d’assurance Takaful et 0 pour une compagnie conventionnelle.
  • Réassurance : le taux de primes léguées aux compagnies de réassurance.
  • ROA : le ratio de rendement de l’actif total, appelé aussi rendement économique.
  • Taille : mesurée par le logarithme naturel de l’actif total.
  • Branche : 0 pour une compagnie vie ou non vie et 1 pour une compagnie composite.
  • PIB : le taux de croissance économique annuelle de chaque Pays  (annuel : 2017 à 2019).
  • Chômage : le taux de chômage annuel de chaque pays (annuel : 2017 à 2019).
  • Inflation : le taux d’inflation de chaque pays (annuel : 2017-2019).

Nous présentons dans le tableau  suivant les variables explicatives quantitatives sélectionnées pour notre analyse économétrique ainsi que les statistiques descriptives de celles-ci.

Tableau [5] : Statistiques descriptives des variables quantitatives explicatives

Variables indépendantes quantitatives N° Obs. Moyenne Ecart-type Min Max
Taille 105 20,21 0,98 18,07 23,11
ROA 105 2,91 2,29 -10,6 19,39
Taux de réassurance 105 38,44 20,23 0,8 86
PIB 105 1,83 1,31 -4,71 7,502
Chômage 105 6,86 4,91 0,11 16,85
Inflation 105 3,91 4,25 -2,093 25,51

Source : Elaboré par l’auteur de l’article

Nous nous attendons à ce que la variable Taille ait un effet sur l’efficience technique des compagnies d’assurances. Dans certains cas, une taille adéquate par rapport à l’activité d’un assureur peut s’avérer bénéfique, puisqu’elle permet à ce dernier de bénéficier d’économies d’échelles. Dans d’autres cas,  la taille peut être un facteur qui n’influence pas l’utilisation des ressources. Pour cela,  nous avons choisi de mesurer l’effet de la taille sur l’efficience technique des assureurs de la région Mena, en représentant cette variable par le logarithme naturel de l’actif Total.

Par ailleurs, la réassurance est un moyen permettant de transférer la quantité de risques encourus par une compagnie d’assurance à un réassureur. Ce moyen de transfert peut s’avérer bénéfique si les quantités de risques encourus sont excessivement élevées par rapport aux capacités d’un assureur. Cependant, si un assureur arrive à gérer efficacement ses risques et les ressources qu’il emploie, il est donc plutôt préférable de diminuer le taux de réassurance et  de couvrir plus de risques. Nous allons ainsi tester l’impact de la réassurance représentée par le taux de réassurance (primes réassurances  Totale primes acquises) sur l’efficience des assureurs.

Nous allons vérifier aussi si la rentabilité économique à un lien avec l’efficience technique des assureurs de la région Mena. Nous allons ainsi représenter ce facteur par le ratio ROA.

Quant aux variables macroéconomiques choisis (PIB, Inflation, Chômage), nous allons tester si des conditions favorables de l’économie favorisent l’efficience technique des assureurs de la région.

Tableau [6] : statistiques descriptives des variables qualitatives explicatives

Variables indépendantes qualitatives N° Obs. Mode Freq. (0) % Freq. (1) %
Propriété 105 0 54 46
Type 105 0 81 19
Branche 105 1 17 83

Source : Elaboré par l’auteur

Le tableau [6] représente les variables indépendantes qualitatives que nous avons choisis de tester dans notre étude. Le tableau nous informe que 54% des assureurs de l’échantillon sont de nature privée. Par ailleurs 81% des compagnies sont de type conventionnelles et 19% de type Takaful. Finalement nous retenons que plus de 80% de l’échantillon sont des compagnies composites, c.-à-d. dire qu’elles sont spécialisées dans la branche vie et non-vie en même temps. Nous allons ainsi tester si ces trois paramètres ont une influence sur l’efficience technique des assureurs de notre échantillon.

  • Résultats de la régression 

Le tableau suivant présente les résultats de la régression Tobit qui illustrent l’effet des variables environnementales et spécifiques sur le score d’efficience technique.

