L’EXTENSION URBAINE AUX ALENTOURS DU LAC DE BIZERTE : QUEL ROLE POUR L’INDUSTRIE
Urban extension to the surroundings of bizerte lake: what role for industry
Prepared by the researcher : RIAHI Besma – Docteur en géographie humaine – URRégionalisation et développement régional et urbain – Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis
Democratic Arab Center
Journal of Urban and Territorial Planning : Eighth Issue – June 2021
A Periodical International Journal published by the “Democratic Arab Center” Germany – Berlin.
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Résumé
L’intensification de la mobilité des investissements internationaux,induite par la mondialisation, profite essentiellement aux sites accessibles, compétitifs et efficaces à l’échelle mondiale.En Tunisie, suite à l’accord tuniso-européen (1995), les investissements industriels étrangers, ont commencé à se déployer au sein des villes orientales riveraines de la Méditerranée où se concentrent la population, les infrastructures, les équipements structurants et les activités urbaines. A ce titre, relativement bien dotées en facteurs de production, les villes du lac de Bizerte, au nord-est tunisien, ont réussi à concentrer plus que la moitiéde la population et des entreprises industriellesdu gouvernorat de Bizerte. Le présent travail vise à étudier la dynamique urbaine des villes du lac de Bizerte tout en identifiant les contributions respectivesde l’industrialisation.Pour appréhender cette dynamiquenous avons eu recours à une étude “diachronique” à l’échelle de 60 ans à travers la mise en place d’une base de donnéessous ArcViewexplorant l’évolution de la tâche urbaine-industrielle aux alentours du lac de Bizerte depuis la fin de la période coloniale (1955-2015).
Abstract
The increased degree of the international investments mobility induced by globalization, mainly benefitsfromthe accessible, competitive and efficient sites on a global scale.In Tunisia, following the Tunisian-European agreement (1995), foreign industrial investments started to be deployed in the eastern cities bordering the Mediterranean, where the population, infrastructures, structural equipment and urban activities are concentrated. As such, relatively well endowed with factors of production, the towns of Bizerte Lake, in northeastern Tunisia, have managed to concentrate more than half of the population and industrial companies of the governorate of Bizerte.This work aims to study the urban dynamics of the townss of Bizerte Lake while identifying the respective contributions of industrialization. To understand this dynamic, we used a diachronic study on a 60-year scale through the establishment of a database under ArcView detecting the evolution of the urban-industrial task around Lake Bizerte since the end of the colonial period (1955-2015).
- Introduction
Depuis le début de la période coloniale,versla fin du XIXème siècle, l’aménagement, la production et le développement de l’espace urbain aux alentours du lac de Bizerte,reflètentles dynamiques politiques et économiques locales et internationale. Dès1890, les rives du lac ont bénéficié d’équipements portuaires et industriels militaires et civils réalisés par le colons français, que l’État indépendant a reconverti, restructuré, réaménagé et consolidé à travers une planification socialiste-dirigiste durant les années 1960. Néanmoins, c’est l’ouverture à l’économie mondiale dès les années 1970et la mise en mobilité des investissements industriels dans le cadre de la mondialisation,quiont permis la diffusion et l’agglomération desentreprises industrielles au sein des villes du lac de Bizerte. Dès l’accord de 1995,portant la création d’une Zone de Libre-Echange avec l’UE, jusqu’en 2015, les industries du lac de Bizerte sont pour 57% étrangères et pour 68% totalement exportatrices. Cette situation s’expliquepar l’effet conjugué de la politique nationale et des atouts du lac de Bizerte.En fait, la politique d’aménagement vise à travers une planification sélective à promouvoir la façade littorale urbaine la plus capable à concrétiser l’enjeu d’attractivité et de compétitivité. Dans ce contexte,le lac de Bizerteprésenteun fait urbain très ancien, une accessibilité nationale et internationale (le port de Bizerte-Menzel Bourguiba, autoroute vers la capitale…), une attractivité (concentration urbaine-industrielle)et des terrains aménagés pour l’usage industriel (des zones industrielles, une zone franche etun pôle de compétitivité). De ce fait, il en a résulté une extension urbaine aux dépens des périphéries rurales.L’objectif de cette rechercheest de mesurer l’extension des villes du lac de Bizerte par rapport à l’évolution de la population pour la période 1955-1985-2015pourdétecter s’il s’agitd’un étalement urbain, et d’estimer l’apport des industries dans ce processus.
Dans un premier temps, nous présenterons les différents acteurs et politiques intervenant dans l’évolution de la configuration urbaine-industrielle des rives du lac de Bizerte depuis la période coloniale. Dans un deuxième temps, il sera question d’examiner l’évolution de l’espace urbain des rives du lac de Bizerte depuis le milieu des années 1950 et d’exposer les rythmes de la croissance de la population d’une part et de la surface urbaine bâtie autour du lac de Bizerte d’une autre part ainsi que les conséquences qui en découlent. Pour enfin examiner la responsabilité de l’industrie dans le processus évolutif de la tâche urbaine bâtie autour du lac de Bizerte.
II.Zone d’étude et données utilisées
- Les rives du lac de Bizerte: de petites villes à une agglomération urbaine
Situé à une soixantaine de kilomètres au nord de la capitale tunisienne, le lac de Bizerte constitue l’un des plus anciens sites urbains et des plus admirables paysages du pays. Depuis le début du XXème siècle, ses berges abritaient déjà quatre villes à savoir Bizerte au nord, Menzel Jemil et Menzel Abderrahmen à l’est et Ferry ville (Menzel Bourguiba depuis l’indépendance) au sud-ouest et un petit village agricole celui de Tindja à trois Km à l’ouest de cette dernière. Actuellement, les rives du lac de Bizerte en devenir le “centre” urbain et industriel du gouvernorat de Bizerte et une agglomération urbaine selon le décret n’98-2092 de 28 Octobre 1998 nécessitant la promulgation d’un schéma directeur d’aménagement soit le Schéma Directeur d’Aménagement de l’Agglomération Urbaine Bizerte-Menzel Bourguiba.
