Research studies

Les défis de la protection sociale des migrants, réfugiés et leurs enfants au Maroc

 

Prepared by the researcher  : SERRHINI Hanane – Enseignante à l’École Supérieure de Technologie de Meknès – Université Moulay Ismail de Meknès

Democratic Arabic Center

Journal of African Studies and the Nile Basin : Twenty-fourth Issue – January 2024

A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin

Nationales ISSN-Zentrum für Deutschland
ISSN  2569-734X

Journal of African Studies and the Nile Basin

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Résumé

Cet article vise à lever le voile sur une problématique complexe qui concerne une population vulnérable au Maroc. Il s’agit des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile qui en dépit des efforts du pays dans le domaine de la régularisation de leur statut administratif en 2014 et 2016, leurs conditions de vie sont critiques et leur accès aux droits fondamentaux restent limités à cause de nombreux obstacles. Des organisations internationales, des ONG et d’autres acteurs ne cessent de dénoncer leur situation et revendiquent une protection effective de leurs droits et libertés fondamentales.

Abstract 

  This article aims to lift the veil on a series of complex issues facing refugees and asylum seekers in Morocco.

Despite the country’s efforts to regularise their administrative status in 2014 and 2016, the living conditions of refugees and asylum seekers are critically low and their access to fundamental rights remain fraught, due to numerous obstacles. International organisations, NGOs and other stakeholders continue to denounce their situation and demand urgent protection of their fundamental rights and freedoms.

Introduction

Les droits et les libertés fondamentales sont reconnus à tous les individus avec égalité et sans discrimination. Cela est confirmé par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui prévoit à tous, la jouissance des droits et des libertés sans distinction de nationalité, d’origine, de race, de couleur, etc.

En effet, les personnes en situation de déplacement de leurs pays d’origine, appelés migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, selon les causes de leurs mobilités, devraient bénéficier d’une protection effective en vertu du droit international humanitaire, et cela tout au long du processus migratoire, notamment depuis le pays d’origine passant par les pays de transit jusqu’au pays d’installation provisoire ou permanente. Les États d’accueil sont tenus de favoriser leur intégration pour les protéger contre l’exclusion sociale. Cette dernière ne pourra que renforcer leur marginalisation.

A ce propos, un discours raciste présentant négativement les migrants irréguliers et incitants à la violence à leur égard via les médias et les réseaux sociaux ne contribuerait qu’à accroître les risques de propagation de la haine, de la méfiance et de la stigmatisation dans la société.

Par ailleurs, le traitement équitable des tous les étrangers sur un territoire donné est pris en compte selon qu’on est ressortissant d’un pays en développement ou non. La situation s’aggrave pour ceux arrivant ou résidant en situation administratives irrégulière dans le pays d’accueil appelés aussi « clandestins » ou « sans papiers » « migrants illégaux ». C’est le cas des personnes migrantes, réfugiées et des demandeuses d’asile en provenance des pays d’Afrique subsaharienne et du Moyen orient sur le territoire marocain.

Le Maroc, accueille un nombre important de migrants et réfugiés qui se retrouvent en situation irrégulière en application du droit interne du pays, soit en pénétrant dans le territoire marocain sans passer par les voies légales et avoir fait l’objet d’enregistrement auprès des autorités compétentes du contrôle des frontières terrestres, aériennes ou maritimes ou après l’expiration de la date de leurs titres de séjours ou visa d’entrée au Maroc.

La situation et les conditions de vie de ces personnes sont critiquées du fait du non-respect de leurs droits et libertés, principalement leur accès à la santé, au logement, à la justice, au travail et aux services sociaux de base. [1]

Cet article essaye de montrer que l’accès des migrants irréguliers, réfugiés et demandeurs d’asile à leurs droits fondamentaux au Maroc est fortement conditionné par un certain nombre d’exigences, de considérations et d’obstacles.

 Il s’agit bien évidement d’exposer selon une approche analytique et descriptive les exigences juridiques d’entrée, de séjour sur le territoire marocain (I.) et dans un second les obstacles que rencontrent ces personnes pour bénéficier de leurs droits et libertés (II.).

L’étude se focalise sur l’analyse de plusieurs rapports nationaux et internationaux en matière de revendication des droits des migrants et refugiés au Maroc. Ces rapports qui ne cessent de dévoiler la précarité de la situation et des conditions dans lesquelles vivent de nombreux immigrés, réfugiés, demandeurs d’asile et leurs enfants particulièrement ceux en attente de transiter vers l’Europe. Leurs droits économiques, sociaux et culturels sont insuffisamment protégés.