Tableau [7] : Résultats régression Tobit

Variables TE
ROA 1.161***
Std.Err. (0.394)
PIB 1.087**
Std.Err. (0.761)
Chômage -0.440
Std.Err. (0.334)
Inflation -2.213***
Std.Err. (0.384)
TauxdeRéassurance -0.000218
Std.Err. (0.00240)
Taille 0.0739***
Std.Err. (0.0141)
Propriété -0.0161
Std.Err. (0.0300)
Type 0.169***
Std.Err. (0.0418)
Branche -0.00718
Std.Err. (0.0465)
Constant -0.770**
Std.Err. (0.311)
Observations 105
Uncensored 81
Left censored 0
Right censored 24
Standard errors in parentheses***p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1

Source : Elaboré par l’auteur

Les résultats obtenus dans le tableau [7] nous montre que  seulement 5 variables parmi 9 ont un effet sur l’efficience technique des compagnies d’assurance de la région Mena.

Suite aux résultats obtenus, nous constatons que la rentabilité économique représentée par le ratio ROA à un effet très significatif sur l’efficience technique des compagnies d’assurances de l’échantillon. En effet, une augmentation du taux de rentabilité favorise l’efficience technique des assureurs de la région étudiée. Rappelons que la rentabilité des actifs nous renseigne sur la manière dont une compagnie utilise ses ressources, et particulièrement des actifs pour engendrer des revenus. De ce fait, les résultats nous ont démontré que l’utilisation efficace des actifs totaux d’une compagnie influence positivement l’efficience technique globale des assureurs opérant dans la région Mena. L’étude de Diacon, S.R.(2001) et celle de Jaloudi, M.(2019) ont obtenues des résultats similaires.

Par ailleurs, les résultats nous affirment par ailleurs, que la taille d’une compagnie semble avoir un effet significatif sur l’efficience technique des assureurs de l’échantillon. En effet, les compagnies opérantes à des tailles adéquates peuvent avoir plus de chance d’améliorer les niveaux d’efficiences. Les compagnies de grandes tailles par exemple, peuvent bénéficier d’économies d’échelle et  peut affecter le cout moyen des inputs utilisées ou de minimiser les ressources pour la maximisation d’outputs. Les études de  Barros, C. et al.(2005) et Diacon S.R et al.(2002) affirment aussi l’effet positif de la taille sur l’efficience des assureurs.

D’autre part, le type d’assurance semble avoir un impact sur les niveaux d’efficience des compagnies d’assurances de la région. En effet, les compagnies d’assurances de type takaful semble être plus efficientes que les compagnies conventionnelles de notre échantillon. Les assureurs Takaful se caractérisent par un mode de fonctionnement et de gestion interne particulier qui semble être efficace par rapport au  mode de gestion des compagnies conventionnelles. D’un autre coté, les clients de la région semblent être attirés de plus en plus par les services que proposent les assureurs Takaful et les avantages qu’ils offrent, ce qui favorise en quelque sorte l’augmentation des primes émises par ces instituions islamiques. Nos résultats sont cependant contradictoires avec ceux d’Akhtar, M.H.(2018)[1] qui affirment qu’il n’y a aucune différence en terme d’efficience entre les assureurs takaful et conventionnelles en Arabie Saoudite.

Par ailleurs, les résultats relatifs à l’effet de la croissance économique nous révèlent que cette dernière influence positivement l’efficience des compagnies d’assurances de la région. En effet, une croissance économique positive stimule généralement l’activité économique, et contribue à la création de nouveaux emplois, à la diminution du taux de chômage, et à l’augmentation du pouvoir d’achat et l’augmentation de la consommation. Ce qui peut donc aboutir d’une manière générale, à l’augmentation de la production et ainsi aux  revenus des assureurs. Cependant, ces derniers devront prêter attention à l’utilisation excessive des ressources employées. La croissance économique doit être en mesure d’augmenter la demande pour les produits d’assurances et ainsi la maximisation des revenus sans pour autant aboutir à l’augmentation des coûts de la quantité de ressources. L’étude de Shaddady, A. (2021) confirme aussi la relation positive entre la croissance économique et l’efficience des assureurs dans la région Mena.

Par conséquent, les résultats nous ont dévoilés que l’inflation à un effet négatif sur l’efficience des assureurs de la région Mena. Ces résultats paraissent logiques puisque la hausse des prix peut avoir un effet direct sur le coût des facteurs de productions des assureurs qui se résument principalement aux indemnisations payés aux assurés lors des sinistres, en ajoutant aussi que le prix des primes émises perd sa valeur monétaire, que ce soit pour les primes d’assurances a court terme ou à long termes (assurance vie).Finalement nous pouvons constater qu’en période d’inflation, le pouvoir d’achat des consommateurs diminue, ce qui affecte la demande des  produits d’assurances. Les résultats de Shaddady, A. (2021) confirme aussi l’effet négatif de l’inflation sur l’efficience des assureurs de la région Mena.