Figure 1: Carte de localisation de la zone d’étude
Source:CRDA Bizerte, 2015 ;Travail cartographique personnel via ARC VIEW, 2015 et 2021
Jusqu’en 2014, les communes du lac de Bizerte accaparent: 69% (255421 habitants) de la population urbaine, 53% (157 entreprises) des unités industrielles (INS, 2014) et 67% de la tâche urbaine bâtie(CRDA Bizerte, 2014 ; RIAHI B., 2018).À cette fin, notre objectif est d’étudier la dynamique de la tâche urbaine totale et industrielle pour expliquer le développement spatial autour du lac de Bizerte.
- Donnéesutilisées
Pour accomplir nos tâches, nous nous sommes dotés de multiples outils. D’abord, nous nous sommes référés à une bibliographie sélective autour du phénomène de l’extension urbaine au niveau international et national, au recensement général de la population de l’INS de 2014, à une documentation officielle auprès du CRDA, l’AFI, et l’APIet à plusieurs visites sur le terrain.La quantification de la tâche urbaine bâtie consécutive au processus d’industrialisation nécessite une base de données sur l’occupation du sol. Étant donnée le manque de travaux illustrant l’occupation du sol dans notre région, nous avons mené un travail cartographique pour constituer une base de données précise sur la part des sols artificialisés par l’industrie dans la surface urbaine totale des rives du lac de Bizerte.Nous avons eu recours aux systèmes d’information géographique à travers ARC VIEW et ARC GIS, respectivement, pour cerner la tâche urbaine bâtie en 1955 et 1985 depuis des cartes topographiques géoréférencées (la carte topographique 1/50000 de 1955 et la carte topographique 1/250000 de 1985) et pour convertir l’extension kML de nos polygones (tâche urbaine bâtie totale et tâche industrielle), crées depuis des photos aériennes de 2015 fournies par Google Earth Pro, en Shapefile.Les fonctions d’analyse spatiale d’ARC VIEW à savoir les calculs des superficies des polygones ainsi que leur quantification, nous ont fourni une base de données numériques et graphiques portant sur la dynamique de la tâche urbaine et industrielle autour du lac de Bizerte en 1955, 1985 et 2015. À partir de notre base de données sur la croissance de la tache urbaine bâtie ainsi que celle artificialisée par l’industrie, et afin d’étudier le lien entre les deux processus de 1955 jusqu’à 2015, nous avons mené un test statistique afin de vérifier l’hypothèse de l’existence d’une corrélation positive reliant l’extension de l’espace industriel à celle de la tache urbaine bâtie totale du lac de Bizerte.La formule du coefficient de corrélation de Bravais-Pearson s’écrit comme suit:
Néanmoins, la première partie de notre travail sera consacrée pour faire un état des lieux du processus d’artificialisation des rives du lac de Bizerte dès le début de la colonisation pour déceler le rôle du colons Français dans la structuration et la dynamique postérieure de notre zone d’étude.
III. Résultats et discussions
- Mutations urbaines et industrielles des villes du lac de Bizerte depuis la période coloniale (la fin du XIXème siècle)
À l’arrivée du colons français, le lac de Bizerte, abrite déjà la ville de Bizerte du côté nord et les villes de Menzel Abderrahmen et de Menzel Jemil du côté est. Quant aux berges de l’ouest et du sud-ouest, elles ont connu leur essor urbain spectaculaire juste au lendemain du protectorat français (dès1887) avec la fondation de Tindja et de Ferry ville suite à la construction de l’arsenal maritime de Sidi Abdallah. En effet, la croissance démographique et spatiale et la diversification économique de cette rive, sont dues principalement aux installations militaires et civiles réalisées pendant l’occupation française. Plus tard, après l’indépendance, et particulièrement dans le contexte de la mondialisation, les autorités tunisiennes ont donné un sérieux départ aux activités urbaines-industrielles des villes littorales et par extension la préservationet le renforcement deleur prééminence,à l’instar des villes du lac de Bizerte.
- La période coloniale: rôle primordial dans l’extension de la tâche urbaine bâtie du lac de Bizerte
Grâce à leurs atouts géographiques, climatiques et paysagers, les rives du lac de Bizerte ont passionné les Français (Venier P, 1905) quand ils y parviennent à la fin du XIXème siècle. Le site du lac de Bizerte jouit d’une tradition urbaine ancienne grâce à sa situation méditerranéenne stratégique. La ville de Bizerte, située au nord du lac, “est fondée peut-être avant Carthage” (C. El Briga et H. Dlala, 1991), dont le noyau actuel remonte aux Mouradites (Ben Jalloul M, 1999). Quant aux villes de Menzel Abderrahmen et Menzel Jemil, elles sont respectivement fondées par les Omeyyades au 8ème siècle et par les Andalous au 14ème siècles (Violard E, 1906). Toutefois, Bizerte, la principale ville du lac, dont la population ne dépasse pas les 5000, s’ouvre au sud vers un “territoire” marécageux l’empêchant de s’étaler, ce qui lui confère l’aspect “d’une Venise Africaine” entre mer, lac et étang. Son port quant à lui, souffre de l’ensablement ce qui réduisait la profondeur d’eau et gênait l’accès à la ville par les navires. En plus, la communication de la ville avec ses environs (les deux villes de l’est) demeurait faible faute d’infrastructure. À ce titre, dès 1888, les autorités coloniales ont mené un certain nombre de travaux de construction, de réaménagement et de restauration qui ont changé la donne locale et accéléré la croissance démographique autour du lac.La planification des actions nécessaires pour “corriger” les lacunes observées, puis leur mise en œuvre étaient “juste à temps”. Les acteurs concernés (politiques, administratifs, ingénieurs, architectes…) se sont engagés dans plusieurs projets en parallèle pour une même finalité, celle de restructurer la région afin qu’elle devienne accessible, sécurisée (casernes) et attractive, et ce, à travers de multiples objectifs à concrétiser le plus tôt possible: militariser, équiper et peupler les rives du lac de Bizerte. Dans ce contexte, entre 1888 et 1909, la morphologie socio-architecturale du lac de Bizerte, hormis la rive orientale, a totalement changée. Au nord, une nouvelle ville en damier ressemblant à “un