  1. Les exigences juridiques

L’entrée, le séjour et l’accès à l’emploi au Maroc requièrent plusieurs conditions et exigences, C’est ainsi qu’il nous parait utile d’analyser dans un premier lieu les différentes mesures juridiques qui limitent l’entrée et le séjour au Maroc (A.). Et dans un second les condamnations qu’encourent les migrants en situation administrative irrégulière et toute personne impliquée pour facilitation de ce genre d’immigration (B.)

  1. Des conditions d’entrée et de séjour sur le territoire marocain restrictives

Les entrées, les sorties ainsi que l’établissement des personnes sur le territoire marocain sont règlementées par la loi 02-03 et son décret d’application n° 2-09-607[2]. Cette loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulière prévoit que la personne étrangère est identifiée, dès son entrée ou débarquement sur le territoire marocain, á partir de l’élément de la nationalité. La loi exige des documents d’identités valides tels que le passeport et le titre de voyage ainsi que le visa marocain. Toutefois, des ressortissants de certains pays sont exemptés de disposer de visa. Il s’agit des ressortissants originaires des pays de l’UE, de certains pays arabes et d’Amérique du Nord ainsi que certains pays d’Afrique subsaharienne notamment le Sénégal, le Mali, la côte d’ivoire, le Cameroun, le Gabon, le Niger, Congo Brazzaville.

Cette exemption ne les exclus pas désormais de présenter les raisons et les motifs de leurs séjours au Maroc. En effet, l’étranger doit justifier son intention d’existence et qu’il dispose de moyens financiers suffisants. Il concerne les visiteurs, les étudiants et/ou toute personne désirant exercer une activité commerciale ou professionnelle au Maroc. Pour ces derniers, s’ajoutent en plus de l’exigence de la nationalité pour occuper certaines fonctions, une autorisation de l’autorité gouvernementale chargée du travail ainsi qu’un certificat médical attestant l’aptitude physique.[3] En effet, ces exigences compliquent l’accès des migrants et réfugiés à l’emploi au Maroc, c’est ainsi que la plupart d’entre eux se retrouvent en chômage et n’ont qu’à recourir à la mendicité ou au travail informel. Bien que ces dernières questions soient malheureusement justifiées par le taux de chômage élevé au Maroc, qui a atteint 12,8% au premier semestre de l’année 2023 selon le Haut-Commissariat au Plan, et par la dominance de l’activité informel qui occupe environ 80% de l’économie marocaine.

Il en est de même, de l’octroi ou du renouvellement de la carte de résidence. Cette dernière est soumise à des conditions restrictives voir dissuasives. Bien qu’elle ne concerne que des cas bien précis par les articles 16 et 17 la loi 02 -03 notamment les réfugies, les conjoints et les enfants des étrangers y compris les enfants apatrides. Ces personnes doivent justifier qu’ils résident d’une manière permanente sur le territoire marocain depuis au moins quatre ans.

Ces exigences juridiques ainsi que les procédures administratives sont complexes. Cela décourage les personnes migrantes et les réfugiés de régulariser leurs situations administratives auprès des autorités marocaines et les induit à être en position irrégulière.

Il est à noter que selon des ONG, la possession de titre de séjours ou même d’un récépissé du HCR ne protège pas les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés des arrestations ou des expulsions menées de temps á autres par les autorités sécuritaires marocaines.

« Ces arrestations n’épargnent même pas les migrants ayant des cartes de séjour légales, ce qui contredit le discours officiel et met à nu la politique dite de régularisation y compris des femmes qui peuvent être enceintes avec leurs enfants en contravention de la loi 02-03. »[4].

Toutes ces règles et normes sont jugées draconiennes[5] en raison premièrement de la situation et des conditions que vit un nombre important de migrants en situation administrative irrégulière et deuxièment des sanctions diverses et coercitives auxquelles ils font face.

  1. Des sanctions diverses et répressives

Un dispositif de sanctions est à l’encontre des personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire marocain. Il est d’ordre administratif et pénal[6]. Lorsque l’acte migratoire se fait d’une manière illégale en présence d’éléments matériels graves, tels que le trafic illicite de migrants, l’exploitation, la traite des êtres humains, dans ce cas, les peines de prison peuvent aller d’un à six mois, et les amendes variant de 2 000 à 30 000 dirhams (DH).