De ce fait, nous pouvons constater que des conditions économiques favorables ont tendance à influencer positivement l’efficience des compagnies d’assurances de la région Mena.

Par conséquent les résultats nous ont dévoilés que le chômage n’a pas d’effet sur l’efficience des compagnies d’assurances. Concernant les caractéristiques de gouvernance spécifiques des compagnies d’assurances, il s’avère que la branche d’activité, la propriété, et le taux de réassurance n’ont pas d’effet sur l’efficience technique des assureurs de la région.

  1. Conclusion

Dans cet article, nous avons tenté de mesurer l’efficience des compagnies d’assurances de la région Mena dans un premier temps, et identifier les déterminants internes et environnementaux de l’efficience en second. Nous avons utilisé la méthode des « deux étapes » (Coelli, T.J.2005) combinant la méthode DEA et la régression Tobit. L’étude à utiliser des données de panel relatives à 35 compagnies d’assurances de la région Mena durant la période qui s’étend entre 2017 et 2019.

Les résultats de notre étude nous ont révélé que l’efficience technique durant la période étudiée à diminuer, passant de 80% en 2017 à 76%  en  2019. Cependant, l’année 2018 est celle qui affiche le score moyen  le plus élevé de la période avec 81%. Par ailleurs, nous avons constaté qu’il ya de grandes différences entre les scores d’efficience obtenus par les assureurs de l’échantillon, puisque nous avons enregistré des scores qui varient en moyenne entre 53% et 100% durant la période étudiée.

En analysant les scores en détail, seulement 6 compagnies parmi  35 ont pu atteindre et garder une efficience technique maximale durant toute la période étudiée. Ces compagnies sont considérées comme des références en termes d’efficacité managériales et se  situent ainsi sur la frontière efficiente telle que défini par Charnes, A. et al.(1957). Cependant en analysant les scores moyens de chaque année, nous avons constatée que seulement 15 compagnies ont pu atteindre une efficience technique pure de 100% en 2017, et seulement 13 et 11 compagnies respectivement en 2018 et 2019.

La décomposition de l’efficience technique selon Farell, M.(1957) permet de ressortir les sources d’inefficiences. Pour notre cas, la décomposition du notre score d’efficience technique moyen nous informe  que  le score d’efficience technique Pure moyen  est de 84.6% et celui de l’efficience d’échelle est de 94%. Cependant, le premier score nous signale que les compagnies d’assurances devront davantage fournir plus d’efforts en termes de pratiques managériales et principalement en termes d’optimisation des ressources, elles devront ainsi diminuer leur quantité de ressources en moyenne de 15.4% pour atteindre une efficience technique pure maximale (100%). Par conséquent, l’inefficience d’échelle est expliquée par  une taille inadéquate à laquelle opèrent certains assureurs. La décomposition de l’efficience d’échelle à son tour, nous a permis de ressortir les causes spécifiques qui expliquent l’inefficience d’échelle constatée de certains assureurs de l’échantillon. En générale, les assureurs de la région opèrent à des rendements d’échelles décroissant (RED), c.-à-d. qu’ils se caractérisent par une taille trop large créant ainsi une situation de déséconomies d’échelle. Ces assureurs devront davantage diminuer leur taille afin de bénéficier d’une réduction des couts et des quantités des ressources employées. Il faut aussi ajouter que certaines compagnies se caractérisent par un taille très petites et donc fonctionnent à des rendements d’échelle croissant (REC), ce qui ne leur permet pas de profiter d’une échelle optimale, elles devront donc s’agrandir par le biais des fusions, ou d’augmenter le niveau de production.

La deuxième partie de notre étude nous a permis d’identifier les déterminants qui affectent l’efficience technique des assureurs de notre échantillon. Ainsi, les résultats de notre régression Tobit nous ont indiqué qu’il ya une corrélation positive entre l’efficience technique et la rentabilité (ROA). Par ailleurs, notre modèle économétrique nous a informés aussi qu’il y a une relation entre la taille et l’efficience. En effet une taille adéquate (ni trop grande, ni trop petite) à tendance à favoriser les performances des compagnies de manière positive et ainsi à agir sur l’efficience technique des assureurs. Le troisième déterminant interne est lié au type d’assureurs, les résultats affirment que les assureurs Takaful sont plus efficients que les compagnies conventionnelles dans la région Mena. Finalement, les résultats de la  régression à démontrer que la croissance économique et l’inflation ont une influence sur l’efficience technique des assureurs de la région Mena. Les résultats affirment qu’une croissance économique positive favorise l’amélioration des niveaux d’efficiences. Quand a l’inflation, nous avons constaté que la hausse des prix un impact direct sur la hausse des coûts des facteurs de productions des assureurs,  principalement sur les indemnisations des assurés en cas de sinistres.