gros bourg de Provence”(Violard E, 1906) et un port de commerce, ont été déjà édifiés au détriment des terres marécageuses, il en a résulté une flexibilité et une meilleure connectivité locale et internationale. Ce processus était le résultat de grands travaux de remblai suite aux travaux de terrassement lors de l’élargissement et l’approfondissement du canal ouvrant vers la mer, permettent aux navires de gagner le port de commerce de Bizerte, l’arsenalde Sidi-Abdallah et le port militaire du sud-ouest. Sur cette rive, une nouvelle création presque ex nihilo, celle de la ville de “Ferry”, qui a été édifiée dans un isthme, entre le lac de Bizerte et le lac Ichkeul. Étant parsemé par quelques gourbis à la veille du protectorat français,ce site a vu la naissance d’une nouvelle identité territorialefrancaise-europenne et militaire-civile, bouleversant le panorama paysager du site et lui donnant une configuration irréversible.Entre 1898 et 1903, Ferry Ville acquiert un arsenal, un port militaire, quelques unités industrielles et de réparation navale, des services (écoles, hôpital, souk…) et “une banlieue” au nord, semi urbaine semi rurale, Tindja. Vers 1903, cette rive comptait environ 4000 habitants, dont 76% Européens essentiellement Français(Violard E, 1906). En effet, ces mutations spectaculaires n’étaient pas sans conséquences sur la croissance de la tâche urbaine qui a évolué au nord et au sud-ouest du lac. Pour autant, la rive orientale était “indifférente” à la dynamique voisine et continuait son rythme local antérieur où la vocation rurale était prépondérante.En outre, l’urbanisation du lac de Bizerte ne s’est confirmée que plus tard après l’indépendance “grâce” à la mondialisation des investissements industriels, devenus plus mobiles dans le cadre de la nouvelle division du travail. En fait, cette conjoncture a donné une impulsion à l’industrialisation des pays du Tiers-mondecomme la Tunisie, qui, en l’occurrence, a réussi à attirer plusieurs investissements directs étrangers, en quête des coûts du travail plus bas, et à industrialiser ainsi ses villes littorales.
- L’ouverture économique : le début du déploiement industriel dans les villes du lac de Bizerte
Après avoir abandonné la politique dirigiste des années 1960 suite à d’énormes difficultés, les autorités tunisiennes se sont orientées vers une politique de libéralisation et d’ouverture sur l’économie mondiale dès les années 1970. En effet, ce nouveau contextemondial opte pourune ouverture voire intégrationdes économies nationales dans le marché international, ce qui se traduit par une interdépendance et une concurrence entre les pays. Pour la Tunisie, à l’aune des exigences de la mondialisation, elle doit promouvoir la compétitivité de son territoire à travers des ajustements “urgents” en matière de gestion de son système spatio-économique.En fait, l’enjeu de justice territoriale du premier schéma d’aménagement de 1985, est mis à part en faveur de nouvelles orientations du schéma directeur d’aménagement du territoire que l’élaboration a débuté depuis 1995.Entre sa première version de 1997 et sa version finalediffusée en 2007, les objectifs du SDATN ont connu plusieurs rectifications pour “protéger” l’enjeu de l’équilibre régional contre le mouvement international de métropolisation,qui profite aux sites les plus accessibles, compétitifs et efficaces.Toutefois, les modifications n’ont concerné que les”paradigmes” utilisés et « n’ont été qu’un leurre destiné à réduire les oppositions » (Ben Jalloul M, 2017),étant donné que la finalité principale des autorités demeurel’accélération du processus demétropolisation en faveur des grandesvilles littorales, favorables à une concentration démo-fonctionnelle. En effet, la concentration de la population, de l’emploi, des agréments et des équipements structurants au sein des villes littorales favorise le processus de métropolisation.Les métropoles accumulent des externalités positives issus de leurs économies de localisation et d’urbanisation et ont, de ce fait, les meilleures chances de réussir dans la concurrence internationale.En Tunisie, en parfaite harmonie avec cette réalité éco-politique internationale, tout un panorama de projets en matière d’aménagement fut promulgué pour concrétiser une politique économique sélective.Celle-ci favorise les centres urbains littoraux en vue de les doter de facteurs de productions et les rendre ainsi plus denses sur le plan économique et démographiqueet, bien évidemment, plus efficaces et plus compétitifs. De ce fait,la localisation de la population ainsi que des activités urbaines tentait à se concentrer et s’agglomérer dans un triangle compétitif incluant le Nord-Est et représentant l’interface du pays à la mondialisation (Dlala H, 2010).Cette nouvelle réalité a engendré l’abandon, généralement implicite mais unanime, de l’enjeu classique d’égalité territoriale devenant non rentable en faveur de la création de métropoles puissantes et influentes à l’échelle régionale, nationale, voire internationale.Dans ce contexte, l’industrialisation dans les villes du lac de Bizerte, a enregistré un essor remarquable grâce à une planification industrielle nationale préconisant l’aménagement d’une zone Franche, de plusieurs zones industrielles et d’un pôle de compétitivité, suite à un arsenal de lois et de procédures.Les mesures prises en 1973 et 1995 jusqu’en 2008, influençaient sans doute la courbe de la croissance industrielle nationale et locale au sein des villes du lac de Bizerte. Une Agence Foncière Industrielle (AFI) qui assurait depuis 1973 l’aménagement des terrains conçus pour l’industrie etun accord d’association avec l’Union Européenne en 1995, entré en vigueur dès 1998 sous forme de démantèlement tarifaire progressif étalé jusqu’en 2008. Depuis, on a assisté à un déploiement spectaculaire des industriesau sein de zones aménagées autour du lac, profitant de la proximité du port de Bizerte-Menzel Bourguiba, des principales routes de la région et de l’autoroute vers la capitale. Vu leurs superficies importantes, le rôle de ces structures de localisation est primordial dans l’explication du phénomène de l’extension urbaine des villes du lac de Bizerte.