S’agissant des personnes physiques ou morales impliquées dans les affaires de la migration clandestine, tels que les transporteurs, les agents et les employés administratifs, les sanctions peuvent aller de 6 mois à 15 ans de prison, assorties d’amendes de 50 000 à 500 000 DH, ainsi que la confiscation des moyens utilisés. Les peines s’aggravent selon le genre et l’intention du transporteur (habituel, momentané, maritime, terrestre, aérien) et les conséquences et dommages causés, notamment les décès et les incapacités.

En ce qui concerne les sanctions administratives qui visent à interdire ou à expulser les migrants en situation administrative irrégulière sur le territoire marocain, elles sont principalement : la reconduite à la frontière, l’expulsion et e la mise en résidence surveillée.

Pour la première sanction, il s’agit selon l’article 21 de la loi 02-03, d’une mesure qui peut être ordonnée soit à l’étranger qui ne peut justifier son entrée régulière ou à celui qui s’est maintenu sur le territoire marocain après l’expiration de son visa ou encore à celui à qui la carte d’immatriculation ou la carte de séjour a été retirée.

La décision de reconduite à la frontière peut être assortie d’une décision d’interdiction du territoire. Dans ce cas, l’étranger a le droit d’être assisté par un interprète. Toutefois, ce droit à l’instar d’autres droits tels que la notification et l’assistance d’avocat ne sont généralement pas respectés.[7]

Quant á la deuxième et la dernière sanctions, elles visent l’étranger dont la présence constitue une menace à l’ordre public ou à la sûreté de l’État. La loi 02-03 prévoit dans son article 34 des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour maintenir les étrangers pendant le temps nécessaire à leur départ. L’étranger est informé de ses droits immédiatement après son transfert dans ces locaux.[8]

Ces dispositions sont néanmoins critiquées par la société civile du fait que les autorités administratives marocaines abusent des motifs du respect de l’ordre publique et de la sureté de l’État dans leurs décisions à l’égard des migrants et réfugiés subsahariens au Maroc en ce qui concerne l’éloignement, l’expulsion ou le maintien dans des centres de rétentions.

Il est préoccupant de constater que les démarches d’arrestations, d’enfermements et d’expulsions des personnes migrantes et réfugies au Maroc se font sans respect des normes et procédures légales. Du fait que malgré les dispositions juridiques en vigueur qui exemptent certaines catégories de personnes de ces procédures, telles que les personnes régularisées, les femmes enceintes, les réfugiés et les mineurs, de nombreux individus de ces groupes sont arrêtés et éloignés du territoire sans respect de leurs droits fondamentaux. Cela soulève des inquiétudes quant à la mise en œuvre effective des lois et des politiques, ainsi que la protection des droits humains. [9]

  1. Les difficultés d’accès aux droits pour les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile

Les personnes migrantes au Maroc trouvent plusieurs difficultés pour bénéficier de leurs droits de bases, tels que le logement, l’accès à la santé et à la justice.

  1. La précarité au niveau du logement

Au sens large, le logement est un droit dont tout individu doit bénéficier pour qu’il puisse vivre en sécurité, en paix et en dignité et pas seulement un toit au-dessus de sa tête. Il est d’une importance capitale pour pouvoir jouir de tous les autres droits notamment économiques, sociaux et culturels.

« Le droit à un logement suffisant s’applique à tous. (…) les individus, comme les familles, ont droit à un logement convenable sans distinction d’âge, de situation économique, d’appartenance à des groupes ou autres entités, ou de condition sociale et d’autres facteurs de cette nature »[10].

Le Maroc connait des insuffisances dans le domaine d’hébergements des personnes vulnérables notamment l’absence de centres d’accueils et de structures d’hébergements pour les réfugiés, les demandeurs d’asile et les mineurs non accompagnés. Ces derniers se retrouvent face à de grandes difficultés pour trouver un logement décent.

A l’instar du coût des locations estimées élevé pour ces personnes, les demandes de location ou de conclusion de contrat de bail sont souvent rejetées par les propriétaires de logement. Pour différents motifs tels que la crainte de la cohabitation avec plusieurs personnes sous le même toit, l’inquiétude suscitée par les visites fréquentes d’amis et de proches, les difficultés financières des locataires pour honorer les loyers, la méfiance profonde envers les migrants connus par leur forte mobilité.