  1. Bibliographie
  • Ali Shaddady, 2022. “Business environment, political risk, governance, Shariah compliance and efficiency in insurance companies in the MENA region,” The Geneva Papers on Risk and Insurance – Issues and Practice, Palgrave Macmillan;The Geneva Association, vol. 47(4), pages 861-904, October.
  • Banker, R.D., Charnes, A. and Cooper, W.W. (1984).Some models for Estimating Technical and Scale Inefficiencies in Data Envelopment Analysis, Management Science 30: 1078–1092.
  • Barros, C., Barroso, N., and Borges, M. (2005). Evaluating the Efficiency and Productivity of Insurance Companies with a Malmquist Index: A Case Study for Portugal.
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  • Charnes, A., Cooper, W.W., & Rhodes, E. (1978). Measuring the efficiency of decision making units. European Journal of Operational Research, 2, 429-444
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  • Coelli, T. J. (1996). A Guide to DEAP version 2.1: A data envelopment analysis (Computer) Program. Centre for Efficiency and Productivity Analysis (CEPA), CEPA Working Paper n° 8/96.
  • Diacon, S. (2001). The Efficiency of UK General Insurance Companies: Centre for Risk & Insurance Studies, Worshipful Company of Insurers Professor of Insurance Management, CRIS Discussion Paper Series.
  • Diacon, S.R., Starkey, K. and O’Brien, C.O. (2002). Size and efficiency in European long-term insurance companies: An international comparison », Geneva Papers on Risk and Insurance 27: 444–466.
  • Donni, O., Fecher, F. (1997). Efficiency and Productivity of the Insurance Industry in the OECD Countries. Geneva Pap Risk Insur Issues Pract 22, 523–535.
  • Eling, M., Kochanski, M. (2013). Research on lapse in life insurance: What has been done and what needs to be done? The Journal of Risk Finance 14 (4): 392–413.
  • Farrell, M.J. (1957). Measuring productive efficiency. Journal of the Royal Statistical Society, Series A, P241-271.
  • Huguenin, J-M. 2013. Data Enveloppment Analysis (DEA): Un guide pédagogique à l’intention des décideurs du secteur public. IDHEAP, cahier 278/2013.
  • Jaloudi, M.M.(2019). The efficiency of Jordan insurance companies and its determinants using DEA, slacks, and logit models. Journal of Asian Business and Economic Studies, Vol. 26 n° 1, p. 153-166.
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Annexes

Liste des compagnies d’assurances étudiées :

DMU NOM
1 Aksigorta
2 Turkiye sigorta
3 Mapfree
4 ADNIC
5 Al Ain Ahlia
6 Dubai Insurance Company
7 Orient assurance PJSC
8 Al Ahleia Kuwait
9 Warba insurance Kuwait
10 Kuwait insurance company
11 Twauniya Saudi Arabia Takaful
12 Alrajhi insurance Takaful
13 Bupa arabia S.A Takaful
14 Medgulf cooperative KSA
15 Solidarity Bahraïn insurances
16 GIG Bahrein
17 Bahraïn National Holding
18 Arab orient jordanie
19 First Insurance Jordanie
20 jordan Insurance company
21 Doha insurance company Qatar
22 Qatar General Insurance
23 Qatar Insurance group QIC
24 Dhofar Insurance Oman
25 Al Madina Takaful Oman
26 National Life and General Ins Oman
27 Comar Assurance Tunis
28 Gat Assurances Tunis
29 Star Assurance Tunis
30 Misr insurance Company
31 Suez Canal Insurance (Egypt)
32 GIG Egypt
33 Atlanta Maroc
34 Saham Assurance
35 Wafa Assurance

[1] Akhtar, M. H. (2018). Performance analysis of Takaful and conventional insurance companies in Saudi Arabia. Benchmarking: An International Journal, 25(2), 677–695. doi:10.1108/bij-01-2017-0018

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