- La dynamique urbaine- industrielle aux alentours du lac de Bizerte induit
unétalement urbain
On parle d’un étalement urbain lorsque l’extension urbaine se déroule avec un rythme plus accéléré que celui de la croissance démographique. Plus le décalage est important entre le développement des deux processus, plus l’artificialisation du soltendra vers une “dilatation” excessive de la tâche urbaine bâtie.En fait, l’étalement urbain c’est la croissance de la part de chaque habitant dans la tâche bâtie totale soit un “gaspillage foncier”qui ne sera pas sans conséquences sur la gouvernance des réserves foncières.
- L’espace urbain des villes du lac de Bizerte entre 1955 et 2015 : état des lieux rétrospectifet prospectif
Depuis la moitié des années 1950 jusqu’en 2015, les tâches urbaines des rives septentrionale et orientale d’une part et de la rive ouest et au sud-ouest d’une autre part, vont se souder de part et d’autres du lac de Bizerte. Les villes du lac ont enregistré plusieurs extensions essentiellement sur les rives septentrionale et orientale (Bizerte, Menzel Abderrahmen et Menzel Jemil).
Figure 2: Évolution de la tache urbaine des villes du lac de Bizerte 1955-2015
Source : Travail cartographique personnel via ARC VIEW, 2015 et 2021
Dès la fin du 19ème siècle, les deux rives du nord et du sud-ouest du lac de Bizerte sont marquées par les premières extensions autour du port commercial de Bizerte et de l’arsenal de Sidi Abdallah de la nouvelle Ville celle de Ferry Ville. L’étalement de la tâche urbaine des deux rives du lac s’est déroulé surtout entre 1889 et 1910 en relation étroite avec les grands travaux d’aménagements: le port de Bizerte, l’arsenal, le canal, les casernes, les services de base, la nouvelle ville européenne, les écoles, le souk…On outre, la dilatation marquante des villes du lac de Bizerte s’opère au lendemain de l’indépendance, essentiellement dès les années 1980, dans le cadre d’une dynamique urbaine littorale nationale. Celle-ci, est due à l’articulation des processus de l’attractivité relativement plus importante au sein de la frange littorale et de l’ouverture du pays sur le marché international des investissements étrangers mobiles.
Figure 3: Évolution de la tâche urbaine du lac de Bizerte et de ses taux de croissance
Villes du lac de Bizerte | Tache urbaine 1955 (ha) | Tache urbaine 1985 (ha) | Tache urbaine 2015 (ha) | Taux de croissance 1955 – 1985 | Taux de croissance 1985 – 2015 |
Bizerte | 386 | 847 | 2584 | 2,65 | 3,79 |
Menzel Jemil | 23 | 117 | 457 | 5,57 | 4,65 |
Menzel Abderrahmen | 9 | 36 | 217 | 4,73 | 6,17 |
Menzel Bourguiba | 98 | 249 | 745 | 3,16 | 3,72 |
Tindja | 20 | 56 | 286 | 3,49 | 5,59 |
Total | 536 | 1305 | 4289 | 3,01 | 4,05 |
Source : Travail cartographique personnel via ARC VIEW, 2015 ;2021
En 1955, la tâche urbaine bâtie du lac de Bizerte s’étale sur 536 hectares, dont 72% à Bizerte,22% à Ferry Ville-Tindja et seulement 6% pour Menzel Jemil et Menzel Abderrahmen. La période coloniale a eu peu d’impact spatial sur la rive orientale, étant donné que la surface de ses villesne dépassait pas 32 hectaresà la fin de la période coloniale. Cette situation peut être expliquée par la morphologie socio-économique des deux villes orientales et de toute la région du “Sahel de Bizerte” représentant leur hinterland. Cette région, à l’arrivé des Français, était autonome et possède une personnalité architecturale bien locale, en fait, les Français n’ont pas beaucoup changé ce système uniforme à vocation rurale.
Figure 4: Évolution de la tâche urbaine du lac de Bizerte 1955-1985-2015
Source : Travail cartographique personnel via ARC VIEW, 2015 et 2021
Entre 1955 et 1985, la tâche urbaine bâtie du lac a plus que doublé pour passer à 1305 hectares soit un taux de croissance de 3.01%. En fait, cette période couvre la décennie dirigiste des années 1960, durant laquelle la région du lac a bénéficié de plusieurs grands projets industriels nationaux s’étalant sur des dizaines de hectares à Menzel Bourguiba (ex Ferry ville) et à la banlieue sud de Bizerte (Zarzouna).À partir de 1985, le décalage de la répartition de la surface urbaine entre les trois rives du lac de Bizerte se rendait relativement moins prégnant. On a dénombré 847 hectares à Bizerte, 305 hectares à Ferry Ville-Tindja dont 249 hectares à Ferry ville et 153 hectares pour l’est dont 117 hectares à Menzel Jemil. De 1985 jusqu’en 2015, la consommation d’espace a pris toute son ampleur autour du lac de Bizerte, en fait, la surface urbaine bâtie a triplé suite à une généralisation de l’extension urbaine à l’ensemble des villes du lac de Bizerte. Dès lors, c’est la rive orientale qui s’étalait selon le taux le plus élevé, soit 6.14% pour Menzel Abderrahmen et 4.65% pour Menzel Jemil. Cette situation résulte des choix politiques qui ont stimulé l’étalement de Menzel Jemil par ses industries au détriment des terres agricoles, suite au changement de leurs usages.