Il est incontestable que, le contrat de bail constitue un vrai empêchement pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile pour entamer presque toutes leurs procédures administratives. Du fait qu’elle est une pièce maitresse pour l’obtention du certificat de résidence. Ce dernier est nécessaire pour l’obtention ou le renouvèlement de tous les documents d’identité notamment la carte de séjour et le passeport.

Ces obstacles s’amplifient par le manque de moyens financiers à cause du chômage, de leur vulnérabilité et du manque d’aides sociales à leurs égards. C’est ainsi que plusieurs migrants, réfugiés et demandeurs d’asile rejoignent leurs proches et amis dans l’occupation des lieux abandonnés et des campements faits de bâches en plastique comme c’est le cas de la gare d’Oulad Ziane à Casablanca et des forêts auprès des deux enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla.

  1. Le dysfonctionnement au niveau de la santé

La santé est un droit supposé être garanti à toute personne indépendamment de son statut administratif, sa nationalité́, sa religion, son sexe, ou son appartenance ethnique ou politique en vertu du droit international. A cet effet, et dans le but d’améliorer les conditions d’accueils des personnes migrantes à la sante, le ministère tutelle a pris plusieurs initiatives notamment deux circulaires en 2003 et 2008 et un règlement intérieur des hôpitaux en 2011. Ces textes juridiques leur prévoient la gratuite des prestations.[11]

Cependant, les migrants en situation irrégulière, les réfugiés et les demandeurs d’asile restent parmi les populations les plus vulnérables et qui trouvent plus de difficultés pour accéder aux soins de santé. D’après l’OIM, le risque d’être atteint de maladie et/ou de troubles psychologique est plus élevé chez la population migrante à cause des conditions ou vivent ces individus. Le fait de subir différentes formes de stress, d’exploitation et de violence ainsi que le manque d’hygiène et d’alimentation, depuis leurs pays d’origine jusqu’au pays de destination, [12]ont des répercussions sur leur état de santé physique et mentale.

Au Maroc, les principaux obstacles administratifs ou socioéconomiques auxquels se heurte la population migrante pour accéder aux services de santé sont :

  • Les barrières de la langue constituent des obstacles tant du côté des migrants et des réfugiés que du côté du personnel des services de la santé. Ces derniers ne sont pas toujours sensibilisés ni adaptés sur le plan culturel et linguistique pour répondre convenablement à leurs besoins ;
  • Les barrières géographiques notamment la présence de certains groupes de migrants dans des zones éloignées, telles que des forêts, des camps isolés, éloignés des centres hospitaliers, engendre des défis majeurs pour répondre à leurs besoins ;
  • L’accès limité à la couverture médicale du fait des difficultés rencontrées pour accéder au Régime d’Assistance Médicale (RAMED) ;[13]
  • L’ignorance des droits et la méconnaissance des structures de santé et des moyens de transport d’urgence contribuent à la détérioration de la santé des migrants ;
  • L’information fallacieuse qui circule entre les migrants qui déforment la réalité des services de santé au Maroc, notamment en ce qui concerne l’accueil qui leur est réservé ;
  • Le sous-provisionnement de certains centres hospitaliers et particulièrement de proximités en médicaments.  Ces centres sont mal dotés en médicaments et ne prennent pas suffisamment en compte les besoins spécifiques de la population migrante concentrée dans des quartiers marginalisés. Par conséquent, les ordonnances demeurent à la charge des patients migrants qui, en raison de leur précarité, se retrouvent dans l’incapacité de les acheter ;
  • La non possession des documents d’identité tels que la carte de séjour ou le certificat de résidence entrave l’accès aux soins de santé, même en cas de situations graves ;
  • Les services de santé dans certains centres hospitaliers sont jugés exagérés comme celles de retenir une pièce d’identité du malade migrant ou de son compagnon jusqu’au recouvrement des factures.

Ces obstacles sont exacerbés par les dysfonctionnements du système de santé au Maroc, caractérisés par des insuffisances dans la gestion des ressources, les pratiques du personnel, la complexité des structures, la bureaucratie lourde et l’évolution des besoins des usagers. [14] Malgré les efforts du ministère de la Santé pour améliorer la qualité des services, des problèmes persistants affectent tant les Marocains que les étrangers, privant notamment des milliers de personnes gravement malades de l’accès à des soins d’urgence, notamment dans les forêts avoisinantes des enclaves de Ceuta et Melilla.