La ville de Menzel Jemil, a enregistré le taux de croissance le plus élevé entre 1955 et 1985 soit 5.57%, grâce à sa situation géographique privilégiée au milieu de la région orientale de Bizerte, où se concentre le fait urbain et économique. Selon les coefficients positifs de corrélation entre les indices locaux de MORAN, la concentration de l’emplois industriel au sein de la région du sahel de Bizerte, y compris la rive orientale du lac de Bizerte, constitue des forces d’agglomération positives soit une association locale significative, de type Haut-Haut signifiant que Menzel Jemil est une délégation à valeur élevée entourée de délégations (les délégations du sahel de Bizerte) à valeurs élevées (Riahi B, 2019). Quant à Menzel Abderrahmen, c’est à travers sa vocation résidentielle et tertiaire (complexe universitaire (foyers pour étudients et instituts supérieurs)) qu’elle croit spatialement puisqu’elle ne possède que 10 entreprises industrielles et une seule zone industrielle d’une superficie de 13 hectares. En fait, cette ville sert de relais pour la fonction universitaire de Bizerte privé des réserves foncières pour s’étaler.Pour la ville de Bizerte elle n’a enregistré qu’un taux de croissance de 2.65% en raison d’un processus concomitant de la hausse des prix fonciers provoquée par la manque de réserves foncières et d’une péri-urbanisation concernant les périphéries rurales orientale du lac de Bizerte où se juxtaposent agriculture et industrie.Ailleurs, au sein des autres rives, la situation diffère en quelques sorte.Au sud-ouest, la surface bâtie de Tindja s’est accrue d’un taux de 5,59% contre seulement 3,72 % pour Menzel Bourguiba. D’après notre enquête de 2015, 17% des employés de l’industrie Menzelienne, l’équivalent de 1118, habitent Tindja et font la navette pendulaire quotidiennement. Ce phénomène résulte d’un processus spontané de “suburbanisation” vers Tindja, surtout depuis les années 1990, qui ne considère ni les limites communales ni administratives officielles. De ce fait, Tindja (commune et délégation) est estimée comme étant une banlieue ou un grand quartier à la portée immédiate, vue la mobilité quotidienne locale qui consacre les modes doux non motorisés (marche et vélo) à faible coût. En 2012, 61% (d’un total de 9800 emplois) des déplacements quotidiens de la main d’œuvre industrielle de Menzel Bourguiba s’accomplissent à vélo et marche à pied (Riahi B, 2013).Personnellement, étant Menzelienne, je n’ai jamais senti des limites entre les deux villes, même maintenant en tant que géographe, en fait, les limites communales et administratives ne se concrétisent que sur les cartes. Cette relation étroite entre les deux villes a été renforcé par la morphologie en tâche d’huile de leurs tâches urbaines unifiées entre les deux lacs: le lac de Bizerte à l’est et celui d’Ichkeul à l’ouest.En outre, au niveau de la rive nord et est, une tâche à gant, mêlant trois communes et quatre délégations qui se soudaient sans cesse. L’étendue de la tâche urbaine de Bizerte jusqu’à l’Azib (au sud de Menzel Jemil) est de 3258 hectares et enregistrait les taux de croissance de population et des investissements industriels les plus élevés depuis le milieu des années 1990. Quant aux relations intra-lac, elles sont moins importantes entre les deux rives du sud et du nord-est, la mobilité quotidienne intrinsèque se déroule essentiellement au sein de chaque rive.Les solutions de ce problème sont concrétisées à travers le Schéma Directeur d’Aménagement de l’agglomération urbaine de Bizerte-Menzel Bourguiba (2013).De multiples actions sont projetées pour harmoniser le fonctionnement des villes du lac de Bizerte et promouvoir un développement spatio-économique tout en pariant sur la durabilité environnementale.Si dessous, on a représenté, d’une part, l’occupation actuelle des villes du lac de Bizerte en identifiant la tâche urbaine totale bâtie et celle à vocation industrielle qui englobe les zones industrielles et une nébuleuse industrielle au sein des quartiers et tout au long des routes principales. D’autre part, on a cartographié le scénario futur d’occupation du sol urbain autour du lac de Bizerte.
Figure 6: Bilan et prévisions de l’occupation du sol urbain du lac de Bizerte
Source : CRDA Bizerte, 2014 ; Travail cartographique personnel via ARC VIEW, 2021
Une autoroute vers la capitale, une zone franche, un pôle de compétitivité, des zones industrielles…sont des projets déjà accomplis. Des réserves foncières, des extensions au niveau du chemin de fer qui longera le lac de Bizerte, une plateforme logistique, un pôle tertiaire, de nouveaux centres urbains sur les berges sud du lac de Bizerte entre Menzel Bourguiba et Menzel Jemil…, sont les principales opérations projetées en faveur de la région du lac de Bizerte selon le rapport final du Schéma Directeur de l’Aménagement de l’Agglomération Urbaine de Bizerte-Menzel Bourguiba (2013).Ces projets viennent, pour combler les lacunes enregistrées au niveau du fonctionnement intra-lac et promouvoir une gouvernance en ce qui concerne la maitrise du développement de l’espace urbain en réduisant son “gaspillage”et répondant ainsi aux besoins en réserves foncières.
- Les rythmes de la croissance de la population et de la surface urbaine bâtie autour du lac de Bizerte entraînent un étalement urbain
L’évolution démo-spatiale des villes se manifeste par une croissance de leur population d’une part et par l’augmentation de leur superficie d’une autre part. En effet, le processus d’artificialisation du sol se traduit selon des rythmes engendrant des courbes bien différenciées. L’analyse de ce phénomène a bénéficié de plusieurs travaux qui traitent la même problématique mais selon différents indicateurs. En fait, étant donnée les multiples mutations morphologiques et fonctionnelles que connaissent les espaces urbains, le suivis de leurs évolution spatiale ainsi que la résolution des problèmes qui y sont associés, n’a pas une norme universelle. Les rythmes des transformations des systèmes urbains varient selon le cadre socio-économique, politique et historique des pays, ce qui engendre des réalités urbaines totalement différenciées. À l’échelon des villes, le rythme de l’évolution démographique està mettre en perspective avec celui de la tâche urbaine. Le processus d’étalement urbain ou d’expansion urbaine se traduit par une évolution de la tâche urbaine bâtie plus importante que celle de la population, dans une période bien déterminée. Impliquant une connotation négative, le terme “étalement urbain” est identifié en anglais par “urban sprawl” et en arabe par “zahf” ou par “tamaddod”.Le phénomène de l’étalement urbain résulte d’un bouquet de facteurs dont particulièrement le processus concomitant de la baisse des coûts de transport, de la transition du système d’habitat du collectif à l’individuel et de l’évolution des structures de localisation des industries qui tendent à se regrouper dans de vastes sites aménagés selon des normes esthétiques et fonctionnels (jardins, parkings, restaurants…). Ces éléments conduisent automatiquement à une surconsommation de l’espace qui se traduit généralement par un déficit foncier dont la solution est toujours au détriment des zones rurales et naturelles suite au changement de leurs usages. Dans ce contexte, le lac de Bizerte, enregistre depuis le milieu des années 1950 et jusqu’en 2015, une forte consommation de l’espace suite à une artificialisation du sol plus rapide que le taux de croissance de la population.
Figure 7: Taux de croissance démographique et spatial dans les villes du lac de Bizerte
1955-1985 ; 1985-2015
Variation tâche bâtie 1955-1985 | Variation population 1955-1985 | Rapport population tâche bâtie 1955-1985 | Variation tâche bâtie 1985-2015 | Variation population 1985-2015 | Rapport population tâche bâtie 1985-2015* | |
Bizerte | 2.65 | 3.16 | 1.19 | 3.44 | 1.38 | 0.40 |
Menzel Bourguiba-Tindja | 3.22 | 2.67 | 0.83 | 4.14 | 0.83 | 0.20 |
Menzel Jemil- Menzel Abderrahmen | 4.42 | 2.97 | 0.67 | 5.07 | 1.79 | 0.35 |
Total | 3.01 | 2.97 | 0.99 | 4.05 | 1.28 | 0.32 |
Source : Institut National de la Statistique, 2015 ; Travail cartographique personnel via ARC VIEW, 2015 et 2021, *Si la variation est supérieure à 1, nous avons une densification et si elle est inférieure à 1, nous avons un étalement.
La “dilatation” spatiale de la tâche urbaine autour du lac de Bizerte entre 1955 et 2015, a été largement plus rapide que la croissance de la population, de ce fait, les villes du lac de Bizerte ont dû faire face au processus d’étalement urbain.Néanmoins, la première période, marquée par l’indépendance, la politique économiquedéfaillante, la crise des années 1980, les taux de chômage spectaculaires et l’exode rurale vers les villes littorales, a enregistré une croissance spatiale témoignant d’une densification au niveau de l’agglomération de Bizerte-Menzel Bourguiba, particulièrement à Bizerte. En fait, Bizerte c’est la grande ville et le centre administratif et politique du gouvernorat de Bizerte, elle jouit d’une situation “meilleure” avec la variation supérieure de “1” qu’elle enregistre entre l’évolution de ses deux indicateurs (1.19%). La ville de Bizerte exerce une attractivité régionale surtout aux flux migratoires de la zone rurale occidentale du gouvernorat, essentiellement due à la variété de son tissu économique (tourisme, industrie et services).Par ailleurs, le décalage le plus important entre les deux rythmes est enregistré ultérieurement, entre 1985 et 2015, pour atteindre 2.77 %. Le résultat: un étalement urbain effectif sous forme d’une périurbanisation sur les terres agricoles périphérique, vu le rapport très faible entre la variation de la population et la variation de la tâche bâtie (0.32). En effet, c’est durant ces trois dernières décennies que l’espace urbain des rives du lac de Bizerte s’est développé au rythme de ses industries qui se déployaient en relation étroite avec l’ouverture du pays sur la mondialisation et l’attraction des investissements industriels étrangers. À Menzel Jemil-Menzel Abderrahmen et à Menzel Bourguiba-Tindja, le taux de croissance a atteint respectivement 5.07% et 4.14%.En parallèle,le taux de croissance de la population s’est ralenti de presque 50%. En effet, la ville de Menzel Bourguiba, selon la loi rang taille de Zipf, est censée croître de 26% de plus que sa population de 2015,our atteindre sa taille théorique correspondante à son rang en tant que deuxième ville régionale après la ville de Bizerte (Riahi B, 2018). Pour les villes de la rive orientale, elles sont moins consommatrices de l’espace que Menzel Bourguiba-Tindja, grâce à leur taux de croissance démographique le plus élevé au niveau du lac de Bizerte avec 1.79%, malgré qu’elles enregistrent le taux le plus élevé de la croissance de la tâche bâtie dont 46% sont artificialisés par l’industrie.
- L’industrie contribue à l’étalement des villes du lac de Bizerte
L’aménagement de structures d’accueil pour industries et services connexes mené par les autorités tunisiennes dans des sites fonctionnels, accessibles et compétitifs, s’affiche comme le principal outil pour faire émerger des clusters littoraux et excéder ainsi la connotation “classique” du processus de concentration. Cette orientation représentele points d’appui primordial au développement de la frange métropolitainelittorale etainsià la compétitivité du pays dans le marché mondial essentiellement Méditerranéen.Dans ce cadre, entre 1995 et 2015, les trois rives du lac de Bizerte ont profité de zones industrielles parsemées sur toutes les villes du lac de Bizerte, d’une zone franche s’étalant sur deux villes, Bizerte et Menzel Bourguiba et d’un pôle de compétitivité à Menzel Jemil.
Suite à la promulgation de la loi 92-81 du 7 août 1992 pour l’établissement et l’administration des zones franches en Tunisie, le PAEB (ex-zone franche) été créé par le décret n’2051 du 04 octobre 1993, portant création de la Zone Franche de Bizerte.