  1. Les défis d’accès à la justice

L’accès à la justice est un droit fondamental qui permet à chaque individu de recourir devant les autorités compétentes pour défendre ses droits et intérêts. Les articles 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que l’article 18 de la convention des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille soulignent l’égalité de tous devant la justice.[15] Il en est de même pour la constitution marocaine du 1er juillet 2011, qui consacre le droit universel à ester en justice tout en garantissant l’égalité,[16] l’équité et la gratuité pour tous ceux ne disposent pas de ressources suffisantes. Toutefois, malgré cet engagement juridique, l’accès à la justice reste un grand défi pour les migrants et réfugiés au Maroc.

En effet, outre les barrières culturelles, linguistiques et financières, les migrants font face à plusieurs difficultés pratiques pour accéder à la justice.

 Il s’agit d’un côte, de la méfiance de s’approcher aux autorités judicaires par crainte d’être repérés et expulser vers leurs pays d’origine. Cette méfiance résulte de leur situation administrative irrégulière et de la non possession des documents d’identité.

D’un autre côté, de nombreux migrants, malgré les actes de violence, d’abus, d’agression et de racisme dont ils sont victimes, ne portent pas de plaintes au niveau des autorités compétentes, en raison de la peur et de la compréhension limitée de leurs droits. Ces lacunes en matière d’informations pour cette population déjà marginalisée les rendent plus vulnérable.

Par ailleurs, des défis majeurs accentuent leur réticence à engager des procédures judiciaires, il s’agit de la complexité́ de ces procédures et de leur lenteur ainsi que de leur coût élevé pour des migrants démunis de ressources et qui souhaitent être assistés par un conseil juridique notamment un avocat et un interprète. ainsi que l’obstacle de la langue officielle, en l’occurrence l’arabe utilisée devant les tribunaux et  dans la rédaction des procès-verbaux complique souvent la situation de ces personne en migration. Tous ces facteurs rendant l’accès des migrants à la justice difficile et renforcent les inégalités devant la loi.[17]

Conclusion

Le chantier de la protection sociale au Maroc reste un grand défi devant des problématiques majeures qui sont liées à des structures sociales au niveau de l’accès aux services de base tels que l’éducation, la santé, le logement et l’emploi. L’absence de protection sociale expose la population à la pauvreté, aux inégalités et à l’exclusion sociale tout au long du cycle de vie et constitue donc un obstacle majeur au développement économique et social

En effet, selon le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE, 2018), le système de protection sociale au Maroc est marqué par son incapacité à protéger tous les citoyens y compris les groupes vulnérables.

Les migrants et réfugiés sont classifiés dans les catégories des personnes en situation difficile. Ils font face aux risques accrus. Leurs conditions de vies sont marquées par l’exclusion sociale à cause de l’absence de soutien familial, d’assistance sociale, de la précarité dans le logement et de la vulnérabilité économique à cause du chômage et du travail informel.

Ils tentent de survivre par leurs propres moyens, notamment par des transferts d’argent que leur font parvenir les familles restées dans le pays d’origine ou en faisant recours à la mendicité à ou à l’aide communautaire qu’offre chaque groupe de nationalité à ses compatriotes.

Personne ne peut nier, les efforts louables du Maroc afin de répondre aux besoins de ces personnes et leurs enfants notamment la régularisation de près de 50.000 migrants irréguliers et 5.000 réfugiés syriens ainsi que  l’élaboration de la stratégie National d’Immigration et d’Asile en 2014. Cependant, le bilan de cette stratégie reste dérisoire et leur situation est devenue critique.

À cet égard, plusieurs questions ont été soulevées dans le compte rendu du comité des Nations Unies pour la protection des droits des travailleurs migrants (le 28 Mars 2023, en examinant le rapport périodique du Maroc sur la mise en œuvre de la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille).

Le comité a mis l’accent sur plusieurs aspects concernant les droits fondamentaux de la population migrante sur le territoire marocain et particulièrement ceux liés aux conditions de vie et au respect du droit du travail, ainsi que la possibilité de bénéficier d’une assistance juridique telle que la défense et l’accès à un interprète.

Bibliographie

– La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies le 18 décembre 1990. Dahir n° 1-93-317 du 1er ramadan 1432 (2 août 2011), publié au Bulletin officiel n° 6018 du 9 rabii I 1433 (2-2-2012).