Photo 1:Parc d’Activités Economiques de Bizerte, site Menzel Bourguiba
Cliché : Riahi B., 2021
Le PAEB couvre 81 hectares répartis sur deux villes et sur trois sites, un site de 30 hectares à Bizerte et deux sites de 21 (photo n’1) et de 30 hectares à Menzel Bourguiba. Ce dernier site est l’extension la plus récente du PAEB au détriment des terrains humides de la sebkha dans la zone méridionale de Menzel Bourguiba, juste au nord de l’unité sidérurgique qui s’étendait sur environ 40 hectares.
Dans le contexte d’une politique nationale visant le développement des technopôles pour renforcer l’innovation à travers la recherche, le développement, la formation et la création, le pôle de compétitivité de Menzel Jemil a été édifié sur les rives méridionales du canal de Bizerte. En vertu de la loi 37-2006 du 12 juin 2006 et d’un arrêté ministériel du 9 juin 2006, l’accréditation a été accordée à la société du pôle de compétitivité de Bizerte en tant qu’institution privée du pôle technologique des industries agroalimentaires de Bizerte, et le 24 novembre 2006, une convention a été signée entre la société du pôle de compétitivité de Bizerte et l’État pour aménager, mettre en œuvre et exploiter le pôle de compétitivité de Menzel Jemil.
Photo 2:Pôle de compétitivité de Menzel Jemil
Cliché : Riahi B., 2020
Ce Technopôle s’étend sur 150 hectares dont 45 hectares pour une zone de production agroalimentaire se situant au nord de la ville de Menzel Jemil et 250 hectares au sud de Menzel Jemil, à l’Azib, à vocation multisectorielle.
Les rives du lac de Bizerte disposent de quatre zones industrielles d’une superficie totale de 64 hectares réparties sur quatre villes.
Photo 3: Zones industrielles dans la rive orientale du lac de Bizerte
Cliché : Riahi B., 2020
La plus grande zone industrielle appartient à Menzel Jemil, juste au nord de l’espace multisectoriel du pôle de competitivité, s’étalant sur 24 hectares. Les autres zones de Menzel Bourguiba, Menzel Abderrahmen et Tindja ont une superficie respectivement de 15, 13 et 12 hectares.Ces différentes zones industrielles, qu’il s’agisse de celles appartenant à la zone franche, au pôle de compétitivité ou les zones industrielles “indépendantes” dans les quartiers ou longeant les principales routes des villes du lac de Bizerte”, participent bien évidament à l’extension de la tâche urbaine du lac de Bizerte. En effet, l’étalement urbain au dépens des zones rurales-agricoles est une conséquence inéluctable,invitant à repenser la politique publique en ce qui concerne la maîtrise urbaine.Dans ce contexte, le Schéma Directeur d’Aménagement de l’Agglomération Urbaine Bizerte-Menzel Bourguiba (élaboré en 2013 par la direction générale de l’aménagement du territoire) recommande le maintien des équilibres environnementaux, vu les besoins fonciers d’habitat et du développement économique essentiellement industriel à court, à moyen et à long terme. “Il s’agira alors de limiter le développement urbain au détriment des zones agricoles et des espaces boisés ” (Rapport final du Schéma Directeur d’Aménagement de l’Agglomération Urbaine du lac de Bizerte, 2013).D’ici 2027, selon ce document, le déficit foncier des villes de Bizerte et Menzel Bourguiba atteindra respectivement -456 hectares et -14 hectares. Pour autant, les réserves foncières de la rive orientale sont respectivement de 123 et 71 hectares à Menzel Abderrahmen et Menzel Jemil, ce qui peut expliquer le choix du site du pôle de compétitivité édifié au sud de cette dernière.La comparaison de la consommation d’espace entre les industries de chaque ville peut s’appréhender de manière quantitative et cartographique. Pour ce faire on a réalisé un tableau et trois cartes illustrant l’occupation du sol urbain entre artificialisation industrielle et “non industrielle” pour chaque rive du lac de Bizerte.
1955 | 1985 | 2015 | ||||
Tâche urbaine totale | Tâche industrielle | Tâche urbaine totale | Tâche industrielle | Tâche urbaine totale | Tâche industrielle | |
Bizerte | 386 | 51 | 847 | 117 | 2584 | 149 |
Menzel Jemil | 23 | 0.1 | 117 | 0.05 | 457 | 210 |
Menzel Abderrahmen | 9 | / | 36 | 0.3 | 217 | 3 |
Menzel Bourguiba | 98 | 41 | 249 | 81 | 745 | 105 |
Tindja | 20 | 0.6 | 56 | 6 | 286 | 5 |
Total | 536 | 93 | 1305 | 204 | 4289 | 472 |
Figure 8: Évolution quantitative de l’occupation du sol urbain dans les rives du lac de Bizerte
Source : Travail cartographique personnel via ARC VIEW, 2015 et 2021
Figure 9 : Évolution cartographique de l’occupation du sol urbain dans les rives du lac de Bizerte 1955-2015
Source : Travail cartographique personnel via ARC VIEW, 2015 et 2021
En 1955, l’industrie occupe 17% de l’espace urbain total,soit 93 hectares dont99% se concentrent à Bizerte et Ferry Ville. La nouvelle ville, Ferry ville, se présente comme “la plus industrielle” (Dlala H, 1981),puisque 42% de sa tâche bâtie était consacrée à l’industrie contre 13% pour la ville de Bizerte. En fait, cette période a connu l’élaborationdes Perspectives décennales de développement (1962-1971) qui préconisent la création de « pôles de développement » basés essentiellement sur les industries sidérurgiques et chimiques.Dans ce contexte, Bizerte et Menzel Bourguiba ont bénéficié respectivement de l’implantation de la société tunisienne des industries de raffinage (STIR) sur 57 hectares et lasociété tunisienne de sidérurgie (El Fouladh) sur 40hectares. En effet, ces réalisations qui ont créé une atmosphère industrielles d’une part, et les avantages fiscaux de la nouvelle politique libérale d’une autre part,ont stimulé l’attractivité des deux villes auxinvestissements industriels privés.Jusqu’en 1985, la tâche industrielle du lac de Bizerte, dont 99% se concentre au nord et au sud-ouest, a doublé par rapport à celle de 1955.La rive orientale ne s’industrialise que plus tard, particulièrement, dès les années 1990.
En 2015, la tâche industrielle représente 472hectares, dont45% pour la rive orientale. En effet, en dépit du retard de l’industrialisation de cette rive par rapport au reste des villes du lac, elle a réussi à attirer 46 entreprises, jusqu’en 2015. Ces investissements se concentrent essentiellement dans la ville de Menzel Jemil, où l’industrie s’installe sur 46% de son espace suite à une expansion spatiale “gourmande” au détriment des zones à vocation “non-urbaine”suite au changement de vocation de terrains à usage immédiat (extension d’une usine ou d’un complexe universitaire, zone industrielle…) ou de terrains conservés à moyen et long termes (Périmètres d’Interventions Foncières et Périmètres de Réserves Foncières). Les villes Bizertines, ont “gagné ” 348 hectares au dépend des zones périphériques”non-urbaines”, dont 223 hectares pour les villes du lac de Bizerte, consacrés à 55% à l’industrie.
Pour déceler l’existence d’une relation entre l’extension de la tâche industrielle et le développement de l’espace urbain du lac de Bizerte ainsi que mesurer son intensité, nous avons eu recours au coefficient de corrélation simple de Pearson.D’après la figure si dessous (figure 10), où la tâche industrielle est représentée en abscisse (X) et l’espace urbain en ordonnée (Y), la forme du nuage de points indique une relation positive linéaire entre les deux variables. En fait, d’après la formulation du coefficient de corrélation que nous avons utilisé plus la valeur du coefficient “r” (en valeur absolue) est proche de +1 ou de -1, plus la relation est forte, respectivement, linéaire positive ou linéaire négative, et si cette valeur est égale à 0, il n’existe pas de relation entre les deux variables étudiées.
Figure 10 : Tâche industrielle et espace urbain total du lac de Bizerte
1955-1985-2015
Source : Travail cartographique personnel via ARC VIEW, 2015 et 2021
Pour évaluer la significativité de la relation linéaire entre l’extension de la tâche industrielle et le développement de l’espace urbain du lac de Bizerte nous avons testé le niveau de significativité de la corrélation en se référant à la table du coefficient de corrélation de Bravais-Pearson. Pour que la corrélation soit significative à un seuil donné, il faut que “r” soit >ou= à la valeur de la table de corrélation linéaire de Bravais Pearson. D’après nos résultats, “r ” est égale à 0.9956. À un degré de liberté de 1(selon le nombre d’observations n et de variables dépendantes v (v= n-p-1)), la valeur “r” calculée est supérieure à la valeur théorique au seuil de 90%, pour un risque alpha de 0.10. De ce fait, la corrélation est significative au seuil de 90%.En fait, c’est à travers “R2” qui représente le coefficient de détermination, qu’on peut révéler l’intensité de la liaison entre X et Y, autrement dit, savoir dans quelle mesure X explique la variance de Y en pourcentage.De ce fait, la tâche industrielle est responsable de 99% de la variance de l’espace urbain total du lac de Bizerteau seuil de 90% et pour un risque alpha de 10%.
- Conclusion
Les villes du lac de Bizerte se présentent comme un prototype de l’organisation et de l’évolution du système urbain-industriel littoral de la Tunisie.Notre travail et particulièrement notre base de données numériques et graphiques portant sur la dynamique de la tâche urbaine et industrielle autour du lac de Bizerte en 1955, 1985 et 2015 nous a révélé plusieurs résultats.Les politiques d’aménagement urbain et de développement économique coloniales puis nationales ont donné une impulsion à la croissance urbaine-industrielle aux alentours du lac de Bizerte.Le rôle du colons Français estconfirmé puisque toute une rive presque vide, celle du sud-ouest, fut urbanisée depuis la fin duXIXème siècle. Néanmoins, le rôle de la politiquenationale est primordial dans l’accélération de l’urbanisation aux alentours du lac de Bizerte. Depuis la décenniedirigiste des années 1960,les rives du lac de Bizerte étaient parmi les sites qui ont bénéficiés de la politique nationale “des pôles de développement”. Plus tard, particulièrement depuis le milieu des années 1990 suite à la promulgation de l’accord tunisien-européen,la Tunisies’est orientée vers l’ouverture aux investissements industriels étrangers “mobiles” en s’appuyant sur les atouts de ses villes littorales orientales, dont les villes du lac de Bizerte.L’évolution de la tâche urbaine riveraine du lac de Bizerte en l’espace de 60 ans est le résultat d’une planification urbaine nationale sélective en faveur des sites accessibles et relativement plus efficaces du pays où se concentrent les équipements structurants,les services, l’emploi et la population.Les rythmes de la croissance de la population et de la surface urbaine bâtie autour du lac de Bizerte entraînent un étalement urbain. Ce processus est une extension urbaine “mal maitrisée”au détriment des zones rurales. Sa cause principale étant de répondre aux nouveaux impératifs et enjeuxau niveau de la planification industrielle émanant de l’intégration de la Tunisie au marché international. De vastes zones fut aménagés aux alentours du lac de Bizerte pour recevoir les investissements industriels essentiellement étrangers. La corrélation entre l’évolution de l’artificialisation par les industries et l’extension des villes du lac de Bizerte est positive, significative et forte. Au sein de la rive orientale la tâche occupée par l’industrie se rapproche de la moitié de la tâche urbaine totale et évolue au rythme le plus accéléré.Au niveau du lac de Bizerte, la surface déjà artificialisée et les réserves foncières qui vont recevoir les projets futurs, ne cessent d’évoluer, engendrant un étalement urbain actuel qui sera renforcé à l’instar des prévisions du schéma directeur de l’aménagement de l’agglomération urbaine Bizerte-Menzel Bourguiba.
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LISTE DES ABREVIATIONS
UE : Union Européenne ;INS : Institut national de statistique ; CRDA : Commissariat Régional au Développement Agricole ;SDATN: Schéma Directeur d’Aménagement du Territoire National