– La Convention n° 97 concernant les travailleurs migrants (révisée) 1949 ratifiée par le Maroc en juillet 2014, par Dahir n° 1-14-119 du 10 ramadan 1435 portant promulgation de la loi n° 81-13 portant approbation de la convention n° 97. Et publié dans le Bulletin Officiel n° 6280 du 10 chaoual 1435 (7-8-2014).

– Décret n°2-09-607 d’application de la loi sur l’entrée et le séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration Irrégulières. adopté le 1er avril 2010. Bulletin officiel. n°5836 du 6 mai 2010 publiant le

– Le Conseil Economique, Social et Environnemental « Rapport La protection sociale au Maroc Revue, bilan et renforcement des systèmes de sécurité et d’assistance sociales », Auto-Saisine 34/2018.

https://www.cese.ma/media/2020/10/Rapport-La-protection-sociale-au-Maroc.pdf

– Le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille en examinant le rapport périodique du Maroc sur la mise en œuvre de la Convention le 29 Mars 2023.

https://www.ungeneva.org/fr/news-media/meeting-summary/2023/03/dialogue-morocco-experts-committee-migrant-workers-commend

– L’Organisation International du Travail, « Rapport mondial sur la Protection Sociale 2017-2019 : Protection Sociale Universelle pour atteindre les objectifs de développement durable », OIT.

– Le Rapport Banque mondiale, 2019. http://pubdocs.worldbank.org/en/554211570642867929/FR-mpo-am19-morocco.pdf

– L’OMS « État de la santé dans la région africaine de l’OMS : analyse de la situation sanitaire, des services et des systèmes de santé dans le contexte des objectifs de développement durable », OMS, Bureau régional de l’Afrique, 2018.

https:// creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/igo

– CNDH, Rapport : Etrangers et droits de l’Homme au Maroc: pour une politique d’asile et d’immigration radicalement nouvelle, CNDH, juillet 2013, 16p. https://www.ohchr.org/Documents/Issues/SRMigrants/submissions/Morocco- NHRI_Annex3_Submission_GA-Report.pdf

 – L’Association Marocaine des Droits de l’Homme « Rapport : La tragédie au poste frontalier de Bario Chino : Un crime ignoble des politiques migratoires européennes, espagnoles et marocaines » AMDH Nador. 20/07/2022.

– L’AMDH « Migration et Asile à Nador : De Graves Violations Au Service Des Politiques Migratoires Européennes », 2019.

– L’AMDH « La situation des migrants et des réfugies à Nador en 2018 » Rapport Nador, 2019.

– L’UNESCO « le refoulement », Unesco, 2019.

http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/themes/international- migration/glossary/refoulement/.

– GADEM « Le cadre juridique relatif à la condition des étrangers au regard de l’interprétation du juge judiciaire et de l’application du pouvoir exécutif »,2009.

-GADEM « Rapport Zone d’Attente Maroc : Anafé, GADEM », GADEM, 2017.

-AMDH, Nador « Rapport Migration et Asile à Nador : De Graves Violations Au Service Des Politiques Migratoires Européennes Année 2019 ». AMDH, 2019.

– ALIANZA POR LA SOLIDARIDAD, « Des voix qui s’élèvent : Analyse des discours et des résistances des femmes migrantes subsahariennes au Maroc » , Alianza por la solidaridad, décembre 2018.

https://www.alianzaporlasolidaridad.org/wp- content/uploads/ Des-voix-qiu-selevent.pdf

– PLATE NATIONALE DE PROTECTION DES MIGRATION(PNPM), « Etat des lieux de l’accès aux services pour les personnes migrantes au Maroc : Bilan, perspectives et recommandations de la société civile », 2018

disponible sur le site web de la PNPM : http://www.pnpm.ma

– PNPM « Assises Marocaines des Organisations de la Société Civile Actives en Soutien aux Personnes Migrantes: Compte Rendu, 2018 » , PNPM, 2018. Disponible sur : http://www.pnpm.ma/

– PNPM « Blocage des avis de naissance des nouveau-nés par faute de règlement des factures »,PNPM, 2017. Disponible sur : http://www.pnpm.ma/

[1] Voir le compte rendu du Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui a examiné le rapport périodique du Maroc sur la mise en œuvre de la Convention le 29 Mars 2023.

https://www.ungeneva.org/fr/news-media/meeting-summary/2023/03/dialogue-morocco-experts-committee-migrant-workers-commend

[2] Décret n° 2-09-607 du 15 rabii II 1431 (1er avril 2010) pris pour l’application de la loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières. Bulletin officiel n° 5836  du 21 joumada I 1431 (6 mai 2010).

[3] L’article 516 du Code du Travail stipule que « tout employeur désireux de recruter un salarié étranger doit obtenir une autorisation de l’autorité gouvernementale chargée du travail » et que « l’autorisation peut être retirée à tout moment par l’autorité gouvernementale chargée du travail ». Ce même article prévoit également que « cette autorisation soit accordée sous forme de visa apposé sur le contrat de travail ».

[4] AMDH, Nador « Rapport Migration et Asile à Nador : De Graves Violations Au Service Des Politiques Migratoires Européennes Année 2019», AMDH Nador.

[5] GADEM « Le cadre juridique relatif à la condition des étrangers au regard de l’interprétation du juge judiciaire et de l’application du pouvoir exécutif », 2009.

[6] Ces sanctions sont prévues par le code pénal (articles 317 et 325) et par la loi 02-03 (chapitre VIII : dispositions pénales ; articles de 42 à 56).

[7] GADEM, op.cit.

[8] Article 34 de la loi 02-03 « Peut être maintenu, s’il y a nécessité absolue, par décision écrite et motivée de l’administration, dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l’étranger qui : 1 – n’est pas en mesure de déférer immédiatement à la décision lui refusant l’autorisation d’entrer sur le territoire marocain ; 2 – faisant l’objet d’une décision d’expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire marocain ; 3 – devant être reconduit à la frontière et qui ne peut quitter immédiatement le territoire marocain. L’étranger est immédiatement informé de ses droits, par l’intermédiaire d’un interprète. Le cas échéant. Le procureur du Roi est immédiatement informé. Les sièges des locaux visés au présent article et les modalités de leur fonctionnement et de leur organisation sont fixés par voie réglementaire ».

[9] « Ces déportations forcées constituent une grave atteinte aux droits des migrants et demandeurs d’asile : elles sont effectuées sans aucune procédure judiciaire et sur la base d’informations tirées des migrants par menaces et maltraitance dans des lieux d’enfermement illégaux qui échappent à tout contrôle judiciaire. Les migrants sont filmés et photographiés avec prise des empreintes digitales sans leur gré et sans que personnes sache le sort réservé à ces données personnelles ». du rapport de l’AMDH, Nador « Rapport Migration et Asile à Nador : De Graves Violations Au Service Des Politiques Migratoires Europeennes Année 2019»,

[10] Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)

[11] PNPM « État des lieux de l’accès aux services pour les personnes migrantes au Maroc, 2018 », PNPM, juin 2019.

[12] L’Organisation Internationale pour les Migrations « Migration internationale, santé et droits de l’Homme », OMS, HCNUDH, OIM, Rapport 2013.

[13] La couverture médicale de base au Maroc est régie par la loi n° 65-00 portant code de la couverture médicale de base. Ce texte énonce dès son préambule l’engagement de l’État d’assurer la gratuité et la qualité́ des prestations de santé à toutes les couches sociales de la population avec égalité́ et équité et conforment aux conventions internationales. Elle prévoit aussi l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et le Régime d’Assistance Médicale (RAMED).

[14] Le Conseil Économique, Social et Environnemental « Rapport La protection sociale au Maroc Revue, bilan et renforcement des systèmes de sécurité et d’assistance sociales » – Auto-Saisine 34/2018- https://www.cese.ma/media/2020/10/Rapport-La-protection-sociale-au-Maroc.pdf

[15] L’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 dispose que « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ».

[16]  L’article 118 de la DUDH stipule que “l’accès à la justice est garanti à toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts protégés par la loi”.

[17] « Le droit à la justice ne semble pas respecté, a poursuivi Mme Poussi, en demandant ce qui est envisagé par l’État pour relever tous les défis s’y rapportant, y compris en cas de violence sexiste et sexuelle. Quelle est Elle a ensuite évoqué le transfert des migrants à l’intérieur du pays et dans des zones éloignées des villes après leur avoir confisqué leurs téléphones mobiles, ce qui les isole complètement », Dans le Compte rendu de séance du « Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants a examiné aujourd’hui le rapport périodique du Maroc sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille  », 28 mars 2023.

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